Des objectifs ambitieux pour un enjeu démocratique vu de gauche
Fausses infos (dont les infos non vérifiées de la presse subventionnée), « main-mise » (légale !) des milliardaires sur les media (sujet pour l’Arcom, ex-CSA… ), bouleversements technologiques, défiance envers les journalistes (dont la déontologie serait bidon?)… Promesse de campagne de Macron en 2022, les Etats généraux de l’information sont enfin lancés ce mardi 3 octobre, avec un périmètre très vaste.
Créer un « plan d’action »
« Le but, c’est d’aboutir à un plan d’action » pour « garantir le droit à l’information à l’heure numérique », explique Christophe Deloire, délégué général du comité… indépendant qui pilote ces Etats généraux, mais ancien directeur du Centre de formation des journalistes (CFJ) de mai 2008 à juillet 2012, dont sont issu François Ruffin, Pierre Lescure ou Alice Coffin. Cela pourra passer par des mesures « législatives, fiscales, budgétaires » et par des « recommandations » au secteur, selon Christophe Deloire, par ailleurs secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), association qui, à l’automne 2021, a accusé les media Bolloré de censure répétée d’enquêtes journalistiques.
Organisés par groupes de travail, les Etats généraux débuteront par « une phase de diagnostic jusqu’à la fin de l’année », avant « les propositions ». Ils s’achèveront « en mai-juin » 2024.
L’une des difficultés est d’éviter d’en faire un événement corporatiste, qui n’intéresserait que les journalistes, par ailleurs incapables de se réguler, tant est vivace leur engagement idéologique de gauche, sectaire et offensif. « On veut partir des citoyens, en allant leur parler là où ils sont », espère Christophe Deloire, dont on aurait pu penser qu’il n’était pas déconnecté. « Le périmètre est très large : de la qualité de l’information au financement du journalisme jusqu’aux réseaux sociaux et à l’intelligence artificielle, en passant par beaucoup d’autres choses », poursuit-il. Citons leur neutralité et leur objectivité, concepts, nobles et distants, abandonnés comme le sont des territoires de la république, mais qui, à peine évoqués, seront évacués, consacrant le flop de la belle promesse de Macron.
Infox et réseaux sociaux
Distinguer le vrai du faux : « l’éducation à l’information » et sa « fiabilité » seront l’un des enjeux, à l’heure où les réseaux sociaux rebattent les cartes chez les jeunes. Or, les organes de presse exemplaires s’y étalent.
Selon le baromètre Kantar – La Croix publié en janvier, ces plateformes sont la deuxième source d’information des Français de 18 à 24 ans, derrière les journaux télévisés.
Et au niveau mondial, le réseau chinois TikTok est utilisé par 20 % des 18-24 ans pour accéder à l’info, avec les risques de désinformation qui vont de pair, selon un récent rapport de l’institut Reuters agence de presse.
Ces réseaux sociaux exercent une censure stalinienne.
Pour la première fois, Twitter, Facebook et YouTube ont pris la décision de censurer le président des Etats-Unis. Le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, est même allé plus loin en annonçant la suspension du compte de Donald Trump « indéfiniment et au moins pour les deux prochaines semaines ». (7 jan. 2021)
Etudier la concentration des media aux mains de milliardaires
La concentration de nombreux media français entre les mains de grands groupes privés et de quelques milliardaires (Vincent Bolloré, Daniel Kretinsky, Xavier Niel, Rodolphe Saadé…) est régulièrement pointée du doigt. Cela a fait l’objet d’une commission d’enquête sénatoriale en 2022.
Dans le même temps, nombre d’observateurs font valoir que, sans gros financeurs privés, la survie des media n’est pas garantie. « Ces Etats généraux doivent permettre d’articuler réalités économiques et principes démocratiques », veut, hypocritement, croire Christophe Deloire.
Indépendance éditoriale
Comment garantir que les propriétaires de media n’influent pas sur leur ligne éditoriale ? La sujet, obsessionnel à gauche – comme si Daniel Kretinsky ou Xavier Niel n’étaient pas progressistes et wokisés – resurgi cet été avec la grève au JDD (Journal du dimanche), dont la rédaction s’est opposée en vain à l’arrivée comme directeur du journaliste Geoffroy Lejeune. Au final, nombre de ces frondeurs sont restés…
Beaucoup visaient Vincent Bolloré, milliardaire comme les autres, mais classé ultra-conservateur, dont le groupe Vivendi est en passe d’avaler Lagardère, propriétaire du JDD. Lagardère s’en est défendu.
« Ce serait une erreur de penser que les Etats généraux sont une réponse à Bolloré, c’est beaucoup plus large », assure le perfide Christophe Deloire, dans le même temps où Rodolphe Saadé, le milliardaire libanais, étranger comme le Tchèque Křetínský, rachetait, quant à lui, les journaux La Provence, Corse-Matin et La Tribune, via CMA CGM Médias, qui dresse sa « Tour Trump » à Marseille.
Après la crise au JDD, plusieurs parlementaires ont proposé de conditionner les aides publiques des media à des mécanismes d’indépendance éditoriale. En fait, la question serait logiquement de savoir si les aides publiques aux milliardaires sont justifiées…
Adaptation à l’intelligence artificielle
Comme de nombreux autres secteurs, les media doivent s’adapter aux bouleversements apportés par l’intelligence artificielle.
Dernière étude en date, celle du projet JournalismAI de la London School of Economics, qui a sondé plus de 100 media de 46 pays.
Près de trois quarts des répondants ont estimé que des outils comme ChatGPT, capables de générer du texte – en échappant à l’emprise du SNJ-CGT, pseudo gardien de la liberté de la presse – représentaient de « nouvelles opportunités pour le journalisme ». Mais plus de 60 % ont exprimé des inquiétudes sur la qualité éditoriale, la précision ou l’équilibre.
Secret des sources et défiance envers les media
Egalement au menu, la protection des sources des journalistes, à la différence des policiers qui, eux aussi ont leurs indics, sans jouir d’aucune protection. Ce thème d’actualité a été propulsé sur le devant de la scène par la récente garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux, après une enquête sur une mission de l’armée française en Egypte. Lien PaSiDupes
Autre sujet, et pas des moindres, la perte de confiance dans les media, tendance de fond des dernières années, du fait non seulement de leurs partis-pris, mais aussi et surtout de leurs campagnes à charge et harcèlements.
Plus de la moitié des sondés (54 %) du dernier baromètre Kantar – La Croix pense ainsi que « la plupart du temps, il faut se méfier de ce que disent les médias sur les grands sujets d’actualité ». Le tout anti-Poutine de la presse occidentale n’échappe ainsi à personne.