Les putschistes interpellent le Conseil de sécurité de l’ONU
Dans une lettre envoyée à l’ONU le jour où les derniers soldats français ont quitté le Mali, la junte au pouvoir accuse la France de « violations répétitives et fréquentes » de l’espace aérien et d’espionnage, voire de «soutien aux djihadistes». Des propos jugés insultants par le commandant de la force Barkhane, alors que les Nations unies sont «extrêmement reconnaissantes à la France».
La lettre est datée du 15 août, date du départ du dernier soldat français au Mali, après neuf ans d’engagement dans l’opération Barkhane contre les djihadistes. Dans cette missive, le Mali a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU une réunion d’urgence pour faire cesser ce qu’il présente comme « les actes d’agression » de la France sous forme de violations de sa souveraineté, de soutien apporté, selon lui, aux groupes djihadistes et d’espionnage.
Mercredi, le gouvernement allemand a fait état de la « présence présumée de forces russes en uniforme » dans la ville malienne de Gao, juste après le départ des derniers soldats français.
Le ministère malien des Affaires étrangères a diffusé mercredi auprès de journalistes une lettre en ce sens adressée par le chef de la diplomatie, Abdoulaye Diop, à la présidence en exercice chinoise du Conseil de sécurité. Le Mali « se réserve le droit de faire usage de la légitime défense » si les agissements français persistent, conformément à la Charte des Nations unies, affirme le ministre.
La junte avec le colonel Assimi Goïta à sa tête après le putsch d’août 2020 s’est détournée de la France, ancienne puissance coloniale, et de ses alliés pour se tourner vers la Russie et les mercenaires du groupe Wagner. Des manifestants s’étaient rassemblés à Gao pour accélérer le départ de l’armée française. Une marche, prévue ce mercredi à Niamey contre la présence de soldats de la force Barkhane au Niger, a été interdite. En avril, les députés nigériens avaient largement voté en faveur d’un texte autorisant le déploiement de forces étrangères sur le territoire, notamment françaises, pour combattre les djihadistes.
«Insultant pour la mémoire de nos 59 camarades» tombés au Mali
Ce groupe est accusé de nombreuses exactions sur des civils. L’ONU avait confirmé début août l’implication de l’armée malienne et de « soldats blancs » – soupçonnés d’être des membres de Wagner – dans la mort de 33 civils en mars. En avril, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a fait état de l’exécution sommaire de 300 civils par des soldats maliens associés à des combattants étrangers, présumés russes, à Moura, dans le centre du pays. Des « mercenaires » russes auraient aussi enterré des corps dans le but d’accuser la France d’avoir laissé un charnier derrière elle, selon l’armée française.
Abdoulaye Diop dénonce dans cette lettre les « violations répétitives et fréquentes » de l’espace aérien national par les forces françaises et les vols d’appareils français se livrant à « des activités considérées comme de l’espionnage » et des tentatives « d’intimidation ». Les autorités maliennes disposent « de plusieurs éléments de preuve que ces violations flagrantes de l’espace aérien malien ont servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions », ajoute le texte.
Le général Bruno Baratz, commandant de la force française Barkhane, a trouvé « étonnant » que les Français soient accusés de soutenir les djihadistes. « C’est un peu insultant pour la mémoire de nos 59 camarades (français) qui sont tombés en se battant pour le Mali, et également pour la mémoire de tous les Maliens qui se sont battus à nos côtés, mais aussi les personnels de la Minusma, des forces africaines de la Minusma qui sont tombés en luttant contre le terrorisme », a-t-il dit à Radio France Internationale au Niger, pays voisin du Mali et allié de la France qui a accepté le maintien d’une base aérienne française à Niamey.
Berlin s’interroge
Une présence russe à Gao, où se trouve un contingent de soldats allemands, « modifierait l’environnement de la mission », a prévenu, sans plus de précisions, un porte-parole du ministère allemand de la Défense. Juste après le départ des Français, « nous avons des informations selon lesquelles environ 20 à 30 personnes, qui ne peuvent pas être attribuées aux forces armées maliennes, ont été vues dans un hangar en train de charger et de décharger un avion », a-t-il poursuivi.
L’Allemagne veut savoir ce que prévoit la junte au pouvoir, alors qu’une rotation de soldats allemands déployés au Mali est prévue jeudi, selon Der Spiegel. Est-elle même toujours d’actualité ? Les relations entre le Mali et l’ONU, dont les casques bleus sont présents sur le territoire malien depuis 2013, se sont également dégradées ces derniers mois.
L’ONU salue un le « rôle stabilisateur» de la France
Interrogé sur les accusations portées par le Mali contre la France, le porte-parole adjoint du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a déclaré que les Nations unies étaient « extrêmement reconnaissantes à la France et aux forces françaises de leur engagement » pour stabiliser le Mali. Farhan Haq a espéré devant la presse sans nommer personne que tout autre pays coopérant avec les autorités maliennes essaierait « pareillement de jouer un rôle stabilisateur ».
Quant à une réunion d’urgence du Conseil, il a déclaré que la décision appartenait à ses membres