Le ministre souhaite « restaurer la parentalité, » mais il y a loin de la coupe aux lèvres
Dans le texte, envisagé par le ministère de la Justice, qui devrait être examiné en début d’été, un an après les émeutes, on trouve un durcissement des sanctions contre les parents de mineurs délinquants (trois ans de prison, 45.000 euros d’amende), des condamnations aussi lorsque le parent ne se présente pas quand le mineur comparaît devant la justice.
Le ministre de la Justice souhaite « restaurer la parentalité ». En juillet 2023, en marge d’un déplacement au tribunal judiciaire de Créteil (Val-de-Marne) réalisé en pleine période de violences urbaines après la mort de Nahel à Nanterre, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti avait laissé éclater sa colère contre les parents des mineurs impliqués dans les violences. Mais la colêre est mauvaise conseillère.
Neuf mois plus tard, lundi 15 avril, le média L’Opinion a dévoilé un projet de loi « relatif à la responsabilité parentale et à la réponse pénale en matière de délinquance des mineurs » porté par le ministre de la Justice, qui vise à « restaurer la parentalité ».
Jusqu’à trois ans de prison
Autre élément de langage choc: « que les parents tiennent leurs gosses. »
Dans le détail, ce nouveau texte prévoit de durcir les sanctions déjà prévues par l’article 227-17 du Code pénal, dont les 2 ans de prison et 30.000 euros d’amende pour les parents dont les enfants mineurs auraient commis plusieurs crimes ou délits.
De plus, le texte prévoit également la mise en place d’un stage de responsabilité parentale, la création d’une « contribution citoyenne éducative » ou encore la mise en place d’amende en cas d’absence lors d’audience d’assistance éducative de leur enfant.
Si ce projet est voté, cette peine pourrait alors passer à 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende. Une peine complémentaire de travail d’intérêt général (TIG) est aussi créée pour le parent défaillant, apprend-on.
« Techniquement un peu compliqué« …
Plusieurs parents originaires de la ville de Villeurbanne, en banlieue lyonnaise, se disent plutôt d’accord avec le contenu de ce projet de loi. « Vous allez voir de toutes façons la différence entre des parents qui sont là pour leur enfant et des parents qui laissent aller », dit une mère de famille.
« Je serai pour qu’on les éduque un peu, qu’on les sanctionne », abonde une seconde mère.
Le maire de Viry-Châtillon (Essonne) s’est exprimé sur le sujet, plus d’une semaine après la mort dans sa commune d’un adolescent de 15 ans qui avait été au préalable passé à tabac près de son collège. « Il est important que les parents prennent leurs responsabilités« , a estimé Jean-Marie Vilain (divers droite), invitant ces derniers à inculquer certaines valeurs comme le « respect des autres » et à montrer l’exemple.
Prenant le cas de parents qui se garent « n’importe comment » devant des écoles, Jean-Marie Vilain a questionné: « Comment voulez-vous que des enfants qui voient leurs parents se comporter de cette façon-là (…) puissent eux-même avoir un comportement exemplaire. C’est quasiment impossible. »
D’un point de vue juridique, et malgré les dispositions déjà existantes, est-il applicable que les parents soient retenus responsables des actions de leurs enfants mineurs? « Ça me parait techniquement un peu compliqué d’infliger des sanctions pénales puisque la responsabilité pénale est par définition personnelle. En droit pénal on n’est jamais responsable que de son propre fait », déclare l’avocat Charles Consigny.
En 2020, la délinquance des mineurs traitée par les Parquets a concerné 187 700 mineurs, soit 2,8 % de la population âgée de 10 à 17 ans au 1er janvier 2021. Parmi les garçons de 16-17 ans, ce taux est de 9,7 %.
Dupond-Moretti se fait violence: est-il volontaire et déterminé ?
Il aura fallu dix mois a Dupond-Moretti pour changet son fusil d’épaules, depuis les émeutes à la suite de la mort de Nahel en juin 2023 et plusieurs agressions en quelques semaines : l’attaque de Thomas à Crépol en novembre 2023, l’adolescente Samara, rouée de coups le 2 avril, à la sortie de son collège à Montpellier (Hérault), la mort de Shemseddine le 4 avril, un collégien à Viry-Châtillon (Essonne) ou encore le décès d’un autre adolescent à Romans-sur-Isère (Drôme), le 9 avril. Des drames qui poussent Eric Dupond-Moretti à agir et à tenter de trouver des solutions pour stopper la délinquance des mineurs.
Mais est-il prêt à confisquer les allocations familiales, à exclure des logements sociaux ou à modifier l’excuse de minorité ? Trop compliqué?…