Ils dénoncent l’interprétation d’un rapport sur leur école
Depuis deux semaines, l’établissement Stanislas est sous le feu de la gauche laïque et sectaire. Dernier épisode en date, une enquête judiciaire pour injure sexiste et homophobe a été ouverte. Une coquille vide, selon le directeur du collège qui s’est exprimé ce dimanche sur Europe 1. Pour la communauté scolaire, cet acharnement visant à écorner l’image de leur institution est insupportable.
Police, journalistes et huées de professeurs du public. Dans la rue habituellement calme, l’établissement Stanislas est pointé du doigt. A tort, regrette Paul, 16 ans. « Moi, j’ai été un peu blessé. Dire que c’était homophobe, je trouve ça assez choquant. J’ai des amis homosexuels à Stanislas qui le vivent très bien et moi, je défends énormément cette cause. Le sexisme, c’est pareil. On a l’impression qu’on doit s’excuser d’être dans le privé. Mes parents ont travaillé pour m’offrir ça. Je pense que c’est une chance pour moi », déclare l’adolescent.
« Il n’y a pas de fachos intégristes »
Les imposantes portes vertes de l’école primaire ne s’ouvrent qu’aux heures de sortie. Dans le groupe de parents d’élèves, Audrey est révoltée par le tumulte et les fantasmes autour de Stanislas. « Il n’y a pas de fachos intégristes. Il faut arrêter le délire. Par certains côtés, oui, c’est un peu strict. Moi, je suis pour le fait qu’on n’arrive pas débrayer à l’école, c’est une question de respect. Pour le sport, je suis pour la non-mixité au collège parce qu’au moment de la puberté, il y a des enfants que ça met mal à l’aise de montrer leur corps, en particulier à la piscine », fait valoir la mère de famille.
Son fils, inscrit en CM2, est ici pour le travail acharné et plus tard une classe prépa. L’excellence académique qu’aucune polémique ne pourrait, selon elle, remettre en question.
Les dessous de la fabrique de l’affaire Stanislas.
Articles biaisés, reportages à charge, mensonges, essentialisation de faits isolés, avec la complicité du service public, tout est bon à Mediapart pour détourner le rapport de l’Inspection générale et mieux accabler cette institution du privé.
Au téléphone, un ancien élève de Stanislas, reçoit l’appel d’une journaliste de France Télévisions cherchant à recueillir des témoignages sur l’établissement après qu’un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) est arrivé entre les mains de Mediapart. Elle écourte pourtant la discussion qui s’engage à peine.
Son reportage, prévu pour le 19/20 de France 3, jeudi 18 janvier, est déjà bouclé. Cependant, elle propose à Joseph de lui adresser un SMS qui résumerait le sens de son témoignage afin de nourrir d’autres journaux de France Télévisions. Le jeune homme acquiesce de bonne grâce. Comme pour ne pas lui faire perdre davantage son temps, la journaliste précise son intention : « Pour nous, c’est vraiment pour confirmer, insiste-t-elle, avoir des témoignages qui confirment ce qu’il y a dans le rapport de Mediapart. » En d’autres termes, tout autre son de cloche sera passé par perte et profit: à n’écouter qu’une seule cloche, on n’entend qu’un son, devise de la presse pluraliste !… Joseph, qui s’est confié au JDD, n’en revient pas de la méthode. Il n’est pas le seul.
Quelques jours plus tôt, en effet, dans une boucle WhatsApp d’anciens élèves de Stanislas, le texto d’une journaliste de France 2 circule : « Hello, c’est X, journaliste à France 2. Pour le journal de 20 h comme je t’expliquerai on cherche des témoignages de personnes qui ont fait leurs études au lycée Stanislas et qui auraient des choses à dire concernant les conditions de vie/d’étude là-bas. Je suis joignable au XXX. Évidemment anonymat garanti si demandé. » Certains élèves se lancent. Clément par exemple. Il a un témoignage particulier à lui apporter, parce qu’il ne supporte plus d’entendre parler de la rigidité ou de l’autoritarisme supposé de son ancien lycée.
En 2018, Clément se retrouve plongé dans le coma après un accident de la route. Une semaine après, à son réveil, il voit défiler dans sa chambre beaucoup de membres de la communauté éducative venus lui rendre visite.
Il reçoit des dizaines de messages. Une solidarité qui « n’a jamais cessé ». « J’avais des séquelles, et Stan a tout fait pour m’aider, me soutenir, suivre mon parcours, arranger mes cours pour que je puisse assurer le meilleur suivi médical possible. Jusqu’à aujourd’hui, je sais que je peux compter sur eux et je ne pense pas que ce soit pareil partout. » Son témoignage n’intéresse pas la journaliste. Elle cherche des élèves qui ont vécu des épisodes « sexistes » ou « homophobes », comme le raconte Mediapart. Clément poste un message dans le groupe : inutile d’appeler pour défendre l’institution, « on voit bien le sens que ça prend […] pas de place pour la nuance ». Dans le 19/20 de France 3, finalement, il n’y a qu’un seul témoignage… à charge. Contactée par le JDD, la journaliste du service public n’a pas répondu.
Avec un certain savoir-faire, les journalistes de Mediapart sont parvenus à imposer leur narratif. L’heure est au blanchiment par le service public des accusations portées par Mediapart et de la lecture biaisée qu’il fait du rapport de l’IGÉSR.
« Caché », le rapport de l’Inspection générale ? « Qu’il ne soit pas rendu public est la règle pour toute enquête administrative protégée par le CRPA [Code des relations entre le public et l’administration] », déclare au JDD Caroline Pascal, chef de l’Inspection générale. Pas plus le lycée Stanislas que Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale lorsque le rapport a été envoyé le 2 août 2023 par la section des rapports, n’avaient à le rendre public. Idem pour le recteur et la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGES), également destinataires de ce dernier. « Celui ou celle qui l’a fait sortir a commis une faute déontologique », regrette Caroline Pascal. Mais faut-il rappeler que le ministère est co-géré par le syndicat dominant et que la FSU est d’extrême gauche ?
Cela n’empêche pas Mediapart, site révolutionnaire trotskiste, de faire accroire que le nouveau Premier ministre a délibérément tenu secret ce rapport « accablant », selon leur propre mot. Que l’Élysée lui-même serait embarrassé et aurait tout fait pour museler le journaliste de Mediapart qui assistait à la conférence de presse d’Emmanuel Macron. À 23 h 31 mardi soir, la rédaction du journal d’Edwy Plenel publie un article : « Les 12 questions que Mediapart aurait souhaité poser à Emmanuel Macron ». Le journaliste Daniel Schneidermann, le lendemain sur son compte X, relaie l’idée que l’Élysée connaissait les réponses et a censuré celle de Mediapart sur Stanislas. Des accusations démenties par de nombreux journalistes présents. Mais l’essentiel pour Mediapart est ailleurs : dans le teasing de leurs infos, quand bien même ellfes seraient fausses, dans l’indifférence complice des services de détection de la désinformation, le Vrai du faux, dans le service public, ou Checknews, dans Libération.
D’autant que si le rapport de l’IGÉSR n’est pas tendre avec Stanislas, les quatre inspecteurs n’accablent pas l’établissement, au terme de leur enquête et de l’audition de 106 personnes. Mieux, ils lavent le lycée des soupçons de sexisme et d’homophobie qui avaient conduit Pap Ndiaye, alors rue de Grenelle, à saisir l’Inspection générale pour qu’elle diligente une enquête après que L’Express, le 16 juin 2022, puis Mediapart, le 28 juin 2022, ont sonné la charge.
Le rapport ne caractérise pas de faits susceptibles de poursuites disciplinaires. En dépit d’un appel aux témoignages, la mission d’inspection n’a entendu que 17 personnes – élèves et anciens élèves –, qui se sont manifestées spontanément, et a enregistré quatre contributions écrites. Une paille pour un établissement qui accueille chaque année plus de 3.500 élèves.
D’autant que depuis 2015 et l’installation de la nouvelle direction à Stanislas, l’« enquête de l’IGÉSR n’a pas identifié d’éléments dysfonctionnels », confie-t-on au sein de l’Inspection générale. Les témoignages à charge remontent essentiellement à la précédente direction, il y a 9 ans. Mais Mediapart et ses relais politiques et médiatiques instrumentalisent à dessein des témoignages plus anciens.
L’enquête ne vise en rien la direction de Stanislas
Seul le « cas d’un catéchiste du collège, parent d’élèves depuis trois ans au service de la pastorale, a été signalé à la mission pour des propos homophobes qu’il a tenus aux mois de janvier et de mai 2023 », écrivent les quatre inspecteurs dans leur rapport. Il a été immédiatement écarté par la direction et fait depuis l’objet d’une enquête ouverte à l’automne par le Parquet après signalement de l’Inspection générale.
Mais l’enquête ne vise en rien la direction de Stanislas, comme le laissent entendre pourtant les médias qui relaient à l’envi cette information, comme s’il s’agissait d’un fait nouveau et de la conséquence de la publication du rapport de l’IGÉSR par Mediapart. C’est ainsi, par exemple, que Libération publie vendredi une alerte sur X : « À l’école privée Stanislas, le parquet ouvre une enquête pour injures sexistes et homophobes. »
On est loin d’une homophobie et d’un sexisme structurels, comme l’accusent L’Express , détenu par un proche du patron du groupe BFMTV, et Mediapart, mais dans la fabrique d’une information frelatée qui, à force d’être répétée, reprise, copiée, recopiée, finit par s’imposer comme une vérité médiatique. Les papiers des uns nourrissent les papiers des autres, accréditent les premiers.
« De nombreux documents que Mediapart s’est procurés montrent aussi ce qui est transmis par la direction et une partie du corps enseignant : une vision sexiste (récemment documentée par L’Express) et homophobe de la société où Stanislas serait à l’image de l’Église, une citadelle chrétienne assiégée dont il faut défendre les valeurs les plus archaïques », écrivent le 28 juin 2022 David Perrotin (journaliste à Mediapart depuis décembre 2020, qui a travaillé à Loopsider, BuzzFeed et Rue89) et Lorraine Poupon (rédactrice reporter à France 2, financée par l’impôt de tous). Le Monde, détenu par une paire de milliardaires, à son tour, le 3 août 2022, entre dans la danse et évoque, dans une « enquête » intitulée « Le collège Stanislas face à ses démons » , cette « citadelle de l’enseignement privé catholique », dans un troublant mimétisme.
Certes, il existe des élèves pour accuser l’établissement Stanislas, et beaucoup de médias leur ont donné la parole ces derniers jours. Il en existe aussi des dizaines qui décrochent spontanément leur téléphone pour le défendre, dénoncer des critiques « scandaleuses », « tellement éloignées de la réalité qu’[ils] viv[ent] », confier que les accusations qui circulent les « attristent », qu’ils ne supportent plus d’entendre la « description d’une ambiance qui relève de l’affabulation totale », qu’ils s’interrogent sur ce « journaliste de Mediapart qui décrit un établissement dans lequel il n’a jamais mis les pieds, loin de la réalité qu’[ils ont] vue pendant 5, 6, 7 ou 8 ans de scolarité passés là-bas ». Ils veulent « défendre », « remercier les professeurs », « soutenir la direction » parce qu’ils aiment leur établissement, ou qu’ils en gardent un bon souvenir.
Homophobie ? « Mais je n’ai jamais rien entendu de tel » ; « J’ai même deux copines qui sortent ensemble et personne ne leur a jamais rien dit. » Le rapport, d’ailleurs, ne rapporte aucun témoignage sur des propos homophobes tenus par des enseignants et se contente de noter quelques interpellations entre élèves qui sont systématiquement sanctionnées lorsqu’elles sont entendues.
Cela n’empêche pas les médias d’en faire des gorges chaudes. « Les journalistes devraient se confronter à la réalité du terrain des jeunes de 13 à 18 ans dans le public, notamment en banlieue, où il n’est pas sûr que la direction ait l’envie ou le courage de condamner ces expressions homophobes », tranche Renaud. Il était clair, rien n’était caché aux familles et aux élèves, le contrat n’était pas biaisé. Stan n’a jamais menti à ses élèves, et si un parent affirme être heurté par ce que l’établissement impose à son enfant, l’établissement est en droit de lui répondre qu’il se soucie fort peu dudit enfant pour n’avoir pas lu le règlement qui lui a été transmis. »
Séparatisme dans les cours de récréation et sur les terrains de sport ? « Pour le sport en compétition, les garçons et les filles sont séparés. Comme dans toutes les fédérations en France ».
Entre-soi ? « En première, nous sommes obligés de participer à une œuvre sociale, donner des cours de soutien à des élèves défavorisés ou faire des maraudes par exemple. »
Autoritarisme ? « Écoutez, mon fils faisait partie de ce qu’on appelle désormais les ‘‘harceleurs’’. J’ai été contacté immédiatement par la direction et nous avons réglé le problème. Non seulement la violence a cessé dans les jours qui suivaient, mais l’éducation en a été renforcée : on demande pardon, on protège les plus faibles… Ce n’était pas juste un problème pour la direction, c’était aussi un moyen de parfaire l’éducation, pour le bien des gamins embêtés, mais aussi pour mon fils. Et ça, c’est une des choses les plus précieuses de Stan. »
« Cet établissement n’est pas fait pour tous les enfants. Il est extrêmement exigeant. »
Louis réfute également : « Pendant mon lycée, j’ai eu de gros soucis personnels, les préfets et le directeur m’ont énormément soutenu. » Une maman précise : « Cet établissement n’est pas fait pour tous les enfants. Il est extrêmement exigeant, c’est vrai, et la pression peut être forte sur le travail. Mais vous pensez bien que si nous y mettons nos enfants, c’est parce que nous les y savons bien. »
Propagande religieuse ? « Je suis athée et personne ne m’a obligée à avoir la foi, évidemment, en revanche ces cours m’ont énormément servi en histoire de l’art. » Une mère raconte : « Un de mes fils a refusé de faire sa confirmation. J’étais un peu attristée alors j’ai appelé le directeur ; il a reçu mon fils pendant trois rendez-vous… À la fin, c’est moi qu’il a appelée en me disant qu’il fallait respecter sa liberté ! »
Sectarisme ? « Les élèves sont poussés à travailler, à s’instruire, à forger leur intelligence le mieux possible pour être capables de penser, de débattre et… de s’opposer pourquoi pas ! Au lycée, le débat est vivement encouragé, il n’est jamais stoppé justement », s’agace un père de famille.
Opposé aux « valeurs républicaines » ? « Je suis mère de plusieurs élèves et j’ai travaillé toute ma vie au service de l’État. Je suis catholique aussi, et entendre dire partout que je serais antirépublicaine pour cela me met dans une colère que vous n’imaginez pas. »
Des témoignages non publiés
Ces récits-là existent aussi. Et les élèves témoignent librement, hors d’un quelconque circuit de validation contrôlé par l’encadrement de leur établissement. « Vendredi, on a eu une réunion avec la direction pour qu’elle nous explique un peu la situation. Ils ont abordé toutes les questions, sans tabou. Ils sont revenus sur les propos qui ont valu des exclusions, ils ont évoqué le rapport, ils nous ont aussi dit que nous étions absolument libres de répondre à qui nous voulions, en toute honnêteté et transparence », confie un élève de prépa. « Il faut franchement qu’ils aient confiance », commente une mère d’élèves.
Beaucoup ont donc décidé de prendre la parole… « Avec une amie, nous avons répondu à des journalistes qui étaient devant l’établissement. Elle, à C à vous [France 5], moi, à Quotidien [TF1]. Alors on a regardé les émissions, pour voir nos passages… mais nos témoignages ne devaient pas aller dans le bon sens, on ne les a jamais vus à l’antenne. Franchement, on était déçus », indique Louis.
Beaucoup ont l’impression de ne pas pouvoir participer à ce récit médiatique qui concerne leur quotidien et dont ils semblent les seuls exclus. Camille est mère d’élèves, mais elle fut également professeur à Stan pendant plus de dix ans. Elle a aussi été tirée au sort pour répondre aux questions des quatre inspecteurs de l’académie : « Les questions étaient précises et orientées mais l’échange était courtois et honnête. J’ai d’ailleurs signé ce rapport parce que mes propos étaient rapportés extrêmement fidèlement. Mais ces derniers jours, la lecture médiatique qui en est faite me laisse sans voix, ils ne parlent pas de la même chose. »
Elle sait que tout n’est pas parfait, a déjà fait remonter des problèmes, mais tient à préciser : « Beaucoup de choses datent d’avant 2015, et la direction fait désormais très attention. » Amine s’attriste : « La technique est malsaine, avec quelques cas traités par la direction, ils essentialisent l’ambiance de tout un établissement. Ce n’est tellement pas notre réalité… »
Sensationnalisme, essentialisation d’un fait isolé, la recette fonctionne à plein.
Ces élèves regrettent « une guerre qui [les] dépasse. Y’a la ministre, le privé, les cathos, les bons résultats… On sent que ça les énerve, mais au milieu il y a des milliers d’élèves ! » Ces derniers jours, toutes les conversations tournent autour du sujet, dans la cour, avec les encadrants, à la sortie où les médias attendent les élèves. Vendredi, il y avait même la police dans toute la rue. « Mais le plus angoissant, c’est pour nous en terminale. Au moment de s’inscrire sur Parcoursup, on se demande un peu à quoi ressemblera notre avenir avec les horreurs qu’on raconte sur Stan », résume Claire.
La gauche attaque ce qui fait défaut à l’enseignement public.