Macron appelle Borne à un « compromis… intelligent » sur le projet de loi immigration

Avec ce défi, les rapports de l’exécutif se tendent à nouveau

Dans l’entourage d’Elisabeth Borne (ici en position défensive face à Macron, le 8 février à l’Elysée), on admet « peut-être des différences de style » avec le président, mais
« aucune divergence de fond »

Les rapports entre Macron et Borne traversent des périodes difficiles, comme en mai dernier, quand la première ministre venait d’être confirmée à Matignon et que, pourtant, dans les couloirs du pouvoir, le doute persistait sur son sort, comme sur l’état de sa relation avec le président de la République, au-delà du 14-Juillet.

« Il y a de la tension dans le tube », sourit alors un fidèle du chef de l’Etat. En privé, il arrive au président de se plaindre de la cheffe du gouvernement, « énervé contre elle », témoigne un vieil ami. En coulisses, on glose sur leurs différences de caractères, le premier choix pour Matignon (la LR Catherine Vautrin) venant d’être contrarié par la levée de boucliers des ténors de la macronie.

Depuis l’étranger selon son habitude, ce 15 décembre, le chef de l’Etat a menacé de tirer « les conséquences » du résultat des discussions en cours entre le gouvernement et les parlementaires.

Interrogé depuis Bruxelles, où il participait au Conseil européen, Macron a évoqué les affaires intérieures françaises en abordant les discussions en cours sur le projet de loi relatif à l’immigration, vendredi 15 décembre. Le texte gouvernemental, rejeté lundi par l’Assemblée, est désormais au cœur d’intenses négociations entre le gouvernement et la droite, dont l’issue divise ministres et majorité relative.

Emmanuel Macron donne une conférence de presse à l’issue du Conseil européen à Bruxelles, dimanche 15 décembre 2023.
Macron donne une conférence de presse à l’issue du
Conseil européen à Bruxelles,
dimanche 15 décembre

Devant la presse, le chef de l’Etat a appelé à un « compromis intelligent (…) au service de l’intérêt général » entre les représentants de l’alliance présidentielle et ses oppositions à la commission mixte paritaire (CMP) qui doit sceller le sort du texte, lundi. Le chef de l’Etat a également déclaré qu’il tirerait « les conséquences » du résultat des discussions en cours.

Le gouvernement et Macron ont choisi de confier à la CMP la tâche de définir un texte de compromis, après l’adoption par l’Assemblée d’une motion rejetant le projet de loi. Elle devra travailler sur la base du texte sénatorial que les macroniens de l’Assemblée avait dénaturé au point de provoquer le coup de sang des députés contre le projet porté par Darmanin.

Les Républicains en position de force

Depuis lundi, Elisabeth Borne et ses proches conduisent les tractations intensives auprès des Républicains, en position de force, pour tenter de leur arracher des concessions même minimes susceptibles d’apaiser l’alliance présidentielle divisée sur ce texte.

Après avoir reçu à deux reprises les dirigeants de la droite, avant une nouvelle rencontre prévue dimanche soir, la première ministre a exposé jeudi à ses ministres, puis à ses partisans à l’Assemblée, les « grands équilibres » du texte susceptible d’être discuté lundi par les sept sénateurs et les sept députés de la CMP.

Devant ses ministres, la cheffe du gouvernement a évoqué un texte qui serait amputé de la réforme de l’aide médicale d’Etat (AME) pour les sans-papiers, qui ne reprendrait pas l’allongement des délais de séjour en France pour bénéficier des prestations sociales et de certaines dispositions du code de la nationalité.

Le texte conserverait en revanche un article sur la régularisation des sans-papiers, au cas par cas, dans les métiers en tension qui serait à la discrétion des préfets. L’alliance présidentielle était favorable à une formule plus attractive des migrants et plus coûteuse en période de déficit budgétaire et de menace de récession économique.

Savoir s’entourer, en mettant son ego dans la poche, Macron ne sait pas faire :

« Sur l’immigration, la droite risque de finir cocue ! » (Aurélien Pradié)

Pas question de voter le projet de loi de Gérald Darmanin : plutôt même le censurer.

S’il n’est pas assuré de faire voter son projet de loi sur l’immigration dans de bonnes conditions à l’Assemblée nationale à compter du début décembre, Gérald Darmanin aura au moins réussi à enfoncer un coin entre les sénateurs Les Républicains et leurs homologues de l’Assemblée.

Alors que la droite sénatoriale, emmenée par l’élu de Vendée Bruno Retailleau, a musclé la copie du gouvernement, le député du Lot Aurélien Pradié la juge encore bien trop laxiste et menace toujours de la censurer, exigeant du chef de l’Etat le dépôt rapide d’un texte de loi constitutionnel pour rendre à la France sa souveraineté en matière migratoire. Comme il l’avait fait lors du débat sur les retraites, conspué alors par une large partie de son camp. Question de cohérence pour celui qui sort cette semaine un ouvrage très personnel, Tenir bon (Bouquins), retraçant son parcours et ses valeurs. « C’est autant un livre de confidences personnelles que politiques. Je parle autant du Lot, de Kessel, de Duras que de mon père », petite entrepeneur dans le négoce de la noix, dit-il, plaidant pour un « retour du tempérament en politique ».

Si les députés LR soutenaient le texte Darmanin, prévient-il, ils s’en mordraient les doigts si une nouvelle attaque terroriste survenait et mettait à jour de nouvelles failles dans la législation française. Face au conflit qui se durcit au Proche-Orient après les massacres de Juifs par les islamistes du Hamas, Aurélien Pradié reproche par ailleurs à Macron d’avoir décrédibilisé l’image du pays sur la scène internationale à force de revirements. « La parole de la France est devenue inconséquente », cingle-t-il.

Le Point : On ne comprend rien à la position de votre parti sur le projet de loi sur l’immigration ! Les sénateurs ont joué le jeu du débat en le durcissant, et vous brandissez la menace d’une motion de censure. Les Républicains, quel numéro ?

Aurélien Pradié : Mon devoir est de dire la vérité. Nous vivons un moment de basculement total, au cœur duquel se trouve la question de l’immigration. Tromper les Français sur ce sujet, se contenter de peu est une faute impardonnable. Ma position est d’être intransigeant. Cela peut sembler surprenant mais, au regard des défis que nous avons à relever, ne pas être intransigeant, c’est être irresponsable et lâche. Je garde comme feuille de route les déclarations il y a quelques mois à la Une d’un hebdomadaire d’Eric Ciotti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix expliquant que, sur l’immigration, c’était tout ou rien. C’est ce que nous clamons depuis des mois devant les Français. Si on recule d’un millimètre, toute notre crédibilité politique tombe. LR avait fixé deux lignes rouges. La première, point de salut sans réforme constitutionnelle pour rétablir notre souveraineté, car en votant une énième loi nous mettrions des coups d’épée dans l’eau. Gérald Darmanin ne fait que nous amener sur des terrains de diversion.

Vous pensez le chef de l’Etat sincère lorsqu’il envisage d’ouvrir le champ du référendum aux questions migratoires ?

Emmanuel Macron nous balade. Il ne veut pas réformer la Constitution sur ce sujet. Je suis prêt à m’engager dans le débat pour faire avancer les choses, mais à une condition : qu’avant le vote du texte à l’Assemblée nationale, le président dépose un texte de loi constitutionnelle au Parlement. La seconde ligne rouge des Républicains était qu’il ne devait pas y avoir de droit opposable à la régularisation de clandestins. L’article 3 du gouvernement a été supprimé, c’est une très bonne chose, mais il a été remplacé par un article 4 bis qui pose des problèmes de fond importants : certes, il n’y a plus de droit automatique à la régularisation, mais il y a un droit opposable plus grand encore que la circulaire Valls. Cet article 4 bis est le fruit de négociations internes au Sénat, de luttes d’influence au sein de la majorité sénatoriale de centre droit. Au risque de déplaire, je défendrai toujours plus l’intérêt du pays que celui de groupes politiques dans une Chambre. L’organisation bicamériste de notre démocratie suppose que les députés ne soient pas toujours alignés avec les sénateurs. Avant d’appartenir à un parti, je suis un député de la Nation. Et je considère que la politique du « pas de vague » nous a coûté extrêmement cher depuis des décennies. La clarté est une force.

Cet article 4 bis donne la main aux préfets, qui ne sont pas réputés très laxistes…

Un des problèmes de cet article, c’est que les clandestins vont pouvoir demander eux-mêmes leur régularisation. Le Conseil d’Etat a rendu un avis expliquant que cette mesure expérimentale proposée par le Sénat ne pourrait pas être intégrée au Code de la nationalité, car elle est temporaire. Il y a donc un vrai risque constitutionnel que l’article saute. Dans ce cas, nous aurons été totalement cocus ! L’autre problème de cet article imprécis, c’est que les critères de régularisation – une bonne maîtrise de la langue française, une bonne intégration – sont beaucoup trop flous. Nous risquons de confier aux tribunaux administratifs, déjà engorgés, le soin de définir ces critères. Nous aurions donc demain une explosion du contentieux. Cette disposition nous fera perdre encore un peu plus le contrôle politique au profit du contrôle des juges.

Certains sénateurs LR, en réunion de groupe cette semaine, ont réclamé votre tête…

Si on en vient à vouloir exclure ceux qui refusent de faire la courte échelle à Gérald Darmanin, alors nous ne sommes plus un parti d’opposition.

Le projet de loi du gouvernement est aussi censé combler des failles juridiques après l’attentat d’Arras. Est-ce suffisamment le cas, à vos yeux ?

C’est le cœur du sujet : est-ce que ce texte est à la hauteur du défi ? Non. La France est devenue une terre de radicalisation sur son propre sol. Nous voyons émerger une nouvelle génération de terroristes : en 2016, 51 mineurs de nationalité française ont été mis en examen dans ce type d’affaires. Cela implique désormais des adolescents de 14 à 17 ans, c’est d’une gravité absolue. Ces mineurs devraient être notre priorité. Par facilité, on a supposé que la menace terroriste venait d’ailleurs, mais elle vient de chez nous ! Je demande au ministre de l’Intérieur de nous donner les chiffres précis des centaines de milliers d’euros injectés dans des associations de lutte contre la radicalisation. La gabegie d’argent public versé à ces associations, dont la lutte contre la radicalisation est à bien des égards fictive, sinon naïve, a commencé avec Manuel Valls et François Hollande, et elle s’est poursuivie, le pire ayant été avec Marlène Schiappa où nous avons plongé dans l’impuissance et le copinage. Depuis l’affaire du fonds Marianne, elle devrait être dans une posture de réserve et apprendre l’humilité sur ces questions. Elle a des comptes à rendre devant les Français.

Que faire des fichés S, notamment ?

On ne prend pas le sujet par le bon bout. Le fichage S est un outil administratif et nous avons besoin d’une arme juridique pour les mettre hors d’état de nuire. La question, c’est que fait-on des radicalisés ? Nous n’avons pas de structures pour les prendre en charge sur le long terme. Je ne crois pas que l’on puisse déradicaliser un individu qui baigne dans une idéologie meurtrière, on peut juste le démobiliser pour qu’il ne passe pas à l’acte. Nous avons deux options, en l’état : soit la prison, qui provoque une sur-radicalisation et une contamination à d’autres détenus, soit les centres de rétention administrative qui ne sont pas faits pour ces individus particulièrement dangereux. Il faut une troisième voie avec des établissements spécialisés.

Un « Guantanamo à la française », comme l’avait proposé Eric Ciotti ?

Non, il convient d’agir dans le respect de notre droit et de nos règles. Je parle d’établissements d’enfermement intermédiaires, de prisons spécialisées. Le projet de loi sur l’immigration aurait dû nous permettre d’avoir ce type de débat. Le risque est que l’on se réveille tardivement, en cas de nouvel attentat, en réalisant que ce texte n’aura servi à rien. Les Français ne nous le pardonneraient pas et je sais vers qui ils se tourneraient, et c’est ce que je refuse. Il va également falloir que nos démocraties se réarment moralement et idéologiquement. Les organisations terroristes portent un récit terrible, de sang, mais c’est un narratif qui devient plus puissant que celui des démocraties. Les images d’horreur d’actes terroristes, qui circulent parfois librement, nous sidèrent tous mais elles peuvent aussi provoquer chez certains de l’attirance. C’est la raison pour laquelle notre pays s’était protégé des images et des contenus d’horreur de Daech. Les bourreaux, le Hamas comme Daech, utilisent sciemment ces images pour attirer et éveiller un sentiment d’adhésion et de mobilisation. Il faut que l’on soit vigilant et intraitable avec les plateformes numériques qui ne joueraient pas le jeu de la régulation afin que ces images ne circulent pas. Dans la lutte contre la radicalisation, nous avons des guerres militaires à mener sur le terrain, mais aussi une guerre, plus profonde, à conduire sur le terrain des valeurs.

Une motion de censure LR n’a, en l’état, que peu de chances d’être votée puisque le PS a annoncé qu’il ne la soutiendra pas !

Ce ne sera pas simple. Le dernier moment où on était assuré de faire voter une motion de censure, c’était le débat sur la réforme des retraites, comme je l’avais préconisé. Je plaide pour la cohérence : dès lors qu’un texte ne règle pas les problèmes et que le gouvernement nous oblige à l’avaler avec un 49.3, notre seule réponse institutionnelle est la motion de censure. Ce ne serait pas rajouter du chaos, mais offrir une soupape de salubrité démocratique. Nous vivons un basculement pendant que le ministre de l’Intérieur s’agite sur les détails.

Emmanuel Macron a prévenu : toute motion de censure adoptée entraînerait une dissolution. Votre parti risquerait de voir son groupe à l’Assemblée divisé par deux. Et vous-même, élu sur une terre de gauche, seriez-vous reconduit ?

Le président a proféré beaucoup de menaces qu’il n’a jamais mises en application. Je n’ai pas peur des menaces en mousse. La politique, c’est du courage et je n’ai pas peur de revenir vers le peuple. C’est la règle démocratique.

Le chef de l’Etat aurait-il dû prendre part à la marche contre l’antisémitisme ?

Honnêtement, je ne sais pas. La fonction présidentielle nécessite d’être parfois en retrait. Pour autant, je pense qu’il a du mal à percevoir ce qu’il se passe dans notre pays : à ce moment précis, il était nécessaire qu’il déroge à sa posture institutionnelle pour communier avec le pays inquiet et nos compatriotes juifs meurtris. Il est passé à côté des Français. Je reproche beaucoup de choses à Emmanuel Macron, qui a tant fracturé notre pays, mais je ne le soupçonne pas en revanche de ne pas vouloir lutter contre l’antisémitisme. De grâce, sur cette question si sensible, ne passons pas notre temps à allumer de nouveaux incendies. Rassemblons-nous sur l’essentiel.

Vous comprenez sa position sur le Proche-Orient ? Un jour évoquant une coalition internationale contre le Hamas, l’autre appelant au cessez-le-feu ?

Emmanuel Macron est une brindille dans la tempête. La parole de la France ne pèse plus rien. Prenons le cas des otages, qui est l’une des clés du conflit. La France se retrouve spectatrice. Sa parole s’est effondrée derrière la négociation menée par le Qatar. Notre pays a toujours joué un rôle stratégique dans les libérations d’otages, et c’est fini, nous ne sommes plus en situation de peser. L’idée d’une « coalition internationale » contre le Hamas émise par Emmanuel Macron a provoqué une perte de crédibilité immense. La parole de la France est devenue inconséquente. Ce que j’attends du président, c’est qu’il dise clairement que rien ne pourra se reconstruire demain sans une nouvelle autorité palestinienne, et probablement pas sans une nouvelle autorité israélienne ; qu’il porte une parole française qui ne change pas selon les jours ; et qu’il affirme que notre soutien n’est pas inconditionnel. Oui, Israël doit éradiquer les têtes du Hamas. Non nous ne pouvons pas rester muets en comptant comme par fatalité les morts civils. C’est la position que la France porte depuis le général de Gaulle, poursuivie par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. La recherche de la paix n’est jamais une faiblesse. C’est une forme de courage.

Vous redoutez une importation du conflit sur notre sol ?

Je ne crois pas à l’importation du conflit mais à l’importation de la haine. Désormais, les organisations qui prêchent la haine ont dans notre pays des agents de propagation de leur poison. Jean-Luc Mélenchon est devenu un agent de propagation de cette haine. C’est impardonnable, car il rend un service précieux à tous ceux qui prêchent les idées terroristes.

Quand Mitterrand évoqua le retour des immigrés « chez eux » en 1988

« Qu’ils rentrent chez eux! »

« Remigration » est un 
euphémisme et néologisme pour parler du retour, forcé ou non, des immigrés non européens dans leur pays d’origine. Cette idée, souvent liée à la théorie conspirationniste d’extrême droite du « grand remplacement », est aujourd’hui utilisée par la mouvance identitaire avec un objectif de banalisation du terme.
Le terme de réémigration est quelquefois utilisé dans le même sens.

«Prendre des dispositions pour qu’ils partent d’eux-mêmes…,» une exhortation du président socialiste de la République. En 1988, le président François Mitterrand évoquait de manière très crue sa vision de l’immigration à côté de laquelle beaucoup de gens de droite paraissent de gauche aujourd’hui.

Depuis Issoudun, extrait du discours de François Mitterrand sur l’immigration clandestine, le droit d’asile et le racisme, prononcé le 18 avril 1988, sur Antenne 2 (France 2) :

Texte intégral

1-L’égalité des droits.
– Je l’ai dit le 23 décembre 1987 à Djibouti : « Quelle que soit la race ou le pays d’origine, tout travailleur qui nous apporte son concours dans le cadre de nos lois doit être respecté et ne doit pas être l’objet de campagnes politiques (…) il doit être défendu par les pouvoirs publics comme on le ferait des nationaux ».
– Les immigrés qui se trouvent en situation régulière en France, qui apportent leur effort, leur travail, leur compétence, qui prennent part à notre production, sont ici chez eux et doivent bénéficier des mêmes règles que les travailleurs français : l’égalité des droits est tout simplement liée à l’égalité des devoirs.

2 – Code de la nationalité.
– Depuis des siècles, les enfants qui naissent de parents étrangers deviennent français à l’âge de 18 ans, sauf s’ils optent pour la nationalité de leurs parents. C’est ce que l’on nomme le droit du sol. Il n’y a aucune raison de revenir sur cette tradition séculaire, qui a permis à notre communauté nationale d’intégrer harmonieusement celles et ceux qui s’y sont ajoutés au cours de l’histoire.
– Pourquoi en revanche ne pas améliorer et simplifier ce qui doit l’être, comme la naturalisation, en rendant les procédures moins vexatoires ? Pourquoi les naturalisés de l’année ne seraient-ils pas reçus comme pour une fête, par le maire et dans sa mairie là où ils résident ?
– Il faut que la France sache recevoir et accueillir, qu’elle s’ouvre plutôt que de se fermer. Tout ce qui s’inspire d’une philosophie d’exclusion doit être rejeté. Soyons attentifs à ne pas marginaliser des dizaines de milliers de jeunes.

3 – Citoyenneté européenne.
– L’Europe de 1992 est l’affaire de tous. Aujourd’hui, la citoyenneté européenne est symbolisée par un passeport. Pour ce qui est de l’immigration, chaque pays européen a son histoire et, par conséquent, sa vision des choses. Mais ce qui fait précisément la force de l’Europe, c’est sa volonté de trouver le meilleur dénominateur commun. A terme, il ne peut pas y avoir suppression des frontières pour les uns et maintien des mêmes frontières pour les autres. Ce qui signifie qu’avec l’Europe viendra la nécessité de reconnaître la notion de résident européen.

4 – Le droit de vote des immigrés.
– J’ai écrit exactement ceci dans ma « Lettre à tous les Français » : « La Grande-Bretagne, la Hollande, les Pays Scandinaves sont même allés jusqu’à reconnaître à leurs immigrés un droit de regard – par le vote – sur des décisions politiques locales ou nationales. Même si je sais que vous êtes, dans votre grande majorité, hostiles à une mesure de ce genre, je déplore personnellement que l’-état de nos moeurs ne nous la permette pas ». Cela veut dire que mon projet ne comporte pas cette proposition mais que je demande aux Français d’y réfléchir.

5 – Loi du 9 septembre 1986.

– L’immigration clandestine ne peut être acceptée. Mais la protection des libertés individuelles passe par l’intervention d’un magistrat. L’expulsion administrative doit rester exceptionnelle et se faire selon des règles très strictes. L’utilisation systématique de la procédure d’urgence absolue est à éviter. Je ne veux pas revoir des charters comme celui des 101 Maliens.

6 – Jurés de Cour d’Assises.
– Les jeunes ont parfois le sentiment qu’il y a toujours une justice à deux vitesses et que l’on ne traite pas toujours de manière équitable les délinquants d’origine étrangère.
– Pour être juré d’assises, il faut être citoyen français. En l’-état actuel du droit, cette possibilité n’est donc pas ouverte aux immigrés.
– Je crois qu’il faut d’abord renforcer les dispositions législatives contre le racisme. C’est ce que propose le rapport de Michel Hannoun, qui est resté lettre morte. Il recommande, vous le savez, la création d’un délit spécifique d’injure non publique à caractère raciste ; la possibilité pour le juge de prononcer des incapacités civiles et politiques en cas de délit raciste ; l’aggravation de la peine applicable à certaines infractions à caractère raciste lorsque ces infractions ont été commises en groupe ; la création d’un nouveau délit d’apologie de crime contre l’humanité ; l’affichage dans les lieux publics d’une synthèse des dispositions pénales réprimant le racisme .. Tout ceci mérite d’être rapidement étudié et mis en oeuvre.

7 – Représentation dans les offices d’HLM.
– Il est évident que la présence de locataires d’origine étrangère dans les offices d’HLM et les commissions d’attribution du logement irait dans le sens d’une meilleure insertion dans le quartier où ils vivent. Mais, de façon plus générale, si l’on veut vraiment réaliser l’intégration des jeunes de la seconde génération, les partis politiques devront penser à faciliter leur candidature aux diverses élections, en particulier aux élections municipales.

8 – Chômage des jeunes.
– A la suite du rapport de B. Schwartz sur l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté, les gouvernements socialistes ont mis en oeuvre diverses dispositions : missions locales, stages qualifiants, aide aux entreprises intermédiaires. Depuis 1986, la dernière mesure a été abandonnée et les deux premières laissées en jachère.
– Le prochain gouvernement devra relancer cette politique et la doter de moyens financiers suffisants, car elle est destinée à l’ensemble des jeunes en difficulté, en particulier les jeunes d’origine étrangère.
– Dans ce -cadre, un dispositif particulier d’aide à la création d’entreprises par les jeunes sera mis en place. Plus généralement, il faut que les jeunes français d’origine étrangère prennent toute leur place dans la société française, dans tous les domaines, à tous les niveaux. Leur réussite n’est-elle pas le meilleur moyen de lutter contre le racisme ?

9 – Les « camps de la honte ».
– L’expression même que vous employez montre qu’il s’agit là d’une situation que nous ne devrons pas laisser se perpétuer. Beaucoup a déjà été fait depuis 1981 : en 5 ans, 25 secteurs d’habitat isolé et précaire sur une trentaine ont été démantelés et leurs habitants relogés. Des mesures financières sans précédent ont parallèlement permis aux Français musulmans rapatriés l’accession à la propriété de leur logement.
– Le gouvernement de 1986 a maintenu ces mesures et a pu inaugurer les deux derniers lotissements mis en chantier par le gouvernement précédent.
– Je veillerai à ce qu’un effort particulier soit fait dès le début de mon mandat pour arriver enfin à une résorption définitive.

Qu’avez-vous pensé du