Les battements des ailes gauche et droite se dissocient
Le projet de loi immigration agite la volaille de la majorité présidentielle. Ailes droite et gauche s’affrontent avec, à la clé, une menace de scission. Alors que la gauche macronarde représentée par Benoît Bordat et Stella Dupont se désolidarise, Louis Margueritte tempère la menace d’une scission.
« Ne me parlez pas de cela, ça a tendance à me mettre en colère,» s’agace Olivier Dussopt, ministre du Travail et ex-ministre essoré des Comptes publics, à propos de la volonté de certains députés de l’aile gauche du parti présidentiel d’abandonner le volet régularisation du projet de loi sur l’asile et l’immigration. Officiellement, l’exécutif répète qu’il est attaché à « l’équilibre » du texte, tel que présenté l’année dernière par Gérald Darmanin et Olivier Dussopt. Officieusement, ce scénario est clairement à l’étude, de l’aveu même d’un ministre : « Cela ne me pose pas de problème de faire le volet “régularisation” par voie réglementaire. »
Mais c’est précisément ce qui inquiète les députés de l’aile gauche de la majorité. Sentant le vent tourner, plusieurs élus ont pris les devants en publiant une tribune transpartisane, la semaine dernière, avec d’autres élus de gauche : PS, PCF et EELV. « C’est intéressant qu’une partie de la gauche soit prête à voter le texte », souligne Stella Dupont, députée apparentée Renaissance (aile gauche) et signataire de la tribune. Et cette ex-comptable du groupe Cerfrance d’ajouter : « C’est une main tendue, bonne à prendre. »
Vers la création d’un nouveau groupe à l’Assemblée nationale?
Une main tendue, préférable à celle des Républicains. Si le projet de loi n’arrive à l’Assemblée nationale qu’en février prochain, la partie d’échecs entre la droite et la gauche a déjà commencé. Conscient que le gouvernement ne peut faire passer le texte sans aide extérieure, chacun avance ses pions. A commencer par l’aile « sociale » de la majorité qui ne souhaite pas perdre ce qu’elle considère comme l’une des pièces maîtresses du projet de loi: la régularisation des travailleurs sans papiers. « Ils font pression », commente Louis Margueritte, député Renaissance (aile droite). Ils font pression, oui… mais jusqu’où ? Jusqu’à menacer de quitter la majorité ? « On entend ça », avoue un ministre. Réponse laconique qui témoigne d’une certaine fébrilité au sein du camp présidentiel, en cette rentrée parlementaire. « Il faut toujours menacer d’un truc qu’on est capable de faire », temporise Louis Margueritte. Gare à lui! Puisqu’au sein de l’aile gauche, certains commencent à avoir des fourmis frondeuses dans les jambes.
Un groupe, nommé «collectif progressiste», s’est structuré en mai dernier. On y retrouve des socialistes, dont Martine Froger, l’élue dissidente de l’Ariège, qui a battu la candidate Nupes aux élections partielles, ou des parlementaires du groupe Liot, dont Jean- Louis Bricout. Mais également d’anciens ministres de Macron, comme Barbara Pompili, qui a été à la tête du ministère de la Transition écologique, ou Stéphane Travert, qui était à l’Agriculture au début du quinquennat précédent. Cette petite troupe se réunit une à deux fois par mois pour préparer les textes qui arriveront prochainement dans l’hémicycle, sous l’œil attentif de leurs collègues.
La plupart du temps, leurs réunions se tiennent à l’Assemblée nationale. «On ne se cache pas», précise Benoît Bordat, député apparenté Renaissance (aile gauche), ajoutant que « les ministres, tout comme l’Élysée, sont au courant » de leurs rencontres ponctuelles. Si leurs débats sont connus de tous, leurs intentions sont plus floues. Plusieurs imaginent déjà le passage à la création d’un nouveau groupe à l’Assemblée nationale. «Sorte de contrepoids à Horizons», glisse un conseiller parlementaire. « C’est prématuré », commente Benoît Bordat, diplomé d’un bac agricole et qui reçu un master en expertise foncière agricole et immobilière. « Pour la création d’un groupe, il faut un fait politique majeur », commente-t-il.
Lequel ? L’abandon du volet régularisation du projet de loi asile et immigration ? Non ! Le score des droites aux élections européennes, prédit un ministre. Séisme dont les secousses pourraient se faire sentir jusque dans l’hémicycle, au point de modifier l’équilibre des forces en présence dans l’alliance présidentielle à l’Assemblée nationale.