Si, à 17 ans, tu n’as pas brûlé une maison, c’est que tu as raté ta vie ?
Quand le pays part à vau-l’eau, le chaos inspire les sécessionnistes tel le Front de libération de la Bretagne (FLB), organisation terroriste indépendantiste. Amnistié en 1981, il est soupçonné de plusieurs centaines d’attentats, dont celui de Versailles.Des dégradations et des incendies revendiqués par l’organisation, active dans les années 1960-1980, ont conduit à l’ouverture d’une enquête judiciaire pour démêler le vrai du faux.
Les émeutes ont suscité des vocations d’incendiaires en Bretagne. Le Front de libération de la Bretagne (FLB) trembler la région. Des dégradations et des incendies revendiqués par l’organisation, active dans les années 1960-1980, ont conduit à l’ouverture d’une enquête judiciaire pour démêler le vrai du faux.
Le FLB a revendiqué plusieurs actions dont des incendies commis ces dernières semaines dans la région. Le Parquet de Quimper a ouvert une enquête pour déterminer « si cette revendication est d’opportunité ou en lien réel avec les faits rapportés. »
« Une grande partie de la population ne se sent pas concernée » par l’identité bretonne
Le Front de libération de la Bretagne a revendiqué plusieurs attaques dans la région. L’essayiste Benjamin Morel analyse ces événements pour « Le Point ». Propos recueillis par Guillaume Mercier
Les rédactions du Télégramme et de France Bleu Breizh Izel ont reçu, lundi 24 juillet, un courrier de revendication d’actes terroristes en Bretagne, signé du Front de libération de la Bretagne (FLB). Ce texte revendique la responsabilité du groupe dans des incendies criminels ayant eu lieu dans six communes de la région en 2022 et 2023. Parmi les destructions revendiquées se trouve une voiture immatriculée dans un département d’Île-de-France, à Concarneau (Finistère) en 2022, et à côté de laquelle avait été retrouvé un tag « FLB ».
Plus récemment, une maison incendiée à Trébeurden (Finistère) en juin 2023 s’est avérée être la résidence secondaire d’un préfet. Le parquet de Quimper a ouvert une enquête, confiée à la police judiciaire. Le FLB est pourtant censé avoir cessé ses activités après une amnistie de François Mitterrand en 1981.
Benjamin Morel, maître de conférences à l’université Paris Panthéon-Assas, et auteur du livre La France en miettes – Régionalismes, l’autre séparatisme*, décrypte pour Le Point cette affaire et la crédibilité des revendications.
Le Point : Doit-on donner du crédit aux revendications du FLB ?
Benjamin Morel : Tout dépend de ce que l’on qualifie de « crédit ». Nous ne sommes plus face au FLB des années 1960 et 1970, qui était une structure organisée entre la branche politique du FLB, et l’ARB, l’Armée révolutionnaire bretonne, pour la branche militaire. Là, on a a priori affaire à des éléments plus modestes en termes de nombre et d’ambition. En revanche, depuis les procès du FLB dans les années 1980, il y a eu, à intervalles réguliers, des retours de flamme, avec des plasticages de résidences secondaires. Depuis un an, le rythme est relativement régulier, il y a une volonté d’ancrer l’action dans le temps.
Doit-on s’inquiéter de ces reprises d’actions ? Le FLB constitue-t-il une menace sérieuse ?
Encore une fois, il faut savoir ce que l’on entend par « inquiétude » et « menace sérieuse ». On ne doit pas, a priori, s’attendre à des attentats sanglants. On est très loin du terrorisme que l’on a connu avec l’organisation État islamique. En revanche, on peut avoir une mutation semblable à celle de la Corse, avec des plasticages structurels de certaines résidences secondaires, surtout dans un contexte de tension sur le logement en Bretagne.
Il y a un discours qui consiste à dire que la hausse du prix du logement est due aux Parisiens qui ont acheté après le confinement, et qu’en attaquant leurs maisons le prix de l’immobilier baissera. Or, ce sont surtout des Nantais et des Rennais qui ont acheté sur la côte.
Quelle est l’idéologie du FLB ?
Le FLB est d’abord né à proximité de Yann Fouéré, un ancien collaborationniste, avec une idéologie d’extrême droite mais dont l’entourage a beaucoup infusé dans la gauche régionaliste bretonne. Le FLB s’est plutôt inscrit dans une rhétorique de gauche. C’est une organisation qui s’est appuyée sur les milieux culturels et associatifs, et qui a vu notamment dans l’indépendance de l’Algérie une opportunité de revendiquer l’indépendance de la Bretagne.
Le FLB s’inspire donc de ce qui se fait ailleurs ?
Oui, et son modèle est notamment l’IRA, en Irlande du Nord. Ce modèle a été très fort dans les années 1960 et 1970. Aujourd’hui, le modèle en termes de mode d’action s’est déplacé vers les indépendantistes corses.
De quelle manière le FLB s’inspire-t-il des mouvements corses ?
Ce nouveau FLB, qu’il convient de ne pas assimiler au mouvement d’origine car les deux sont probablement différents, s’est relancé lorsque Gérald Darmanin a promis aux Corses l’autonomie après les manifestations violentes à la suite de la mort d’Yvan Colonna. Quelques jours après, le conseil régional de Bretagne a voté un souhait d’obtenir également l’autonomie. Il y a donc eu un effet de mimétisme jusque dans la classe politique traditionnelle. Quant aux régionalistes bretons, une partie d’entre eux considère alors que la violence va payer, comme ça a été le cas en Corse.
Le FLB dénonce une crise du logement, quel intérêt de brûler des maisons de particuliers ?
De manière très pragmatique, l’objectif d’un attentat, quel qu’il soit, est que l’on parle de vous et que votre sujet de prédilection soit maintenu en tête de l’actualité. Or, les mouvements régionalistes et indépendantistes peinent à se faire entendre en Bretagne : des sondages Ifop, lors des dernières régionales, montrent que seuls 13 % des Bretons voient les sujets identitaires et culturels comme des priorités. Le nouveau FLB estime que seules les violences permettent de se faire entendre, et qu’en les commettant, ils rendront audible la question centrale du logement, donc celle du statut du résident et, par conséquent, celle de l’autonomie ou de l’indépendance.
Que pense la population bretonne du FLB ?
Sur les sujets identitaires bretons, une grande partie de la population ne se sent pas concernée. Une autre partie se considère comme agressée par les remontées identitaires, notamment dans les zones où l’on parle le gallo, une langue d’oïl qui n’a rien à voir avec le breton. Ces groupes se voient imposer, par les militants et les collectivités, une culture qui n’a rien à voir avec leurs traditions.
Une petite portion est à l’aise avec le régionalisme, mais davantage sur un aspect folklorique que par un réel engagement autonomiste. On a tout de même 40 % de Bretons qui se disent plus bretons que français, contre 20 % il y a trente ans. Parmi ceux acquis au régionalisme, certains rejettent des méthodes violentes, les considérant comme un échec ; d’autres, au contraire, tombent dans le romantisme de la résistance du peuple breton face à l’impérialisme français.
La justice s’interroge sur le caractère opportuniste de ces revendications, est-ce crédible ?
J’ai du mal à croire qu’il s’agisse uniquement de crimes et délits de droit commun revendiqués opportunément, car les dégradations matérielles sont cohérentes avec les revendications du mouvement régionaliste breton. Il est toutefois possible que derrière ces gestes se trouvent des individus isolés qui cherchent une identité et se radicalisent seuls, tout en entretenant des liens très lâches et ténus avec une organisation. Celle-ci peut alors être amenée à revendiquer des actions. On connaît le même phénomène dans certaines organisations extrémistes de droite comme de gauche, et évidemment dans l’islam politique.
* « La France en miettes – Régionalismes, l’autre séparatisme », de Benjamin Morel, Les éditions du Cerf, février 2023, 264 pages, 20 euros.