La presse diffuse la pensée unique, occultant le livre
L’espèce humaine s’est déjà adaptée plusieurs fois à des périodes de réchauffement et de refroidissement extrêmes, a révélé en 2022 le journaliste scientifique, Oliver Postel-Vinay, ex-rédacteur en chef de La Recherche et de Science & Vie (groupe Reworld Media) et directeur du mensuel Books a publié, en 2022, Sapiens et le climat, dans lequel il raconte les découvertes paléoclimatiques ce qui l’amène à relativiser le catastrophisme ambiant.
Olivier Postel-Vinay se souvient ainsi d’une première une en 1986, pour Science & Vie. Nous l’avions titrée «Les prophètes de l’été carbonique». On sortait tout juste d’une période où il n’avait été question pendant des années que de prophéties apocalyptiques sur le risque d’un hiver nucléaire en cas de conflit atomique. Tout à coup, les données indiquaient un réchauffement et on sentait monter l’alerte chez les climatologues, entre réalité et extrapolation. Ensuite, j’ai suivi le «Climategate» en 1995. Des hackers avaient découvert les échanges d’e-mails de climatologues très influents au sein du Giec qui trafiquaient les résultats. Ceux-ci voulaient peser sur les politiques gouvernementales «pour la bonne cause». Cet épisode est lointain, mais il laisse planer un doute sur les «petits arrangements» avec les faits.
« Une histoire bien chahutée »
La relation entre l’homme – sapiens- et le climat peut couler de source. Mais l’étude minutieuse des interactions de l’un sur l’autre (et inversement) est en revanche bien plus récente. Si le dérèglement climatique est un sujet récurrent de l’actualité, et singulièrement sur le rôle joué par l’homme, le regard en arrière est « un peu court » souligne Olivier Postel-Vinay. Il nous invite donc à parcourir les centaines de milliers d’années d’archives climatiques et archéologiques, aujourd’hui décryptées grâce à l’étude des cernes des arbres, des stalagmites, des carottes de glaces, des pollens fossiles. Sans même se retourner si loin, les années d’après guerre ont été une séquence de refroidissement avec le gel de la Seine comme la période 45-60 avec la vague de froid qui a marqué l’Europe et le Maghreb, dont l’hiver 54, le plus intense et meurtrier qui mobilisa l’abbé Pierre.
Et de constater qu’un lien fort a uni homme et climat – les climats ayant contribué, semble-t-il, à des évolutions culturelles et politiques majeures. Naturellement l’auteur, au fur et à mesure de son analyse, se rapproche des temps modernes et nous rappelle que nos civilisations ont connu des refroidissements et des réchauffements au moins égaux, si ce n’est pire qu’aujourd’hui, preuves et événements à l’appui. Pas de climato-scepticisme dans cette rétrospective, mais le constat d’une grande complexité – objet de la synthèse qui conclut l’ouvrage – dont la conscience doit contribuer à dépassionner les débats sur les causes et solutions au réchauffement actuel du climat. Ainsi, l’empreinte humaine n’est-elle pas seule en cause, puisque des changements climatiques sont intervenus avant l’ère industrielle, et l’activisme écologiste se focalise-t-il sur le C02 quand le méthane est encore plus dangereux.
Sur le sujet sensible de la relation de l’homme au climat, un peu d’humour ne fait pas de mal. Il est présent en particulier, sous forme d’un petit exergue, à l’ouverture de chaque chapitre.
Toute la première partie du livre témoigne du lien entre grands épisodes climatiques et expansion de l’homo sapiens à la surface du globe. L’évolution de ses migrations et modes de vie au gré des périodes chaudes ou glaciaires, lui permirent de franchir les détroits à pied et de gagner tous les continents… sauf l’Australie ! Cette dimension d’adaptabilité de l’homme échappe aux Cassandre verts.
Une lecture de notre histoire contemporaine, à la lumière des récentes découvertes sur le climat, est particulièrement intéressante car rarement traitée sous cet angle. Il apparaît que de grandes pages furent écrites du fait de la volonté des hommes, mais aussi sous la pression du climat. Pour ne citer que quelques exemples : l’expansion et la disparition de grandes civilisations comme l’Egypte des pharaons, les Mayas, l’empire des Khmers d’Angkor Vat, les Ming en Chine ou les mouvements expansionnistes des Vikings ou des Huns. Autre exemple, la relation entre épidémies et climats – les grandes pestes apparues en Chine puis en Europe, Typhus et choléra sont liées à des conditions climatiques aujourd’hui bien identifiées. Emmanuel Leroy Ladurie, dans son Histoire humaine et comparée du climat, à propos de la fin du Petit Âge Glaciaire en Europe, prête à Jean Jaurès que la médiocrité des saisons et des récoltes de 1787, 88 et 89, furent « les gâchettes de la Révolution française ». Tout bêtement, l’homme s’adapte au rythme des saisons… Il s’est même inventé une heure d’éte !
L’essai présente aussi, sous le prisme d’événements climatiques majeurs comme des éruptions volcaniques colossales, des exemple de leur inscription dans l’art, comme certains tableaux de Breughel, des romantiques allemands ou de Turner, ou dans la littérature, comme Les raisins de la colère de Steinbeck, qui a pour cadre un événement climatique extrême au centre des Etats Unis, le Dust Bowl, dans les années 1930.
L’analyse apporte aussi quelques nuances, du fait des découvertes récentes des paléo climatologues, à des thèses collaptionnistes comme celle de Jared Diamond (Effondrement, 2005).
Enfin, l’ouvrage est très accessible et facile à lire. On peut regretter qu’Olivier Postel-Vinay semble s’excuser de se risquer à relativiser l’idéologie dominante sur les causes anthropiques du réchauffement climatique actuel.
La référence à un temps calculé « avant Socrate » plutôt qu’avant Jésus Christ, évoqué pour être « transculturel », est certes intéressant dans son esprit, mais ni convaincant (Socrate, c’est la culture européenne, gréco-romaine, autant que le Christ pour ses racines chrétiennes) ni utile à la compréhension des échelles de temps. Déplacer le curseur de 400 ans en arrière quand on s’intéresse à des millénaires… est-ce vraiment utile ?
La presse boycotte l’ouvrage
Malheureusement, dès qu’on parle de réchauffement climatique, on se divise facilement. C’est d’ailleurs l’objet d’un précédent ouvrage d’Olivier Postel-Vinay. Mais remettons les choses à leur place. Les faits climatiques sont avérés et si les interprétations peuvent varier, l’Europe, par exemple, a connu au cours de ces deux derniers millénaires un optimum climatique avec des températures très élevées qui ne devaient rien à l’activité humaine. Il a aussi connu un « Petit Âge Glaciaire » – du moyen âge à la fin du XVIIIe siècle. L’intérêt de son ouvrage n’est pas de nier la situation actuelle, mais de la situer dans des échelles de temps long et des analyses plus complexes que l’alarmisme du court terme distille à longueur de media et avec bien peu de contradictions. La collection La Cité des Presses de la Cité a été créée précisément pour donner place à un débat pluriel sur des questions de société essentielles, et opposer à l’hystérie des lynchages médiatiques, un espace d’expression qui respecte les faits. Cet essai est courageux, n’hésitant pas d’ailleurs à citer Churchill dans son épilogue : « plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans l’avenir ».
« Dans ce dérèglement, nous voyons les saisons changer
les gels blancs tombent dans le frais giron de la rose écarlate […] Le printemps, l’été, l’automne fécond,
l’hiver chagrin échangent leur livrée,
et le monde effaré ne sait plus s’y retrouver ». (William Shakespeare, Songe d’une nuit d’été, vers 1595 p .261)
« La sécheresse débute à l’été 1930, l’année suivant le krach. Le déficit de précipitations est de 15% à 25% en moyenne pendant toute la décennie. En 1934, la région la plus touchée par le Dust Bowl connaît un déficit de 53%. Et il fait chaud, très chaud, au point que plusieurs records de température dans les grandes plaines n’ont pas été battus par les plus grosses chaleurs de ces dernières années (49° dans l’Oklahoma et le Kansas en 1936). » p. 307
« Si je cite ce texte de Montaigne, écrit à la fin du XVIème siècle, en pleine offensive du Petit Âge Glaciaire, c’est pour attirer l’attention sur un trait de notre époque : ce que l’historien François Hartog appelle le Présentisme. Nous vivons tellement au présent (nourri de prédictions) que la plupart d’entre nous oblitérons le passé, l’ignorons, ou le réduisons à quelques jalons mal informés, propagés par des clichés. En matière de climat, l’un ces clichés les plus irritants est la formule « sans précédent » qui accompagne tant d' »informations » diffusées par les médias. Les journalistes (et parfois les climatologues qui les instruisent) feraient bien de regarder à deux fois avant de l’assener. » p. 342
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