Ukraine: quand Macron se vantait d’avoir amorcé la désescalade

Zelensky, instrumentalisé par Biden contre Poutine

Le président US Joe Biden recevant le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Maison Blanche, le 1er septembre 2021): cinq mois plus tard, l’Ukraine était envahie

Début février 2022, la mission diplomatique atlantiste de Macron s’était achevée à Berlin. De retour de Moscou et de Kiev, le président-tournant de l’UE dîna avec le chancelier allemand Olaf Scholz et le président polonais Andrzej Duda, pour rendre compte de sa mission de paix pour la sauvegarde de l’Ukraine et de l’Europe. Résultat, la guerre a éclaté le 26 février et, trois mois plus tard, malgré la guerre et les représailles russes sur la France, Macron se prend toujours pour notre « protecteur »…

Emmanuel Macron en était convaincu, début février: sa tournée diplomatique en Russie et en Ukraine a permis d’amorcer la désescalade dans le conflit ukrainien. Le croit-il encore? C’est fort probable. Pourtant, à Moscou, le président russe Vladimir Poutine n’avait pris aucun engagement sur un éventuel retrait des troupes russes massées autour de l’Ukraine. A Kiev, le président français rencontra son homologue showman ukrainien pendant 3 heures. Volodymir Zelensky évoqua un prochain sommet en format Normandie, un format qui regroupe son pays l’Ukraine, la Russie, la France et l’Allemagne. Macron était arrivé en fin de journée à Berlin pour rendre compte de sa tournée au chancelier allemand Olaf Scholz et au président polonais Andrzej Duda. Les trois dirigeants du « Triangle de Weimar » veulent afficher leur unité face à Vladimir Poutine. Et, le soir, le chef de l’Etat français appela à un « dialogue exigeant avec la Russie«  pour obtenir la paix en Ukraine. 

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Macron, rattrapé par sa vantardise

Après 5h30 d’entretien, Vladimir Poutine et Emmanuel Macron avaient donné une conférence de presse commune, un lundi soir, largement dédiée à la crise ukrainienne. Toujours novice en diplomatie malgré ses errances tonitruantes au Liban où il n’a rien appris, le chef de l’Etat s’était dit «rassuré» par son homologue russe qui aurait, lui, promis de tout faire «pour trouver des compromis».

Vladimir Poutine a été le premier à prendre la parole et à répéter ses exigences pour amorcer une désescalade des tensions en Ukraine à la condition de «la non-expansion de l’OTAN, du non-déploiement des systèmes de combat sur la frontière russe», a redit le président russe.

Or, l’OTAN, aux mains des USA de Joe Biden, président septuagénaire figé dans la « guerre froide », recherche l’écrasement de l’ex-URSS. «En repositionnant son infrastructure militaire à côté de la frontière russe, l’OTAN » bloque toute amorce de désescalade et « se croit capable de nous faire la leçon, où et comment nous devons déployer nos forces, et exiger de nous de ne pas organiser les manœuvres prévues», a poursuivi Vladimir Poutine dénonçant «une politique russophobe». En travaillant à l’installation de l’OTAN aux frontières russo-ukrainiennes, avec la complicité de Zelensky, président ukrainien, à qui Biden fait miroiter une possibilité d’adhésion, «l’OTAN est une menace contre la Russie», a-t-il souligné. Une agressivité antérieure à l’invasion russe de l’ancienne république soviétique.

«L’OTAN est une menace contre la Russie, » explique Vladimir Poutine

De son côté, en affichant l’illusion de sa capacité personnelle à convaincre par le verbe, Macron s’est montré à la fois présomptueux et confiant sur la poursuite du dialogue. «Le président Poutine m’a assuré de sa volonté de maintenir la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine», a-t-il clamé, incapable de réaliser qu’en apparaissant clairement comme petit télégraphiste de Biden, il perdait toute crédibilité.

Quelle confiance accorder à un président français ambigü dont l’ex-ministre de la Défense du président Hollande et ministre de l’Europe et des Affaires étrangères – et aussi du commerce extérieur exposé aux représailles russes – , l’ex-socialiste (élu à la tête d’une alliance PS-PCF-PRG-Les Verts-UDB lors des élections régionales de 2004), Le Drian, se montre menaçant, rappelant que l’OTAN est une « alliance nucléaire ».

« Une déclaration forte, » applaudit la presse hexagonale. Sur le plateau de TF1 le jeudi 24 février, ce Le Drian répliquait à l’évocation par le président russe aux nations qui s’opposent au conflit du risque de « conséquences que vous n’avez encore jamais connues ». Une phrase que certains ont interprétée comme une menace de recours à l’arme nucléaire.

« Je pense que Vladimir Poutine doit aussi comprendre que l’Alliance atlantique est une alliance nucléaire », avait rétorqué le ministre des Affaires étrangères de Macron.

Macron, interlocuteur internationnal démonnaitisé

Proximité toute relative…

Diplomate agressif au Liban et en Russie, Macron a également qualifié le président russe de « dictateur » dans une sortie particulièrement disqualifiante. Le teckel a également promis des sanctions économiques qui allaient frapper « au cœur » la Russie, donc son peuple. Une solution qu’il estimait alors plus « efficace sur le long terme » qu’une intervention militaire en Ukraine.

Siège du KGB à Minsk

Persuadé de son efficacité efficience (langue macronarde empruntée à l’américain) Macron assura avoir noté des «éléments de convergence» avec la Russie et indiqué que les discussions devaient désormais se poursuivre entre les différentes parties. «Nous devons construire l’Europe avec la Russie», avait-il lancé, péremptoire, avant d’insister sur la nécessité de mettre en oeuvre les accords de paix de Minsk, qui avaient pour objectif de mettre fin au conflit qui ravageait l’Est du pays: les deux (Minsk I, en 2014 et Minsk II, en 2015, entre l’Ukraine et ses séparatistes prorusses du Donbass) ou le dernier d’entre eux ? En effet, ils prévoyaient aussi une réforme constitutionnelle en Ukraine, des élections à Donetsk et Lougansk, les deux régions tenues par les séparatistes russophones et orthodoxes. Et il était prévu que celles-ci restent sous pavillon ukrainien. Avancer sur le terrain de ces accords pourrait constituer une porte de sortie à la crise, espérait pourtant l’Elysée qui ne doute jamais de rien, car Poutine n’était pas partie prenante à Mink, en Biélorussie, et où se dresse encore le siège monumental du KGB et Moscou n’est en rien engagé par ces protocoles. Pour la Russie, ils sont nuls et non avenus.

Le petit grand homme français a rendu visite au président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Avant cette conférence de presse, Joe Biden s’était entretenu avec le chancelier allemand Olaf Scholz. Si la Russie envahit l’Ukraine, « il n’y aura plus » de gazoduc Nord Stream 2, a averti le président amércain.

Dans les premières minutes de son dialogue avec Poutine, Macron avait dit cet après-midi sa volonté d’«amorcer» une «désescalade» dans la crise russo-occidentale au sujet de l’Ukraine. Son homologue russe a de son côté salué les efforts français « pour résoudre la question de la sécurité en Europe. »

Sur Twitter, Macron avait dévoilé une vidéo montrant le début de la conversation entre les deux hommes, placée sous le signe du tutoiement.

Après plusieurs échanges avec ses homologues américain, allemand, ukrainien ou encore polonais, Macron avait choisi de prendre les devants en se rendant directement au Kremlin.

Premier chef d’Etat occidental à rencontrer en personne Vladimir Poutine depuis le début de la crise, Macron souhaitait avant tout empêcher une incursion russe en Ukraine qui mettrait le feu aux poudres.

La question de la sécurité russe «légitime»

«Il faut être très réaliste. Nous n’obtiendrons pas de gestes unilatéraux mais il est indispensable d’éviter une dégradation de la situation avant de bâtir des mécanismes et des gestes de confiance réciproques», avait-il commenté dimanche auprès du JDD.

Selon lui, «l’objectif géopolitique de la Russie aujourd’hui n’est clairement pas l’Ukraine, mais la clarification des règles de cohabitation avec l’Otan et l’UE».

Macron se rêva dans un premier rôle

Le président Macron a reçu son homologue russe Vladimir Poutine dans sa résidence d’été
pour un entretien bilatéral avant le sommet du G7, en août 2019.

Hyperactif sur la scène diplomatique pendant plusieurs semaines, le chef de l’Etat voulut redorer son image, ressortant sa stratégie de l' » en même temps  » pour redresser la position de la France – ni pro-Kremlin, ni totalement atlantiste – et prolonger son rôle de médiateur, au titre de président-tournant de l’UE.

Vladimir Poutine, qui a déjà échangé trois fois avec le président français depuis le début de la crise, semblait voir en Macron un interlocuteur pertinent. «Je veux avoir une conversation de substance avec toi, je veux aller au fond des choses», lui aurait glissé le maître du Kremlin lors d’une conversation téléphonique, si l’on en croit l’Elysée.

Alors que la France préside depuis le 1er janvier 2022 et pour six mois le conseil de l’Union européenne, Macron cherche à replacer l’Europe au centre des négociations. Mais le problème, c’est l’OTAN.

Le camarade Poutine et Macron, au fort de Brégançon (août 2019)

Avant l’entrée en scène de Joe Biden, Poutine évoquait à Brégançon « un optimisme prudent » sur le dossier des régions séparatistes prorusses, après ses contacts avec le nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky. Au cours d’une conférence de presse avant sa rencontre avec le président Macron, le chef de l’Etat russe avait déclaré : « Je vais parler (avec Emmanuel Macron) de mes contacts avec le nouveau président ukrainien. Il y a des choses qui sont dignes de discussions et qui provoquent un optimisme prudent« .

Puis Macron souhaita que les conditions soient réunies rapidement pour organiser « dans les prochaines semaines » un sommet en format « Normandie » (France, Russie, Ukraine et Allemagne) sans les USA, pour résoudre le conflit dans l’Est de l’Ukraine. « Les prises de position, les choix qui ont été faits par le président (ukrainien Volodimir) Zelenski sont un vrai changement« , avait estimé Macron avant un entretien avec Vladimir Poutine, au Fort de Brégançon, dans le Var. « 

C’était sans compter avec la volonté de réglement de comptes de Biden, arrivé en 2021

Lien 25/01/2022

Dans ce jeu complexe, la France comptait sur l’Allemagne pour raviver les négociations du format dit «Normandie», au point mort depuis dix-huit mois, les pourparlers sur l’application des accords de Minsk (signés en 2014 et 2015) avaient été relancés le 26 janvier dernier à Paris. Et les affrontements militaires, le 24 février 2022.