Le beau-père de sa fille était aussi du voyage d’inspection, apprend-on
Le voyage de la maire Hidalgo, en grand équipage, n’a pas contrevenu aux règles, assure la Commission de déontologie de la Ville de Paris nommée par Anne Hidalgo, alors que la polémique enfle sur son séjour de trois semaines en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie – avec son équipe de cinq collaborateurs et son actuel mari, Jean-Marc Germain. Dans un avis, libre et indépendant, rendu dans la soirée du jeudi 9 novembre, la Commission blanchit les grands voyageurs producteurs de CO2. Ses accompagnateurs ont-ils rendu un rapport d’activité complémentaire de la visite de Tony Estanguet, deux mois plus tôt? Fait-il apparaître des manques dans celui du président du comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024, et de ses
Alors que la polémique enfle sur le séjour en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française d’Anne Hidalgo et de son équipe, la Commission de déontologie de la Ville de Paris estime dans un avis, rendu dans la soirée du jeudi 9 novembre, que le voyage de l’édile n’a pas contrevenu aux règles.
La visite privée d’Anne Hidalgo aux antipodes ne pose aucun problème aux yeux de la Commission de déontologie de la Ville de Paris (CDVP). Saisie par l’élue, elle lui a remis son avis dans la soirée du jeudi 9 novembre. En cause, la visite privée effectuée par Anne Hidalgo à l’occasion de son déplacement en Polynésie française du 16 octobre au 5 novembre et en Nouvelle-Calédonie, huit jours de plus. En compagnie de son mari Jean-Marc Germain, l’élue s’est rendue auprès de sa fille – dont on dit qu’elle est en froid avec sa mère – et de son gendre, récemment muté sur une île située à 45 minutes de Papeete, comme l’a révélé Le Parisien. Une visite privée qui a fait scandale dans les rangs de l’opposition et de certains media. Rien à signaler pourtant du point de vue de la CDVP, l’édile ayant pris en charge ses frais l’aller/retour vers l’île du sud, puis son vol pour Paris, assure-t-elle, sans qu’on sache si elle a régularisé sa situation sous la contrainte, quand sa mauvaise manière a été rendue publique.
Adoption du code de déontologie : une première en France
Anne Hidalgo a fait de la déontologie et de la transparence de la vie publique un acte fort de sa première année de mandature. Le Conseil de Paris a adopté, en octobre dernier, un code déontologique qui se fonde sur cinq valeurs essentielles : l’intérêt public, la probité, l’impartialité, l’indépendance et l’exemplarité.
Paris est la première collectivité de France à avoir adopté un tel code. Une démarche volontariste, saluée par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP), qui s’était même dite à l’automne « favorable à ce que la pratique de tels codes se développe dans l’ensemble des collectivités publiques ». Même si il doit être malmené : il est fait pour être contourné réglementairement ?
La composition de cette respectable commission de déontologie est la suivante :
Pour veiller à l’application de ce code, Anne Hidalgo a souhaité mettre en place une commission de déontologie, composée de personnalités à l’indépendance et aux parcours indiscutables : un professeur des Universités, trois membres des juridictions administrative, judiciaire et financière, et un membre de la société civile compétent en matière de déontologie.
Anne Hidalgo a nommé officiellement les membres de la commission de déontologie qui veillera, en toute indépendance, à l’application du code de déontologie du Conseil de Paris. Elle étudiera notamment leurs déclarations d’intérêt et de patrimoine.
- Yves Charpenel, 72 ans, premier avocat général près la Cour de Cassation, qui exercera la présidence de la commission (également auteur spécialisé : Rapport mondial sur l’exploitation sexuelle: la prostitution au coeur du crime organisé) ;
- Jean-Pierre Bayle, 76 ans, ex-sénateur socialiste, président de chambre à la Cour des Comptes ;
- Suzanne Von Coester, directrice des affaires juridiques de l’AP-HP, maître des requêtes au Conseil d’Etat ;
- Pascal Beauvais, professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre, agrégé de droit privé et sciences criminelles et directeur de l’Institut d’études judiciaires de la Sorbonne (foyer du wokisme) et membre du Conseil national des Universités ;
- Roselyne Bachelot, 76 ans, ancienne ministre et membre de la Commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin.
Voilà qui va réconcilier les Parisiens avec la magistrature… A nouveau, on note de surcroît l’implication d’une comique et chroniqueuse de presse, mais aussi du Conseil d’Etat !
« Tout semble converger vers un voyage alibi », dénonçait David Alphand, élu municipal d’opposition (LR)
Cet élu municipal d’opposition (LR) était déjà fort remonté en attendant, sans illusions, l’avis de la commission de déontologie de la Ville pour savoir si des poursuites pénales pour détournement de fonds publics pourraient être lancées.
Le fait qu’Anne Hidalgo n’a pas visité le site de surf à Teahupo’o, prétextant un report à cause de tensions sociales, connues de longue date, est aussi un des points qui interroge sur la légitimité d’un tel déplacement, qui a coûté presque 60.000 euros à la Ville, et interpelle sur l’objectivité et la complaisance de la Commission.
« La question centrale est celle d’un potentiel détournement de fonds publics pour ce voyage en Polynésie, de savoir si madame Hidalgo a été en dehors des clous, gronde David Alphand, vice-président délégué du groupe d’opposition Changer Paris et conseiller LR du 16e arrondissement. « On va de révélation en révélation. Tous les soirs, comme dans Les 1.001 et nuits, il y a une nouvelle petite histoire. On attend d’avoir épuisé le stock pour agir en conséquence ».
Loin d’éteindre l’incendie provoqué par le déplacement en Nouvelle-Calédonie et à Tahiti d’une délégation de six personnes, dont Anne Hidalgo et ses deux adjoints aux Sports et aux Outre-mer, Pierre Rabadan et Jacques Martial, le communiqué de la Ville sorti hier soir semble même avoir soufflé sur des cendres toujours brûlantes. Que faisait Jean-Marc Germain là-bas ? Il est chargé de mission à… l’Insee ! Bercy lui a-t-il accordé un ordre de mission ?
« Il n’y a pas de problèmes particuliers, souffle Pierre Rabadan, agacé par la publicité faite à ce voyage dans le Pacifique sud, et interrogé ce mardi par 20 Minutes. Il existe beaucoup de déplacements de ce type qu’on ne nous demande pas de justifier. Mais à chaque fois que c’est le cas, nous les justifions. Ici, c’est juste une manipulation politique. Certains s’en font l’écho pour créer la polémique. Mais c’est la société actuelle, on part de pas grand-chose, où tout a été fait dans les règles, et on en fait une polémique ». Pourtant, certains points font débat, notamment sa visite, finalement reportée et annulée, sur le site de Teahupo’o où se dérouleront les épreuves de surf lors des JO-2024. Pris la main dans le pot de crème solaire, veut-il dire que « beaucoup de déplacements de ce type » mériteraient une justification et feraient polémique ?
Manque de transparence : quand c’est flou, il y a un loup ?
Si dans le communiqué publié hier soir, la mairie de Paris détaille longuement le contenu des journées sur place, et donne des précisions sur le coût total du voyage, se pose toujours la question de la transparence : pourquoi Anne Hidalgo n’avait-elle pas avisé officiellement les Parisiens, en amont, sur un tel voyage, ni posté un seul tweet durant les six jours en Nouvelle-Calédonie et à Tahiti, elle qui use régulièrement de ce réseau social pour sa communication ?
« Le communiqué fait les fonds de tiroir et essaie de replâtrer ce qui peut être replâtré concernant le storytelling de son déplacement. Mais en réalité, il ne répond pas du tout aux questions de fond : la principale est de savoir s’il y a eu détournement des moyens et de l’argent de la ville de Paris », souligne David Alphand, conseiller municipal de l’opposition, en rappelant qu’il n’y a « aucune transparence sur l’agenda de la maire de Paris ».
L’Andalouse recherche les pays chauds… Anne Hidalgo, accompagnée de ses deux adjoints, et de trois collaborateurs (mais pas que ! ) aurait travaillé selon le communiqué publié lundi, sur trois dossiers : « la Nuit blanche, manifestation culturelle qui sera placée en 2024 « sous le symbole des Outre-mer » ; « l’urgence climatique », Anne Hidalgo « ayant proposé aux maires de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie de se joindre à la délégation de l’Association internationale des Maires Francophones (AIMF), qu’elle conduira en tant que présidente lors de la COP28 à Dubaï » (du 30 novembre 2023 au 12 décembre 2023) ; et les Jeux olympiques, dont l’épreuve de surf doit se tenir sur le site de Teahupo’o à Tahiti ». La mairie de Paris ne l’aura pas vue beaucoup en novembre…
Mission visite du site de surf dans le lagon de Teahupo’o, non effectuée
Nouveau hic sur ce dernier point : Anne Hidalgo n’a finalement pas visité le site de surf. La raison ? Un report de dernière minute du 21 au 22 octobre de ce déplacement, pour cause de fronde sociale forte sur le site, d’après Pierre Rabadan. A Tahiti, la colère gronde depuis plusieurs semaines à propos de la construction d’une tour en aluminium de 14 mètres de haut dans le lagon de Teahupo’o. Elle doit accueillir juges et media lors des épreuves de surf en juillet 2024 mais menace selon les citoyens – écologistes ou non – mobilisés depuis début octobre, la faune et la flore locales, notamment les coraux.
Or, le 22 octobre, Anne Hidalgo devait prendre un avion pour rejoindre sa fille sur une île de Tahiti, et commencer ses vacances privées. Vendredi, la mairie de Paris a assuré au Parisien, que, sur la visite du 22 octobre, il avait été décidé « d’un commun accord avec les autorités locales pour ne pas raviver les tensions », que la maire de Paris ne s’y rendrait pas, et qu’elle serait représentée par son adjoint aux Sports, Pierre Rabadan. L’opposition municipale ne manque pas de souligner la sottise de cet acte manqué.
« Au moment où elle arrive quasiment devant la plage, elle rebrousse chemin car ça ne l’intéresse plus. La défense des coraux n’est même pas un argument pour elle car le dimanche elle a autre chose à faire », s’indigne l’élu LR, « sachant que des vérifications avaient déjà été menées sur ce site il y a deux mois avec la visite de Tony Estanguet, du Cojop et de la ministre des Sports sur place ». « Tout semble converger vers un voyage alibi », ajoute-t-il. Bientôt, tous les acteurs politiques seront passés jeter un coup d’oeil, conscience écologiste oblige ?
Un bilan carbone et comptable affligeant
Pour se dédouaner, la maire de Paris a pourtant annoncé dans son communiqué de lundi qu’elle a saisi la commission de déontologie. « Nous avons donné des explications très transparentes et claires. Il n’y a pas vocation à faire plus que ça. Que des partis politiques le manipulent c’est une chose, mais que les médias continuent là-dessus, ça n’a pas de sens », du point de vue – pas très extérieur – Pierre Rabadan. Et pourtant, l’opposition ne comprend pas « pourquoi l’avis du déontologue ne figurait pas avec le communiqué d’hier, si madame Hidalgo l’a saisi quand elle préparait son voyage il y a plusieurs semaines »…
De même, elle souligne, par la voix de David Alphand, « que la solution la plus sobre au niveau bilan carbone, c’est la visioconférence ! Avoir des échanges avec les autorités municipales et le président de Polynésie peut parfaitement se faire par visio ». Puisqu’elle n’a donc même pas visité le site des épreuves de surf, l’argument est implacable…
« En matière de comptabilité publique, rien ne justifie qu’elle ne prenne à sa charge que le montant du billet retour. Pour nous, c’est un aveu de culpabilité », conclut l’élu LR du 16e arrondissement, pas près de lâcher sur un collier de fleurs à presque 60.000 euros. Voilà qui nous promet une chaude ambiance au prochain conseil de Paris, la semaine prochaine. Mais il est vrai que l’amère Hidalgo est en fin de règne : ambiance décadente « fin de siècle ».
Philippe Caverivière a mis à jour ses connaissances: