Refus d’obtempérer de la vapoteuse aux élus du peuple : 22e délit de fuite en avant
Vingt-deux, v’la Ma Dalton. Quelques minutes à peine après le rejet d’une motion de censure et l’adoption de la partie « recettes » du projet de budget 2024, Ma Borne a de nouveau frappé, faisant appel ce samedi 16 décembre à l’article 49.3 de la Constitution, pour faire adopter sans vote l’ensemble du texte en nouvelle lecture à l’Assemblée. Un 22e exemple de pratique équilibrée de la Constitution justifiant qu’elle agonise les oppositions d’invectives vertueuses et d’appels à la démocratique.
« Nous ne pouvons pas nous passer d’un budget », a observé la première ministre pour justifier le 22e recours à cette disposition constitutionnelle depuis son arrivée à Matignon, quelques minutes seulement après le rejet d’une motion de censure défendue par La France insoumise, qui n’a recueilli que 75 voix sur les 289 nécessaires pour faire tomber le gouvernement.
Le groupe La France insoumise a annoncé dans la foulée le dépôt d’une nouvelle motion de censure, qui n’a quasiment aucune chance d’aboutir. Une adoption définitive du Budget 2024, via un ultime 49.3, est attendu en fin de semaine prochaine, après un nouveau passage au Sénat.
Aux Etats-Unis, autre démocratie respectable, l’opposition n’est pas bafouée. En situation de conflit et pour éviter le shutdown et la paralysie de l’administration américaine, comme actuellement dans trois jours, le Congrès américain peut approuver – et ce fut le cas encore mercredi – une rallonge du budget de l’Etat fédéral : une démonstration d’unité entre les partis…
« Déni de démocratie »
Dans un hémicycle déserté, plusieurs orateurs ont fait allusion à l’humiliation adressée à l’exécutif, la semaine dernière au Palais-Bourbon : le blocage lundi du projet de loi immigration par l’adoption-surprise d’une motion de rejet des oppositions. Une commission mixte paritaire devra donc décider du sort du texte lundi.
« Nous sommes quasiment sûrs qu’un accord entre les groupes de la majorité présidentielle et celui des Républicains (LR) interviendra sur le projet de loi relatif à l’immigration. (…) Aujourd’hui, le 49.3 suffit, l’abstention de la droite étant l’alliée discrète qui permet de durer », a lancé la députée socialiste de la Sarthe Marietta Karamanli (candidate dissidente aux élections municipales de 2019 au Mans, face à l’ancien ministre Stéphane Le Foll).
« Il est pour le moins paradoxal de vous entendre nous reprocher de censurer le débat sur la loi immigration quand vous avez justement vous-mêmes interdit le débat durant tout l’examen budgétaire de cet automne », a abondé la députée LR Véronique Louwagie.
« Plusieurs d’entre vous ont encore taxé le gouvernement de déni de démocratie (…) Nous n’avons pas de leçons de parlementarisme à recevoir de la part de députés Insoumis qui n’ont que les outrances à la bouche ! (…) Nous n’avons aucune leçon à recevoir dans la lutte contre l’extrême droite, alors que vous alliez régulièrement vos voix à celles du Rassemblement national », a notamment polémiqué Elisabeth Borne dont l’autoritarisme anti-parlementaire irrite jusqu’au président Macron qui l’a rappelée à la mesure. Il a en effet appelé à un « compromis intelligent » sur la loi immigration « au service de l’intérêt général ». « Ce ne serait pas sérieux de traiter un texte sensible au 49.3 alors que les oppositions ont tout fait pour qu’il n’y ait pas de débat », a taclé le « good cop » de l’exécutif à l’encontre de sa « bad cop ».
« Un gigantesque cadeau » avant Noël
La première ministre a défendu un budget 2024 qui « met en œuvre un engagement clé que nous avons pris devant les Français : pas de hausse d’impôt ». Avec « des mesures importantes pour le logement, le pouvoir d’achat, la transition énergétique, l’outremer, pour une politique de la ville ambitieuse, pour nos agriculteurs, pour nos communes rurales, ou pour la lutte contre la fraude ».
Comme l’Insoumis Sébastien Delogu, ex-garde du corps et ex-chauffeur de taxi à Marseille, Mme Louwagie a notamment dénoncé un amendement du député de la majorité Mathieu Lefèvre réintroduisant des mesures fiscales avantageuses pour attirer notamment en France la Fifa, instance du foot mondial, une proposition soutenue par le gouvernement puis supprimée au Sénat. Avec ce gouvernement, l’argent va à l’argent.
« A la veille de Noël, vous faîtes un gigantesque cadeau à certains acteurs dont la situation financière est pourtant excellente, sans que jamais la représentation nationale n’ait pu en débattre », a dénoncé la députée de l’Orne.