Comment le prix de l’électricité peut-il dépendre du gaz ?

Un système européen soutenu par Macron et auquel il refuse donc de renoncer

EDF, poule aux oeufs d’or de l’Etat: il faudrait parler de
la part des taxes (ici en 2019)

Le président Macron a annonçé le jeudi 10 février 2022 à Belfort un programme ambitieux de renouvellement de la filière nucléaire française. Emboîtant le pas de son aîné, le général de Gaulle, il déclarait :

Pour produire de l’énergie, en particulier l’électricité, nous avons une chance, c’est notre modèle historique. Le parc installé, le nucléaire.

Aujourd’hui, la guerre en Ukraine est instrumentalisée pour occulter les fautes politiques de Macron sur plus de dix ans: l’argument écologiste du risque de l’atome, tant par les menaces à demie voilée du président russse, Vladimir Poutine, que par l’attaque stratégique de ses forces militaires sur les abords de la plus grande centrale nucléaire d’Europe, Zaporijia – de conception et de construction russes soviétiques -, les Français sont confrontés à une hausse dramatique des prix de l’électricité de gros et ce malgré la rente du parc nucléaire historique dont ils disposaient, avant son saccage par Hollande et Borne, puis Macron et Borne…

Pourquoi les prix du gaz et de l’électricité flambent-ils depuis septembre 2021 ?

Courbe de prix de marché gaz et électricité pour 2023

Ce phénomène s’est accentué de façon spectaculaire depuis le début de l’année 2022, le gaz russe a augmenté de 60%, on peut donc parler d’envolée du prix du gaz, rétortion russe prévisible, sauf pour les énarques obtus de l’entourage macronard. Et Macron aggrave son cas en promettant, mercredi 4 janvier, des chars de combat légers français à Zelensky.

Cette envolée du prix du gaz serait donc liée à des raisons internationales, voire géostratégique, selon la presse macronarde, puisque la France n’est pas productrice de gaz, elle importe entièrement ses besoins en gaz, notamment depuis la mer du Nord, de Norvège, et aussi, comme ses voisins européens d’autres pays, tel que la …Russie.

On l’a vu, l’intox officielle veut que la géostratégie soit l’origine exclusive d’une flambée des prix du gaz, et Macron fait tout pour aggraver les relations en Europe.

Pourquoi l’électricité se paie-t-elle au prix du gaz ?

C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre dans cet article qui expliquera notamment le fonctionnement du marché européen de gros de l’électricité.

  • la hausse très importante de la demande mondiale et notamment en Asie,
  • la maintenance nécessaire des installations en Norvège,
  • l’action de la Russie qui retient sa production pour pousser à la mise en production du gazoduc Nord Stream 2,
  • le faible remplissage des stockages de gaz européens cet été à la sortie de l’hiver 2019-2020 du fait d’une mauvaise anticipation des hausses de prix du gaz,
  • le niveau très bas (un tiers) des stocks localisés en Allemagne et gérés par Gazprom (russe).

Les mécanismes de marché à l’origine d’une flambée des prix de l’électricité

Il n’y avait quasiment pas eu de montée en flèche du coût de production de l’électricité en France ces derniers mois.

La part du gaz et du pétrole dans la production électrique française est de l’ordre de 7% et, en Europe, elle est de l’ordre de 20%: une partie du coût est liée à la construction des installations, tandis qu’en France, elle est liée à la relance des unités abandonnées pour des raisons électoralistes entre le candidat Macron et les écologistes. Donc, si on détaille la part du combustible, c’est moins de 10% du coût total de production de l’électricité qui dépend du gaz en Europe.

Source : Connaissance des Énergies

Donc ce n’est pas le coût de l’électricité qui a flambé du fait de l’augmentation du prix du gaz. Par ailleurs, la demande d’électricité n’a pas flambé non plus, elle est stable. Le prix de l’électricité sur le marché a flambé uniquement du fait du mécanisme de marché lui-même, activé par les traders de l’énergie, des spéculateurs sur le prix de produits énergétiques .

Comparativement, si la France était restée dans le système des tarifs réglementés qui existaient du temps de l’entreprise publique, le prix n’aurait pas évolué ou quasiment pas, puisque les coûts n’ont pas évolué en globalité. D’autant qu’aujourd’hui l’ARENH permet aux acteurs de marché de couvrir une partie de leur coût à un prix fixe régulé. Mais, sous influence allemande, l’UE, toujours mal inspirée, a modifié les règles du marché.

Un mécanisme de marché européen gommant les mix énergétiques régionaux

Les prix de gros sur les marchés de l’énergie sont désormais calés sur les coûts marginaux. C’est-à-dire qu’à chaque instant le prix de marché est égal au coût de production de la centrale la plus chère de tout le réseau interconnecté européen – auquel Macron se dit néanmoins attaché – et ce même si la part de production de cette centrale représente une part infime de la production totale, car ce mécanisme de fixation des prix de gros est indépendant des quantités produites.

Principe de la préséance économique

Le principe de la préséance économique (merit order) consiste à démarrer les centrales de production, de la moins chère à la plus chère, au fur et à mesure que la demande augmente et à rémunérer l’électricité produite à un instant T au prix de la dernière centrale appelée à fonctionner pour garantir l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité et équilibrer la tension sur le réseau à 50 Hz.

Le coût marginal de production maître étalon des prix de gros de l’électricité

Ce prix, qui dépend non pas du prix moyen de l’électricité produite mais du prix de la dernière centrale marginale appelée à fonctionner, est applicable à toutes les centrales en production à ce moment-là, quelle que soit leur part relative dans la production du parc installé.

Il y a donc un alignement du marché sur le prix marginal de production de la dernière centrale appelée par le gestionnaire de réseau (RTE pour la France). Autrement dit, si une centrale gaz fournit 1% de l’électricité du réseau interconnecté, le coût de production de cette centrale sera appliquée à 100% de cette électricité sur le marché de gros. Et donc en cas de forte tension en Europe sur la demande en électricité, c’est-à-dire en cas de mobilisation des centrales de production de pointe, le prix résultant sur le marché de gros sera bien supérieur à la valeur moyenne de la production au même moment.

Ainsi, si le prix du gaz flambe sur les marchés du gaz, par effet de ricochet : dès qu’une centrale à gaz sera appelée en production, son coût de production s’appliquera mécaniquement à l’ensemble de l’électricité produite sur le réseau interconnecté européen, même si cette électricité est globalement produite à partir de barrage hydraulique ou de centrales nucléaires dont les coûts sont bien plus faibles et quasiment stables. En conséquence, le prix de gros de l’énergie ne reflète pas le mix énergétique de chaque pays et donc les choix politiques structurants du parc de production.

Le CO2 entre dans l’équation du coût marginal de production des centrales gaz

Et c’est sans oublié le prix du CO2 qui s’applique à la production électrique des centrales fossiles, et donc des centrales à gaz, qui surenchérit le prix de production des centrales à gaz et par effet mécanique du principe exposé ci-dessus de préséance économique, à l’ensemble de la production électrique, qu’elles soient d’origine nucléaire, hydraulique ou encore éolienne.

Quand le gaz augmente, l’électricité augmente !

De ce point de vue, en fonction de leur mix énergétique, tous les pays européens ne sont pas égaux, certains étant plus vertueux que d’autres, les consommateurs ne subissent pas l’effet mécanique du marché de gros européen les choix de la politique énergétique de leur voisin comme en témoigne cette carte.

Des prix de gros de l’électricité corrélés en partie sur les prix du gaz

Avec ce mécanisme de marché, les prix de gros sont corrélés aux prix du gaz et deviennent incontrôlables par la puissance publique et extrêmement volatiles.

Ce qui pénalise les producteurs qui doivent faire des investissements très importants et qui font face à un prix très volatile qu’ils ne peuvent pas anticiper et donc à un risque financier important.

Un mécanisme de marché qui impacte les consommateurs

Et ce qui pénalise aussi évidemment les consommateurs, tout d’abord les particuliers puisque leurs factures vont augmenter pour refléter l’augmentation des prix sur les marchés de gros.
Et ensuite les entreprises, PME/PMI françaises et électro intensives, qui ont besoin d’assurer l’approvisionnement électrique de leur outil productif et qui voudraient avoir une visibilité sur les prix, dit autrement un prix stable et lié aux coûts de production, pour pouvoir maîtriser le prix de vente de leurs produits et rester compétitif.

Dans la situation actuelle c’est un problème pour tout le monde, même s’il y a certains consommateurs qui subissent la hausse des factures d’énergie et pas d’autres.

Sur les marchés, les opérateurs s’échangent l’électricité au prix de gros pour ensuite répercuter la variation des prix sur leurs clients.

Certains consommateurs ont des contrats de fourniture avec des prix fixes garantis sur plusieurs années, donc pour l’instant ils ne subissent pas les hausses de prix des marchés de gros. Ils subiront ces hausses plus tard au moment du renouvellement de leur contrat mais de manière très lissée.

D’autres consommateurs ont des contrats indexés sur les prix de marché et donc ils subissent dès à présent ces hausses sur les marchés de l’électricité.

Le bouclier tarifaire est-il une mesure efficace de protection des consommateurs français ?

Comme vous l’aurez compris, l’augmentation du prix du gaz à des conséquences directes sur le prix de gros de l’électricité atteint des sommets mettant l’Europe sous tension.

C’est pourquoi le mardi 1er mars 2022, Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance a déclaré sur FranceInfo : “Je souhaite qu’on prolonge le bouclier tarifaire”.

Un bouclier mis en place en septembre 2021 pour limiter la hausse à 4%

Le bouclier tarifaire avait été annoncé par le Premier ministre, Jean Castex, le 30 septembre 2021 pour faire face à l’exceptionnelle hausse des prix de l’énergie observée depuis la mi-2021. La mise en place de ce bouclier tarifaire par le gouvernement visait alors à limiter à 4% la hausse moyenne des TRV (tarifs réglementés de vente) applicables aux clients résidentiels.

Bouclier tarifaire : la guerre en Ukraine pérennise la crise des énergies

Aujourd’hui, face à la guerre en Ukraine, les prix de l’électricité flambent à nouveau en Europe. Le bouclier tarifaire initialement conçu pour faire face à une situation exceptionnelle va perdurer sous l’action conjuguée de la guerre et de la Présidentielle en France.

Les pouvoirs publics affirment que le bouclier tarifaire va résister et permettre de contenir la hausse des prix dans l’objectif de 4% annoncé en septembre 2021. Hausse des prix qui auraient dû atteindre près de 40% selon les estimations présentées le 10 janvier par Bercy.

Toutes ces mesures pour contenir le prix de l’énergie représentaient déjà un coût pour l’Etat de 14 milliards d’euros sur 2021-2022, avant la guerre en Ukraine.

Qu’en est-il de la rente du nucléaire ARENH promise aux Français ?

Pour répondre à la situation de crise actuelle, le gouvernement a également augmenté de 20 TWh le niveau d’ARENH (initialement de 100 TWh) qui sera livré en 2022 et dans le même temps révisé à la hausse son prix à 46,20 €/MWh (initialement à 42 €/MWh). (Cf. communiqué de presse du 13 janvier 2022).

Grâce à cette mesure portant sur l’ARENH, les fournisseurs vont donc pouvoir bénéficier de 20% d’énergie d’origine nucléaire en plus pour répondre aux besoins de leurs clients. Ce prix subit cependant une augmentation de 10%.

Quelle politique énergétique doit mener la France ?

On observe donc à la lumière de la crise actuelle les limites du modèle de mécanisme de marché construit sur le principe de la préséance économique et du coût marginal de la dernière centrale appelée qui conduit à une hausse dramatique des prix pour le consommateur final.

Dans le même temps, le Gouvernement est obligé de prendre des mesures palliatives afin de faire bénéficier les consommateurs français de la rente nucléaire sans s’attirer les foudres de Bruxelles.

L’énergie s’est déjà largement invitée dans la campagne présidentielle, certains prônant le renouveau du nucléaire, comme l’actuel Président-Candidat, Emmanuelle Macron, et d’autres, comme Yannick Jadot y étant totalement opposé et souhaitant au contraire augmenter de 3 000 éoliennes supplémentaires le parc existant qui en compte déjà 9 000.

Comme chacun le sait, l’augmentation des énergies renouvelables pose le problème de leur intermittence. Or pour faire face à leur intermittence, les centrales de pointe de type CCGT (centrale gaz) sont fortement sollicitées, ce qui avec les mécanismes actuels de marché européen aurait tendance à maintenir artificiellement un prix de gros de l’électricité élevé.

À n’en pas douter, la composante géostratégique, c’est-à-dire la dépendance au gaz et donc à la Russie, va devenir un critère de plus en plus prépondérant dans les choix de politique énergétique des 27.

Au changement climatique, au renouveau de la filière nucléaire française, à la dépendance aux panneaux photovoltaïques chinois, à la transformation de nos campagnes et des littorales par les éoliennes, etc. Nos politiques français doivent maintenant composer de plus en plus avec la géostratégie du gaz, à moins qu’ils ne tentent de sortir des mécanismes de marchés européens !

Hypothèse peu probable tant il est vrai que dans la période actuelle où les 27 appellent de leurs vœux à plus d’Europe, la cohésion et la solidarité n’ont jamais été aussi fortement mises à rude épreuve, par le Brexit d’abord, puis par la guerre en Ukraine ensuite.

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