Compiègne veut protéger ses HLM des perturbateurs

Un malus à l’accès au logement social en cas de manquement à la loi

L’Agglomération de la région de Compiègne s’est dotée d’un système d’évaluation du civisme des demandeurs de logements sociaux. Quatre critères prévoient de protéger les habitants respectueux de HLM, notamment en cas de lien avéré des postulants avec le trafic de stupéfiants, mais aussi des nuisances et des violences. Une mesure de paix sociale jugée inquiétante par une association de locataires dont le bien-être de la population n’est pas prioritaire.

La politique HLM de l’Oise évolue vers plus de fermeté, dans la logique des expulsions locatives de familles dont les membres ont été condamnés pour trafic de drogue, apparues ces dernières années à l’OPAC de l’Oise. En décembre, l’Agglomération de la région de Compiègne (ARC) a voté sa nouvelle grille de cotation des demandeurs de logement social, laquelle prend aussi en compte la chute du taux de rotation des gens qui nous quittent lequel est passé de 10 % à 7 %. Au lieu d’avoir 3.000 logements à proposer chaque année, on en a 2.000. »

La municipalité gérée par le maire LR Philippe Marini a établi une nouvelle grille de notation, les dossiers les mieux notés arrivant en haut de la pile des commissions d’attribution. Un système avec des « bonus ». Par exemple, +5 points pour les travailleurs dits « essentiels » ou pour « implication dans la vie locale ». Et des “malus”. Par exemple, -10 points si un membre de la famille est reconnu violent ou en cas de « troubles du voisinage », -20 points si « un membre du ménage a déjà été expulsé pour troubles locatifs ». Et -25 points si un membre de la famille a déjà été condamné ou expulsé pour trafic de stupéfiants.

Comme l’oblige la loi Elan de 2018, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) devaient se doter de cet outil avant le 31 décembre 2023. Il est censé garantir une plus grande transparence du processus lors des commissions d’attribution de logements et d’examen de l’occupation des logements (Caleol). Chaque demande se voit donc attribuer une note selon plusieurs critères. Ce système fait remonter les trois dossiers les mieux notés. La CALEOL demeure souveraine dans sa décision finale.

L’opposition socialo-communiste mène la fronde

La population est prise en tenaille et hésite à s’exprimer. « J’ai du trafic dans mon immeuble » reconnaît une habitante. “On fait tout ce qu’on peut pour les enfants, mais ils choisissent leur chemin”, s’excuse une autre. “Mettre un malus par rapport aux logements sociaux qui sont déjà difficiles à avoir, ce n’est pas bien parce qu’on n’est pas tous coupables”, assure la même. Pourtant, un logement social, solidaire, ça se mérite.

C’est une punition collective, abonde néanmoins Rachid. “Le risque, c’est que toute la famille se retrouve pénalisée financièrement et que s’il y a un gamin dans la famille qui veut s’en sortir, il n’y arrive pas à cause des conneries de son frangin”, raconte-t-il.

Les dossiers les mieux notés seront en haut de la pile, mais les autres pourront aussi avoir un logement, insiste Vincent Peronnaud, directeur général de l’OPAC de l’Oise, qui attribue les logements sociaux.

“On va recevoir une note et on ne saura pas ce qu’il y a derrière. Et je n’irai pas rechercher le passé judiciaire de la mère ou des enfants. On n’a pas le droit de le faire. Et une fois de plus, la cotation, ça ne fait pas une attribution”, appuie-t-il, muisqu’une commission se réunit pour choisir parmi trois dossiers pour chaque logement libéré.

Mais pour Guillaume Aichelmann, chargé de mission logement social à l’association CLCV, Consommation Logement Cadre de vie, ce système n’est pas bon, car il va engendrer des doutes sur des cas de favoritisme, ou des passe-droits.

“Si vous avez un bonus quand vous avez une implication dans la vie locale, ou que vous êtes un locataire sans difficulté, on va dire: ‘ah celui-là, il est dans ce cas là, il fait plaisir au maire’. Et là, il n’aura plus accès à un logement social. Je pense que tous les demandeurs ont envie d’une chose, c’est que le système soit juste et qu’il puisse y avoir une réponse à leurs demandes. On veut éviter des accusations mensongères ou problématiques. Parce qu’en ce qui concerne ces histoires de contrôle, quand vous avez juste un employé de mairie qui va prendre la décision, parce que c’est juste une validation manuelle, alors dans ces cas-là vous pouvez être certain qu’il y aura des passe-droits, des avantages en nature”, dénonce-t-il.

HLM, pour « cas sociaux » ?