Darmanin est « disqualifié », selon Romuald Pidjot, indépendantiste kanak

Les délégués du CCAT envoyés en métropole invitent le gouvernement à l’introspection. 

Depuis plusieurs jours, les les violences d’émeutiers kanaks sèment la peur dans la population blanche de Nouvelle-Calédonie et ont fait 5 morts et des centaines de blessés, malgré les appels au calme et les gestes de fermeté du gouvernement français. Jeudi soir, l’état d’urgence, décrété mercredi, était en cours, et le premier ministre Gabriel Attal continue de marteler que « rétablir l’ordre » est le « préalable » aux négociations, un principe général. A Paris, où il est coincé depuis la fermeture de l’aéroport de Nouvelle Calédonie, Romuald Pidjot, membre du bureau politique du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), pointe ce qui relève, selon lui, de la responsabilité du gouvernement français dans les violences qui traversent son île : « Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est le passage en force de l’Etat, du gouvernement [une habitude notamment déplorée avec ses recours  abusifs à l’article 49.3]. Cela fait six mois que l’on se mobilise pacifiquement dans la rue. Lors de la dernière mobilisation, le 13 avril à Nouméa, on a réuni 60.000 personnes, sur un territoire de 270.000 habitants. C’est le signe que le peuple [dans sa composante kanak] était complètement opposé à ce projet de loi constitutionnelle ». Romuald Pidjot, évoque ici le projet, contesté par les indépendantistes, de réforme constitutionnelle qui élargit le corps électoral en Nouvelle-Calédonie.

Gérard Larcher, « un interlocuteur possible »

Malgré l’opposition des Kanaks au texte, l’Assemblée nationale l’a adopté dans la nuit de mardi à mercredi, satisfaisant ainsi la position des loyalistes, qui soutiennent la réforme et l’Etat français, bien souvent composés de « Caldoches », d’origine européenne sur plusueurs générations. C’est en prévision de cette adoption par l’Assemblée et après le vote acté que les violences ont éclaté. Désormais, selon Romuald Pidjot, la situation est presque hors de contrôle : « C’est compliqué. Les gens ont le sentiment – et c’est une réalité – que l’Etat ignore la volonté du peuple. Ce sera difficile de ramener le calme de manière pacifique si le gouvernement ne fait pas un geste de son côté : retirer le projet de loi constitutionnelle ».

Au-delà de la revendication de retrait du texte, les indépendantistes d’extrême gauche rejettent résolument le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. « Le FLNKS n’a plus confiance en Gérald Darmanin. Le dialogue avec lui est difficile, on estime qu’il ne nous a pas respectés, qu’il ne nous a pas toujours dit la vérité.

Romuald Pidjot se montre favorable à une mission de médiation, « indispensable », selon lui, justement à cause du rejet de la personnalité de Gérald Darmanin. Et dans ce rôle, le président du Sénat, Gérard Larcher, serait vu d’un bon oeil par Romuald Pidjot, qui serait, selon lui, « par sa connaissance fine et par sa hauteur dans les discussions », un « interlocuteur possible ». On dit aussi que Manuel Valls se verrait bien dans ce rôle.

Aucune ingérence russe, ni chinoise ?

Sans voir un lien direct avec l’explosion des tensions, le ministre de l’Intérieur, à de nombreuses reprises, a évoqué une ingérence de l’Azerbaïdjan à Nouméa. « Je regrette qu’une partie des leaders indépendantistes calédoniens ait fait un deal avec l’Azerbaïdjan, c’est incontestable », a ainsi affirmé Gérald Darmanin, sur le plateau de France 2 ce 16 mai. mi-avril. Au nom du président du Congrès calédonien, une élue indépendantiste s’était rendue en Azerbaïdjan pour signer un texte de coopération avec l’Assemblée nationale du pays, notamment en matière de culture et d’enseignement.

De Mayotte à la Nouvelle-Calédonie, les Outre-mer sont devenus la cible d’opérations d’ingérences ou de déstabilisation. La Russie, la Chine, l’Azerbaïdjan et les Comores sont parmi les plus actifs.

Banderole en soutien à Poutine et drapeau azéri,
à la manifestation contre la réforme du corps électoral
en Nouvelle-Calédonie,
le 28 mars 2024 

La lointaine république du Caucase a pris fait et cause pour le mouvement indépendantiste kanak via le Groupe d’initiative de Bakou (GIB) qui a été créé le 6 juillet 2023. Ce groupe de réflexion et d’influence affiche, parmi ses objectifs principaux, de « soutenir le combat contre le colonialisme et le néo-colonialisme ». Mais le GIB semble avoir une vision du colonialisme limitée à la France. Dans une vidéo promotionnelle, son directeur exécutif, Abbas Abbasov – ancien cadre du fonds pétrolier de l’Etat d’Azerbaïdjan – énumère les « colonies » concernées. Et il cite : la Nouvelle-Calédonie, la Guyane française, la Polynésie française, la Guadeloupe et la Corse. De fait, sur les réseaux sociaux, 90% des propos du GIB concernent les Outre-mer français et ils sont accompagnés d’une multitude de mots-clés comme #politiquecolonialefrançaise. Au lendemain de la manifestation de Nouméa, le jeudi 28 mars, le fil X (ex-Twitter) du GIB se félicite de cette mobilisation et de la présence du drapeau national azéri dans le cortège.

Radio France a également mis au jour les images d’une manifestation indépendantiste à Nouméa, le 28 mars dernier, lors de laquelle des drapeaux azéris et une banderole « Poutine, bienvenue en Kanaky » étaient visibles.

Romuald Pidjot rejette par ailleurs les accusations du ministre de l’Intérieur dénonçant des ingérences étrangères dans la cause indépendantiste kanak : « Le ministre de l’Intérieur essaye de nous infantiliser en disant que nous sommes soumis à des ingérences extérieures. Mais le peuple kanak a toujours combattu pour son indépendance. Que des puissances étrangères nous soutiennent, c’est le jeu du concert des nations ». Plusieurs média ont pourtant effectivement pointé des liens entre l’Azerbaïdjan chiite et certains membres du FLNKS. « La Nouvelle-Calédonie est un territoire autonome inscrit aux Nations unies dans le cadre des territoires à décoloniser, donc c’est un sujet international. Dans ce cadre, le FLNKS participe à des organisations de l’ONU, tel que le mouvement des non-alignés, dont l’Azerbaïdjan, catalogué « dictature impitoyable » par Le Monde, avait la présidence il y a deux ans. C’est dans ce cadre que les relations ont été tissées avec l’Azerbaïdjan [riche de son pétrole en mer Caspienne]. C’est un cadre formalisé, normé, qui n’a rien à voir avec de l’ingérence », répond Romuald Pidjot.

Les présidents des groupes UC et UNI au Congrès néo-calédonien déplorent les violences qui secouent l’agglomération depuis lundi soir. Ils appellent à « lever le pied » et à poursuivre le dialogue, localement et avec l’Etat. Restent les anarchistes qui veulent la perte de Nouméa et se comportent en casseurs racistes.

Loi immigration au Conseil constitutionnel : les Français ont-ils à gagner à la censure ?

Pourquoi le Conseil constitutionnel n’est-il pas saisi avant le vote des députés?

Marine Le Pen photographiée lors de l’examen de la loi immigration le 19 décembre à l’Assemblée nationale
Marine Le Pen photographiée lors de l’examen de la loi immigration le 19 décembre à l’Assemblée nationale

L’avertissement a été exprimé, en creux, par Laurent Fabius. Lors de ses voeux pour l’année 2024, le président du Condeil constitutionnel s’est défendu à deux reprises, quitte à perdre encore en crédibilité, d‘être « une chambre d’appel des choix du Parlement » – donc du peuple !  mais « le juge de la constitutionnalité des lois ». Dit autrement, que les Sages de la rue de Montpensier ne seraient en aucun cas les auxiliaires politiques du chef de l’Etat chancelant, sans majorité absolue.

Macron a mis le Conseil en difficultés en choisissant lui-même de saisir le Conseil constitutionnel sur son propre projet dans la foulée de l’adoption de la loi immigration à une large majorité, décidant d’emblée que certaines dispositions validées par le Parlement contreviendraient à des principes constitutionnels, la décision qui tombera ce jeudi 25 janvier n’effacera aucunement les stigmates des semaines écoulées. Ce qui restera des ruines laissées par « les Sages » sera-t-il à la hauteur de la situation préoccupante des flux migratoires menaçant l’équilibre sociétal du pays?

Tout comme une censure de certaines mesures ne lavera pas la faute de ceux qui condamnent, par principe idéologique, la politique du RN plébiscitée par la population, laquelle donne raison à Marine Le Pen. Les mesures les plus efficaces seront expurgées et, en consacrant le retard de la France, le pays restera non seulement démuni, mais d’autant plus affaibli, du fait du duo Macron-Fabius. Si c’est bien le Rassemblement national qui ressortira gagnant de la séquence, qui a déjà permis à Jordan Bardella de s’envoler dans les sondages pour les élections européennes, les Français en sortiront d’autant plus exposés par le président qui s’est pourtant auto-proclamé leur protecteur.

« Le mal est fait »

Première hypothèse (la moins réaliste), le texte passe en l’état. Les critiques gouvernementales du projet de compromis issu de la Commission mixte paritaire et soumis au vote des représentants du peuple dénoncent une attaque de l’Etat de droit et laisseront des séquelles profondes et durables, les observateurs frileux de Marine Le Pen étant encouragés à sauter le pas aux prochaines élections de 2024 et 2027. Les adversaires de la loi immigration dans sa version CMP pourront miser – sans complexe et par nécessité – sur ce parti qui, avec cette séquence, a gagné son statut de parti de gouvernement, pour sa capacité à la lucidité et son écoute des Français.

« Censure ou non, le RN a déjà gagné. Car la majorité, élargie aux Républicains, a accepté de jouer sur son terrain et avec ses propres règles. Aux yeux de l’opinion comme des experts, ce sont les idées du RN qui ont été inscrites dans la loi », soutient pour Le HuffPost Mathieu Souquière, essayiste et expert associé auprès de la Fondation Jean Jaurès, socialiste, citant notamment le pas de la macronie – contraint par l’inflation et le surendettement du pays – vers l’instauration d’une priorité nationale pour certaines prestations sociales dites « contributives » affectant les étrangers en situation régulière, mais soulageant la charge infligée aux Français.

« Même si une censure rendrait le texte moins dur, et donc plus acceptable pour le camp présidentiel, le mal est fait », insiste-t-il. Car au-delà de la diffusion des idées du RN dans le débat, et de leur partielle acceptation par tout un pan de la majorité présidentielle toute relative, une censure offrira un autre cadeau à Marine Le Pen. Et c’est l’un de ses conseillers qui l’a parfaitement enoncé. « Si le Conseil constitutionnel nous empêche de durcir notre législation sur l’immigration, cela apportera la preuve aux Français qu’il faut bien réformer la Constitution. Marine Le Pen a énormément travaillé cette question. C’est un domaine dans lequel elle est identifiée et la plus compétente », expliquait ce proche cité par Le Point. Le référendum est aussi une alternative.

Haro sur les « juges constitutionnels » et victoire de Macron à la Pyrrhus

Un argument que l’on retrouve également chez Les Républicains. Le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix, estime qu’en cas de censure, il « sera de la responsabilité du président de la République de proposer une réforme constitutionnelle pour atteindre les objectifs ». De quoi placer le Conseil constitutionnel dans une situation délicate.

« Si la loi est censurée, ce n’est plus le gouvernement qui sera critiqué, alors que c’est lui qui devrait porter cette responsabilité politique », anticipe le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier. Même observation amère exprimée dans La Tribune par le directeur général du think tank socialiste Terra Nova, Thierry Pech, qui estime qu’en cas de censure, « le débat pourrait également déboucher sur une contestation du pouvoir des juges constitutionnels, comme ce fut le cas ces dernières années en Hongrie ou en Pologne », deux régimes rebelles qui sont observés avec intérêt par l’UE entière.

« Soit le Conseil laisse passer le texte et on dira qu’il ne protège pas l’Etat de droit, soit il censure tout ou partie et on criera au gouvernement des juges », abonde le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau. Car la censure interviendra une fois de plus après le vote du Parlement et apparaîtra comme une sanction et un affront fait au peuple.  « Les juges constitutionnels en France, en Europe ou dans d’autres instances internationales abusent de leur droit » , affirmait fin décembre sur franceinfo le député RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy, dénonçant par avance une « dérive des juges constitutionnels qui imposent de prendre des décisions importantes ». Sur le fond, comme sur la forme, c’est bien la droite nationale qui encaissera les dividendes de l’idéologie de gauche universaliste.

La colère paysanne tombe à pic : à quelque chose malheur est bon et la presse zappera la censure et aussi la promulgation de ce qui restera de la loi. Si Macron aime le croupion…

Loi immigration : c’est le texte sorti du Sénat ou rien, prévient le LR Ciotti

Le texte sera-t-il rejeté dès le début de son examen à l’Assemblée? 

Marchand de tapis, Gérald Darmanin tente de convaincre tour à tour à droite et à gauche sur son projet de loi immigration, avec des promesses, des contradictions et donc des entourloupes, mais Eric Ciotti ne tombe pas dans le panneau et ne transige pas : « seul le texte sorti du Sénat » convient aux LR. Avec ces déclarations, le président des Républicains laisse entendre qu‘il pourrait appeler à voter lundi pour une motion de rejet déposée par Les Ecologistes. 

« Nous déciderons lundi de notre position« , a affirmé Eric Ciotti dans un entretien avec Le Parisien, au sujet de cette motion, qui fera l’objet d’un vote lundi au Palais Bourbon, où doit commencer l’examen en séance publique du texte.

Les députés LR sont partagés, le RN entretient le mystère

Les députés débattront à partir de la version du projet de loi adoptée par la commission des Lois de l’Assemblée, qui a retiré une partie des « renforcements » que le Sénat y avait introduits. « L’adoption d’une motion de rejet aboutirait à débattre à nouveau sur le texte du Sénat », explique Eric Ciotti dans l’entretien mis en ligne samedi soir. Il y rappelle que LR avait également déposé une motion de rejet, mais que c’est celle des députés écologistes qui a été tirée au sort.

« Seul le texte sorti du Sénat, et uniquement celui-ci nous convient », martèle-t-il, suggérant qu’il serait logique de voter pour la motion, même déposée par Les Ecologistes, dont les griefs contre le projet de loi sont aux antipodes de ceux de la droite. Si toutes les oppositions se coalisaient lundi en faveur de la motion, l’examen du projet de loi sera interrompu d’emblée à l’Assemblée. Ce qui redonnerait la main au Sénat, à moins que le gouvernement ne convoque une commission mixte paritaire d’élus des deux chambres.

Mais les députés LR sont partagés et le RN entretient le mystère sur sa position. Ce dernier ne divulguera pas sa stratégie avant lundi, a affirmé vendredi la députée RN Laure Lavalette. Alors que son collègue Jean-Philippe Tanguy avait affirmé jeudi que le RN ne la voterait pas, souhaitant « débattre ». Selon Eric Ciotti, le projet de loi dans sa version sénatoriale « a été totalement dénaturé » en commission à l’Assemblée, illustrant « un total changement de cap décidé par l’aile gauche de la majorité et cautionné par Gérald Darmanin« , le ministre de l’Intérieur.

« La seule condition pour voter ce texte serait que le gouvernement reprenne intégralement tous les points du Sénat et qu’il s’engage à travailler sur une réforme constitutionnelle approuvée par référendum« , dit-il. Une référence à la réforme de la Constitution prônée par LR, qui demande notamment que la France puisse se dégager des règles européennes et que le Parlement fixe chaque année des « plafonds migratoires ».

Le double jeu de Darmanin

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait quant à lui estimé vendredi que le vote d’une motion de rejet « serait absolument contre-nature ». « Arithmétiquement oui, les oppositions peuvent se coaliser et voter contre le texte. (Mais) ce serait la coalition entre la carpe et le lapin. Vous voyez des parlementaires LR voter une motion sur l’immigration avec les Verts et LFI ? Vous voyez le PS et (Olivier) Marleix [le président du groupe LR] dans le même paquet de votes ? Ils pensent radicalement des choses opposées », expliquait le ministre sur Franceinfo.

« Sur l’immigration, la droite risque de finir cocue ! » (Aurélien Pradié)

Pas question de voter le projet de loi de Gérald Darmanin : plutôt même le censurer.

S’il n’est pas assuré de faire voter son projet de loi sur l’immigration dans de bonnes conditions à l’Assemblée nationale à compter du début décembre, Gérald Darmanin aura au moins réussi à enfoncer un coin entre les sénateurs Les Républicains et leurs homologues de l’Assemblée.

Alors que la droite sénatoriale, emmenée par l’élu de Vendée Bruno Retailleau, a musclé la copie du gouvernement, le député du Lot Aurélien Pradié la juge encore bien trop laxiste et menace toujours de la censurer, exigeant du chef de l’Etat le dépôt rapide d’un texte de loi constitutionnel pour rendre à la France sa souveraineté en matière migratoire. Comme il l’avait fait lors du débat sur les retraites, conspué alors par une large partie de son camp. Question de cohérence pour celui qui sort cette semaine un ouvrage très personnel, Tenir bon (Bouquins), retraçant son parcours et ses valeurs. « C’est autant un livre de confidences personnelles que politiques. Je parle autant du Lot, de Kessel, de Duras que de mon père », petite entrepeneur dans le négoce de la noix, dit-il, plaidant pour un « retour du tempérament en politique ».

Si les députés LR soutenaient le texte Darmanin, prévient-il, ils s’en mordraient les doigts si une nouvelle attaque terroriste survenait et mettait à jour de nouvelles failles dans la législation française. Face au conflit qui se durcit au Proche-Orient après les massacres de Juifs par les islamistes du Hamas, Aurélien Pradié reproche par ailleurs à Macron d’avoir décrédibilisé l’image du pays sur la scène internationale à force de revirements. « La parole de la France est devenue inconséquente », cingle-t-il.

Le Point : On ne comprend rien à la position de votre parti sur le projet de loi sur l’immigration ! Les sénateurs ont joué le jeu du débat en le durcissant, et vous brandissez la menace d’une motion de censure. Les Républicains, quel numéro ?

Aurélien Pradié : Mon devoir est de dire la vérité. Nous vivons un moment de basculement total, au cœur duquel se trouve la question de l’immigration. Tromper les Français sur ce sujet, se contenter de peu est une faute impardonnable. Ma position est d’être intransigeant. Cela peut sembler surprenant mais, au regard des défis que nous avons à relever, ne pas être intransigeant, c’est être irresponsable et lâche. Je garde comme feuille de route les déclarations il y a quelques mois à la Une d’un hebdomadaire d’Eric Ciotti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix expliquant que, sur l’immigration, c’était tout ou rien. C’est ce que nous clamons depuis des mois devant les Français. Si on recule d’un millimètre, toute notre crédibilité politique tombe. LR avait fixé deux lignes rouges. La première, point de salut sans réforme constitutionnelle pour rétablir notre souveraineté, car en votant une énième loi nous mettrions des coups d’épée dans l’eau. Gérald Darmanin ne fait que nous amener sur des terrains de diversion.

Vous pensez le chef de l’Etat sincère lorsqu’il envisage d’ouvrir le champ du référendum aux questions migratoires ?

Emmanuel Macron nous balade. Il ne veut pas réformer la Constitution sur ce sujet. Je suis prêt à m’engager dans le débat pour faire avancer les choses, mais à une condition : qu’avant le vote du texte à l’Assemblée nationale, le président dépose un texte de loi constitutionnelle au Parlement. La seconde ligne rouge des Républicains était qu’il ne devait pas y avoir de droit opposable à la régularisation de clandestins. L’article 3 du gouvernement a été supprimé, c’est une très bonne chose, mais il a été remplacé par un article 4 bis qui pose des problèmes de fond importants : certes, il n’y a plus de droit automatique à la régularisation, mais il y a un droit opposable plus grand encore que la circulaire Valls. Cet article 4 bis est le fruit de négociations internes au Sénat, de luttes d’influence au sein de la majorité sénatoriale de centre droit. Au risque de déplaire, je défendrai toujours plus l’intérêt du pays que celui de groupes politiques dans une Chambre. L’organisation bicamériste de notre démocratie suppose que les députés ne soient pas toujours alignés avec les sénateurs. Avant d’appartenir à un parti, je suis un député de la Nation. Et je considère que la politique du « pas de vague » nous a coûté extrêmement cher depuis des décennies. La clarté est une force.

Cet article 4 bis donne la main aux préfets, qui ne sont pas réputés très laxistes…

Un des problèmes de cet article, c’est que les clandestins vont pouvoir demander eux-mêmes leur régularisation. Le Conseil d’Etat a rendu un avis expliquant que cette mesure expérimentale proposée par le Sénat ne pourrait pas être intégrée au Code de la nationalité, car elle est temporaire. Il y a donc un vrai risque constitutionnel que l’article saute. Dans ce cas, nous aurons été totalement cocus ! L’autre problème de cet article imprécis, c’est que les critères de régularisation – une bonne maîtrise de la langue française, une bonne intégration – sont beaucoup trop flous. Nous risquons de confier aux tribunaux administratifs, déjà engorgés, le soin de définir ces critères. Nous aurions donc demain une explosion du contentieux. Cette disposition nous fera perdre encore un peu plus le contrôle politique au profit du contrôle des juges.

Certains sénateurs LR, en réunion de groupe cette semaine, ont réclamé votre tête…

Si on en vient à vouloir exclure ceux qui refusent de faire la courte échelle à Gérald Darmanin, alors nous ne sommes plus un parti d’opposition.

Le projet de loi du gouvernement est aussi censé combler des failles juridiques après l’attentat d’Arras. Est-ce suffisamment le cas, à vos yeux ?

C’est le cœur du sujet : est-ce que ce texte est à la hauteur du défi ? Non. La France est devenue une terre de radicalisation sur son propre sol. Nous voyons émerger une nouvelle génération de terroristes : en 2016, 51 mineurs de nationalité française ont été mis en examen dans ce type d’affaires. Cela implique désormais des adolescents de 14 à 17 ans, c’est d’une gravité absolue. Ces mineurs devraient être notre priorité. Par facilité, on a supposé que la menace terroriste venait d’ailleurs, mais elle vient de chez nous ! Je demande au ministre de l’Intérieur de nous donner les chiffres précis des centaines de milliers d’euros injectés dans des associations de lutte contre la radicalisation. La gabegie d’argent public versé à ces associations, dont la lutte contre la radicalisation est à bien des égards fictive, sinon naïve, a commencé avec Manuel Valls et François Hollande, et elle s’est poursuivie, le pire ayant été avec Marlène Schiappa où nous avons plongé dans l’impuissance et le copinage. Depuis l’affaire du fonds Marianne, elle devrait être dans une posture de réserve et apprendre l’humilité sur ces questions. Elle a des comptes à rendre devant les Français.

Que faire des fichés S, notamment ?

On ne prend pas le sujet par le bon bout. Le fichage S est un outil administratif et nous avons besoin d’une arme juridique pour les mettre hors d’état de nuire. La question, c’est que fait-on des radicalisés ? Nous n’avons pas de structures pour les prendre en charge sur le long terme. Je ne crois pas que l’on puisse déradicaliser un individu qui baigne dans une idéologie meurtrière, on peut juste le démobiliser pour qu’il ne passe pas à l’acte. Nous avons deux options, en l’état : soit la prison, qui provoque une sur-radicalisation et une contamination à d’autres détenus, soit les centres de rétention administrative qui ne sont pas faits pour ces individus particulièrement dangereux. Il faut une troisième voie avec des établissements spécialisés.

Un « Guantanamo à la française », comme l’avait proposé Eric Ciotti ?

Non, il convient d’agir dans le respect de notre droit et de nos règles. Je parle d’établissements d’enfermement intermédiaires, de prisons spécialisées. Le projet de loi sur l’immigration aurait dû nous permettre d’avoir ce type de débat. Le risque est que l’on se réveille tardivement, en cas de nouvel attentat, en réalisant que ce texte n’aura servi à rien. Les Français ne nous le pardonneraient pas et je sais vers qui ils se tourneraient, et c’est ce que je refuse. Il va également falloir que nos démocraties se réarment moralement et idéologiquement. Les organisations terroristes portent un récit terrible, de sang, mais c’est un narratif qui devient plus puissant que celui des démocraties. Les images d’horreur d’actes terroristes, qui circulent parfois librement, nous sidèrent tous mais elles peuvent aussi provoquer chez certains de l’attirance. C’est la raison pour laquelle notre pays s’était protégé des images et des contenus d’horreur de Daech. Les bourreaux, le Hamas comme Daech, utilisent sciemment ces images pour attirer et éveiller un sentiment d’adhésion et de mobilisation. Il faut que l’on soit vigilant et intraitable avec les plateformes numériques qui ne joueraient pas le jeu de la régulation afin que ces images ne circulent pas. Dans la lutte contre la radicalisation, nous avons des guerres militaires à mener sur le terrain, mais aussi une guerre, plus profonde, à conduire sur le terrain des valeurs.

Une motion de censure LR n’a, en l’état, que peu de chances d’être votée puisque le PS a annoncé qu’il ne la soutiendra pas !

Ce ne sera pas simple. Le dernier moment où on était assuré de faire voter une motion de censure, c’était le débat sur la réforme des retraites, comme je l’avais préconisé. Je plaide pour la cohérence : dès lors qu’un texte ne règle pas les problèmes et que le gouvernement nous oblige à l’avaler avec un 49.3, notre seule réponse institutionnelle est la motion de censure. Ce ne serait pas rajouter du chaos, mais offrir une soupape de salubrité démocratique. Nous vivons un basculement pendant que le ministre de l’Intérieur s’agite sur les détails.

Emmanuel Macron a prévenu : toute motion de censure adoptée entraînerait une dissolution. Votre parti risquerait de voir son groupe à l’Assemblée divisé par deux. Et vous-même, élu sur une terre de gauche, seriez-vous reconduit ?

Le président a proféré beaucoup de menaces qu’il n’a jamais mises en application. Je n’ai pas peur des menaces en mousse. La politique, c’est du courage et je n’ai pas peur de revenir vers le peuple. C’est la règle démocratique.

Le chef de l’Etat aurait-il dû prendre part à la marche contre l’antisémitisme ?

Honnêtement, je ne sais pas. La fonction présidentielle nécessite d’être parfois en retrait. Pour autant, je pense qu’il a du mal à percevoir ce qu’il se passe dans notre pays : à ce moment précis, il était nécessaire qu’il déroge à sa posture institutionnelle pour communier avec le pays inquiet et nos compatriotes juifs meurtris. Il est passé à côté des Français. Je reproche beaucoup de choses à Emmanuel Macron, qui a tant fracturé notre pays, mais je ne le soupçonne pas en revanche de ne pas vouloir lutter contre l’antisémitisme. De grâce, sur cette question si sensible, ne passons pas notre temps à allumer de nouveaux incendies. Rassemblons-nous sur l’essentiel.

Vous comprenez sa position sur le Proche-Orient ? Un jour évoquant une coalition internationale contre le Hamas, l’autre appelant au cessez-le-feu ?

Emmanuel Macron est une brindille dans la tempête. La parole de la France ne pèse plus rien. Prenons le cas des otages, qui est l’une des clés du conflit. La France se retrouve spectatrice. Sa parole s’est effondrée derrière la négociation menée par le Qatar. Notre pays a toujours joué un rôle stratégique dans les libérations d’otages, et c’est fini, nous ne sommes plus en situation de peser. L’idée d’une « coalition internationale » contre le Hamas émise par Emmanuel Macron a provoqué une perte de crédibilité immense. La parole de la France est devenue inconséquente. Ce que j’attends du président, c’est qu’il dise clairement que rien ne pourra se reconstruire demain sans une nouvelle autorité palestinienne, et probablement pas sans une nouvelle autorité israélienne ; qu’il porte une parole française qui ne change pas selon les jours ; et qu’il affirme que notre soutien n’est pas inconditionnel. Oui, Israël doit éradiquer les têtes du Hamas. Non nous ne pouvons pas rester muets en comptant comme par fatalité les morts civils. C’est la position que la France porte depuis le général de Gaulle, poursuivie par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. La recherche de la paix n’est jamais une faiblesse. C’est une forme de courage.

Vous redoutez une importation du conflit sur notre sol ?

Je ne crois pas à l’importation du conflit mais à l’importation de la haine. Désormais, les organisations qui prêchent la haine ont dans notre pays des agents de propagation de leur poison. Jean-Luc Mélenchon est devenu un agent de propagation de cette haine. C’est impardonnable, car il rend un service précieux à tous ceux qui prêchent les idées terroristes.

Larcher voit en Macron « le président de l’impuissance politique »

Le président (LR) du Sénat rappelle à Macron qu’il a une obligation de résultats 

Le président du Sénat insiste notamment sur le projet de loi immigration, un texte sur lequel la droite au Parlement devrait être le pivot et qui demande l’organisation d’un référendum sur le sujet.

Quelques jours après avoir phosphoré douze heures durant en compagnie des chefs de parti, une « initiative politique d’ampleur » décidée par le président Macron (lien PaSiDupes), Gérard Larcher met en garde: « attention à ce qu’une nouvelle fois ces ‘rencontres de Saint-Denis’ ne débouchent sur rien ».

« Maintenant, il y a une exigence de résultats », fait-il aussi valoir dans un entretien accordé au Parisien ce samedi.

Référendum sur la politique migratoire

Candidat à sa succession à l’issue des sénatoriales de septembre, le président du Sénat met notamment l’accent sur l’immigration, alors que l’exécutif peine à formuler son projet de loi promis depuis six ans.

Or, Les Républicains réclament en la matière une large réforme constitutionnelle qui permettrait notamment d’organiser un référendum sur la politique migratoire, lequel passerait par une remise en cause de la primauté du droit européen sur le droit national ou inscrirait le principe d’assimilation dans la Loi fondamentale.

Le principe de primauté du droit de l’Union européenne est le principe selon lequel une norme juridique d’un État membre de l’Union européenne qui se trouve en conflit avec une norme de l’Union européenne doit être écartée par les instances nationales, pour que le droit de l’Union européenne puisse prendre effet. 

La jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, reprise par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a fait émerger cette norme juridique consacrée par l’arrêt Costa contre ENEL en 1964. Depuis, une loi d’un Etat membre de l’Union européenne qui se trouve en conflit avec une norme de l’Union européenne doit être écartée par les instances nationales pour que le droit de l’Union européenne puisse prendre effet. Il garantit la supériorité du droit européen sur les droits nationaux. Le principe de primauté vaut pour tous les actes européens disposant d’une force obligatoire, qu’ils soient issus du droit primaire ou du droit dérivé. De même, tous les actes nationaux sont soumis à ce principe, quelle que soit leur nature (constitution, loi, règlement, arrêté, etc.) et que ces textes aient été émis par le pouvoir exécutif ou législatif de l’État membre. Le pouvoir judiciaire et la constitution des Etats membres sont également soumis au principe de primauté.

« Sans réforme constitutionnelle, il n’y aura pas de politique migratoire réelle et donc aucune politique d’intégration réussie. Et nous ouvrons la porte à l’extrême droite si on trompe encore les Français sur ce sujet« , prévient Gérard Larcher.

Et si Macron « enterre » l’option d’un référendum, « il en assumera les conséquences », menace encore l’élu des Yvelines.

« Impuissance politique »

Alors que le gouvernement met la dernière touche à son budget et présentera en septembre sa loi de programmation des finances publiques, Gérard Larcher appelle à « faire des économies », ce qui « demande un peu de courage politique », insinue-t-il.

« Il ne faut pas qu’Emmanuel Macron soit à nouveau le président de l’impuissance politique », appuie-t-il, agitant encore le spectre d’une motion de censure à l’Assemblée déposée par son parti et qui pourrait renverser le gouvernement.

L’annonce d’une prochaine conférence sociale, qui doit notamment viser les bas salaires laisse également Gérard Larcher dubitatif. « Est-ce un nouveau faux-semblant ou l’amorce d’un nouveau dialogue social? Si ce n’est que de la gesticulation, on le paiera tous cher collectivement », affirme-t-il.

Quant aux affaires internes de son parti, Gérard Larcher affiche son scepticisme face à la ligne prônée par l’ancien président Nicolas Sarkozy qui appelle la droite à rassembler largement, de Macron à Zemmour. « La vie politique a besoin de clarté, il y a des grands écarts impossibles », assure-t-il.

Xavier Bertrand demande un référendum constitutionnel sur la laïcité

Les fanatiques islamistes provoqueront-ils un sursaut de conscience politique ?

Xavier Bertrand dans le Grand Jury dimanche 18 octobre 2020

Le président de la région Hauts-de-France souhaite un référendum pour lutter contre l’islamisme radical. « Sur un sujet comme celui-ci, si l’on veut faire bloc, c’est au peuple de se prononcer par un référendum », a assuré Xavier Bertrand sur RTL ce dimanche 18 octobre.

Xavier Bertrand a assuré ne pas vouloir « attendre un prochain attentat » pour agir. Estimant – avec Mélenchon, qui pointe Laurent Nuñez, coordonnateur nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) auprès du président de la République française depuis trois mois, que « l’Etat a failli dans la lutte contre l’islamisme », il a expliqué que « si le droit ne protège pas, alors on aménage le droit » et cela passe « par une modification de la Constitution sur certains points ». 

En pratique, la question de ce référendum sera « liée à un projet de loi constitutionnelle en cours d’élaboration au Sénat », explique le président de la région Hauts-de-France sur RTL. Xavier Bertrand veut notamment « créer de nouvelles sanctions judicaires pour ceux qui s’en prennent à la laïcité et aux valeurs de la République ».

Il estime qu’il faut des lois beaucoup plus dures. Il souhaite « consacrer le principe de laïcité avec la même importance que l’égalité, la liberté et la fraternité ». 

Dans Le Parisien du 20 février 2008 , X. Bertrand est passé aux « aveux » sur son apoartenance a la franc-maçonnerie. «J’ai effectivement adhéré, en 1995» (à une loge du Grand Orient de France), «attiré par le travail sur soi et sur les idées des autres que permet la franc-maçonnerie», explique Xavier Bertrand. «De moi-même, je n’aurais pas pris l’initiative de parler, mais certains l’ont fait pour moi», ajoute-t-il.

Dans un entretien au magazine l’Express, le ministre du Travail précisa qu’il s’en est toutefois «mis en retrait» depuis son entrée au gouvernement en 2004 mais qu’il n’a pas confié cette appartenance à Nicolas Sarkozy.

Depuis 2004, il dit n’avoir plus participé à aucune réunion dans sa loge mais est «intervenu deux fois comme conférencier cette année-là».

Interrogé sur son choix de l’obédience du Grand Orient de France, généralement classé à gauche, X. Bertrand précise que ce choix n’est pas dû «au hasard : je viens de la droite et ma logique d’ouverture aux autres et à leurs idées m’a porté vers le Grand Orient de France», raconta-t-il. «J’étais alors au RPR, on ne pourra pas dire que j’ai fait ce choix pour faciliter mon ascension politique», assure-t-il.

Donc, en cas d’atteinte à la laïcité par des personnes étrangères, la sanction sera « l’expulsion immédiate ». Pour Xavier Bertrand, « on ne peut pas tergiverser », car l’assassinat de ce professeur est « un point de bascule » dans la société. 

« Et sur un sujet comme celui-ci, si l’on veut faire bloc, c’est au peuple de se prononcer par un référendum », martèle-t-il, assurant que cela fait un an qu’il fait cette proposition. Pour Xavier Bertrand, « sur un sujet comme celui-ci qui touche toute la Nation française, il faut qu’il y ait un engagement très fort » de tous. 

Ce changement de Constitution entraînerait donc des modifications sur l’accès aux réseaux sociaux et la question des peines de sûreté contre ceux qui se sont rendus coupables de terrorisme. Si des changements peuvent trouver leur place dans la loi ordinaire, « d’autres doivent trouver leur place dans une loi constitutionnelle ».  « Arrêtons la plaisanterie avec les réseaux sociaux. C’est un lieu d’impunité, l’imam Google est plus puissant que la mosquée aujourd’hui. Il faut changer la Constitution », a assuré le président de la Région Hauts-de-France.