Loi de programmation militaire : la Cour des comptes souligne « les incertitudes sur le financement de 7,4 milliards d’euros »

« Il faut sortir du ‘quoi qu’il en coûte' », avait déjà alerté Pierre Moscovici, en mars

Le chef de guerre dans sa panoplie

C’est une décision volontariste qui n’engage que ceux qui y croient: du jamais vu depuis le général de Gaulle, du temps de la guerre froide. Le projet de loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2024-2030, présentée en Conseil des ministres la semaine dernière, met sur la table pas moins de 413 milliards d’euros pour le budget du ministère de la défense. Ou plutôt 400 milliards + 13 milliards, on va voir pourquoi. Comparée à la loi de programmation militaire précédente, 2019-2025, qui s’élève à 295 milliards d’euros, la hausse est de plus de 100 milliards d’euros.

Le budget annuel des Armées passera ainsi de « 44 milliards d’euros en 2023 à 69 milliards en 2030 », a souligné la sénatrice centriste Sylvie Vermeillet, vice-présidente de la commission des finances, en ouverture d’une audition conjointe, ce mercredi matin, avec la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, de Pierre Moscovici, en tant que président du Haut conseil des finances publiques (HCFP), pour faire le point sur cette LPM sur le plan budgétaire. Aussi premier président de la Cour des comptes depuis juin 2020, il a présenté l’avis du HCFP sur ce texte. Une première. Depuis fin 2021, le Haut conseil « peut rendre un avis sur les projets de loi de programmation dit sectoriels », a rappelé Sylvie Vermeillet, en lien avec la loi de programmation des finances publiques. Or même si elle a été adoptée par les sénateurs, la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 n’a pas été adoptée par l’Assemblée, « ce qui rend l’exercice complexe »… Mais le Haut conseil s’est quand même basé sur le texte qui avait été présenté par le gouvernement pour établir son avis.

« Il y a un hiatus de 13,3 milliards d’euros »

Globalement, Pierre Moscovici exprime sur cette LPM un satisfecit à l’exécutif, en relevant cependant une lacune sérieuse. « La trajectoire de 400 milliards d’euros est compatible avec le projet de loi de programmation des finances publiques », soutient l’ancien ministre socialiste de l’Economie. « Le HCFP a constaté que les crédits inscrits dans la mission défense sont identiques », du moins pour la période 2024-2027 correspondant au projet de loi de programmation des finances publiques.

« En revanche, le Haut conseil ne peut pas assurer que la trajectoire des besoins programmés, qui est évaluée à 413 milliards d’euros, soit entièrement pris en compte dans le projet de loi de programmation des finances publiques », ajoute Pierre Moscovici. Autrement dit, « il y a donc un hiatus de 13,3 milliards d’euros ».

« 5,9 milliards d’euros sont documentés », mais manque de précisions pour 7,4 milliards

Dans le détail, « il ressort des échanges d’informations avec le gouvernement que ces 13 milliards seraient financés de trois manières : l’administration attend des ressources extra budgétaires, avec des recettes de cessions immobilières, des cessions de matériels et les recettes du service santé des armées. Le total s’élevant à 5,9 milliards d’euros sur la période. Ils sont documentés », soutient le président du Haut conseil. Pour le reste, soit 7,4 milliards d’euros, c’est plus flou. Et quand c’est flou… « Les besoins supplémentaires seraient financés par solidarité interministérielle, c’est-à-dire des transferts provenant d’autres budgets ministériels ayant des dépenses moindres que prévues. Et enfin par les marges frictionnelles, c’est-à-dire les moindres dépenses du ministère de la Défense, ainsi que par le report de charge du ministère, qui serait mobilisé pour assurer les besoins de financement résiduels. Ça, c’est moins documenté », pointe du doigt Pierre Moscovici. « Les incertitudes sur le financement de ces 7,4 milliards d’euros. Il est légitime de se poser des questions. […] Nous n’avons pas de réponse », insiste le président de la Cour des comptes.

« Sur les 400 milliards d’euros, il y a conformité, elle l’est moins assurée pour les 413 milliards »

« Ces 13,3 milliards d’euros de dépenses supplémentaires ne sont pas isolés dans la loi de programmation des finances publiques », note encore Pierre Moscovici, qui ajoute : « Le gouvernement n’a pas fourni d’élément permettant de s’assurer que ces 13 milliards de dépenses supplémentaires sont pleinement prises en compte dans la trajectoire de dépenses du projet de loi de programmation des finances publiques »

« Autant, sur les 400 milliards d’euros, il y a conformité, […] compatibilité. Elle l’est moins assurée pour les 413 milliards, surtout pour la différence entre 13,3 milliards et 5,9 milliards, qui n’est pas documentée », résume Pierre Moscovici. Au final, le président du Haut conseil conclut que « l’impact exact du projet de loi programmation militaire sur le montant des dépenses publiques prévu dans le projet de loi de programmation des finances publiques reste affecté d’incertitudes ». Au passage, il préfère parler « d’incertitude », plutôt que « d’insincérité, qui suppose un vrai désire de tromper. Je pense qu’en la matière, il faut toujours se garder de l’excès ».

« 2 milliards d’euros par an d’incertitudes, ce n’est pas une paille »

« 13 milliards d’incertitudes, ce n’est pas une paille. […] On est quasiment à 2 milliards d’euros par an », pointe Cédric Perrin, vice-président LR de la Commission des affaires étrangères et de la défense. Il souligne au passage que « la vente de fréquences » hertziennes avait été évoquée aussi comme source de financement, mais le Haut conseil n’en parle pas aujourd’hui. Le sénateur du Territoire de Belfort ajoute :

« Quand on fait un budget à 400 + 13, on ne fait pas un budget à 413 milliards d’euros. Il y a beaucoup de communication autour de ça, il faut être vigilant. »

Concernant « ces 7,4 milliards d’euros à trouver », le sénateur LR Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances sur les crédits de la défense, note que les 13 milliards « correspondent exactement à la marche qui doit être franchie à partir de 2027, à 300.000 millions près ». La hausse du budget des armées sera en effet de 3 milliards par an entre 2024 et 2027, puis de 4,3 milliards jusqu’en 2030. « C’est une incertitude quand même très forte. La concordance de ces chiffres laisse à penser qu’on essaie de renvoyer à des jours meilleurs le règlement de ces impasses budgétaires… » s’étonne le sénateur LR. On pourrait aussi remarquer que le gros de l’effort est renvoyé après la prochaine élection présidentielle. Au risque, pour les armées, qu’un prochain chef de l’Etat ait d’autres priorités et décide de ne pas tenir les engagements pris par la majorité actuelle.

« Baisse en volume des autres dépenses de l’Etat », hors lois de programmation

Dernière observation de Pierre Moscovici : « Dans la mesure où environ 20 % des dépenses de l’Etat sont couvertes par des lois de programmation sectorielles [comme sur la sécurité et la recherche], les dépenses qui restent devront faire l’objet d’une maîtrise encore plus stricte pour permettre le maintien de la trajectoire ». « Les lois de programmation vont connaître une dépense plus rapide que le budget de l’Etat », ajoute le président du Haut conseil, « ce qui impose, pour respecter les objectifs de dépenses de la loi de programmation des finances publiques […] une croissance faible en valeur et même une baisse en volume des autres dépenses de l’Etat. Ces autres dépenses, les 80 % hors recherche, sécurité intérieure et programmation militaire, seraient amenés, en volume, à baisser de 1,4 %, en moyenne par an, sur 2023-2027, soit une baisse plus forte que par le passé ». La France faisant « face à une montagne d’investissements et des dépenses publiques indispensables pour restaurer notre défense, nos hôpitaux, nos universités et pour réaliser la transition énergétique et écologique », le tout avec ce que Pierre Moscovici appelle « un mur de la dette », on voit les difficultés qui nous attendent.

Le Conseil constitutionnel va être amené à se prononcer sur l’étude d’impact

La loi de programmation militaire (LPM) pour 2024-2030 connaît une première difficulté à l’Assemblée. En conférence des présidents, il a tout simplement été décidé de suspendre de l’ordre du jour le texte, qui prévoit un budget de 413 milliards d’euros sur la période pour la défense. Ce sont les députés LR, suivis par les autres groupes d’oppositions, qui ont mis en cause la qualité de l’étude d’impact, qui accompagne le projet de loi. Les oppositions ont ainsi pu mettre en minorité le gouvernement, qui ne dispose que d’une majorité relative.

Plan Valls contre le terrorisme : 2680 emplois créés; coût 425 millions d’euros supplémentaires

La facture sera-t-elle payée par les provocateurs de Charlie hebdo?

Le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé ce mercredi matin plusieurs mesures qui pourraient lutter contre le terrorisme.

Valls: c'est vrai queça fait peur !
Valls: c’est vrai que
ça fait peur !

Le chef de guerre François Hollande a rétro-pédalé en précisant que le ministère de la Défense placera un garrot sur l’hémorragie des crédits aux armées: il surseoira à la suppression de 7.500 postes prévus sur 2015-2019.
Quant à son gouvernement, il prévoit notamment une rallonge budgétaire, la création de milliers d’emplois et envisage aussi une nouvelle loi sur le renseignement.

Création de 2680 emplois sur trois ans

Le chef du gouvernement a précisé que sur ce total de 2.680, 1.400 emplois nouveaux seraient créés au ministère de l’Intérieur (dont 540 en 2015), 950 au ministère de la Justice, 250 au ministère de la Défense et 80 au ministère des Finances, d’ici… 2018.
«La première urgence, la première exigence, c’est de renforcer encore les moyens humains et techniques des services de renseignement», a déclaré Manuel Valls. Sur les 1.400 nouveaux emplois de policiers, 1.100 «seront directement affectés au sein des unités de renseignement chargées de lutter contre le terrorisme, dont 500 à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), 500 au sein des services centraux territoriaux du renseignement territorial (350 policiers et 150 gendarmes) et 100 à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris», a-t-il précisé.

Près de 3.000 personnes placées sous surveillance renforcée

blog -Valls preneur otages-CharbCes emplois devraient permettre de mieux contrôler les djihadistes présumés. «Aujourd’hui, il faut surveiller près de 1.300 personnes, Français ou étrangers résidents en France, pour leur implication dans les filières terroristes en Syrie et en Irak. C’est une augmentation de 130% en un an», a expliqué le chef du gouvernement. «A cela s’ajoutent 400 à 500 personnes concernées par les filières plus anciennes ou concernant d’autres pays, ainsi que les principaux animateurs actifs dans la sphère cyber-djihadiste francophone. En tout ce sont près de 3000 personnes à surveiller.»

Un dispositif PNR «sera opérationnel en France en septembre 2015». Ce fichier commun des données personnelles des passagers aériens est en discussion au Parlement européen. Le gouvernement prévoit aussi la création d’un fichier pour recenser «les personnes prévenues ou condamnées pour des faits de terrorisme, avec obligation pour ces personnes de déclarer à intervalles réguliers leur adresse et leurs déplacements à l’étranger».

425 millions d’euros supplémentaires en trois ans

Le plan de renforcement de la «lutte contre le terrorisme» prévoit au total 425 millions d’euros de «crédits d’investissement, d’équipement et de fonctionnement au cours des trois prochaines années», précise Manuel Valls. Comment les financer ? Ces dépenses «seront compensées par des économies sur l’ensemble du champ de la dépense publique, année après année», a répondu le Premier ministre. Matignon a par ailleurs précisé qu’en incluant les frais de personnels, l’enveloppe atteindrait quelque 735 millions d’euros sur trois ans.

Une partie de ces moyens sera consacrée au «renforcement de la protection des policiers (nationaux et municipaux) et des gendarmes : gilets pare-balles et armements plus performants».

7.500 suppressions de postes de moins que prévu à la Défense.

Alors que le plan Vigipirate mobilise 10.500 militaires, le président de la République a de son côté «décidé de réduire de 7.500 les déflations d’effectifsw/em> (sic) prévues pour le ministère de la Défensesur la période de 2015 à… 2019 par la loi de programmation militaire, dont 1.500 dès l’année 2015». Les suppressions de postes passent donc de 25.800 à 18.300 sur quatre ans et, pour la seule année 2015, de 7.500 à 6.000. Au total, les dégraissages seront donc inférieurs de 30% à ce qui était initialement prévu. L’armée française comptait 278.000 personnels civils et militaires fin 2013. Quelque 54.000 postes ont déjà été supprimés dans le cadre de la Loi de programmation militaire précédente (2008-2014).

«Un cadre juridique» pour l’action des services de renseignement

Le projet de loi sur le renseignement préparé par Jean-Jacques Urvoas, un proche de Manuel Valls, sera présenté en Conseil des ministres «le plus vite possible» et transmis au Parlement en mars, a dit le Premier ministre. Le vote définitif de ce projet de loi aura lieu en juin, a précisé dans la foulée le secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen.
«Au-delà du renforcement sans précédent des moyens, il est indispensable de conforter les capacités d’agir des services de renseignement», a fait valoir Manuel Valls. Le chef du gouvernement a souligné que «la loi de 1991 sur les interceptions a été conçue avant l’internet. L’encadrement légal des opérations réellement conduites est lacunaire». Cela «n’est satisfaisant ni en termes de sécurité juridique des opérations, ni sur le plan des libertés publiques». «Désormais, l’intégralité des opérations assurées sur le territoire national bénéficieront de la légitimité de la loi et feront l’objet d’une autorisation expresse. Ce sera un texte protecteur des libertés publiques, puisque chaque opération sera soumise à un contrôle externe indépendant, sous le contrôle d’une juridiction spécialisée», a aussi mis en avant Manuel Valls, ajoutant que la proportionnalité des moyens de surveillance autorisés sera au coeur des opérations de contrôle.

Des quartiers dédiés dans les établissements pénitentiaires

Autre mesure annoncée : «sur la base de l’expérimentation menée à Fresnes», la création de cinq quartiers au sein d’établissements pénitentiaires, dédiés aux détenus radicalisés. Le contact avec le radicalisme extrémiste (sic) se joue souvent en prison, où le manque d’aumôniers musulmans est criant. Valls préconise l’arrivée de 60 aumôniers musulmans supplémentaires, s’ajoutant au 182 existants.

Création d’un site Internet grand public contre l’embrigadement djihadiste

Manuel Valls a également annoncé la création d’un site internet visant à informer le grand public sur les moyens de lutter «contre l’embrigadement djihadiste». Plus généralement, «dans les 3 prochaines années, 60 millions d’euros vont être spécifiquement consacrés à la prévention de la radicalisation», a indiqué le chef du gouvernement.

Réflexion sur la peine d’indignité nationale

blog -Taubira fait le singe a FranceInter
La Garde des Sceaux,
Christiane Taubira fait le singe
(France Inter)

Manuel Valls a aussi indiqué qu’il proposerat «une réflexion transpartisane» sur la réactivation de la peine d’indignité nationale et que des propositions «compatibles avec notre droit et nos valeurs» seront présentées d’ici six semaines. «Je proposerai aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat qu’une réflexion transpartisane puisse être conduite, par exemple, par les présidents des Commissions des lois des deux assemblées, Jean-Jacques Urvoas (député PS) et Philippe Bas (sénateur UMP) pour examiner et formuler des propositions définitives dans un délai court de six semaines et totalement compatibles avec notre droit et nos valeurs», a promis le Premier ministre.

Le pactole recueilli par le journal libertaire et offensant grâce à l’explosion de ses ventes va trouver à s’employer: les dessinateurs apporteront probablement à Bercy leur contribution aux frais qu’ils ont occasionnés au Raid et au GIGN et les anarcho-révolutionnaires verseront nécessairement leur obole aux travailleurs de l’imprimerie de Dammartin-en-Goële privés de leur outil de travail depuis bientôt trois semaines. Des souscriptions ont été ouvertes en soutien: à votre bon coeur, Charlie !