La nomination de Philippe Vigier déplaît aux Ultramarins

Le président de la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale n’a pas été entendu

Vigier, enfin ministre,
mais déjà contesté

Quatrième ministre en deux ans… Sébastien Lecornu (de juillet 2020 à mai 2022), Yaël Braun-Pivet (qui ne sera restée que 35 jours), Jean-François Carenco (arrivé le 4 juillet 2022) et enfin Philippe Vigier. Aucun de ces élus n’est issu d’un territoire ou d’une collectivité ultramarine. En outre, les deux derniers ministres ne sont que délégués aux Outre-mer, ainsi rattachés au ministère de l’Intérieur de Gérald Darmanin. Une décision déjà mal perçue par les élus locaux, comme le sénateur guadeloupéen, le socialiste Victorin Lurel qui avait dénoncé « une régression ». A la suite de l’annonce de la nomination de Philippe Vigier, il a observé que « la mise sous tutelle des Outre-mer est ainsi entérinée ». « Une relégation aura eu raison du volontarisme affiché il y a un an par Jean-François Carenco, ancien préfet de la région Ile-de-France,  qui n’a malheureusement pas pu changer la vision minimaliste de l’ambition présidentielle pour le développement de nos territoires », déplore-t-il.

Avant le remaniement, Davy Rimane, député de Guyane et président de la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale, réclamait un « ministère de plein exercice ». Or, Macron maintient les Outre-mer sous tutelle du ministère de l’Intérieur dans le gouvernement Borne 3. Franck Riester, ministre des relations avec le Parlement, n’a pas joué son rôle en portant la voix du représentant de la Guyane jusqu’à l’Elysée. Et ce n’est pas le choix du remplaçant de Jean-François Carenco qui va apaiser les parlementaires ultramarins.

Jeudi 20 juillet, le maroquin de ministre délégué aux Outre-mer est passé aux mains de Philippe Vigier, 65 ans, élu MoDem d’Eure-et-Loir. Le député est présent depuis 16 ans au Palais Bourbon et en est à sa quatrième mandature depuis 2007, naviguant entre les chapelles centristes. Docteur en pharmacie et biologiste de profession, il a été maire de Cloyes-sur-le-Loir et conseiller régional du Centre-Val-de-Loire.

Son profil d’apothicaire ne le destinait nullement à gérer les Outre-mer, comme l’ont fait remarquer plusieurs représentants de ces territoires.

« Mise sous tutelle entérinée » et profil sans « cohérence »

« C’est un très mauvais signal. Le profil de Vigier n’est pas du tout en cohérence avec la réalité des territoires », regrette ainsi l’élu GDR Guyane Davy Rimane, un technicien à la Commission des lois. « Il y a eu des joutes verbales à l’Assemblée et un manque de respect, au moment des textes sur la crise sanitaire », rappelle ce protagoniste du mouvement social de 2017 en lien avec l’insécurité et le manque d’infrastructures , alors que l’obligation vaccinale des soignants avait suscité une accès de colère dans les territoires d’Outre-mer.

18 députés ultramarins de la NUPES et LIOT ont clamé leur « stupéfaction » face « au traitement réservé à (leurs) territoires dans le choix du nouveau ministre », dans un communiqué commun publié à la mi-journée ce vendredi. La nomination de Philippe Vigier qui « n’a aucun rapport, de près ou de loin avec ces collectivités (…) est le signal d’une politique de mépris et d’ignorance des enjeux ultramarins », avait aussi déploré dans un communiqué le groupe parlementaire LFI, qui compte dans ses rangs trois représentants ultramarins.

Victorin Lurel, sénateur PS de Guadeloupe, et lui-même ancien ministre des Outre-mer du gouvernement Ayrault, s’indigne lui de voir « la mise sous tutelle des Outre-mer entérinée. » « Cette relégation aura eu raison du volontarisme affiché il y a un an par Jean-François Carenco qui n’a malheureusement pas pu changer la vision minimaliste de l’ambition présidentielle pour le développement de nos territoires », cingle-t-il dans un communiqué.

En six ans de présidence Macron, pas moins de cinq responsables se sont succédés aux Outre-mer. La première d’entre eux, Annick Girardin était la seule élue d’une collectivité d’Outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon. Par la suite, ni Sébastien Lecornu et encore moins la très éphémère Yaël Braun-Pivet, qui a quitté son poste pour prendre la tête de l’Assemblée, n’ont satisfait à cette demande des Ultramarins.

Plus grave encore : le gouvernement Borne 2 a marqué la fin des ministères de plein exercice des Outre-mer. Le 4 juillet 2022, le « MOM » est en effet passé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, une décision perçue comme « une régression », alors qu’elle souligne la continuité territoriale entre les Outre-Mer et la métropole.

Un changement 48 heures après la présentation d’un plan d’envergure

La nomination d’un nouveau ministre délégué est intervenue deux jours seulement après la présentation d’u¹n plan, très attendu, de 70 mesures porté par Jean-François Carenco. Parmi les thématiques abordées, se trouvent des sujets aussi cruciaux que le coût de la vie – et la sensible question de l’octroi de mer – l’accès à l’eau ou la vétusté des infrastructures publiques. Des « décisions importantes », a d’ailleurs souligné Macron ce vendredi 21 juillet, en amont du Conseil des ministres.

Ces mesures ont été en partie « saluées », y compris par les présidents des exécutifs locaux. S’ils ont dit « rester attentifs à leur traduction concrète », ils ont également noté dans un communiqué commun un « dialogue probant » avec Gérald Darmanin et Jean-François Carenco.

Dans ce contexte, le changement d’interlocuteur irrite. Les Outre-mer sont « plus que jamais les déconsidérés, occultés au profit du ’jeu politicien’ », gronde même le sénateur RDPI (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, dirigé par le sénateur de Guyane Georges Patient, qui partageait deux jours plus tôt un article sur « les annonces fortes » du gouvernement malgré quelques lacunes.

L’Insoumis réunionnais Jean-Hugues Ratenon pointe le « peu d’attention » du gouvernement, avec ce changement « deux jours à peine après la tenue du Comité interministériel des outre-mer ». « Si certains avaient cru pouvoir fonder leurs espoirs sur les mesures annoncées, il semblerait qu’il faille déchanter car ce remaniement sonne comme une rupture », écrivent aussi les élus ultramarins réunis.

Le nouveau ministre sera samedi en Nouvelle-Calédonie. Il accompagnera ensuite Macron lors de sa visite dans le Pacifique du 24 juillet au 29 juillet. Son ministre de tutelle, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, lui a souhaité la bienvenue sur les réseaux sociaux. « Ensemble, au service des magnifiques territoires ultramarins, nous porterons l’ambition du Président de la République », a annoncé le locataire de Place Beauvau.