« Macron ne domine plus dans la “France du travail”,» selon l’IFOP
Entretien de Frédéric Dabi avec Le Point. Selon le directeur général opinion de l’Ifop, Macron sur-performe chez les jeunes et les seniors. Le duel Le Pen-Macron est plus serré chez les actifs.
Qui sera élu ou réélu président de la République ? Réponse dimanche 24 avril, à 20 heures. En attendant le verdict des urnes, l’Ifop propose une intrigante photographie de l’opinion dans son « rolling » (information en continu) paru mercredi 20 avril, quelques heures avant le débat du second tour. Macron distance très largement Marine Le Pen parmi les primo-votants et les seniors, deux catégories plutôt inactives, l’une votant peu, l’autre massivement.
En revanche, les deux candidats à l’Elysée se partagent le vote de la « France du travail », selon les estimations de cette entreprise commerciale de sondage. Entretien avec Frédéric Dabi, le directeur général opinion de l’IFOP, longtemps propriété de la famille Parisot (notamment de l’ancienne vice-présidente du MEDEF, Laurence Parisot. Celle-ci traîne un boulet qui l’assimile à Macron dans l’affaire de ses cabinets de conseil, tel McKinsey. A l’époque où Laurence Parisot dirigeait l’entreprise Optimum, elle aurait mandaté le cabinet anglo-saxon d’intelligence économique Kroll pour surveiller les abords de la société et enquêter sur le passé de certains salariés.
Le Point : Une partie de la jeunesse manifeste dans les universités contre ce second tour Macron-Le Pen. Lequel des deux candidats à l’Elysée emporte leurs suffrages ?
Frédéric Dabi : Selon nos estimations, Emmanuel Macron récolte 60 % des intentions de vote chez les 18-24 ans. C’est un score important, net et supérieur à sa performance globale – toutes classes d’âges confondues – que nous estimons à 55 %. Il y a cependant une très forte marge de progression pour le président candidat chez ces primo-votants. On aurait pu s’attendre à ce qu’Emmanuel Macron grimpe à 75 % dans cette classe d’âge, compte tenu des résultats de Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Valérie Pécresse au premier tour. Et ce, d’autant plus que Marine Le Pen n’a capté que 18 % du vote des 18-24 ans il y a deux semaines.
Nous pouvons donc tirer comme enseignement que le vote barrage au Rassemblement national s’est émoussé chez les primovotants. En 2002, c’était 90 % pour Jacques Chirac et 10 % pour Le Pen père ! Deux explications. La première, l’appel de Jean-Luc Mélenchon à ne pas voter pour l’extrême droite [sic] sans pour autant désigner un vote Macron. Seconde explication, Emmanuel Macron se présente cette fois avec un bilan. Certaines mesures, comme Parcoursup et la baisse des APL, ont pu déplaire à l’électorat jeune.
Comme le McKinseyGate à tous:
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Vos prévisions pour le second tour confirment-elles la nette avance [recherche traditionnelle de stabilité] d’Emmanuel Macron chez les plus de 65 ans ?
Oui, complètement. Il s’est passé quelque chose d’historique il y a deux semaines. Pour la première fois sous la Ve République, le premier candidat en tête chez les seniors n’est pas issu de la droite modérée [preuve que, pendant cinq ans, Macron n’a pas respecté toutes les sensiblilités]. Au premier tour, Valérie Pécresse fait 10 % et Emmanuel Macron 39 % ! Cette avance se confirme au second tour. Emmanuel Macron ferait 64 % chez les plus de 65 ans [imprégnés de la vision marxiste d’après-guerre, malgré l’échec des partis communistes européens] et Marine Le Pen seulement 36 %. Or, le vote senior est essentiel pour gagner une présidentielle.
Quelles sont les motivations des seniors ?
Le vote RN représente pour eux un saut dans l’inconnu. Certes, Marine Le Pen ne prévoit plus de retour au franc [comme les écolos à la lampe à pétrole !] et semble [elle s’en défend face à la désinformation] écarter le scénario d’un Frexit. Mais un point les inquiète davantage : celui des retraites. La majorité des plus de 65 ans est à la retraite et craint pour sa pension [Macron n’a pas restauré leur pouvoir d’achat: en 2014, le gouvernement du socialiste Manuel Valls a mis en place un plan d’économies de 50 Mds € sur 3 ans. Le gel des pensions de retraite de base faisait partie des mesures et Macron – ministre de l’Economie et du Numérique – n’a jamais rien fait pour eux, ni auprès de Hollande, ni à Bercy, ni à l’Elysée, puisque leur vote est acquis].
Emmanuel Macron est devant chez les plus jeunes, pour beaucoup encore en études. Il est également devant chez les plus âgés, pour la plupart à la retraite. Emmanuel Macron est-il le président des inactifs ?
Emmanuel Macron sur-performe, en effet, dans les catégories générationnelles extrêmes. Chez les 25-65 ans, à savoir les générations intermédiaires, le rapport de force est au contraire beaucoup plus serré. Le candidat LREM et la candidate RN sont au coude-à-coude, à environ 52 % et 48 %. Contrairement à la présidentielle de 2017, Emmanuel Macron ne domine pas dans la « France du travail ».
La France entière garde à l’esprit la fermeture de l’usine américaine Whirlpool d’Amiens, en un an seulement, un fiasco industriel et humain du quinquennat Hollande auquel Macron est associé. Un échec que le repreneur a justifié par la pression des pouvoirs publics sur ce dossier, enjeu de l’ élection présidentielle de 2017: les deux finalistes, Emmanuel Macron et Marine Le Pen allèrent jusqu’à se rendre sur place… Pour autant, Whirlpool qui est producteur de purificateurs d’air n’a pu fournir la France pendant la crise sanitaire.
Le « Mozart de l’Economie » a également à son passif le démantèlement d’Alstom. Un désossage engagé en 2014 – alors que Macron conseillait Hollande dès 2012 – avec la vente du pôle Energie à General Electric, et une déstabilisation durable de l’un de nos fleurons industriels. Avec la fermeture programmée du site de Belfort, les actifs payèrent l’impéritie du pouvoir socialiste.
Désossement d’Alstom entre General Electric et Siemens – lien PaSiDupes: Alstom : Hollande se rend en Allemagne pour désavouer Montebourg
On peut tout aussi bien dire qu’il y a « une France du travail » qui préfère Marine Le Pen. En 2007, cette France avait majoritairement soutenu Nicolas Sarkozy, séduite par son « travailler plus pour gagner plus ». En 2012, c’était François Hollande. On ne les y a plus repris…