«La France, on va la re-créoliser» : le rappeur Médine adopte l’idéologie de La France Insoumise

La promesse du rappeur islamiste valide la thèse de Zemmour du « Grand remplacement »

Le rappeur invité aux journées d’été de LFI porte à travers sa musique un discours communautariste et séparatiste qui fait écho à l’idéologie de Mélenchon.

«MELENCHON, hein ! Te trompes pas. Au 1er et au 2ème tour[s]. Terminé». En avril 2022, à deux jours du premier tour de l’élection présidentielle, le rappeur Médine poste sur les réseaux sociaux ce message envoyé à son père, à qui il a donné sa procuration. Le message est clairement politique : il invite sans détour à voter pour le candidat anti-républicain. Au second tour, le chanteur appellera à voter Macron, pour faire «barrage à l’extrême droite». Dans le milieu du rap, généralement loin du jeu des partis, cet engagement politique fait figure d’exception.

Voilà sans doute pourquoi Médine edt l’invité de LFI le 26 août, pour un «grand entretien» avec Mathilde Panot, présidente du groupe LFI-NUPES à l’Assemblée nationale. La polémique déclenchée par le chanteur après un tweet aux relents antisémites au sujet de l’essayiste Rachel Khan n’a pas compromis sa venue, pas plus qu’à celles des journées d’EELV deux jours plus tôt. «Il n’y a pas de sujet», a estimé pour sa part Mathilde Panot, interrogée sur France Inter mercredi. «Médine est un rappeur engagé, qui s’est toujours engagé contre toutes les formes de discrimination», particulièrement celles qui touchent «les personnes musulmanes dans ce pays».

Le pleutre et ignare (?) déclare aujourd’hui qu’il ignorait tout de sa cible (qu’elle est juive ?) et qu’il n’imaginait pas la portée de ses propos…

«Enraciné à (sa) manière»

Une simple écoute de son dernier album, «Médine France», donne un bon aperçu de la proximité idéologique entre le rappeur et LFI. Médine s’y dit «enraciné à (sa) manière». «J’aime pas les drapeaux, les képis, les calots», énumère-t-il, ne voulant dans la France qu’il revendique «ni de marinière, ni de baguette, ni de béret». Anti-militaire et anti-flic.

Médine, déjà connu pour son titre 11 septembre taxé d’«apologie de Ben Laden» par Alain Finkielkraut, diffusa un nouveau titre, Don’t Laïk. Il y dresse une critique en règle de la laïcité à la française. «Crucifions les laïcards comme à Golgotha […] Au croisement entre le voyou et le révérend / Si j’te flingue dans mes rêves j’te demande pardon en me réveillant / En me référant toujours au saint Coran». Le clip, où l’on voit des femmes voilées en niqab suivre un livre avec inscrit «Noble coran», fait 1 million de vues sur YouTube en quelques jours.

Le rappeur binaire fait l’amalgame
entre racisme et islamisme

«J’ai des origines et j’en suis fier, c’est les mêmes que le fer de la Tour Eiffel», poursuit-il en référence à la fausse croyance que l’acier de la «Dame de fer» proviendrait d’Algérie, pays d’origine de son père. Médine Zaouich, de son vrai nom, né et grandi au Havre, assume par ailleurs ne savoir «toujours pas chanter» la Marseillaise, et ignorer l’histoire de France. «J’retiens jamais les dates», confesse-t-il dans son titre Allons zenfants, hormis celle où tombent «les allocs de la CAF». «Aucun de nous ne va re-migrer», avertit-il enfin, car «la France jusqu’à c’qu’elle nous aime, on va la re-créoliser».

Convergence idéologique

Le concept de «créolisation» a justement été au cœur de la campagne présidentielle de Mélenchon en 2022. Au premier tour, le candidat insoumis a obtenu dans les banlieues françaises – où Médine trouve son principal auditoire, ses meilleurs scores. Il a obtenu jusqu’à 50% des voix en Seine-Saint-Denis. «Il a un écho auprès de beaucoup de gens. C’est important de discuter avec ce genre d’artiste», a justifié LFI pour expliquer sa participation aux «Amfis», ses journées d’été pour les jeunes insoumis samedi à Valence. Ainsi, le rappeur est un relais idéal pour toucher davantage cette base électorale de la jeunesse des quartiers populaires, encore fortement abstentionniste.

«Ces populations d’origine immigrée qui écoutent volontiers Médine et autres rappeurs sont imprégnés d’une idéologie qui, évidemment, s’articule parfaitement avec l’idéologie insoumise», confirme la philosophe et politologue Renée Fregosi. Si le parti de Jean-Luc Mélenchon tient ce discours, ce n’est «pas seulement du cynisme de sa part», analyse la politologue. «Lalliance anticapitaliste, anti-occidentale a été clairement édictée lors du grand congrès de Bakou, en 1922. Le discours de Lénine prononcé face aux peuples d’Orient qui intègrent l’union soviétique identifie la cause musulmane à celle du prolétariat, en opposition à l’Occident, sur fond d’antisémitisme, explique Renée Fregosi. Car il y a un fond antisémite historique chez les anciens trotskistes et communistes. Marx associait les Juifs au capitalisme, et une certaine tradition à gauche a toujours fait de même».

Relais idéal de LFI vers la jeunesse des quartiers

En mars dernier, au cœur de la contestation contre la réforme des retraites, Médine se rend sur le site de la raffinerie TotalEnergies de Normandie en soutien aux salariés grévistes. Artiste mais surtout militant, il se pose en porte-voix politique de la classe populaire. «Allons enfants de nos quartiers, ne nous laissons pas dénigrer», chante-t-il dans son dernier album.

En parallèle, et de manière moins médiatique, ses engagements l’emmènent à soutenir l’humoriste Dieudonné («Dieudonné a plus contribué à désamorcer des sujets comme le racisme que l’inverse» dit-il sur Rapelite) ou s’afficher dans un meeting du suprémaciste noir Kemi Séba (selon qui les institutions internationales comme le FMI sont «tenues par les sionistes qui imposent à l’Afrique et à sa diaspora des conditions de vie tellement excrémentielles que le camp de concentration d’Auschwitz peut paraître comme un paradis sur terre»).

Lorsque ces divers engagements font polémique, Médine estime qu’on l’attaque pour «le simple fait qu’(il soit) rappeur, musulman, engagé», et qu’il est la «cible de l’extrême droite». Une sémantique reprise dans les médias propres aux populations des quartiers. Sur la polémique autour de Rachel Khan, le site Booska-P spécialisé sur le rap a ainsi titré : «Médine, le harcèlement politique infini», quand le site de rap Raplume a déploré un système politico-médiatique qui lui cherche de «fausses polémiques».

En juin 2018, Médine veut se produire au Bataclan. Ce projet, trois ans après les attentats dans la salle de concert parisienne, déclenche un tollé à droite. «Au Bataclan, la barbarie islamiste a coûté la vie à 90 de nos compatriotes. Moins de trois ans plus tard, s’y produira un individu ayant chanté « crucifions les laïcards » et se présentant comme une « islamo-caillera ». Sacrilège pour les victimes, déshonneur pour la France», tweetait le président du parti des LR Laurent Wauquiez. «Aucun Français ne peut accepter que ce type aille déverser ses saloperies sur le lieu même du carnage du Bataclan», renchérissait la présidente du RN Marine Le Pen. S’estimant injustement attaqué, Médine annonce finalement opter pour la salle du Zenith, pour éviter «l’instrumentalisation politique». 

En sa qualité de maire du Havre, l’ancien premier ministre devait prononcer un mot de bienvenue lors des Journées d’été que le parti écologiste tient au Havre entre le 24 et le 26 août.

En parallèle, et de manière moins médiatique, ses engagements l’emmènent à soutenir l’humoriste Dieudonné («Dieudonné a plus contribué à désamorcer des sujets comme le racisme que l’inverse» dit-il sur Rapelite) ou s’afficher dans un meeting du suprémaciste noir Kemi Séba (selon qui les institutions internationales comme le FMI sont «tenues par les sionistes qui imposent à l’Afrique et à sa diaspora des conditions de vie tellement excrémentielles que le camp de concentration d’Auschwitz peut paraître comme un paradis sur terre»).

«Tarlouze», le propos «homophobe»

Taxé tour à tour d’antisémitisme, de misogynie ou encore de communautarisme, le rappeur Médine s’est aussi attiré les critiques du milieu LGBT. Dans une vidéo partagée par plusieurs associations, ce dernier, pour s’attaquer au concept d’assimilation, décrit le musulman supposément souhaité par les Européens comme «un musulman light» qui fait «un peu tarlouze etc.».

Interrogée sur ce point en amont de sa venue aux journées d’EELV, la députée écologiste Sandrine Rousseau a déclaré que le rappeur avait «évolué sur les questions des personnes LGBT». Auprès du Figaro, Médine s’en est également expliqué. «Sandrine Rousseau a sûrement raison, tout le monde a évolué sur cette question et c’est tant mieux», nous a-t-il déclaré. «Aujourd’hui je ne cesse de dénoncer, dans mes interventions quand on me questionne sur le sujet, que les mécanismes d’oppression qui frappent les populations LGBTQI+ sont les mêmes que les mécanismes qui s’exercent sur les populations racisées, musulmanes et féministe et qu’il faut les combattre ensemble».

La quenelle «antisystème»

En 2014, Médine poste sur Facebook une photo de lui dans les locaux de la radio Skyrock, faisant une quenelle, geste à connotation antisémite lancé par l’humoriste controversé Dieudonné. Lors d’une soirée sur le sujet des discriminations organisée par Mediapart le 23 mai 2023, Médine est interrogé sur son geste. Le chanteur défend alors un geste «antisystème«, de «révolte», qui aurait été instrumentalisé par des «récupérateurs».

Conférence du suprémaciste noir Kémi Seba

Toujours en 2014, le rappeur est très critiqué après son apparition à un meeting de Kémi Séba, dans le théâtre de Dieudonné. Ce suprémaciste noir, plusieurs fois condamné en France pour incitation à la haine raciale, annonce en première partie de sa prochaine date le rappeur Médine, qui est ovationné. Interrogé sur ce point par StreetPress après la polémique sucitée, le chanteur a défendu une «démarche universitaire et étudiante», se disant soucieux de «dialoguer» avec «des courants-mêmes les plus prétendument radicaux».

Cet épisode a fait réagir jusqu’à Pascal Boniface, directeur de l’Iris, et soutien jusqu’alors inconditionnel du chanteur algérien! «J’ai dit qu’en tant que personnage public, il ne pouvait pas s’afficher n’importe où. J’ai été surpris et déçu qu’il ne veuille pas l’entendre. Néanmoins, je garde l’image de Médine comme quelqu’un d’ouvert, qui n’a jamais eu peur d’affirmer ses convictions, droit dans ses bottes et toujours la main tendue. Avec une soif d’apprendre et de comprendre. Un vrai autodidacte», a déclaré le géopoliticien qui a copublié avec Médine Don’t panik, (2012), recueil d’échanges sur les évolutions culturelles de la société française.

Lorsque ces divers engagements font polémique, Médine estime qu’on l’attaque pour «le simple fait qu’(il soit) rappeur, musulman, engagé», et qu’il est la «cible de l’extrême droite». Une sémantique reprise dans les médias propres aux populations des quartiers. Sur la polémique autour de Rachel Khan, le site Booska-P spécialisé sur le rap a ainsi titré : «Médine, le harcèlement politique infini», quand le site de rap Raplume a déploré un système politico-médiatique qui lui cherche de «fausses polémiques».

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