Macron fustige le fantasme du « Kamasutra de l’ensauvagement »
En déplacement à Clermont-Ferrand sur le thème de l’égalité des chances, le président de la République a été rattrapé par les questions de sécurité.
Le terme d’ « ensauvagement » prononcé il y a quelques jours par son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a divisé la majorité: était-il bien approprié ? s’interroge-t-elle. Macron a entretenu la polémique parisienne dans la capitale auvergnate, où il était venu parler de l’égalité des chances. Passablement irritable depuis la rentrée – il s’en est pris publiquement au journaliste Georges Malbrunot (spécialiste du Moyen-Orient et du conflit israélo-palestinien et ancien otage pendant plusieurs mois de l’Armée islamique en Irak), auquel il reproche d’avoir informé le pays d’un entretien avec Mohammed Raad, le chef du bloc parlementaire du Hezbollah (organisation islamiste chiite basée au Liban) -, il s’est encore agacé sur la question venue court-circuiter la mécanique d’une visite présidentielle bien rodée, le chef de l’Etat a lancé : « Ce qui importe, ce sont les actes. On a trop discuté sur les mots. Le travail du gouvernement, c’est l’action : prévenir, arrêter, sanctionner, corriger. Il y a eu des sondages, des commentaires… Vous avez fait le Kamasutra de l’ensauvagement depuis quinze jours ! Demandez aux gens – « les petites gens », c’est nous: les « fainéants » et les « illettrés » – , ils n’en ont rien à faire, assure-t-il. Ils veulent qu’on règle leurs problèmes. »
Initialement, le président de la République s’était rendu en Auvergne, accompagné de trois ministres, Jean-Michel Blanquer (Education nationale), Frédérique Vidal (Enseignement supérieur) et Elisabeth Moreno (Egalité femmes-hommes, diversité et égalité des chances) pour promouvoir les dispositifs en faveur de « l’égalité des chances » des jeunes issus de milieux défavorisés. Après avoir rencontré des jeunes en formation sur le campus aéronautique Roger-Claustres de Clermont-Ferrand, Macron a visité le Hall 32, un ancien site industriel Michelin reconverti depuis l’an dernier en un centre rutilant de promotion des métiers de l’industrie, unique en France. Une initiative financée par un partenariat public-privé, ( 30 millions d’euros sur cinq ans apportés principalement par Michelin (13,8 M€), la Banque des Territoires (Groupe Caisse des Dépôts) dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir (9,4 M€), la Région Auvergne-Rhône-Alpes (3,2 M€) et Opcalia (1,3 M€). « formidable exemple de ce qu’il faut faire dans le pays ». C’est là qu’il a été pris d’une quinte de toux qui inquiète désormais son entourage.
Soutenir et valoriser l’apprentissage
« Face à la crise sanitaire et sociale et au chômage qui continue de monter, nous devons agir pour les 700.000 jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi dans ce contexte », a insisté l’ex-banquier, dégainant les 6,5 milliards d’euros d’investissements que le plan de relance a prévus pour la jeunesse, « pour qu’il n’y ait plus de jeunes sans solution, sans formation ».
Devant un parterre d’élus locaux sélectionnés ou obligés, dont le maire PS de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi, et le président LR de la région, Laurent Wauquiez, et en présence du numéro deux de Michelin, Macron a insisté sur la nécessité de valoriser l’apprentissage « trop souvent décrié dans notre pays ». D’ici à la fin 2021, 490.000 jeunes seront en apprentissage en France. Du jamais-vu », si la promesse est tenue, ce qui, en effet, serait du jamais vu. Des internats d’excellence – un par département – vont également ouvrir d’ici à deux ans (2022). Enfin, 200.000 jeunes seront accompagnés via le dispositif « Les cordées de la réussite », contre 80.000 aujourd’hui. Autant d’initiatives pour « lutter contre les inégalités sociales, mais aussi contre l’insécurité ». Pendant qu’on y est… Macron en campagne: qui peut en douter ?
« Je ne suis ni dans l’excuse ni dans la simplicité. Il faut traiter avec réalisme, force et détermination les problèmes de sécurité. Mais il faut en même temps traiter les causes, en traitant les problèmes de formation et en accédant à l’éducation. Lorsqu’on dédouble des classes de CP-CE1 pour donner plus de chance de réussir à 300.000 élèves, on fait de la vraie lutte contre l’insécurité ». Yapuka… Dans la salle, levée de sourcils. Un élu sourit : « On sent que les élections approchent. »
Après la passe d’armes entre Darmanin et Dupond-Moretti, Macron réclame le silence dans les rangs
Le locataire de l’Elysée, pour deux ans encore, a taxé de sémantique le récent conflit entre ses ministres : «les gens» n’en ont «rien à faire», a-t-il tranché, on l’a vu. «Nous, on est là pour régler leurs problèmes», a-t-il asséné. « Nous », non pas ensemble, mais en rangs dispersés…
« Mal nommer les choses, jugeait Camus, c’est ajouter au malheur du monde. Ne pas nommer les choses, c’est nier notre humanité. »
Alors que les ministres de l’Intérieur et de la Justice, Gérald Darmanin («Il faut stopper l’ensauvagement d’une partie de la société») et Eric Dupond-Moretti (jugeant que ce terme « développe le sentiment d’insécurité » ), se sont récemment affrontés sur des analyses divergentes de la société, Macron leur a repassé un savon. Une deuxième couche, car avant le coup de gueule de Macron, sur le sujet de l’insécurité, Castex avait déjà sèchement lancé un « Fermez le ban ! ».
En déplacement à Châteauroux, dans l’Indre, ce mardi, le premier ministre avait souhaité mettre un terme au débat lexical qui fait rage au gouvernement. .
« Sur le sujet grave de l’insécurité, la question ce n’est pas les mots que l’on emploie pour qualifier le phénomène, mais les actions que l’on met en place pour y faire face », avait commenté Jean Castex. Et de nier: « Il n’y a aucune polémique, le vrai sujet est bien celui de se mobiliser face à la montée des violences et de l’insécurité. »
Le mot « ensauvagement » de Darmanin face aux actes de violences date de juillet. Or, en septembre, le niveau de violences ne cesse de monter, atteignant la barbarie. Ce terme utilisé par l’extrême droite depuis 2013 et la parution du livre de Laurent Obertone, La France Orange mécanique (Ed. Ring, avril 2015?, nouvelle édition augmentée) a valu à Gérald Darmanin de vives critiques, excepté de la part de Marlène Schiappa qui estime qu’il est du rôle du ministre de l’Intérieur « d’avoir des mots forts ».
Macron est lui-même entré dans un cycle de violence verbale
Mardi soir lors d’une réception au Liban, Macron a fait une crise en public contre le journaliste du Figaro Georges Malbrunot, au sujet d’un article révélant un entretien du président français avec un élu du Hezbollah, organisation chiite suspecte de terrorisme, pour, dit-on, refonder le système politique libanais. Le journaliste s’est dit « surpris par la virulence de cette attaque » ad hominem, frontale et contre la liberté de la presse.
« Sentiment » de violence ?