Martinez accuse RTE d’avoir livré quatre militants aux servuces secrets
Pour dénoncer l’intervention de l’entreprise auprès de la direction de la sécurité intérieure, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a écrit à Elisabeth Borne. Quatre militants cégétistes seront jugés fin février pour avoir saboté le réseau électrique.
La guerre entre la direction du Réseau de transport de l’électricité (RTE) et la CGT devient une affaire d’Etat. Son secrétaire général, Philippe Martinez, a envoyé le 7 décembre une lettre au vitriol à la première ministre, Elisabeth Borne, ainsi qu’aux ministres de la Justice, de l’Intérieur et de la Transition énergétique.
Sa lettre dénonce la « machination orchestrée » par la direction de RTE lors de l’arrestation de quatre « salariés » par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Mardi 4 octobre dernier, quatre agents de l’entreprise ont été arrêtés dans les Hauts-de-France, au petit matin par la police, et ont été placés en garde à vue pendant trois jours dans les locaux de la DGSI à Levallois. Fin juillet, leur entreprise RTE avait porté plainte à Lille contre X pour des actes « graves de malveillance ».
Lors de grèves en juin et juillet, ces quatre salariés étaient « intervenus » sur le réseau électrique. A l’aide d’ordinateurs, ils avaient au même moment empêché, de manière simultanée, le pilotage de quatorze réseaux locaux au niveau national. Si bien que pendant plusieurs heures, RTE ne pouvait plus agir dessus depuis son poste central à Paris.
Les quatre salariés seront jugés le 28 février prochain pour « entrave », « sabotage » et « accès frauduleux » au système informatique. Ils encourent jusqu’à 15 ans de prison.
Intervention de la direction de RTE auprès de la DGSI
Philippe Martinez accuse la direction de RTE d’être intervenue auprès de la DGSI. « Les procès-verbaux font apparaitre que le directeur de la sécurité de RTE a saisi directement la DGSI », explique-t-il à Elisabeth Borne.
Le secrétaire général de la CGT charge ensuite le président de RTE qu’il accuse d’avoir « menti sur son implication dans les suites policières et judiciaires ».
Il cite un courrier aux administrateurs de RTE, signé de Xavier Piechaczyck qui écrit que « le procureur de la République, et lui seul, a décidé de saisir la section spécialisée en matière de cybercriminalité qui a ensuite désigné la direction de la sécurité intérieure ».
Dans ce courrier daté du 2 novembre, le président de RTE souligne en gras que le procureur de la République « et lui seul » a « saisi » la DGSI. Les mots sont importants et les nuances aussi. RTE reconnait avoir « informé » les services de renseignements comme cela a déjà été fait par le passé pour des actes graves.
Mais la direction ajoute que « RTE n’interfère d’aucune manière dans son travail ». Il répond ainsi à des lettres des administrateurs salariés de RTE qui proféraient ces accusations sur les réseaux sociaux.
La CGT dénonce le management brutal de RTE
Les procès-verbaux des policiers de la DGSI, que BFM Business s’est procurés, sont clairs. Le 29 juillet 2022, il y est écrit que « le service a été contacté par le directeur sûreté du groupe RTE, Marc Betton, qui tenait à nous informer des faits impactant leur système informatique ».
Cet ancien gendarme, en vacances fin juillet, a alors communiqué les coordonnées de l’officier central de sécurité de RTE, Philippe Le Falher. C’est lui qui a porté plainte auprès de la police à Lille. Il informe le 2 et le 4 août la DGSI « des avancées de leur enquête interne ».
Contacté, l’intéressé a refusé de répondre à nos questions, jugeant que « RTE ne commente pas une affaire judiciaire en cours ».
Mais les PV vont plus loin et alimente la thèse de la CGT qui estime que « la direction de RTE a livré les quatre salariés », selon son responsable Francis Casanova. Le policier de la DGSI qui a recueilli la plainte écrit qu' »à la demande de la haute hiérarchie de RTE, une réquisition lui a été adressée, afin de leur permettre de nous communiquer des données à caractère personnel ».
C’est ensuite la vice-procureur de Paris, Johanna Brousse, qui a saisi la DGSI d’après ces documents. Ce qui pousse le secrétaire général de la CGT à interroger Elisabeth Borne sur « le rôle du gouvernement dans la décision de dessaisir le Parquet et le commissariat de Lille ».
Ce dossier extrêmement sensible illustre l’opposition frontale entre la CGT et le président de RTE depuis son arrivée à la tête de l’entreprise, à l’été 2020. Philippe Martinez dénonce d’ailleurs « le management brutal et délétère vis-à-vis des représentants du personnel » et demande au gouvernement de « revoir la gouvernance » de l’entreprise publique, détenue à 50% par EDF et 50% par le groupe Caisse des Dépôts.
Des dégradations « symboliques » ayant engendré des coupures électriques
Alors que l’heure est à la multi-crise énergétique et aux restrictions de consommation, notamment électrique, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) s’est mobilisée à propos de sabotage sur le réseau électrique datant de l’été. Quatre syndIcalistes CGT du réseau de transport d’électricité (RTE) ont été placés en garde à vue dans les locaux de la DGSI.
Cette garde à vue fait suite à des dégradations majeures sur le réseau qui ont entraîné des coupures de courant. RTE avait déposé plainte cet été à la suite de ces dégradations, qui ont entraîné des coupures de courant, a indiqué la source proche du dossier, précisant que les faits reprochés étaient de droit commun. Mais le fait que les salariés soient entendus dans les locaux de la DGSI s’explique par le statut de RTE, opérateur d’importance vitale pour le fonctionnement du pays.
Le Parquet de Paris a confirmé le placement en garde à vue de quatre hommes âgés de 31 à 35 ans, « employés » de RTE, dans le cadre d’une enquête de sa section cybercriminalité. Cette enquête a été ouverte le 29 juillet pour entrave à un système de traitement de données, sabotage informatique, accès et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, ainsi que pour introduction, modification et suppression de données d’un tel système, a précisé le Parquet.
La CGT couvre ses cyber-criminels
La CGT a dénoncé des « services anti-terroristes utilisés pour faire taire les revendications salariales des agents ». Dans un communiqué, ce syndicat affirme que les quatre salariés, basés dans le Nord, sont suspectés d’avoir « programmé le passage en local de postes électriques ». « Ce sont des salariés lambda, quatre techniciens de maintenance de la région Nord », a minimisé Francis Casanova, délégué syndical central CGT pour RTE, qui déplore que pour une « action symbolique », selon lui, ces salariés « se retrouvent en garde à vue pendant 96 heures comme les pires des terroristes ».
« Il s’agit, estime la CGT, d’une action symbolique de reprise en main de l’outil de travail, fréquente lors des grèves, qui n’a aucune incidence sur la continuité de l’alimentation électrique, ni même sur la sécurité des gens et des personnes ».
Le syndicat a dénoncé cette garde à vue dans les locaux de la DGSI, fustigeant le recours à des « services anti-terroristes utilisés pour faire taire les revendications salariales des agents ». C’est là « une volonté de réprimer le mouvement social », estime le représentant CGT, rappelant qu’il y a eu des actions pendant plusieurs mois chez RTE pour des augmentations de salaires, sans que les grévistes obtiennent gain de cause. Un rassemblement à l’initiative du syndicat était organisé en octobre 2022 devant le siège de RTE dans le quartier de La Défense, en proche banlieue parisienne.
RTE devrait reverser plus d’un milliard d’euros à ses clients, début 2023
La flambée des prix de l’énergie, si elle grève le pouvoir d’achat des ménages, profite néanmoins au gestionnaire des lignes à haute tension françaises (RTE). Ce dernier a, en effet, encaissé des recettes exceptionnelles sous l’effet des tensions sur le marché de l’électricité. Et ce, grâce aux droits d’accès payés par les importateurs ou exportateurs d’électricité pour pouvoir utiliser les interconnexions transfrontalières exploitées par RTE, explique ce dernier. Ces recettes dépendent des volumes échangés aux frontières et des écarts de prix de l’électricité entre la France et ses voisins, qui se sont creusés dans le contexte de la crise énergétique européenne, alimentée par les conséquences de la guerre en Ukraine, dont la rupture avec la Russie est encouragée par les Etats-Unis de Joe Biden, avec le soutien de l’UE.
Mais RTE ne gardera toutefois pas cette manne pour lui, puisqu’il a annoncé le 28 septembre dernier son intention de restituer plus d’un milliard d’euros à ses clients qui bénéficieront de ce soutien « dès le début d’année 2023 ». Cela concerne notamment « 53 grands sites de chimie », « 80 sites de métallurgie », « 34 sites de sidérurgie » et « une cinquantaine de sites de papeterie et cartonnage », précise Laurent Martel, directeur général chargé du pôle finances et achats à RTE.
Avec près de 90%, la plus grosse part reviendra aux distributeurs, les gestionnaires du réseau basse et moyenne tension, comme Enedis et certaines entreprises locales de distribution qui font l’intermédiaire entre RTE et les utilisateurs finaux – entreprises ou particuliers.