Le ministre de l’Economie a-t-il passé un deal avec Standard & Poor’s ? Il s’est dit prêt dimanche à «accélérer» le désendettementde la France, après le maintien de sa note par l’agence de notation. Et l’une des pistes pour renflouer les caisses n’est-il pas, hormis l’automobile et la fraude, la perversion des personnes pour obtenir des avantages ou des prérogatives particulières?
Selon une étude Eurobaromètre menée au printemps 2022, 64 % des Français considèrent que la corruption est un phénomène répandu en France. 7 % indiquent en avoir déjà été victimes. Ces chiffres illustrent la nécessité de lutter avec efficacité et détermination contre les atteintes à la probité, tant pour assurer un fonctionnement transparent et non faussé de notre économie que pour renforcer la confiance dans les institutions et dans la démocratie.
Un deuxième plan pluriannuel (2024-2027, après celui de 2020-2022)) devra s’inscrire dans la lignée des recommandations de l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE), du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe et de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) en matière de lutte contre la corruption.
Ce sera la responsabilité de tous: bonjour les dénonciations…
«La corruption, c’est le ver qui peut pourrir le fruit de la démocratie», a estimé Bruno Le Maire sur X (ex-Twitter), affirmant également qu’elle «peut parfois faciliter les activités criminelles».
A l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la corruption, samedi 9 décembre, le gouvernement a annoncé qu’il travaille à de «nouvelles mesures» de lutte contre la corruption. C’est ce qu’a indiqué ce samedi le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire sur le réseau social X (anciennement Twitter). Mauvais point: envisager des « mesures », c’est renoncer au départ à éradiquer l’ensemble du problème.
«La corruption, c’est le ver qui peut pourrir le fruit de la démocratie. C’est ce qui entame toute confiance dans nos institutions démocratiques, dans nos entreprises et dans nos relations quotidiennes. Elle peut parfois faciliter les activités criminelles», a écrit le grand chef de Bercy.
Sept années de macronisme n’ont pas suffi. Depuis l’élection de Macron à la présidence en 2017, «nous avons renforcé nos dispositifs de prévention et de détection des atteintes à la probité grâce aux programmes de mise en conformité conduits par l’Agence française anticorruption» (AFA), a insisté le ministre. «Nous voulons continuer dans cette direction. En début d’année prochaine, nous aurons l’occasion d’annoncer de nouvelles mesures sur ce sujet» avec le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti et le ministre délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave, a-t-il conclu.
Le cabinet de Bruno Le Maire a indiqué qu’il travaille – ils ont jusqu’ici « regardé » les dossiers « sur la table »… – «à des mesures visant à mieux prévenir la corruption dans le secteur de l’entreprise mais également le secteur public». «Il pourra par exemple s’agir de renforcer les contrôles de l’AFA [l’Agence française anticorruption] dans certains secteurs définis comme sensibles, ou élever notre niveau d’exigence en matière d’atteinte à la probité en modifiant l’arsenal juridique actuel», a-t-on encore détaillé à Bercy.
L’AFA est un service à compétence nationale créé par la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique de 2016 et placé auprès du ministre de la Justice et du ministre chargé du Budget, Elle est dirigée par Isabelle Jégouzo, une magistrate qui, depuis juillet 2020, était conseillère chargée des affaires européennes et internationales auprès du ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, après avoir été cheffe, en 2010, à l’Office de lutte anti-fraude de la Commission européenne (OLAF).
Des entreprises emblématiques déjà sanctionnées
En 2016, la loi dite «Sapin 2» a notamment créé la Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), qui permet aux entreprises soupçonnées d’atteinte à la probité d’échapper aux poursuites pénales en s’acquittant d’une amende. Dans un entretien au journal Le Monde, la directrice de l’AFA Isabelle Jégouzo a souligné samedi que «depuis 2016, vingt CJIP ont été signées avec le Parquet national financier».
Des entreprises emblématiques comme McDonald’s, Google ou LVMH ont ainsi été sanctionnées, bien que ces amendes négociées ne vaillent ni reconnaissance de culpabilité ni condamnation. «Jusqu’à maintenant, nous avons peu fait usage de notre pouvoir de sanction», a admis Isabelle Jégouzo. «Mais au bout de sept ans, on peut estimer que le travail de pédagogie a amplement été fait auprès des grandes entreprises et qu’on peut faire usage de ce pouvoir de sanction», a-t-elle ajouté.
La directrice de l’AFA a également appelé à «aller plus loin sur la sensibilisation des petites et moyennes entreprises», après les multi-nationales «pas directement assujetties à la loi Sapin 2».
Enfin, Isabelle Jégouzo veut s’attaquer à la corruption de «basse intensité». Celle-ci consiste, par exemple, à verser «quelques centaines ou milliers d’euros» à un agent public pour consulter des fichiers confidentiels, a-t-elle illustré. Depuis 2016, les affaires liées à cette corruption de «basse intensité» ont, selon elle, «augmenté de 46%».
Les Français «demandent plus»
Dans un sondage en ligne mené fin octobre auprès de 1.500 personnes et publié samedi, 87% des répondants disent que les personnes exerçant le pouvoir ou des responsabilités importantes sont corrompues, pour une petite (44%) ou une grande (43%) partie d’entre elles. Dans cette enquête Toluna/Harris Interactive réalisée pour la Fondation Jean Jaurès et le mouvement Transparency France, cf. PaSiDupes, plus d’un quart des Français (26%) déclarent «avoir déjà personnellement été sollicités pour donner une somme d’argent ou un cadeau de valeur dans une administration publique pour obtenir un service».
«Les Français sont clairs : ils demandent plus», assure Patrick Lefas, le président de Transparency International France, cité dans un communiqué du mouvement de lutte contre la corruption. «Plus d’exemplarité, plus de transparence de la vie publique, plus de moyens pour la justice financière et plus de lanceurs d’alerte», énumère-t-il.
Les signalements vont pleuvoir…