Anticor: le tribunal administratif lui retire son agrément

Des anti-corruption sanctionnés pour corruption idéologique

Le logo lui-même appelle à
la fracture politique

Comme Transparency International ou Sherpa, Anticor était l’une des trois associations habilitées à porter plainte au nom de l’intérêt général en matière de délinquance financière et de lutte contre la corruption. Avec cette décision administrative, l’association perd la possibilité de porter plainte au nom de l’intérêt général. Et de son idéologie d’extrême gauche vertueuse qui prétend réhabiliter la démocratie représentative (mise à mal par leurs alliés de la NUPES, notamment encore lors du débat parlementaire sur la réforme Macron des retraites), promouvoir l’éthique – rien que ça – en politique et lutter contre la corruption et la fraude fiscale. L’organisation se victimise, sa présidente Elise Van Beneden dénonçant «un coup porté à la lutte contre la corruption et donc à notre démocratie»»… L’avocat d’Anticor dans ce dossier, Me Vincent Brengarth (cabinet Bourdon & Associés), qui publie dans Le Monde, Libération et le Huffington Post, a dénoncé une procédure «abusive, infondée, un non-sens, en ce qu’il risque d’empêcher le combat de l’association contre la corruption». Un combat fléché…

Cet agrément est le sésame qui a permis de porter plainte et de se constituer partie civile dans d’épineuses affaires touchant à l’éthique publique, comme celle impliquant Alexis Kohler, le puissant secrétaire général de l’Elysée, mis en examen pour prise illégale d’intérêts en octobre 2022.

Les demandeurs, des dissidents de l’association, ont saisi en juin 2021 la justice administrative pour contester l’arrêté du 2 avril de la même année, signé par l’ex-premier ministre Jean Castex, qui avait renouvelé après des mois d’incertitude l’agrément d’Anticor. Or, pour les demandeurs, la procédure de renouvellement a été irrégulière et l’agrément n’aurait pas dû être accordé faute de conditions remplies par Anticor: caractère indépendant et désintéressé de ses activités, information de ses membres sur la gestion, etc. Vendredi, le tribunal administratif doit se prononcer sur ce recours.

En 2012, Alain Cohen-Dumouchel (de l’association Gauche libérale) dit pourtant que des démocrates exemplaires d’Anticor qu’ils sont un « sous-marin à peine immergé, de la gauche socialiste et écologiste », refusant par exemple l’adhésion à l’association et la signature de sa charte aux candidats du Front national.

Les partis-pris d’Anticor étaient donc son tendon d’Achille. Ce vendredi 23 juin, le tribunal administratif de Paris a décidé d’annuler l’agrément judiciaire d’Anticor (attribué à l’origine par décision du Conseil d’Etat), qui lui permettait de se substituer à un Parquet parfois «peu proactif», selon la gauche extrême en matière politico-financière. Et avec en plus un effet rétroactif au 2 avril 2021, date du dernier renouvellement triennal accordé à l’association loi de 1901. «Cette annulation constitue une atteinte grave à la démocratie, ainsi qu’aux libertés associatives», a-t-elle réagi sur Twitter. Anticor va bien faire appel, mais comme les délais judiciaires sont longs, l’association partisane avait anticipé la décision du tribunal en préparant d’ores et déjà une nouvelle demande d’agrément auprès de Matignon – la Chancellerie étant de facto dessaisie pour cause de plainte d’Anticor contre le ministre Eric Dupond-Moretti.

La rétroactivité du retrait d’agrément pourrait poser problème sur les plus de 150 procédures pénales actuellement diligentées par Anticor, du moins celles engagées depuis deux ans. A l’audience, la rapporteure du tribunal administratif s’était montrée optimiste à ce sujet, soulignant qu’un réquisitoire introductif du Parquet permettrait de sauvegarder les procédures en cours, nonobstant la perte de pouvoir ester en justice du plaignant. Sauf que le Parquet ne s’est pas toujours prononcé sur toutes les plaintes déposées par Anticor, dont certaines pourraient ainsi tomber à l’eau.

Le vice-président d’Anticor Eric Alt étant à la fois partie civile et magistrat au Tribunal de grande instance de Paris, le dépaysement d’affaires a pu être demandé et accordé par la Cour de cassation pour éviter tout conflit d’intérêts. Eric Alt a par ailleurs été candidat aux élections européennes sous l’étiquette du parti d’opposition Nouvelle Donne, mouvement politique français de gauche relancé en novembre 2013 par Pierre Larrouturou.

Preuve que et Anticor et la magistrature sont neutres, libres et indépendants de toute idéologie ou pouvoir…

Les anti-démocrates organisés en association vertueuse annoncent « la fin de la démocratie»

En interne, on accuse le coup, même s’il était annincé. «C’est la fin de la démocratie», dramatise une dirigeante d’Anticor : «Nous allons tenter de mobiliser les autres associations.» C’est déjà fait, comme l’explique la section française de Transparency International, d’origine allemande, l’une des trois associations agréées pour porter plainte contre toute atteinte à la «probité», terme général qui va de la corruption au blanchiment en passant par le favoritisme ou le conflit d’intérêts. «Nous ne critiquons jamais une décision de justice mais demandons au pouvoir exécutif de renouveler immédiatement l’agrément d’Anticor.» Et de pointer, en sus de ce retrait d’agrément, un «essoufflement de la lutte contre la corruption, où le rôle des associations est essentiel». A entendre Transparency International, «tous les voyants sont au rouge».

Sherpa, davantage dédiée à la corruption internationale, n’est pas en reste : «La décision du tribunal administratif confirme les craintes que nous exprimons depuis des années : l’action des associations étant soumise au bon vouloir de l’administration [une instance institutionnelle], avec des critères flous exposant les associations à des décisions arbitraires.» Et d’en appeler à une réforme en profondeur de la procédure pénale, car «au-delà du frein à la lutte contre la criminalité en col blanc, ce sont les libertés associatives et la démocratie qui sont ici menacées». Pas moins.

Comme Transparency International ou Sherpa, Anticor est l’une des trois ONG habilitées à porter plainte au nom de l’intérêt général [c’est vaste mais c’est flou: il y avait un loup] en matière de délinquance financière et de lutte contre la corruption.

Habituellement, les tribunaux n’ont pas à se mêler de cet agrément triennal, qui relève d’une décision administrative prise par le ministère de la Justice – ou par Matignon. Lors de son dernier renouvellement en avril 2021, le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, avait dû se déporter, car Anticor avait préalablement porté plainte contre lui devant la Cour de justice de la République (CJR). Dans le cas présent, c’est sur recours d’un opposant interne que la justice est saisie : Claude Bigel, ancien vérificateur des comptes de l’association, exclu en septembre 2020, et Yves Sassiaut, retraité, caméraman et chef de production, toujours membre.

Le rapporteur public, dont l’avis est souvent suivi, «a conclu à l’annulation de l’agrément accordé par le premier ministre en avril 2021. Il a suivi nos arguments, donc», s’est félicité Me Frédéric Thiriez, avocat des demandeurs. «

Lien PaSiDupes – JO. 2024 de Paris: soupçons de prises d’intérêts et favoritisme sur le Comité olympique

Yaël Braun-Pivet réveille le spectre de la commission Benalla avec sa décision sur la PPL Liot

Braun-Pivet, récompensée pour son rôle dans l’affaire Benalla ?

« Les travaux ont été empêchés ». La phrase date du 1er août 2018, en pleine affaire Benalla. Guillaume Larrivé, co-rapporteur LR de la commission d’enquête sur l’affaire Benalla, fulmine face à Yaël Braun-Pivet, présidente de la Commission des Lois. Cinq ans plus tard, elle est devenue …présidente de l’Assemblée nationale et fait face aux mêmes remontrances après sa décision d’empêcher les discussions en séance sur le texte LIOT d’abrogation de la réforme des retraites, « au nom de la Constitution ».

Le 23 juillet 2018, la commission des Lois de l’Assemblée nationale se transforme en commission d’enquête pour déterminer les responsabilités – notamment politiques – dans l’affaire qui met en cause l’ancien garde du corps de Macron devenu conseiller du Président et pris en flagrant-délit de violences lors d’une manifestation le 1er mai. Censée durer un mois, elle prend fin au bout de… quatre jours. Le co-rapporteur LR Guillaume Larrivé claque la porte en dénonçant une « parodie », suivi par l’ensemble des élus d’oppositions.

Le 1er août, la commission accouche d’un compte rendu (et non d’un rapport comme le veut l’usage) où le même Larrivé pointe le refus de Braun-Pivet, soutenue par la majorité, d’auditionner « des responsables de la présidence de la République, du ministère de l’intérieur et du parti La République en Marche ». En cause : Alexis Kholer, le secrétaire général de l’Elysée et Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur.

Braun-Pivet et le refuge de la loi

Ces critiques, la juriste Yaël Braun-Pivet les balaie d’un revers de loi. « Je rappelle que des procédures judiciaires sont en cours et que les débats parlementaires – il s’agit de la Commission des Lois – n’ont jamais eu vocation à empiéter sur les pouvoirs qui sont ceux de l’autorité judiciaire. (…) C’est là une limite de notre enquête, quand bien même certains auraient voulu la franchir », se décrète-t-elle le 1er août 2018 face à ses pairs.

Cinq ans plus tard, alors qu’il est question cette fois de la recevabilité d’un texte de loi, sa stratégie – ou celle de l’Elysée – n’a pas varié. L’article 1 de la proposition de loi LIOT pour abroger la réforme des retraites et les amendements déposés pour le remettre à l’ordre du jour le 8 juin ne doivent pas être discutés en séance car ils ne sont pas …« conformes à la Constitution » au prétexte de l’impact supposé sur les finances publiques, assène-t-elle ce mercredi sur BFMTV.

La présidente de l’Assemblée nationale se montre ferme. Pourtant, quelques semaines plus tôt, elle assurait ne pas vouloir convoquer un nouveau bureau de l’Assemblée pour étudier à nouveau la recevabilité du texte : « Elle ne veut pas qu’on piétine l’Assemblée nationale », racontait son équipe au Monde le 24 mai. Mais en 15 jours, la pression s’est accentuée sur la députée des Yvelines.

« Elle a une pression de ouf sur elle » (une figure montante – et anonyme ! – des élus Renaissance)

A la fin du mois de mai, une figure montante du groupe Renaissance résumait en ces termes : « Elle a une pression de ouf sur elle. Et c’est normal, on y participe tous. C’est elle qui a la clé, donc elle n’a pas vraiment le choix. Parce que si la PPL était votée dans l’hémicycle, cela enverrait un signal politique terrible. Ça remettrait une pièce dans le cochon et ça bloquerait tout le reste. »

Pour la gauche, « on est un cran au-dessus » de Benalla

La pression de ses collègues, Yaël Braun-Pivet connaît. En 2018 déjà, ses décisions irritent les oppositions qui les jugent dictées par sa hiérarchie. « Pourquoi avoir pesé comme vous l’avez fait sur les épaules de la présidente de la Commission des Lois pour interrompre un processus en recherche de vérités demandé par les Français ? », interrogeait ainsi le député David Habib (PS) à Gilles Le Gendre, alors président du groupe LREM à l’Assemblée, sur LCP le 4 février 2019.

Depuis 2018, Yaël Braun-Pivet est devenue le troisième personnage de l’Etat… Ephémère ministre des Outre-mer, elle est devenue en juin 2022 la première femme à présider l’Assemblée nationale. Mais l’affaire Benalla lui colle aux basques.

En témoigne, lors de son élection au perchoir, cette réaction acerbe de la cheffe de file de La France Insoumise, Mathilde Panot. « L’Assemblée est maintenant présidée par Yaël Braun-Pivet, la même qui avait enterré la commission parlementaire sur l’affaire Benalla. Symbole d’une Assemblée d’un autre temps, entièrement soumise à l’exécutif. » Un an plus tard, elle ne renie pas ses mots. « C’est le gouvernement qui est à la manœuvre, la séparation des pouvoirs n’existe pas », fustige-t-elle face aux journalistes le 1er juin, au lendemain de la commission des Affaires sociales où la PPL Liot se voit privée de son article essentiel. Les critiques des oppositions en 2023 font d’ailleurs écho à celles de 2018, avec le même reproche : celui « d’entraver la démocratie ».

« Yaël Braun-Pivet vient de rater la marche vers l’Elysée »

Or, l’un des acteurs LR de la commission Benalla réfute toute comparaison. « Cela n’a rien à voir. Yaël Braun-Pivet applique la Constitution. Elle est dans son rôle. Sous la Ve, ce n’est pas à un groupe minoritaire de dicter le tempo. »  Qui est cet anonyme ? Côté socialiste, on hésite aussi à mettre sur le même plan la Braun-Pivet d’alors et celle d’aujourd’hui, mais la raison est tout autre : « C’est la même actrice, mais la différence avec Benalla c’est qu’il y avait une commission d’enquête au Sénat. Là, on est un cran au-dessus. Yaël Braun-Pivet n’est qu’un pion dans une pratique gouvernementale qui ne va pas ».

« Nous n’avons eu aucune pression », affirme-t-on dans l’entourage de Yaël Braun-Pivet qui se défend de faire de la politique et dit s’en tenir « aux règles de notre Assemblée ». « Il est hors de question pour elle de tordre le règlement. Un coup ça coûte à la majorité, un coup à l’opposition, mais c’est la ligne qu’elle s’est fixée ».

« Elle est faible. Elle pouvait gagner 10 points dans les sondages et être la nouvelle star », rigole un conseiller du groupe LIOT, pas loin de pronostiquer la fin politique de la députée des Yvelines à qui on prête des ambitions au sommet. Un député Renaissance franchit le pas : « Elle s’est couchée et n’a pas résisté à la pression, c’est dommage. Yaël Braun-Pivet vient de rater la marche vers l’Elysée. »

L’Elysée n’avait pas besoin de cette nouvelle disgrâce.

Yaël aurait pourtant du mérite:

Le bras droit de Macron, mis en examen pour « prise illégale d’intérêts « 

Le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, rattrapé par la justice, après trois années

Alexis Kohler,
le secrétaire général de l’Elysée,
murmure à l’oreille de Manu

Le collabo le plus proche de Macron est soupçonné de conflit d’intérêts en raison de ses liens avec l’armateur italo-suisse MSC, . L’affaire a été déclenchée par les plaintes déposées par l’association Anticor en juin et août 2018 et par la publication par Mediapart en juin 2020 d’une note de Macron adressée au PNF pour disculper Alexis Kohler, au lendemain d’un rapport de police l’accablant en juin 2020.

Le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, a été mis en examen le 23 septembre dernier pour « prise illégale d’interêts », a-t-on appris ce lundi 3 octobre une information confirmée ensuite par le Parquet National Financier (PNF). Alexis Kohler a par ailleurs été placé sous le statut de témoin assisté pour « trafic d’influence ». 

« Cette mise en examen intervient dans le cadre d’une information judiciaire ouverte suite à une plainte avec constitution de partie civile déposée le 30 janvier 2020 par l’association Anticor devant le doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Paris », écrit le PNF dans un communiqué. « Aucune mesure de contrôle judiciaire n’a été prise à son encontre », précise toutefois le Parquet National Financier. Alexis Kohler est maintenu à son poste à l’Elysée malgré cette mise en examen, indique l’entourage du président de la République. 

Le déroulé de l’affaire

Une information judiciaire avait été ouverte le 23 juin 2020 pour « prise illégale d’intérêts », « trafic d’influence » et défaut de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), après une plainte de l’association Anticor, en lien avec l’armateur italien MSC. 

L’association Anticor avait déposé le 8 août 2018 une plainte pour « prise illégale d’intérêt » contre Alexis Kohler. Le secrétaire général de l’Elysée a approuvé en 2010 et 2011 des contrats concernant l’armateur italo-suisse MSC, fondé et dirigé par des cousins de sa mère. Alexis Kohler était alors membre du conseil de surveillance et n’avait pas signalé ces liens familiaux avec MSC. Sa mère, Sola Hakim, née à Haïfa (1932-2021), est issue d’une famille de Palestine, immigrée en Alsace et cousine de Rafaela Aponte, épouse du gérant de MSC. 

La position de MSC sur le dossier STX, défendue à Bercy par Alexis Kohler en mars 2017, est précusément celle du nouveau gouvernement, souligne une journaliste de Mediapart.

L’affaire était née après la publication en 2018 de plusieurs articles de Mediapart. Le parquet national financier avait ouvert une enquête préliminaire, qu’il avait classée sans suite en août 2019, indiquant que l’analyse des éléments recueillis « ne (permettait) pas de caractériser les infractions initialement suspectées ».

L’association anticorruption Anticor avait obtenu la relance des investigations en juin 2020 grâce à une plainte avec constitution de partie civile, qui permet la plupart du temps la désignation d’un juge d’instruction.

Alexis Kohler « conteste avec force avoir commis tout délit » 

« Sans que soient pris en considération à ce stade les nombreux éléments objectifs à décharge, Alexis Kohler a été placé sous le statut de mis en examen pour prise illégale d’intérêt pour des faits pouvant remonter à plus de dix ans », regrette dans un communiqué son avocat, Me Eric Dezeuze. Il assure que « la suite de la procédure, à laquelle il a désormais accès » va « lui permettre de démontrer son innocence ».

On attend un non-lieu…

Alexis Kohler, la doublure du président en campagne

Faut-il ré-élire Alexis Kohler?

Les faits

Extraits. Entre le chef de l’Etat et son secrétaire général, les secrets d’une alchimie gémellité au cœur du pouvoir et de la conquête.

Le 24 janvier, dans la Creuse, Emmanuel Macron déclare : « J’annoncerai ma décision en temps voulu. » Le 25 janvier, dans le baromètre Odoxa-Mascaret pour La Voix du Nord, la cote de popularité du président de la République accuse une chute de cinq points.

Il lui arrive de prendre de l’avance. Le président n’est pas candidat, Alexis Kohler est déjà en campagne. Chaque jeudi, il participe à une réunion au siège de LREM, rue du Rocher, à Paris 8e. Entre temps, David Amiel, ancien collaborateur de l’Elysée, joue les messagers entre l’Elysée et l’équipe du parti dédiée à la réélection. Il rencontre régulièrement Alexis Kohler. Le sujet est partout, y compris dans la réunion de calage du lundi après-midi au Palais où plusieurs conseillers se retrouvent autour du secrétaire général. Christian Dargnat (ci-dessus à droite, avec Castaner), le financier qui avait levé les fonds nécessaires à la campagne de Macron en 2017, est de nouveau à la tâche, en lien avec le secrétaire général. Ce proche de Macron, spécialisé dans la gestion d’actifs et l’investissement, est à la tête d’Alphée Consulting, cabinet de conseil aux dirigeants fondé en 2016 (Groupe URVIKA). Cette fois, il s’agit de trouver six millions d’euros, seulement.

Macron (à droite) avec Muriel Pénicaud (à gauche) au CES de Las Vegas, le 7 janvier 2016, au lendemain de la French Tech Night

Evocation de l’affaire Business France, parallèle, qui concerne la signature par Business France, dont Muriel Pénicaud, ex-minimstre du Travail de Macron, était la directrice générale à l’époque des faits, sans appel d’offres préalable, d’un contrat d’un montant de 381.759 euros, dont 100.000 euros de frais d’hôtel, avec la société Havas, pour organiser une soirée le 6 janvier 2016, à l’hôtel The Linq à Las Vegas, avec 500 personnalités et dirigeants de start-ups françaises à laquelle a participé le ministre des Finances de F. Hollande et futur candidat Macron « autour d’un fastueux banquet », en marge du Consumer Electronics Show (CES). Or, « selon le code des marchés publics, un appel d’offres est obligatoire pour l’attribution de marchés publics dont le montant est supérieur à 25.000 euros ».

French Tech Night
de Las Vegas, 2016

Kohler au cœur de la campagne ? Dans la macronie, les uns, conscients du risque d’incompatibilité entre l’action au quotidien et l’inventivité programmatique, minimisent : ils concèdent au secrétaire général un rôle de trait d’union entre le front électoral et son bureau à l’Elysée. Sans plus. Les autres banalisent : a-t-on jamais vu l’occupant de cette fonction au service d’un Président sortant ne pas s’impliquer à fond quand se joue le destin de son patron ? L’un d’entre eux en rajoute : « Alexis Kohler prépare déjà les 100 premiers jours du futur mandat, parce que l’on sait à quel point les débuts sont cruciaux. »

Pour le commun des mortels, les journées comptent 24 heures. Pour Emmanuel Macron, elles durent deux fois plus. L’homme responsable de ce miracle s’appelle Alexis Kohler, secrétaire général de la présidence de la République, et bien plus que cela. Il est le bras, l’œil et le cerveau bis du chef de l’Etat. Non qu’il le remplace, mais il le prolonge. Il n’est pas son double – Emmanuel Macron ne le supporterait pas – mais sa doublure.

Il lui arrive de prendre de l’avance. Le président n’est pas candidat, Alexis Kohler est déjà en campagne. Chaque jeudi, il participe à une réunion au siège de LREM, rue du Rocher, à Paris. Entre temps, David Amiel, ancien collaborateur de l’Elysée, joue les messagers entre l’Elysée et l’équipe du parti dédiée à la réélection. Il rencontre régulièrement Alexis Kohler. Le sujet est partout, y compris dans la réunion de calage du lundi après-midi au Palais où plusieurs conseillers se retrouvent autour du secrétaire général. Christian Dargnat, le financier qui avait levé les fonds nécessaires à la campagne de Macron en 2017, est de nouveau à la tâche, en lien avec le secrétaire général. Cette fois, il s’agit de trouver six millions d’euros, seulement.

[A. Kohker est redevable. Notamment depuis l’affaire politico-financière des relations entre MSC et Alexis Kohler déclenchée par les plaintes déposées par l’association Anticor en juin et août 2018 et par la publication par Mediapart en juin 2020 d’une note d’Emmanuel Macron adressée au Parquet national financier (PNF) pour disculper Alexis Kohler, au lendemain d’un rapport de police l’accablant en juin 2020, en lien avec ses liens familiaux avec MSC.]

Kohler au cœur de la campagne ? Dans la macronie, les uns, conscients du risque d’incompatibilité entre l’action au quotidien et l’inventivité programmatique, minimisent : ils concèdent au secrétaire général un rôle de trait d’union entre le front électoral et son bureau à l’Elysée. Sans plus. Les autres banalisent : a-t-on jamais vu l’occupant de cette fonction au service d’un Président sortant ne pas s’impliquer à fond quand se joue le destin de son patron ? L’un d’entre eux en rajoute : « Alexis Kohler prépare déjà les 100 premiers jours du futur mandat, parce que l’on sait à quel point les débuts sont cruciaux. »

Formalité. D’ici là, une petite formalité, il faut être élu. Faire un programme ou quelque chose qui y ressemble. « Entre la rue du Rocher et celle du Faubourg Saint-Honoré, les rênes sont courtes, il y a des cahiers des charges, des contraintes pour la rédaction de fiches, des commandes de mesures wahou! mais réalisables, avec un calendrier structuré, des remises de copies séquencées, c’est très processé », relate l’un des participants à cette effervescence. C’est à Alexis Kohler que s’adressent les demandeurs d’une investiture pour les législatives plus qu’à Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, ou à Stanislas Guerini, délégué général de LREM. Si un directeur de campagne, doté de ce titre formel, finit par être nommé, il ne s’appellera pas Alexis Kohler, mais il en rapportera à lui. Emmanuel Macron ignore les organisations politiques, il les contourne. Il ne fait confiance qu’à une seule personne, Alexis Kohler, donc la campagne va se passer autour de lui.

« Nous travaillons en harmonie, dit Alexis Kohler à l’Opinion. Le Président fixe le cap et déploie sa vision avec volontarisme et énergie. Je suis là pour rendre possible ce qui est souhaitable: ce n’est pas à lui de s’occuper de la tuyauterie. » N. Sarkozy se voit en revanche reprocher en justice de ne pas s’être tenu informé du financement de sa campagne.

Seule Brigitte Macron peut revendiquer un tel lien, dans un registre différent. Elle est la part non négociable d’Emmanuel Macron, côté personnel ; Alexis Kohler occupe cette place dans la sphère professionnelle. Tous deux jouent le même rôle, celui d’une prise de terre qui relie l’homme et le Président à la réalité. « Nous travaillons en harmonie, dit Alexis Kohler à l’Opinion. Le Président fixe le cap et déploie sa vision avec volontarisme et énergie. Je suis là pour rendre possible ce qui est souhaitable : ce n’est pas à lui de s’occuper de la tuyauterie.»

Le poste de bras droit à l’Elysée est promis par Emmanuel Macron à Alexis Kohler dès qu’il quitte le ministère de l’Economie, en août 2016. Kohler, qui fut son directeur de cabinet, part pour Genève travailler dans la branche croisière de MSC. Pourtant, il reste en contact permanent avec le candidat, vient à Paris une fois par semaine et tous les week-ends. Les réunions d’arbitrage ont lieu le samedi. Les deux hommes ne se connaissent que depuis 2012. Et Kohler n’était pas le premier choix de Macron pour diriger son cabinet à Bercy. Il voulait François Villeroy de Galhau. Plusieurs voix avertissent le jeune ministre : cet inspecteur des finances à la carrière prestigieuse, presque vingt ans de plus que lui, sera considéré comme le vrai tenant du pouvoir.

Terrain de foot. L’entente entre Macron et Kohler est immédiate, elle ne faiblit pas. « Ils partagent un corpus idéologique très proche. Sur un terrain de foot, ils seraient capables de se passer la balle sans se regarder. Ils ne se cherchent jamais parce qu’ils sont sûrs de se trouver », affirme Philippe Grangeon, ancien conseiller spécial à l’Elysée,toujours proche des deux hommes. Kohler est rassurant : proximité intellectuelle, absence d’ambition politique personnelle, loyauté absolue, caractère tempéré. Pas du genre à traverser le pont d’Arcole tous les jours comme un Dominique de Villepin sous Jacques Chirac. « Il est le ‘Waze’ du Président, résume un conseiller. Avec lui vous prenez la bagnole, vous savez par où passer et à quelle heure vous arriverez. » « Alexis n’est pas un technocrate, et s’il lui arrive de se traiter ainsi, c’est un signe d’humilité ou d’auto-dérision. Il partageait dès 2014 avec Emmanuel Macron l’idée d’une gauche enfermée dans ses clichés, il veut assurer la réforme de l’économie, il est pleinement dans l’esprit de la loi Macron de 2015 », affirme Clément Beaune, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes.

Parler à Kohler, c’est parler à Macron. « Quand Villepin vous passait un message au nom du chef de l’Etat, vous n’étiez pas sûr qu’il exprimait la pensée présidentielle », note un ancien chiraquien. Alexis Kohler, lui, est un papier calque. En mai 2021, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, le rencontre. Le lendemain, il retourne à l’Elysée pour une décoration. Le Président le prend par le bras : « Alexis m’a raconté votre rendez-vous, viens, on en parle trente secondes. » Et de répercuter l’exact contenu de la discussion de la veille.

Pour assumer une hyper centralisation, il fallait un Kohler à Macron. Cette concentration du pouvoir ne doit pas qu’au tempérament du chef de l’Etat. « Il y a une tendance longue, depuis la création du quinquennat, à une forme d’extension du domaine réservé, par exemple aux questions de sécurité intérieure. Elle correspond d’ailleurs aux attentes des Français. Le chef de l’Etat ne peut pas ne pas être en première ligne sur ces sujets. D’où le rôle élargi du Conseil de défense », explique Alexis Kohler.

Infantilisation. Incarnant la présidence et le Président, le secrétaire général en symbolise les dysfonctionnements, inexistence du parti et infantilisation des ministres. Leurs interviews sont relues loupe à la main. Il leur arrive de recevoir des SMS directifs : « Je ne veux pas… », « Je te prie d’en tenir compte »… Lui est là pour exécuter le programme du macronisme, son obsession. Eux savent qu’il est souvent leur courroie de transmission unique avec le chef de l’Etat. La personnalité du secrétaire général adoucit la férule : affable, courtois, souvent drôle, Kohler échappe à l’arrogance parfois accolée à sa fonction. Les membres du gouvernement savent les défauts du Président, et que son bras droit les tempère.

Avec Bercy, les contacts sont particulièrement nourris car l’économie est le cœur de la compétence du secrétaire général. Celui-ci surveille de près la politique industrielle, reçoit les grands patrons (ce que le Président fait très peu). Il n’est pas toujours d’accord avec Bruno Le Maire.

« Je dis toujours ce que je pense au Président, mais mon opinion a d’autant plus de valeur qu’elle reste entre lui et moi, c’est une condition de la confiance », dit Alexis Kohler

Cela arrive aussi entre Alexis Kohler et Emmanuel Macron. « Je dis toujours ce que je pense au Président, mais mon opinion a d’autant plus de valeur qu’elle reste entre lui et moi, c’est une condition de la confiance », dit-il. Les cloisons n’étant pas toujours étanches, on aura appris que le secrétaire général n’était pas favorable au renoncement à la hausse de la taxe carbone, au moment du mouvement du Gilets jaunes, ni au grand débat qu’Emmanuel Macron a l’idée de lancer après. Qu’il soutenait Edouard Philippe, Premier ministre, dans sa volonté d’instituer un âge pivot au moment de la réforme des retraites. Une fois celle-ci suspendue, il milite pour une reprise partielle de la réforme avec au moins une mesure d’âge. En juillet 2020, il tente, en vain, de convaincre Emmanuel Macron de maintenir Marc Guillaume à son poste de secrétaire général du gouvernement.

Cuisine. Le 13 janvier, Bruno Retailleau, sénateur, annonce prématurément un accord au sein de la commission mixte paritaire (CMP) sur le pass vaccinal. Scandalisée, la majorité à l’Assemblée nationale met fin à la CMP. Cette décision est validée par Alexis Kohler. Quand les députés macronistes veulent faire passer des amendements à des textes de loi, la clef se trouve à l’Elysée, pas chez les ministres concernés. Le secrétaire général fait quelques incursions dans la cuisine politique. Par exemple, pour sauver Stanislas Guerini, menacé de perdre la tête de LREM, après les régionales de juin 2021. C’est également lui qui pousse la désignation de Cedric O, dont il est proche, au secrétariat d’Etat chargé du numérique, en juillet 2020.

Le plus étonné de la place prise par Alexis Kohler est… Alexis Kohler. Il a du mal à assumer le rôle qu’il joue de facto, cherche à le réduire à un job d’aiguilleur en chef. Il a appris la politique, ses codes et ses rites ; sans s’y plier vraiment. Lors des dîners politiques à l’Elysée, il est là. Mais avale vite son repas, pour éplucher ses dossiers tandis que les autres échangent, parfois des amabilités. Les histoires de parti ne le passionnent pas. Il lui arrive de s’étonner de mauvais sondages alors qu’il estime que l’action menée est bonne. S’attirant cette réponse de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense : « La différence entre les deux s’appelle la politique. »

Par Corinne Lhaïk

A L’Express, Corinne Lhaïk couvre la politique économique et sociale, puis la politique tout court, suivant l’ascension d’Emmanuel Macron et les deux premières années de son quinquennat. A L’Opinion depuis le 1er janvier 2020, elle s’intéresse aux relations sociales et aux transformations du capitalisme. Vaste programme !

https://www.lopinion.fr/elections/presidentielle/alexis-kohler-la-doublure-du-president-en-campagne

Alexis Kohler, la doublure du Président en campagne

Corinne Lhaïk

 Par Corinne Lhaïk26 janvier 2022 à 6h00

Le croisiériste MSC en délicatesse avec le fisc

Alexis Kohler, éminence grise de Macron, est-il son chat noir de couleur?

Bercy effectue un contrôle fiscal – avec descente de police , comme au siège de LFI – de la succursale française de la compagnie de croisières, connue pour ses liens avec Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée depuis mai 2017, donc homme de … confiance de Macron, mais qui apparaît en tête pourrie du poisson élyséen.

Bercy effectue un contrôle fiscal – avec descente de police, comme au siège de LFI – de la succursale française de la compagnie de croisières, connue pour ses liens avec Alexis Kohler, le bras droit de Macron.

Certains agents du fisc sont hargneux. Haineux au point de s’attaquer à l’entreprise du bras droit de Macron. Il s’agit de l’armateur MSC (Mediterranean Shipping Co.), actif en France à de multiples titres. Le groupe est le principal client des chantiers de Saint Nazaire, qui ont construit la quasi-totalité de ses paquebots de croisière. Il détient aussi une filiale de transport maritime, domaine où il est n°2 mondial. Enfin, ilexploite les terminaux des ports de Marseille et du Havre, et vient notamment de mettre deux nouveaux ports dans sa besace : celui de la Réunion pour 12,6 millions de dollars, et 50% du terminal Porte Océane du Port 2000 du Havre pour 14,5 millions d’euros.

Le groupe a été fondé par l’italien Gianluigi Aponte, qui en est toujours le patron et le propriétaire. L’épouse de Gianluigi, Rafaela Aponte, a pour oncle le grand père d’Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée. Et les deux familles sont proches : selon Mediapart, elles ont passé leurs vacances ensemble en Grèce et en Croatie sur un yacht privé de MSC durant cinq étés de suite, de 2009 à 2013. Une information judiciaire tente actuellement de déterminer si Alexis Kohler a caché ses liens avec la famille Aponte et a traité des dossiers concernant MSC alors qu’il était à Bercy (2008-2017), et notamment lorsqu’il représentait l’Etat aux conseils d’administration des chantiers de Saint Nazaire (2009-12) et du port du Havre (2010-12).

Entre novembre 2016 et avril 2017, Alexis Kohler a même travaillé pour le groupe familial, rémunéré 28.000 euros par mois : il a été le directeur financier du groupe MSC, et de MSC Cruises SA, sa filiale qui détient les activités dans les croisières. C’est justement MSC Cruises SA qui est dans le collimateur du fisc français. Selon les informations de Capital, Bercy a lancé un contrôle de la succursale française de MSC Cruises SA portant sur les exercices 2015 à 2017, période qui inclut le passage d’Alexis Kohler à la direction financière. Les agents du fisc ont notamment débarqué dans les bureaux de la succursale française à Montrouge au printemps 2019 pour un raid surprise destiné à emporter des documents. Le croisiériste a songé à contester la légalité du raid, avant de finalement renoncer. Toutefois, aucun redressement n’a été notifié à ce stade.

Interrogé par Capital, MSC confirme le contrôle fiscal, mais refuse de préciser sur quoi il porte. Toutefois, il concerne probablement le montage mis en place en 2006-2007 par le croisiériste. Il a alors centralisé toutes ses activités réalisées en Europe dans cette société, MSC Cruises SA, basée à GenèveCela représente plus de la moitié des revenus : en 2019, les passagers provenant d’Europe de l’Ouest ont représenté 1,8 milliard d’euros de chiffre d’affaires, soit 56% du total.

Grâce à ce montage, la plus grande partie du chiffre d’affaires réalisé avec ces passagers européens est désormais déclarée en Suisse. MSC Cruises SA y bénéficie d’un taux d’impôt sur les bénéfices de seulement 11,8%, presque trois fois moins qu’en France. Résultat : la maison-mère suisse parvient à verser très peu d’argent au fisc. En 2019, sa charge d’impôt s’est élevée à seulement 5,7 millions d’euros, sur un bénéfice avant impôt de 411 millions d’euros, selon ses comptes consolidés. Soit un taux d’imposition de seulement 1,4% !

Ce montage a notamment été mis en place en France. Jusqu’en 2006, le croisiériste opérait dans l’Hexagone via une filiale, Croisières MSC EURL. Le chiffre d’affaires déclaré en France correspondait alors à la vente de billets aux passagers français. Mais en 2007, le croisiériste a dissous cette filiale française et l’a remplacée par une succursale de la maison mère suisse. Un changement purement formel : cette succursale a repris les bureaux et le personnel de la défunte filiale française, comme l’indiquent ses comptes : “l’ensemble des moyens d’exploitation et du personnel affecté à cette activité continuera à se situer sur le territoire français ». En pratique, les passagers français signent désormais leur contrat directement avec la maison mère suisse. Et la licence française d’agent de voyages est aussi désormais détenue par la société mère suisse.

En revanche, cette nouvelle organisation a radicalement changé la manière de déclarer le chiffre d’affaires engrangé avec les passages français. Vincent Renoux, avocat associé au cabinet Stehlin, explique à Capital l’intérêt du mécanisme : « désormais, l’essentiel du chiffre d’affaires réalisé avec les passagers français est déclaré auprès de la maison mère en Suisse. Certes, le groupe continue à déclarer un chiffre d’affaires en France, mais il peut réduire ce chiffre d’affaires soit à une commission d’agent attribuée à la succursale, soit à la valeur des prestations commerciales & marketing effectuées pour la maison mère. Cette nouvelle organisation peut donc réduire drastiquement le chiffre d’affaires déclaré en France, et par là, les bénéfices, et donc l’impôt payé ».

Le chiffre d’affaires engrangé dans l’Hexagone peut être estimé à 300 millions d’euros par an : en effet, les passagers français (240.000 en 2019) représentent 9% des croisiéristes transportés (2,7 millions au total en en 2019).

Interrogé, MSC a juste précisé : “l’activité de transport maritime de passagers en trafic international est désormais exercée par la maison mère suisse MSC Cruises SAS. La succursale française réalise des prestations de services directement liées à cette activité”. Le croisiériste ajoute déjà payer des impôts en Suisse sur cette activité, et donc ne pas avoir à payer à nouveau un impôt en France pour la même activité : “la convention de non-double imposition s’applique à la maison mère suisse MSC Cruises SA et à sa succursale française”.

Ce même montage a aussi été dans le collimateur du fisc italien, qui lui reprochait de réduire l’impôt payé en Italie. Dans ce cadre, les dirigeants des activités italiennes ont été poursuivis en justice et une saisie conservatoire de 33,3 millions d’euros a été effectuée en 2014. Mais les dirigeants italiens ont finalement été acquittés par un tribunal pénal de Naples en 2017.null

Mais le groupe MSC a d’autres problèmes en Italie. Sa filiale Terminal Investment Ltd, qui exploite des terminaux à conteneurs dans des ports, détient la société Medcenter Container Terminal SpA, qui gère le terminal de Gioia Tauro, le plus gros port italien situé en Calabre. Précisément, la filiale de MSC a pris un tiers du capital en 2012, puis a accru progressivement sa participation jusqu’à 100% en 2019. Problème : ce port ”est l’un des carrefours du trafic de drogue en partance de l’Amérique du Sud vers l’Europe”, pointait en 2018 un rapport de la commission anti-antimafia. Mediapart a aussi retrouvé six affaires dans lesquelles de la drogue a été retrouvée dans des conteneurs transportés par les navires de MSC. “MSC, comme les autres compagnies de transport, est malheureusement affectée de temps en temps par des problèmes de trafic, bien que nous soyons très méticuleux dans nos procédures internes et dans les procédures de documentation”, avait déclaré l’armateur dans l’une de ces affaires.

MSC Cruises fait aussi l’objet d’un redressement fiscal au Brésil depuis plusieurs années, concernant les règles d’importation. Dans cette affaire, le croisiériste a dû déposer une caution, qui s’élevait à 23 millions d’euros fin 2019.

Surtout, le croisiériste utilise d’autres techniques d’optimisation fiscale pour réduire son impôt. D’abord, une niche fiscale britannique qui permet une imposition au tonnage (tonnage tax). Ensuite, l’utilisation intensive des paradis fiscaux, avec 31 filiales au Panama, une autre à Chypre, une à Malte, et une à Guernesey…

Cette utilisation intensive des paradis fiscaux est pratiquée dans tout le groupe MSC. Gianluigi Aponte a créé sa première société, Aponte Shipping Co, au Liberia. Puis il s’est installé en Belgique, avant de s’établir en Suisse en 1978. La filiale Terminal Investment Ltd Holding est immatriculée au Luxembourg et possède 11 filiales à Chypre sans y exploiter le moindre port. Dans le transport maritime de conteneurs, sa filiale française MSC France est détenue par une société néerlandaise, Sealiner Holding BV, elle-même détenue par une société suisse, United Agencies Ltd SA. Selon Mediapart, la filiale italienne Marinvest (qui détient les activités italiennes, notamment les croisiéristes MSC Crociere Spa et Grandi Navi Veloci Spa, et les ferries SNAV Spa), est détenue par une société immatriculée à l’île de Man, Trading and Projects Ltd. Et de nombreux navires du groupe naviguent sous pavillon de complaisance, notamment panaméen et maltais.

Interrogé, MSC nous a répondu :

  • La société n’est suspectée ni d’activité illicite, ni d’évasion, elle est simplement engagée dans un dialogue contradictoire et constructif avec l’administration française, avec laquelle elle coopère pour lui permettre de comprendre la spécificité de son activité, qui conditionne son organisation juridique. D’ailleurs, compte tenu des particularités du régime fiscal applicable au transport maritime international, il n’est pas rare que les autorités nationales des pays dans lesquels MSC Cruises SA opère, aient des questions et des demandes de clarification. Le Groupe MSC attend donc sereinement la fin des opérations de vérification. Pour le moment, l’administration n’a pas fait connaître sa position vis-à-vis des éléments précis qui lui ont été soumis.
  • Grâce à son activité de construction et de réparation de navires sur le sol français, MSC Cruises SA est devenue le premier client privé de la France au titre des grands contrats à l’export. Ainsi, 16 des 18 navires de MSC Cruises SA ont été construits sur les chantiers de Saint-Nazaire, ce qui représente, pour la France, une contribution économique de 12,5 milliards d’euros. Pour la seule année 2019, la contribution globale du groupe MSC à l’économie française s’est élevée à plus de 5,3 milliards d’euros.

L’impôt sur les bénéfices payé par MSC Cruises SA

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NB : entre 2015 et 2017, la charge d’impôt était un produit

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Le passé trouble d’un gendarme de l’Elysée sous Hollande et Macron

Ses liens avec le grand banditisme

François Hollande et Emmanuel Macron : le gendarme de l’Elysée au passé trouble
Le petit homme à gauche,
mis en cause par Mediapart

Nouveau scandale à l’l’Elysée: l’officier général de gendarmerie chargé de la protection des présidents de la République François Hollande et Emmanuel Macron serait lié au milieu du grand banditisme corse. Ce sont les révélations d’une enquête de Mediapart.

Dans une longue enquête publiée ce jeudi 12 novembre, le site révolutionnaire trotskiste révèle que le chef des gendarmes chargés de protéger les présidents de la République Hollande, puis Macron avait des liens avec le grand banditisme corse. De 2014 à 2019, le général de brigade Lionel Lavergne a dirigé le très secret Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), service assurant la protection des locataires de l’Elysée. Considéré comme « l’un des officiers les plus brillants de sa génération », selon Mediapart, le militaire a d’ailleurs été décoré le 8 juillet 2019 par Emmanuel Macron.

Suite à sa direction entre 2009 et 2012 du groupement de gendarmerie de la Haute-Corse, le nom de Lionel Lavergne est apparu dans une enquête judiciaire sur la mafia insulaire en 2014. Le général se serait lié à un homme suspecté d’être un tueur à gages du milieu. Ce qui ne l’a pas empêché par la suite de décrocher son poste à hautes responsabilités au palais présidentiel.

« Notre ami gendarme »

Soupçonné en septembre 2014 de réaliser des assassinats sur commande pour les mafieux corses, le mystérieux Dominique Luciani est mis sous surveillance policière. Chacune de ses conversations téléphoniques est alors interceptée. Lors de l’un de ces coups de fil sur écoute, le quinquagénaire se réjouit auprès de l’un de ses proches en Corse lié au grand banditisme que leur « ami gendarme », qu’il vient de quitter, « va avoir un super boulot, ça va être bon pour nous ». Après un autre appel, cet ami haut placé est identifié comme étant Lionel Lavergne. Or Dominique Luciani serait l’un des hommes de main du parrain Jean-Luc Germani. Ce petit monde se serait rencontré dans une loge maçonnique du Grand Orient de France.

Dominique Luciani était poursuivi pour « détention d’arme alors qu’il était sous contrôle judiciaire le 9 février 2015 », par le tribunal correctionnel de Bastia. Le prévenu sera condamné à deux ans de prison ferme avec une interdiction de détenir une arme pendant cinq ans.

Une peine en dessous des réquisitions du procureur, jugées… « extrêmement sévères » par la défense. Le Parquet avait demandé trois ans de prison ferme, assortis d’un mandat de dépôt. En apparence, cette affaire concernait un « simple » port d’arme. Mais les débats ont très vite basculé sur la personnalité et le contexte qui entourent le prévenu. Détenu pour avoir volontairement détruit par le feu, dans la nuit du 9 au 10 mars 2013 (les frères Luciani, Maxime et Dominique , avaient alors 24 et 36 ans,), l’entrepôt d’un entrepreneur de travaux publics installé sur la commune d’Evisa, Dominique Luciani a écopé de six ans de prison. Il s’est pourvu en cassation pour ces faits. Poursuivi, puis blanchi pour une tentative d’assassinat sur Camille Orsoni, le 30 mai 2014 à Bastia, le jeune homme de 36 ans originaire d’Evisa possède « un casier judiciaire chargé, constate la procureur. Il y a un contexte dans ce dossier sur fond de tentatives d’assassinats entre deux clans. Le profil du prévenu est connu de nos juridictions ». Dans le viseur du Parquet, l’affrontement entre les clans Mattei et Costa. 

Après trois années passées à la tête du groupement départemental de gendarmerie de la Haute-Corse, le 31 juillet, le colonel Lionel Lavergne quittera l’île, avec son épouse Valérie, pour une nouvelle affectation.

Ce que Mediapart révèle du général Lavergne pour ses liens passés avec le milieu corse

Le général Lionel Lavergne, ancien patron de la sécurité rapprochée du président de la République, avait-il des accointances connues avec le milieu corse avant d’être nommé à ce poste ultra sensible? s’interroge prudemment le site. C’est en tout cas la thèse défendue par Mediapart dans une longue enquête publiée ce jeudi 12 novembre. 

Les journalistes Brendan Kemett (passé par Le Parisien et France Soir, il collabore désormais à Paris Match, au Parisien Magazine et au Point de François…) et Matthieu Suc, à droite), deux connaisseurs du grand banditisme, signent cet article. Selon eux, c’est en surveillant en 2014 Dominique Luciani, un homme qu’ils suspectent d’être un tueur à gages pour le milieu corse, que les policiers ont la surprise de l’entendre évoquer “un ami gendarme”

Le suspect appelle “Lionel”

L’homme sur écoute précise qu’il “va avoir un super boulot, ça va être bon pour nous”. Il laisse ensuite entendre à son interlocuteur qu’il a, selon Mediapart prise sur le militaire pour des affaires de vie privée. Quelques jours plus tard, le suspect appelle un certain “Lionel”. La ligne de ce dernier est reliée à un site du ministère de la Défense. Surtout, les policiers font écouter l’enregistrement à un de leurs collègues qui connaît le gendarme sans lui dire de qui il s’agit. Selon Mediapart, le policier identifie aussitôt Lionel Lavergne. 

Ce dernier arrive le 14 décembre 2014 au groupe de sécurité de la présidence de la République dirigé par la commissaire Sophie Hatt dont il devient l’adjoint. La règle qui prévalait alors était qu’un gendarme et un policier occupent les postes de chef et d’adjoint. L’adjoint succédant au chef, une alternance était ainsi de mise entre les deux institutions à ce poste prestigieux et stratégique. Mais Sophie Hatt s’incrusta à son poste. 

Une promotion qui s’éternise

A  l’époque, l’hypothèse qui courait dans de nombreux media, dont L’Essor, journal des gendarmes, était que cette dernière s’accrochait à son poste. Pour Mediapart, c’est en réalité le lien avec le milieu corse qui a valu à Lionel Lavergne d’attendre deux ans cette nomination. 

Comment expliquer que l’officier de gendarmerie ait pu se maintenir à l’Elysée et même prendre la tête du GSPR en mars 2017 malgré ces accusations? Selon Mediapart, c’est en raison de l’influence que lui donnerait son appartenance au Grand Orient de France. L’article précise que le gendarme ferait partie de la même loge que Dominique Luciani. 

Mediapart ne précise pas comment les deux hommes se seraient rencontrés, mais rappelle que le général Lavergne a commandé le groupement de gendarmerie de la Haute-Corse entre 2009 et 2012.

L’affaire Benalla et la sécurité de l’Elysée

L’article précise que les policiers ont arrêté Dominique Luciani le 27 novembre 2014 en compagnie du parrain corse Jean-Luc Germani. Cela lui vaudra une mise en examen pour “recel de malfaiteurs” et, en juin 2020, un renvoi devant le tribunal correctionnel.

De son côté, le général Lavergne a été pris dans la tourmente de l’affaire Benalla. La commission d’enquête sénatoriale sur ce sujet a mis en cause le général, une accusation dont la justice le lavera plus tard, mais que la presse aux ordres analysa comme une agression de la droite. Cet ancien du GIGN a ensuite piloté la réforme de la sécurité élyséenne qui a suivi. Il est, depuis mai 2019, adjoint au directeur des opérations et de l’emploi (DOE), un poste stratégique au sein de l’Institution.

Le général Lavergne – qui n’a pas souhaité réagir – conserve en tout cas la confiance du chef de l’Etat. Macron lui a en effet décerné en personne son insigne d’officier de la Légion d’honneur le 8 juillet 2019 dans la Cour d’honneur des Invalides.

Le général Lavergne, mis en cause dans l’affaire Benalla, quitte la sécurité de l’Elysée

En poste depuis avril 2017, le général Lionel Lavergne, mis en cause par le Sénat dans un rapport sur l’affaire Benalla, va quitter ses fonctions de chef du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), selon un arrêté publié samedi au Journal officiel. Il sera remplacé, «à compter du 18 mai», par le colonel de gendarmerie Benoît Ferrand, précise l’arrêté, confirmant une information du magazine l’Essor de la gendarmerie.

En mars dernier, le Sénat avait saisi la justice des cas de trois collaborateurs du président Emmanuel Macron, dont le général Lavergne, auditionnés par la Haute assemblée dans le cadre de l’affaire Benalla, du nom de cet ancien chargé de mission auprès du chef de l’Etat accusé d’avoir tabassé des manifestants lors de la journée du 1er mai 2018 à Paris.

La commission d’enquête de Sénat avait pointé les «incohérences» et «contradictions» de M. Lavergne, mais également du directeur de cabinet du chef de l’Etat Patrick Strzoda et du secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler, lequel est en outre au coeur d’une affaire politico-financière franco-italienne déclenchée par les plaintes déposées par l’association Anticor en juin et août 2018 – pour « prise illégale d’intérêts », « trafic d’influence » et « corruption passive » pour sa présence passée au conseil d’administration de STX France, dont MSC est le client principal – et par la publication par Mediapart en juin 2020 d’une note de Macron adressée au parquet national financier (PNF) pour disculper Alexis Kohler, au lendemain d’un rapport de police l’accablant en juin 2020. A la suite du signalement par le Sénat, le Parquet de Paris a ouvert début avril deux enquêtes préliminaires, dont une pour «faux témoignages».

Le futur chef du GSPR, le colonel Benoît Ferrand, est issu du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), dont il a été le commandant en second, indique l’Essor. Il était à la tête, depuis 2016, du groupement de gendarmerie départementale des Bouches-du-Rhône, selon le magazine. Par ailleurs, le général Eric Bio-Farina était nommé à la tête de la future Direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR), selon un second arrêté publié au JO. Cette nouvelle structure doit prochainement regrouper le GSPR et le commandement militaire de l’Elysée, dans le cadre de la refonte du dispositif de protection du chef de l’Etat. E. Bio-Farina est pour l’heure maintenu dans ses fonctions de commandant militaire de l’Elysée, précise l’arrêté.

NOTE – Affaire Benalla : quand Macron acheta le silence du général Lavergne (article de PaSiDupes)