Olivier Véran a-t-il bidonné l’implication du privé dans les TGV médicalisés?

Le ministre présente ses excuses aux professionnels du SAMU et de la SNCF, qui étaient en vérité aux manettes.

Interrogé sur France Info mercredi 16 février 2022 au sujet du possible recours excessif à des cabinets privés et notamment à McKinsey pour gérer la crise de Covid19, Olivier Véran a sorti un de ses mensonges dont il est coutumier , doublé de propos insultants pour le secteur hospitalier :

«NOTRE PAYS ÉTAIT EN GUERRE. QUAND VOUS DEVEZ ÉQUIPER UN TGV EN 48H POUR TRANSPORTER DES MALADES INTUBÉS, VOUS ÊTES CONTENTS DE TROUVER DES GENS QUI ONT LA COMPÉTENCE POUR LE FAIRE. ILS SONT DANS LE SECTEUR PRIVÉ.»

Olivier Véran, sur France Info, 16/02/2022

Le ministre Véran, démenti par son propre ministère

Le Conseil d’analyse économique (CAE) – qui conseille le premier ministre français, composé d’économistes professionnels reconnus. Sans qu’il y ait nécessairement consensus, le CAE s’attache à mettre en évidence des éléments d’analyse partagés et fait partie du réseau France Stratégie  – a attribué à la France une pitoyable 26e place sur 38 pays étudiés dans sa gestion de la crise de Covid19 sur les plans économique et sanitaire, dans une note intitulée «Les Français au temps du Covid-19: économie et société face au risque sanitaire».
Pour fabriquer ce classement, le CAE a compilé des données économiques et mortuaires. En tête de ce classement, on trouve l’Irlande, la Corée du Sud et l’Australie. Et parmi les grands pays européens, l’Allemagne.

Le ministère de la Santé a été obligé de démentir les propos du ministre peu de temps après. Contrairement à ce que Véran affirmait sur France Info, les transferts de patients par des TGV médicalisés n’étaient pas liés au privé le moins du monde. Ce que confirme un des médecins ayant participé aux TGV médicalisés.

«POUR ORGANISER UN CONVOI SANITAIRE, IL N’Y A QUE LE SAMU ET LES MILITAIRES QUI SAVENT FAIRE. JE NE VOIS PAS CE QUE LES CABINETS PRIVÉS AURAIENT PU APPORTER DE PLUS.»

Jean-Marie Bovis, chef de service du Samu des Landes en 2020

Il s’agissait d’une opération menée «par les services du ministère, des ARS, des établissements de santé, de la SNCF, du Samu (Ile de France et territorial) et de nombreux acteurs publics». Pas moins de dix convois, de la mission Chardon ont été acheminés. Et contrairement à ce qu’indique le ministre, ces opérations étaient opérationnelles depuis fin mai 2019 avec un convoi test, en prévision d’attentats terroristes. L’histoire des 48 heures du ministre ne tient absolument pas la route… ou le rail.

Monsieur « la France est prête* » obligé de s’excuser

Au plus fort de l’épidémie de Covid, ici à bord d’un TGV InOui en avril 2020, ce sont bien la SNCF et le Samu qui ont été à la manœuvre pour assurer le transport de patients vers des zones médicalement moins saturées.

Du côté du ministère de la santé, on plaide la « bonne foi » du ministre, au terme d’un communiqué de presse lénifiant, alors que les cabinets de conseils acceptant de répondre nient toutes avoir été impliqué en quoi que ce soit dans des telles opérations fussent-elles aéroportés (avec Air caraïbes, qui est une entreprise privée) ou par la route (avec une société privée).

Véran, un médecin devenu ministre qui sacque sa profession

Humiliation suprême pour le ministre qui déteste devoir s’excuser de quoi que ce soit, malgré une gestion catastrophique de la crise sanitaire, il a dû présenter des excuses aux équipes du public qu’il avait ainsi rabaissé: «le ministre tient à s’excuser auprès de tous les professionnels mobilisés de cette phrase malheureuse et à leur rappeler toute sa reconnaissance».

Comment Olivier Véran a-t-il pu s’enfoncer dans un mensonge aussi énorme et aussi facilement identifiable quand il s’agit des cabinets privés? Est-il teubé comme une teub ou l’Elysée a-t-il embrouillé le neurologue? Fallait-il qu’il flattât sur ordre la « réflexion » sur la stratégie vaccinale de ces fameux cabinets à polémique qui coûtent si cher à la collectivité ?

Droits de succession: des choix à faire avant la présidentielle

Le sujet creuse le clivage droite-gauche

A chaque campagne présidentielle, son impôt-phare? En 2012, il s’agissait de la taxe à 75% sur les très hauts revenus. En 2017, la suppression de la taxe d’habitation et la hausse de la CSG tenaient le haut du pavé. En 2022, les droits de succession ont très tôt fait irruption dans la campagne.

Déjà à l’automne, au congrès des Républicains, Eric Ciotti dénonçait un « impôt sur la mort ». Depuis, tous les candidats à la présidentielle, ou presque, se sont positionnés, dessinant en creux un net clivage entre la gauche et la droite sur cette question. Même Macron a évoqué la thématique dans le journal Le Parisien début janvier, admettant qu’il y a « un sujet » sur la « transmission populaire ».

« L’illusion d’un impôt confiscatoire »

L’impôt est impopulaire, car dans l’opinion publique, cette taxe souffre de « l’illusion que c’est un impôt confiscatoire », balaie typiquement la députée socialiste du Puy-de-Dôme Christine Pirès-Beaune. « Chaque gamin au départ, à sa naissance, doit avoir les mêmes chances de réussite. Aujourd’hui, on ne réussit pas par le travail, mais on réussit par la rente », assène l’élue, une apparatchik locale du PS, titulaire d’un DUT, rapporteure d’une proposition de loi en octobre 2020 « visant à réformer la fiscalité des droits de succession et de donation », examinée en première lecture ce 20 janvier. Cette attachée territoriale a 57 ans, sans enfants.

A droite, le député du Nord Sébastien Huyghe, est d’accord sur le principe d' »une participation », « mais il ne faut pas que ça puisse être confiscatoire ». « Je trouve que c’est bien qu’on essaye de protéger ses enfants quand on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait », poursuit le parlementaire, notaire de profession.

« J’en connais beaucoup qui se privent toute leur vie pour pouvoir transmettre un patrimoine à leurs enfants », ajoute-t-il.

85% des Français déjà exonérés

Selon un sondage OpinionWay-Square réalisé pour Les Echos et Radio Classique, publié le 17 janvier, 81% des personnes interrogées, soit huit Français sur 10, sont favorables à une baisse de l’impôt sur les successions. Dans les faits, 85% des Français sont pourtant exonérés du paiement de ces droits dans le système – complexe – actuellement en vigueur, précise la presse.

Certes, la France affiche des taux d’imposition élevés, en comparaison aux autres pays: schématiquement, un barème progressif est appliqué sur la succession avec un taux qui débute à 5% (pour une transmission inférieure à 8072 euros) et peut grimper jusqu’à 45% pour les plus gros montants (au-delà de 1.805.677 euros), voire 60% lorsque le lien avec le parent est éloigné.

Mais des abattements et exonérations tempèrent ce régime. Par exemple, la transmission entre un parent et un enfant est défiscalisée jusqu’à 100.000 euros, ce qui exempte une bonne partie des transmissions.

A gauche comme à droite, on veut réformer

Des deux côtés de l’échiquier politique, on s’accorde à dire qu’une réforme est nécessaire, en différant sur la méthode et l’objectif poursuivi.

A droite et à l’extrême droite, on veut alléger la fiscalité sur les successions et surtout faciliter les donations entre parents et enfants, aujourd’hui défiscalisées à hauteur de 100.000 euros tous les 15 ans. Marine Le Pen veut réduire ce délai à 10 ans, Valérie Pécresse à 6 ans. Eric Zemmour veut augmenter le montant: 200.000 euros tous les dix ans.

« Je veux restaurer notre envie de transmettre de génération en génération », a résumé la candidate Les Républicains (LR) Valérie Pécresse dans un entretien au Figaro dimanche.

A gauche, on souhaite contribuer à enrayer les inégalités, en prônant plutôt une suppression des droits de successions sur les héritages les plus modestes – en dessous de 300.000 euros pour Anne Hidalgo, ou de 118.000 euros pour Fabien Roussel par exemple.

Et, dans le même temps, accentuer la pression sur les plus grosses successions. Avec un impôt progressif et la fin des niches fiscales dont bénéficie les plus riches pour le candidat communiste ; une taxation plus forte – notamment au-delà de 2 millions d’euros – pour Anne Hidalgo, un « bonus-malus sur le caractère plus ou moins écolo du patrimoine » pour Yannick Jadot ou encore en taxant « tout au-delà de 12 millions d’euros » pour Jean-Luc Mélenchon.

« Je ne suis pas intéressé par la confiscation des petites maisons, ni des automobiles, ni des frigos des gens », a affirmé ce dernier dans Libération. « Et avec 12 millions d’héritage, on ne jette personne dans la misère. »

Le spectre d’une « société d’héritiers »

Pour Sébastien Huyghe, le sujet prend de l’ampleur actuellement en raison de la conjoncture: « on est dans une période économiquement quand même incertaine, c’est un phénomène qu’on trouve souvent après les crises », estime-t-il, d’où le fait que « la question de la transmission se pose avec beaucoup d’acuité ».

« C’est un impôt qui touche un patrimoine qui a déjà été beaucoup imposé, notamment sur les revenus du travail », justifie le député LR.

Pour Christine Pirès-Beaune, spécialiste des finances locales, l’analyse est tout autre. « Si on continue comme ça, on va de plus en plus aller vers une société d’héritiers », met-elle en garde, à l’unisson des conclusions du Conseil d’analyse économique (CAE). Selon une note du CAE de décembre, « la fortune héritée représente désormais 60% du patrimoine total contre 35% en moyenne au début des années 1970 ». Les économistes soulignent que « cette tendance est commune à tous les pays développés mais (…) semble particulièrement forte en France ».

« Ces inégalités de destin sont en train de se creuser, non pas en raison des inégalités du travail, mais en raison de la transmission du patrimoine », insiste Christine Pirès-Beaune.

Dans la cohorte constituée par le CAE, 50% des personnes héritent de moins de 70.000 euros au cours de leur vie et moins de 10% héritent de plus de 500.000 euros de patrimoine.

Casse-tête pour Macron?

Comment se positionnera Emmanuel Macron, élu en 2017 sur une promesse de dépassement des clivages gauche-droite? Dans son entretien au Parisien, le chef de l’État avait déclaré début janvier ne pas faire « partie de ceux qui pensent qu’il faut augmenter les droits de succession à tout-va, au contraire », évoquant le fait que nous étions selon lui « une nation de paysans dans notre psychologie collective ».

« Je pense qu’il y a des choses à améliorer. Il faut plutôt accompagner les gens pour les aider à transmettre les patrimoines modestes », avait-il conclu.

Roland Lescure, député LREM des Français de l’étranger et président de la Commission des affaires économiques à l’Assemblée, juge qu’une ligne de crête est possible.

« Entre ‘je prends tout au-dessus de 12 millions’ de Mélenchon et ‘je donne tout ou presque’ de Valérie Pécresse, comme toujours je pense qu’il y a un juste-milieu de la raison », assure à BFMTV.com ce porte-parole de LREM.

« Dans un monde et à une époque où la famille se recompose (…), il y a du toilettage à faire pour s’assurer qu’on ait un triptyque essentiel: simplicité, efficacité, équité », poursuit-il, estimant que ces droits ne sont actuellement « pas si élevés que ça, mais pas si équitables que ça ».

Dans l’opposition, on observera attentivement les propositions du chef de l’État lorsqu’il sera officiellement candidat. « Sur ce sujet, il va être très difficile pour le président de la République de faire du ‘en même temps’. Il va falloir faire un choix. (…) Il va être très ennuyé », croit savoir Sébastien Huyghe.