Immigration : Borne ne parvient pas à faire bouger les lignes

LR est en position de force, mais Renaissance ne lâche rien, tandis que la gauche a envoyé le PS

La haine est mauvaise conseillère et la gauche ne lâche rien. Reçus à Matignon par Elisabeth Borne pour la deuxième fois en deux jours ce jeudi 14 décembre, le patron des Républicains Eric Ciotti et les présidents des groupes parlementaires Olivier Marleix et Bruno Retailleau en sont ressortis avec un mot d’ordre clair et ferme: c’est le texte du Sénat ou rien. Mais les deux premiers ne sont pas membres de la CMP.

Après une première rencontre de plus de deux heures mercredi à l’issue de laquelle les chefs de la droite ont quitté Matignon sans un mot, Eric Ciotti a dressé ce jeudi en fin de matinée un résumé lapidaire sur X soulignant la solidarité des chefs de LR : « Avec Olivier Marleix et Bruno Retailleau, nous avons ce matin confirmé à la Première ministre, notre volonté de voir le texte du Sénat adopté en commission mixte paritaire. »

« Ça reste le cap », a confirmé sa collègue députée Annie Genevard, membre d’une CMP où la droite se présente « en ordre groupé » et « bien campée sur (son) objectif », éventuellement ouverte à « des bougés » mais « pas des abandons en rase campagne ».

La version adoptée par le Sénat mi-novembre est beaucoup plus adaptée à la situation que la proposition initiale du gouvernement. Outre des expulsions facilitées et la suppression de l’automaticité du droit du sol, les modifications apportées suppriment aussi l’AME au profit d’une aide médicale d’urgence (AMU) et redonne les pleins pouvoirs au préfet sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Et, faute de débat dans l’hémicycle à la suite de l’intransigeance macronienne et de la motion de rejet préalable, c’est bien ce texte qui va servir de base aux discussions de la Commission mixte paritaire engagées lundi.

Qui sont les membres de la CMP?

Au Sénat, la droite part avec l’avantage du nombre avec trois élus : le président du groupe Bruno Retailleau, le président de la Commission des Lois François-Noël Buffet et la sénatrice du Morbihan, co-rapportrice du texte, Muriel Jourda. Côté socialiste, ce sont les sénatrices de Seine-Saint-Denis Corinne Narassiguin et de Paris Marie-Pierre de La Gontrie qui ont été choisies. Le groupe Union Centriste, allié de la droite, est représenté par l’élu du Tarn Philippe Bonnecarrère et enfin Olivier Bitz, sénateur de l’Orne, pour le groupe RDPI du camp présidentiel.

A l’Assemblée nationale, la majorité présidentielle sera représentée par quatre élus : le président macroniste de la Commission des Lois Sacha Houlié (qui sera le président de cette CMP), le rapporteur général du projet de loi Florent Boudié, la députée Renaissance Marie Guévenoux et Elodie Jacquier-Laforge pour le groupe MoDem. Dans l’opposition, Yoann Gilet, député du Gard et partisan d’un référendum, portera la voix du Rassemblement national, Andrée Taurinya, membre et secrétaire de la Commission des Lois, celle de La France Insoumise. Annie Genevard représentera Les Républicains.

Lignes rouges Renaissance versus lignes rouges LR

Dans la commission mixte paritaire, Les Républicains disposent de quatre voix, cinq en comptant le sénateur centriste allié, soit autant que le camp présidentiel. Néanmoins, le député Renaissance de la Vienne, Sacha Houlié, qui représente l’aile gauche du mouvement et présidera la commission a reconnu sur France 2 ce jeudi qu’« il est clair aujourd’hui qu’une majorité ne peut être trouvée qu’entre Renaissance et les Républicains » et que « si nous parvenons à un accord, oui », le texte sera plus à droite.

Pour limiter la casse – et le risque de fracture entre l’aile droite et la gauche – les députés de la majorité ont donc voté dans la nuit de mercredi des « lignes rouges » qui sont chacun en soi un casus belli: maintien de l’Aide médicale d’Etat, interdiction de placer en centre de rétention des mineurs de moins de 16 ans, pas de restriction du droit du sol, retrait de l’article qui conditionne le bénéfice de certaines aides sociales à cinq années de résidence en France.

Sur la mesure la plus médiatisée du projet de loi, la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, la majorité se résigne à discuter de la version du Sénat. Mais elle cherchera au moins « à ce que la régularisation soit possible pour un étranger sans passer obligatoirement par l’employeur », a précisé le chef des députés macronistes Sylvain Maillard sur Sud Radio.

De son côté, tout en estimant que « reprendre le texte du Sénat » était « le seul moyen aujourd’hui » pour que le projet de loi aboutisse, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a appelé son ancienne famille politique à la « mansuétude » et dit espérer que « les LR comprennent qu’il faut bouger les lignes sur deux points sensibles pour notre majorité : l’AME et les conditions d’accès aux aides sociales ».

Les enjeux ne portent pas LR à faire un geste « parce que c’est Noël »

Le président de la Commission des Lois Sacha Houlié a appelé ce jeudi à « laisser travailler la CMP » sans anticiper de son résultat final. Mais si, comme le laisse entendre le tweet d’Eric Ciotti, les Républicains refusent tout compromis… d’envergure, la durée de vie du texte risque d’être dans tous les cas de courte durée.

Premier scenario : la majorité finit par se plier aux exigences de la droite, la CMP est conclusive. Mais « je ne pense pas que la majorité (et notamment le MoDem) puisse se renier à ce point », pronostique une source socialiste à l’Assemblée, surtout quand plane le risque d’une fracture entre aile droite et aile gauche de la majorité au moment du vote dans l’hémicycle.

Le second : aucun des deux camps ne cède, la CMP n’est pas conclusive et le gouvernement renonce à son projet de loi dans l’immédiat. Un cadre de la majorité au Sénat dit ses doutes que les dirigeants LR fassent « un geste parce que c’est Noël ». « Pourquoi voulez-vous que ceux qui sont montés au cocotier se déshabillent ? Ils n’en ont rien à faire si c’est compliqué derrière à l’Assemblée », résume-t-il. Décidément, personne n’imagine Bruno Retailleau en angelot de Noël, ni les deux représentants des extrêmes en ravis de la crèche.

Immigration : les deux propositions de loi LR torpillées par le tohu-bohu de la Nupes

7 Francais sur 10 sont favorables à un référendum sur la politique migratoire

Les trois chefs de file de Les Républicains, Eric Ciotti, Olivier Marleix et Bruno Retailleau, ont présenté leur « projet de rupture » en matière de politique migratoire, il y a deux semaines, dans les colonnes du JDD. Les trois parlementaires avaient ensuite enchaîné les rendez-vous médiatiques pour détailler leurs propositions, mais le grand désordre parlementaire n’était pas propice à la publication de textes.

Jeudi 1er juin, les deux propositions de loi constitutionnelle et ordinaire ont été déposées au Sénat.

Un texte largement inspiré des travaux du Sénat

La proposition de loi ordinaire intitulée « Reprendre le contrôle de la politique d’immigration, d’intégration et d’asile » est très complet, avec plus de 50 articles. « Ce texte propose un véritable changement de logiciel en termes de gestion des flux d’entrées régulières, de regroupement familial, d’immigration estudiantine, de mineurs non accompagnés, d’asile, de reconduites à la frontière et d’expulsions, et d’accès à la nationalité », peut-on lire dans l’exposé des motifs.

« Pour résumer, la proposition de loi est composée des préconisations de mon rapport remis en 2022 (« Services de l’Etat et immigration : retrouver sens et efficacité » ), du rapport de la commission des lois de mars dernier sur le projet de loi du gouvernement, le tout complété par des mesures nouvelles voulues par Eric Ciotti », indique François-Noël Buffet, président de la commission des lois du Sénat et co-auteur du texte avec le président du groupe LR, Bruno Retailleau.

En effet, dans le climat insurrectionnel entretenu par la NUPES, pour l’abrogation de la réforme Macron des retraites impisée sans vote, le gouvernement – avec l’accord de la majorité sénatoriale de droite – avait voulu s’épargner dans l’immédiat l’examen d’un autre texte clivant dans un Parlement terrorisé par l’extrême gauche. L’exécutif avait décidé de reporter l’examen en séance publique du projet de loi immigration, initialement prévu en mars. Mais la droite sénatoriale avait déjà revu la copie du gouvernement en commission des lois, renforçant les mesures de lutte contre l’immigration illégale.

Dans leur rapport, Muriel Jourda (LR) et Philippe Bonnecarrère (UC) avaient par exemple instauré une politique de quotas pour toutes les catégories d’immigration, à l’exception de l’asile. Un débat annuel au Parlement déterminerait le nombre d’étrangers autorisés à s’installer durablement en France. Les élus de la Chambre haute avaient également resserré les critères du regroupement familial, faisant passer de 18 à 24 mois la durée minimale de résidence d’un étranger en France avant de pouvoir formuler une demande.

Placement des demandeurs d’asile en centre de rétention

Après n’avoir eu de cesse que de dénoncer le laxisme du gouvernement dans sa politique migratoire, les Républicains sont montés encore d’un cran dans leur proposition de loi déposée jeudi. Les sénateurs LR proposent, par exemple, le placement des demandeurs d’asile en provenance de pays sûrs dans les centres de rétention administrative (CRA). « L’idée est de ne pas les laisser dans la nature et de les placer en centres. Actuellement, le principe est celui de l’assignation à résidence », rappelle François-Noël Buffet, avocat. Le président de la commission des lois du Sénat concède néanmoins qu’il s’agît d’une mesure « théorique » car la France ne dispose pas suffisamment de place de CRA.

Pour mémoire, Gérald Darmanin proposait, en décembre dernier, lors d’un débat sur l’immigration au Sénat, la création de 3.000 places supplémentaires dans les centres de rétention administrative. Le ministre de l’Intérieur avait par ailleurs indiqué que 92 % des personnes placées en centre de rétention administrative ont un casier judiciaire ou sont suivies par les services de renseignement. « Nous n’y mettons plus les étrangers en situation irrégulière qui ne représentent pas un danger pour nos concitoyens », avait-il précisé.

Des propos qui tranchent avec une autre nouvelle proposition de la droite qui souhaite faire du placement en CRA des étrangers en situation irrégulière une mesure de droit commun.

Le délai pour faire sa demande d’asile sera limité à 15 jours à compter de l’arrivée du ressortissant étranger sur le territoire. Une mesure que n’avait pas retenue la majorité sénatoriale en commission des lois, il y a quelques semaines, car contraire à une directive européenne « Procédure » de 2013 et à la Constitution, avait fait valoir le rapporteur centriste, Philippe Bonnecarrère.

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire, les virtuelles OQTF, la proposition de loi prévoit que le rejet d’une demande d’asile vaudra obligation de quitter le territoire, après un éventuel recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Les déboutés du droit d’asile se verraient immédiatement radié des organismes de sécurité sociale et Pôle emploi. Deux mesures qui figuraient déjà dans le rapport de la commission des lois.

Le rapport de François-Noël Buffet remis en 2022, dont le gouvernement promettait de s’inspirer, préconisait de procéder systématiquement à l’enregistrement des empreintes digitales des étrangers interpellés dans la base de données du système biométrique national. Le rapporteur notait que l’administration était impuissante face au « refus systématique des usagers de se soumettre à la prise d’empreintes ». Ce qui retarde les délais d’alignement car cette opération ne peut être conduite que sur autorisation du procureur de la République ou d’un juge d’instruction », relevait le rapport. Raison pour laquelle, le texte prévoit d’autoriser la prise d’empreintes digitales et de photo « sans nécessité de consentement des étrangers ».

Restriction au droit du sol

La commission des lois avait renforcé en mars dernier les conditions d’accès la nationalité française par le droit du sol. Ainsi, un mineur étranger né sur le sol français ne pouvait plus prétendre à l’acquisition de la nationalité française en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement de plus de six mois non assortis d’une mesure de sursis. Il devait en outre justifier d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui la précèdent. La proposition de loi prévoit en plus d’effacer le droit du sol pour les étrangers dont les parents étaient en situation irrégulière.

Volonté du président du parti, Eric Ciotti, la proposition de loi rétablit le délit de séjour irrégulier, abrogé il y a dix ans. En commission des lois, deux amendements LR en ce sens avaient été rejetés. Il rétablit la double-peine avec un assouplissement des conditions permettant d’expulser ou d’interdire de territoire des individus coupables d’infractions punies d’un an d’emprisonnement.

Il est également prévu qu’un étranger entré sur le territoire illégalement ne pourra pas être régularisé. « C’est une mesure qui ne concerne pas les demandeurs d’asile », précise François Noël Buffet.

Pour les étudiants étrangers, la proposition de loi prévoit la mise en place d’une caution retour. Elle sera restituée en cas de départ volontaire, mais définitivement retenue en cas de soustraction à une mesure d’éloignement. Les étrangers extracommunautaires verront leurs droits universitaires majorés.

En ce qui concerne, la proposition de loi 6636 constitutionnelle, relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public et qui suscite des interrogations et quelques réticences dans la majorité sénatoriale, François-Noël Buffet précise « que si sa philosophie est très ferme, il y aura forcément des débats et des discussions au Parlement ». Le texte n’est pas encore rendu public pour l’heure. Le groupe centriste du Sénat, qui a déjà annoncé le dépôt de deux textes sur l’immigration, voit d’un mauvais œil, la proposition de leurs partenaires de droite qui consiste à déroger au droit européen en matière migratoire. « L’immigration relève d’une compétence partagée entre l’Union européenne et les Etats-membres. Ce qu’on dit, c’est que les décisions des pays doivent être prises en compte », explique François-Noël Buffet. Mais comment inscrire cette idée dans la Constitution ? Elle devrait figurer à l’article 11 du texte fondamental de la Ve République en permettant de légiférer par référendum sur la politique migratoire, « quand les intérêts fondamentaux de la Nation » sont en jeu.

Intuition de Philippe Caverivière, à propos de la lumineuse proposition écologiste (Jean-Marc Jancovici) de limiter à quatre le nombre de vols autorisés dans une vie :

Judiciarisation de la vie publique : la macronie n’assume pas et réclame l’impunité

« C’est le fondement de la démocratie elle-même, qui est en question », alerte Pierre Steinmetz

L’occupant européen,
à l’Arc de Triomphe

Macron et Véran se veulent infaillibles, mais ces demis-dieux adultérins se mettent à couvert: ils appellent le judiciaire à les soutenir, alors que la mission d’information sur « la judiciarisation de la vie publique » a démarré ses travaux, ce mardi, par l’audition de Pierre Steinmetz, ancien directeur de cabinet du premier ministre Jean-Pierre Raffarin (2002-2003).

Cet ancien membre du Conseil constitutionnel s’est alarmé de la place prépondérante des juridictions nationales et européennes dans la fabrication des normes au détriment du pouvoir politique.

Fin décembre 2021, à l’initiative du groupe centriste, le Sénat lançait une mission d’information sur « la judiciarisation de la vie publique ». L’un de ses objectifs est de plancher sur l’évolution de la fabrication de la norme en France. « L’institution judiciaire n’est pas simplement l’interprète du droit. Elle crée la norme et de ce fait crée un sujet sur la place du Parlement. Nous allons chercher à mieux réguler la création de la norme entre le pouvoir législatif et l’autorité judiciaire. Ça pose une question de légitimité », promettait le mois dernier, le rapporteur de la mission Philippe Bonnecarrère, sénateur UDI du Tarn, à publicsenat.fr.

Ce mardi, démarrait le premier cycle des auditions, par celle de Pierre Steinmetz, et ce grand commis de l’Etat a dressé un constat plutôt alarmiste sur ce qu’il considère être « une remise en cause des équilibres démocratiques ».

« On est passés d’un contrôle de régularité à un contrôle de fond »

Le point de départ remonte à une célèbre décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 relatif à la liberté d’association. Par cette décision, les Sages de la rue Montpensier intègrent dans le bloc de constitutionnalité le préambule de la Constitution et la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. « C’était une décision à la limite de l’Etat de droit puisque tout à fait contraire aux intentions du constituant de 1958 », a-t-il souligné.

En effet, dans l’esprit de Michel Debré et du général de Gaulle, le Conseil constitutionnel était voulu pour être un régulateur de compétences entre les pouvoirs législatif et exécutif et non comme le gardien des droits et des libertés comme c’est le cas actuellement.

« En se référant à des principes extrêmement généraux, on est passés d’un contrôle de régularité qui portait sur les procédures, à un contrôle de fond qui porte sur le contenu. C’est une césure dont on n’a pas eu conscience à l’époque », a-t-il insisté avant de situer « la seconde étape » vers ce déséquilibre démocratique à 1975, date d’une autre décision du Conseil constitutionnel.

Cette décision renvoie le contrôle de conventionalité des traités aux juridictions administratives et judiciaires. « Nous avons ainsi des tribunaux qui peuvent écarter l’application d’une loi en se fondant sur les traités internationaux […] et surtout le pouvoir politique a perdu ainsi la capacité d’avoir le dernier mot en modifiant la loi ou la Constitution. Jusqu’ici, si le pouvoir politique estimait que les décisions juridictionnelles ne convenaient pas, il suffisait de changer la règle que les tribunaux étaient chargés d’appliquer. Là, nous nous trouvons avec un pouvoir juridictionnel qui est pourvu d’une légitimité propre, qui ne relève pas des instances nationales, mais des traités et donc des tribunaux internationaux chargés de leur interprétation et de leur application ».

« Remettre du politique dans le processus décisionnel »

La compétence européenne s’est de plus, renforcée depuis le traité de Lisbonne de 2009 qui a fait rentrer dans le droit positif, la Charte des droits fondamentaux et la Convention européenne des droits de l’Homme. « Nous avons une extension quasi illimitée de la compétence européenne », a constaté Pierre Steinmetz. Sans compter que cette Union européenne impose ses décisions aux législateurs franco-français.

Le pouvoir politique n’est donc plus « le seul maître » dans la fabrication de la norme. Et si le pouvoir politique au niveau européen est incarné par les Etats, ils doivent se mettre d’accord à 27, ce qui le paralyse et le rend pour le moins théorique, voire inapproprié.

« Le simple fait qu’on se pose la question : qui fait la loi ? Je crois que c’est le fondement de la démocratie elle-même, qui est en question. Le juge se prononce au nom du peuple français. Nulle part, il est écrit qu’il représente le peuple français », souligne l’ancien membre du Conseil constitutionnel.

Et de dénoncer: « c’est la souveraineté nationale qui se trouve ainsi biaisée par les organes qui la définissent ».

Il insiste donc pour « remettre du politique dans le processus décisionnel ».

« Dire au juridictionnel qu’il est en train de sortir des clous »

Philippe Bonnecarrère a souhaité connaître les pistes « d’un dialogue qui pourrait permettre au juge de tempérer son action tout en respectant son indépendance ».

« Il ne faut pas se faire d’illusions, c’est un rapport de force entre institutions […] Or, je trouve qu’il y a, tant du côté de l’exécutif que du législatif, une démission généralisée dans le rapport avec le juridictionnel. Les termes que vous employez pour poser la question me paraissent significatifs. Il y a un proverbe alsacien qui dit : même un chien peut regarder un évêque. Il ne faut pas avoir peur de dire au juridictionnel qu’il est en train de sortir des clous. Si on le lui dit, il en tiendra compte car il y a un esprit de responsabilité », a fantasmé Pierre Steinmetz.