Nul ne doit rompre l’obligation de neutralité dans un bureau de vote
Un amendement déposé par les élus MoDem, membres de la majorité présidentielle, à l’Assemblée, a été rejeté par l’Assemblée nationale. Il visait à interdire aux assesseurs le port de signes ostensibles dans les bureaux de vote.
Les jours de scrutin, les personnalités politiques ont l’habitude de poster sur les réseaux sociaux des photos d’eux en train de voter. C’est ce qu’avait fait le 20 juin dernier le candidat à la présidence de la région Ile-de-France Jordan Bardella. Le cliché avait déclenché un déferlement de tweets. Selon La Dépêche, « Jordan Bardella fait polémique en postant l’image d’une assesseure voilée dans son bureau de vote, » la laïcite sortant sans doute renforcée du prosélytisme de l’assesseure voilée manifestant son séparatisme politique dans un haut-lieu républicain, symbolique de la démocratie française.
Une assesseure, qui tenait la liste d’émargement, était voilée, comme par hasard dans le bureau de vote où étaient massés les photographes dans l’attente de l’arrivée de la tête de liste RN, Jordan Bardella. Une provocation politique dans la commune de Saint-Denis, gérée par le socialiste Mathieu Hanotin, lequel apporta son soutien au lancement du mouvement de Benoît Hamon, Génération.s, porteur de l’écriture inclusive et islamogauchiste.
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L’indignation est telle que le sujet est arrivé mardi soir dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. La nuit dernière, les députés étudiaient le Projet de loi relatif au Respect des principes de la République. Partenaires de la majorité présidentielle depuis le début du quinquennat, des élus MoDem ont déposé un amendement visant à interdire le port de signes religieux ostentatoires au sein des bureaux de vote. « Les maires et élus municipaux sont les premiers responsables du bon déroulement des opérations de vote. Comme représentant de l’Etat, ils doivent notamment veiller à la neutralité politique mais aussi religieuse des membres du bureau de vote », écrivent-ils dans l’exposé des motifs.
Seuls les présidents de bureau sont clairement tenus à la neutralité
Or, « si la loi prévoit déjà une telle neutralité pour les présidents de bureau de vote, ainsi que l’interdiction de toute manifestation d’ordre politique, elle doit également s’assurer que les assesseurs répondent également à cette exigence », écrivent-ils. Si le texte est à portée générale et ne vise pas une religion en particulier, les débats ont longtemps porté sur la présence provocante d’une assistante voilée pour le vote de Jordan Bardella à Saint-Denis. Pendant près d’une heure et demie.
Pour le MoDem, c’est le député François Pupponi (Groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés), fourre-tout de centre gauche, qui le premier a défendu le texte. Il a fait savoir notamment que lors d’un scrutin, les présidents de bureau, soumis à la neutralité religieuse, sont parfois amenés à s’absenter momentanément. Dans ce cas, des assesseurs sont parfois conduits à les remplacer. « Nous proposons que l’ensemble des membres d’un bureau de vote soient tenus à la neutralité, y compris religieuse », arguait-il en séance.
Côté gouvernement, chargée de défendre la position de l’exécutif, c’est la ministre Marlène Schiappa qui a envenimé les échanges. Elle s’est clairement opposée aux partenaires du MoDem. La ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté, a appelé à « ne pas alimenter une spirale de stigmatisation et de haine ». Car l’assesseur, dès lors qu’il remplace le président de bureau, est d’ores et déjà tenu de retirer tout signe ostensible pour officier à ce titre.
Et Marlène Schiappa d’interroger les élus de la nation. « Jordan Bardella a-t-il eu le sentiment d’être menacé ? », ou a-t-il « préféré lancer une polémique sur les réseaux sociaux ? ».
« Je suis scandalisée pour cette dame »
Il n’en fallait pas davantage pour que la droite, emmenée par Eric Ciotti, monte au créneau. Le député LR a dénoncé le contenu de l’ensemble du projet de loi, qui n’est qu’un « filet d’eau tiède » contre la menace terroriste, souligne-t-il. « Notre pays subit depuis de trop nombreuses années le terrorisme islamiste, ovserve-t-il. Il a été annoncé à la suite d’événements tragiques qui ont endeuillé notre pays et ces événements sont la conséquence d’une montée lente mais constante du communautarisme islamiste. Et au bout de ce communautarisme, il y a la dérive la plus ultime qui est le terrorisme. Si on ne traite pas le mal à la racine. Si on ne s’attaque pas à ses symboles de conquête, on ne combattra pas le mal ultime. »
Puis Eric Ciotti pointe la somme des dénis assumés par la macronie. « Vous refusez de vous attaquer aux vrais problèmes. Il n’y a pas de problème de voile à l’école pour les accompagnants scolaires, il n’y a pas de problème de prosélytisme dans les piscines comme c’est le cas à Grenoble, il n’y a pas de problème dans les bureaux de vote. Circulez il n’y a rien à voir. On ne change rien, on ne bouge rien et on se donne rendez-vous à la prochaine attaque terroriste. »
Un bilan qui a piqué au vif Marlène Schiappa : « Quand je vous entends monsieur Ciotti, faire un parallèle entre cette dame qui s’est levée tôt [!] pour aller être assesseure bénévolement et un acte terroriste et la comparer à des assassins, je suis scandalisée pour cette dame. Moi je voudrais rendre hommage à cette dame et on devrait avoir plus de bénévoles qui se lèvent, quel que soit ce qu’ils ont ou pas sur la tête [bonnet d’âne pour la libre-penseuse], pour venir tenir les bureaux de vote. Peut-être qu’avec plus de dames comme elle et moins de gens comme vous [sic], la démocratie s’en porterait mieux. »
Ces débats et les mots tenus notamment par les députés LR ont choqué la députée socialiste de Paris Lamia El Aaraje. « Vous me donnez envie de vomir », a-t-elle lancé avant de dénoncer une vision de la république « qui oppose et qui stigmatise ».
Le vice-président MoDem de l’Assemblée, Sylvain Waserman, a bien tenté de mettre tout le monde d’accord en déclarant qu’il « n’y a pas de corrélation entre la tenue d’un assesseur en France et le terrorisme » mais que « le bureau de vote doit être un lieu de neutralité complète ». Brahim Hammouche, du MoDem également, a quant à lui appelé ses collègues à réfléchir à la question suivante : « Avoir une femme voilée dans un bureau de vote, est-ce un recul, un échec de la république, ou une victoire de la république » ? L’amendement a finalement été rejeté par un vote à main levée.
A Vitry-sur-Seine, « une agression verbale choquante »
Rachida Kabbouri, conseillère municipale de Vitry-sur-Seine, PCF depuis 1944, est revenue sur les insultes dont elle a été victime en raison de son port du voile alors qu’elle était assesseure.
Rachida Kabbouri, conseillère municipale de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), a été la cible d’injures lors des élections départementales alors qu’elle présidait un bureau de vote dimanche tout en portant le voile.
Lors du premier tour des élections départementales et régionales à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne, perdu par le PCF, le 27 juin 2021), Rachida Kabbouri, conseillère municipale (EELV), présidait un bureau de vote. Elle a été la cible d’injures en raison de son port du voile. Elle a évoqué les faits au cours du dernier conseil municipal de la ville, lundi dernier.