Un outil numérique permet désormais de savoir ce que sera demain l’épidémie
812 arrivés ces dernières 24 heures: est-ce négligeable? L’épidémie continue de refluer: 87 personnes sont décédées de la Covid-19 ce mercredi 10 août, selon les dernières données de Santé publique France. Pour autant, est-ce le moment de baisser sa garde ?
17.729 patients sont actuellement hospitalisés avec la maladie, dont 812 arrivés ces dernières 24 heures. Ils étaient 18.171 au total la veille. 1057 personnes sont traitées en service de soins critiques, dont 66 depuis la veille.
Un nouvel outil permet d’anticiper l’évolution de l’épidémie
Une équipe française de chercheurs a mis au point une modélisation de l’évolution de l’épidémie de Covid-19 en France. En se fondant sur les chiffres des admissions en réanimation, elle calcule des estimations au niveau national, régional et départemental et permet de visualiser une tendance.
Quelle va être la tendance de l’épidémie de coronavirus dans chaque département ces prochains jours ? Un outil nommé COVIDici est susceptible de nous apporter une réponse. Il vient d’être mis en ligne, permet de visualiser l’état de l’épidémie de Covid-19 au niveau national, régional ou départemental, et d’anticiper la tendance des jours suivants.
À l’origine de ce projet se trouve l’équipe ETE de modélisation en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses, qui rassemble des chercheurs du CNRS, de l’IRD et de l’Université de Montpellier. COVIDici est la version publique allégée d’un modèle développé depuis le début de l’épidémie.
COVIDici se démarque d’autres outils car ses calculs se fo dent sur un modèle épidémiologique détaillé (vitesse de transmission du virus, durée d’hospitalisation, proportion de létalité…), et non sur des modèles purement mathématiques.
Données calculées et données de terrain
Corentin Boennec, ingénieur de recherche et informaticien qui a développé le logiciel, explique que COVIDici propose des « prédictions informatives à 15 jours ». L’outil présente ainsi deux courbes pour une série d’indicateurs (malades en réanimation, décès…).
La première courbe affiche les données réelles issues pour la plupart de Santé publique France, la seconde présente celles calculées par le modèle, ce qu’on appelle l’inférence. Cette deuxième courbe se prolonge 15 jours après la date et montre ainsi une tendance. On peut choisir une visualisation au niveau national, régional ou départemental.
Voici par exemple les admissions en soins critiques au niveau national. La courbe avec des points bleu foncé montre les données réelles diffusées par Santé publique France. La courbe bleu ciel lisse représente ce qui avait été calculé par le logiciel :
Pour établir ce calcul, le modèle part d’une donnée : le nombre quotidien d’admissions en réanimation. « C’est la donnée la plus fiable, explique Corentin Boennec. Les autres indicateurs sont bien plus biaisés, notamment le nombre de cas ou le nombre de morts, selon la manière dont ils sont établis ».
A partir de ce nombre de personnes en réanimation, le modèle calcule ses estimations en prenant en compte le cycle de vie de l’infection (temps d’incubation, durée moyenne des hospitalisations, mortalité…), qui est désormais bien connu.
Il fournit ainsi au niveau national, régional et départemental l’évolution du nombre de morts, du nombre de cas, du taux de reproduction, du nombre de personnes actuellement infectées…On y trouve aussi des données de terrain, comme le nombre de personnes vaccinées.
Tendance courte et tendance longue
Pour les prévisions, COVIDici propose deux options : la tendance courte et la tendance longue. « La tendance courte permet d’avoir un regard sur l’évolution de l’épidémie si elle continue de se comporter comme les 12 derniers jours », détaille Corentin Boennec. Elle a un avantage et un inconvénient : « elle permet de capturer les variations récentes mais s’expose à être influencée par des effets provisoires ».La tendance longue, elle, effectue la même opération mais pour les 21 derniers jours, ce qui permet un regard « plus prudent », explique Corentin Boennec, mais la rend moins apte à « observer les changements de tendance récents ».
Inégalités entre territoires
Des écarts sont observés parfois entre les données réelles et les données modélisées, notamment au niveau départemental où la granularité est plus fine, et où des particularités ne sont pas forcément détectées. Ces différences sont une stimulation pour l’équipe qui y voit des opportunités d’affiner son modèle.Cela met aussi en lumière les inégalités entre les territoires. Ainsi, le modèle prédisait bien lors de la première vague le pic de mortalité à Paris, mais le sous-estimait largement en Seine-Saint-Denis, ce qui souligne les différences entre les deux territoires :
Confinement, déconfinement et reconfinement
Les décisions politiques (confinement, déconfinement, couvre-feu…) ou les événements de masse (vacances scolaires, fêtes de fin d’année) susceptibles d’influer sur le cours de l’épidémie sont également pris en compte.
C’est notamment en ajustant le taux de contact (qui varie avec le nombre de personnes croisées par jour) que le modèle va être adapté aux nouvelles circonstances.
Et cela fonctionne visiblement. Le modèle a été rendu public par ses auteurs aussi parce qu’il a déjà commencé à faire ses preuves. Ainsi en septembre, avec une version plus détaillée du modèle, les chercheurs estimaient que la tendance d’alors pouvait conduire à dépasser le seuil des 5 000 malades en réanimation courant novembre, ce qui s’est vérifié : courbe en début d’article
Plus récemment, le 24 décembre, le modèle prédisait qu’avec un effet réveillon de Noël faisant monter le taux de reproduction du virus à 1,5 pendant deux jours, il y avait « un risque prononcé d’avoir plus de 3 000 personnes en soins intensifs au 1er février ». Il y avait en effet 3 218 personnes en réanimation au 1er février.
Et maintenant ?
Que prévoit COVIDici pour février ? « Malheureusement, la tendance nationale est la hausse », commente Corentin Boennec qui rappelle que ces résultats sont à prendre à titre indicatif.