Le ministre est-il aussi réactif à l’encontre des séparatistes ou de l’extrême gauche ?
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Gérald Darmanin a demandé à ses services « d’instruire la dissolution » de Civitas, a-t-il annoncé à l’encontre du mouvement classé à l’extrême droite et regroupant des catholiques traditionalistes intégristes. Il condamne ainsi la demande de « déchéance de nationalité pour les Juifs » formulée lors de l’université d’été de l’organisation, parti politique depuis 2016.
« L’antisémitisme n’a pas sa place dans notre pays. Je condamne fermement ces propos ignominieux et saisis le procureur de la République », a ajouté le ministre de l’Intérieur dans son passage publié sur X (anciennement Twitter).
Les propos controversés de l’essayiste Pierre Hillard relancent le débat de la liberté d’expression
L’essayiste Pierre Hillard a tenu des « propos ignominieux » lors de l’université d’été de juillet 2023 en Haute-Loire. Un épisode qui relance le débat sur la liberté d’expression : a-t-elle des limites spécifiques à l’extrême droite?
« Avant 1789, un juif, un musulman, un bouddhiste… ne pouvait pas devenir français… La naturalisation des Juifs en septembre 1791 ouvre la porte à l’immigration. Parce qu’à partir du moment où vous donnez la nationalité française aux Juifs, tôt ou tard, vous ne pouvez pas la refuser aux bouddhistes, aux musulmans… Lorsqu’Eric Zemmour critique avec justesse l’invasion migratoire, il oublie de dire que ce sont ses coreligionnaires qui ont ouvert les portes de l’immigration. Si on veut rétablir les lois de catholicité et qu’on fait du catholicisme traditionnel la religion d’Etat, peut-être faut-il retrouvé la situation d’avant 1789 », argumente Pierre Hillard.
Pourtant, en 2016, Civitas avait été reconnu éligible au financement des partis politiques et avait soutenu la candidature d’Eric Zemmour.
Darmanin et LFI font cause commune
Suite aux propos de Pierre Hillard, la cheffe de file des députés Insoumis, Mathilde Panot, a diffusé sur X, une lettre adressée à la procureur de la République de Paris, au nom de son groupe politique, pour informer la magistrate de « propos diffamatoires publics [qui] mobilisent des informations fausses dans le but de stigmatiser et porter atteinte à des Français au motif de leur religion« .
Parti pro-palestinien, LFI est antisioniste et antisémiste. S’est-il réveillé ami des Juifs en ce mois d’août?
Sur le même réseau social, Mélenchon qui s’était pourtant récemment écharpé avec le président du CRIF Yonathan Arfi, a applaudi à l’intention de Darmanin, dont le grand-père était musulman, preuve que certains sujets sont trans-partisans entre le pouvoir macronien, LFI et la mosquée, mais brouillés avec le clocher.
Plusieurs associations comme l’Union des étudiants juifs de France UEJF, mais aussi l’Union des organisations islamiques de France (UOJF) ou la Licra, mais aussi des personnalités politiques de tous bords, ont critiqué les propos d’Hillard et salué la décision de Gérald Darmanin, qui était accusé récemment d’avoir la main plus lourde, quant il s’agissait de sévir à l’encontre des organisations de gauche.
L’intention claironnée de Gérald Moussa Darmanin entre en résonance avec les propos du pasteur et théologien allemand Martin Niemöller, qui après avoir soutenu le régime nazi avait créé la « Ligue d’urgence des pasteurs », une lettre de protestation contre les mesures d’exclusion et de persécution prises envers les Juifs à destination du régime nazi et un mouvement des pasteurs du monde entier.
La liberté d’expression doit-elle donc se dresser des limites sur le sujet de l’antisémitime et être étendue au séparatisme, à l’homophobie ou au changement climatique ? Hyde Park à Londres est bien connu pour être un espace social et de liberté d’expression, qui a été un terrain de jeu pour les extrémistes intégristes de tout poil, même s’il n’y a pas eu plus d’attentats au Royaume-uni que dans les autres pays occidentaux.
Faut-il dissoudre Civitas ou poursuivre Pierre Hillard?
A la lumière de l’exemple de Pierre Hillard, on serait tenté de répondre que le tout n’est pas le particulier. Il fut un temps où la promulgation des textes qui allaient dans le sens de la restriction de la liberté d’expression n’a pas été sans poser de questions, que ce soit en 1939, puis en 1972 et en 1990, lors des discussions sur la loi Gayssot, qui réprime également le negationnisme et enfin en 1992, avec l’alourdissement des peines possibles en la matière.
L’extrême susceptibilité de l’extrême gauche sur les atteintes à la liberté d’expression connaît des limites… Se pose en effet la question de l’utilisation des textes, au gré des intérêts partisans, qui peuvent conduire à bâillonner les oppositions, comme le dénoncent les libertariens et comme on a pu le constater récemment dans un autre domaine, lors de la dissolution des Soulèvements de la terre, bien que violents, à la différence de Génération identitaire. On peut également relever l’inefficacité de la loi, contre les arguments d’extrême droite ou le negationnisme et se demander si la dissolution de Civitas ne va pas finalement renforcer ce mouvement, tout en muselant un peu plus la liberté d’expression, même si comme le voeux l’adage, « la liberté des uns, s’arrête à celle des autres ». Quoi qu’on pense de ces aléas, le chouchou des ministres de Macron (avec Bruno Le Maire, l’expert en tableaux Excel et en vibrations de « renflements bruns ») se classe en champion des dissolutions et des atteintes à la liberté d’expression, comme Elisabeth Borne, en musèlement des députés, qui n’a pas dit son dernier mot de féministe, face à Michel Rocard, en championne des recours à l’article 49.3.
A l’épreuve des libertés en 2023, Macron accède au podium.