Une proposition de loi « anti-squat » attendue

Les gauches politique et associative, dites progressistes, vent debout

L’Assemblée nationale commence ce lundi 28 novembre l’examen d’une proposition de loi anti-squat, qui pourrait être adoptée avec les voix des députés Les Républicains (LR) et Rassemblement national (RN), et malgré l’opposition de la gauche et des associations.

Porté par les groupes de la majorité présidentielle Renaissance et Horizons, le texte propose de tripler les sanctions encourues par les squatteurs, jusqu’à 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende.  « Actuellement, un squatteur risque un an de prison et 15.000 euros d’amende. Mais le propriétaire qui change la serrure risque trois ans et 45.000 euros », argue le rapporteur du texte, Guillaume Kasbarian, 35 ans. Passé par le lycée Saint-Louis-de-Gonzague, il est président de la commission des Affaires économiques du Palais-Bourbon, mais fait partie à Renaissance des déconnectés de la vraie vie. En effet, il n’a jamais entendu parler de la surpopulation carcérale et veut en surajouter.

Extention de la procédure d’expulsion express

Le président de la commission des Affaires économiques est un amateur récidiviste : il avait fait voter en 2020 des dispositions contre les squats par le biais d’un projet de loi, mais une partie des mesures avaient été censurées par le Conseil constitutionnel qui les considérait comme des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire, pour les gens connectés, des dispositions introduites dans une loi ordinaire par un amendement dépourvu de lien suffisant avec le projet ou la proposition de loi.

La proposition de loi du député d’Eure-et-Loir prévoit la même peine pour ceux qui se font passer pour propriétaire dans le but de louer un bien.

Il précise que le délit d’introduction dans le domicile concerne aussi les résidences secondaires et étend la procédure d’expulsion express, sans recours à un juge, aux logements vacants, vides de meubles.

Le texte réduit aussi la durée de la procédure judiciaire et prévoit que certains délais pouvant être accordés par un juge ne soient désormais envisageables que si le locataire en fait lui-même la demande. « Une atteinte manifeste à l’office du juge de l’expulsion », selon la gauche, qui craint un manque de recours des locataires: juge-t-elle que le squatteur est un locataire, un locataire à titre gracieux ?…

La proposition de loi veut aussi conforter les bailleurs face aux impayés, prévoyant là encore de raccourcir des délais procéduraux.

Rétablir un peu d’ordre dans le logement

A Marseille, des activistes ont occuppé des locaux pour laisser le quartier de La Plaine dans son jus et pour empêcher sa rénovation, qualifiée de gentrification,

Faute de majorité absolue, le camp présidentiel devrait se tourner vers sa droite pour faire voter le texte. Or, « ça fait bien longtemps qu’on fait des propositions allant dans ce sens », souligne la députée Annie Genevard (LR). En commission, elle a même fait adopter un amendement pour « assimiler le squat à un vol », une disposition « essentielle » qu’elle espère étendre aux cas d’occupation de locaux à usage économique. « Le groupe Rassemblement national approuve cette proposition de loi », avait déclaré en commission sa députée, Géraldine Grangier.

Quant au gouvernement Borne, s’il a apporté son soutien au texte, il pourrait encore peser en séance pour l’équilibrer. « Ce texte devra être l’occasion de faire la part des choses. On ne doit pas réagir de la même manière contre les squats, en particulier ceux entretenus par des marchands de sommeil, que devant les impayés de locataires », avait nuancé, début novembre, le ministre du Logement Olivier Klein, passé du PCF au Front progressiste, via le PS.

Les députés de la Nupes (insoumis, communistes et écologistes) sont eux vent debout, même si certains députés ultramarins de gauche soutiennent des amendements pour des mesures fortes en Outre-mer. « Cette loi est une fabrique de SDF », estime la députée LFI Danielle Simonnet, dont le groupe entend déposer une motion de rejet préalable au texte, qui, si elle est adoptée, entraîne le rejet du projet ou de la proposition de loi.

Son collègue LFI François Piquemal, 37 ans, avait fustigé en commission une proposition de loi « fait divers », au regard des quelque « 170 » procédures d’expulsion menées à terme en 2021 mentionnés par Guillaume Kasbarian. « Si nous tenions ce genre de raisonnement, nous n’aurions rien fait contre les marchands de sommeil, eux aussi minoritaires », lui a rétorqué ce dernier.

Un texte qui remet l’église au centre du village

Le ministre progressiste du Logement avait relativisé en 2021: « le squat n’est pas un phénomène massif en France ». « C’est une loi particulièrement dangereuse […] qui veut criminaliser les impayés de loyers », dénonce aussi l’écologiste Aurélien Taché, un instable venu du PS en 2017 à la NUPES, en passant par
LREM (2017-2020) et
ND (2020-2022), pour échouer à EELV, affirmant que certaines dispositions auraient conduit à « criminaliser les actions » du collectif Jeudi noir, dans lequel Julien Bayou s’est fait connaître comme agitateur. C’est un « texte disproportionné par rapport à la difficulté que rencontrent certains propriétaires », estime pour sa part le socialiste Gérard Leseul, un ancien professeur remplaçant, nomade.

L’association Droit au Logement (DAL) a tenu un rassemblement dimanche contre le texte qui présente « les squatteurs comme des délinquants alors qu’ils cherchent à se mettre à l’abri », selon Jean-Baptiste Eyraud, activiste d’extrême gauche, proche d’Olivier Besancenot (NPA) et porte-parole à vie depuis 1990 (32 ans, un bail…). « Ce texte va permettre des expulsions en 48 heures, sans juge, de squatteurs qui occupent des logements vacants », craint Manuel Domergue, de la Fondation Abbé-Pierre, qui dénie à un propriétaire le droit de rentrer dans son logement sans préavis aux squatteurs ! ATTAC dénonce une « loi antisociale » qui « criminalise les précaires ». Une inversion des valeurs: la proposition de loi criminalise les squats et les squatteurs et non pas les précaires. Et une essentialisation: tous les précaires ne sont pas des squatteurs !

Les débats devraient commencer dans la soirée de lundi et durer jusqu’en milieu de semaine, avec près de 200 amendements au menu. La NUPES se plaint d’un risque de burn-out des députés, mais entre travail parlementaire constructif et obstruction politique systématique, il faut choisir et assumer.