Macron photographié à la boxe : de la frime

Pour les spécialistess, c’est « un débutant qui tape au sac »A1

La photograhe photographe officielle d’Emmanuel Macron a posté sur Instagram deux photos du président de la République en train de s’entraîner à la boxe.
Soazig de la Moissonnière, la photograhe officielle de Macron a posté sur Instagram deux photos du président de la République en train de s’entraîner à la boxe:
l’Elysée en fait des tonnes
et met le paquet.

« Dans sa posture, dans son attitude, on voit bien qu’Emmanuel Macron ne sait pas boxer », commente Isabelle Gaignon, coach de savate boxe française. Sous ses yeux : les deux photos du président de la République postées sur Instagram par sa photographe officielle, Soazig de la Moissonnière, le 20 mars. On y voit un chef de l’Etat avec des mitaines de boxe, le visage ridé par l’effort, taper sur un sac de boxe.

Des clichés commentés, voire souvent moqués, sur les réseaux sociaux comme dans la classe politique. La députée écologiste Sandrine Rousseau a déploré l’utilisation de « codes virilistes jusqu’à l’overdose », tandis que Yannick Jadot a comparé les photos à celles parfois diffusées par Vladimir Poutine.

Poutine, torse nu,
modèle de virilité pour Macron

« Il y a quelque chose de pas naturel »

Que vaut vraiment la technique de Macron sur le ring ? Pour mieux l’évaluer, les avis de deux professionnelles de la boxe ont été sollicités.

Sur X, un aficionado de boxe commente les poses de Macron : « C’est un amateur qui tape dans un sac avec grimace. »

Isabelle Gaignon est catégorique : ces photos ne font tout simplement « pas boxe ». « Prenez l’image de quelqu’un qui tape vraiment au sac, n’importe qui, ce n’est pas la même chose, la même intention, estime-t-elle. Là on voit que c’est posé, arrêté sur l’image, il y a quelque chose de pas naturel. S’il prend des cours particuliers, il faut qu’il change de coach. »

Côté technique, les photos en révèlent assez pour que la coach puisse affirmer que « c’est un débutant qui tape au sacMême s’il y met beaucoup d’énergie, il n’a pas de force : le poing n’est pas enfoncé dans le sac. La position verticale de la main n’est pas très juste, on ne voit pas la torsion du buste comme si c’était un crochet. On ne sent pas qu’il y a eu un mouvement avant, un pivot, un transfert d’appui… Ce n’est pas l’attitude de quelqu’un qui est confirmé. Après, il a le droit de boxer quand même ! »

La posture du chef de l’Etat, très proche du sac qu’il frappe, questionne aussi Djihene Abdellilah, championne du monde de grappling et combattante pro de MMA. « On est dans l’équivalent d’un corps-à-corps, avec des bras et des frappes très courtes, décrit-elle. Ce qui donne un effet de rentre-dedans. »

« L’incarnation de tous les clichés sur la boxe »

Cette magie n’est pas un effet de la gonflette

Sur le second cliché, le biceps d’Emmanuel Macron, contracté et aux veines apparentes, a été largement moqué sur les réseaux sociaux, certains allant jusqu’à accuser la photo d’avoir été retouchée. Ce qu’a nié Soazig de la Moissonnière sur Instagram.

« Pour le coup, quand on bosse, les bras congestionnent, reconnaît Djihene Abdellilah. Les gens qui parlent n’y connaissent rien. On peut avoir les veines qui ressortent un petit peu plus. »

Ce qui interroge les deux coaches, en revanche, ce sont les gants choisis par le chef de l’État – des mitaines et non des gants de boxe. « On ne sait pas à quoi il s’entraîne : est-ce que c’est au MMA, à la boxe anglaise ? se demande Djihene Abdellilah. Est-ce que c’est parce qu’il s’est fait taper sur les doigts la dernière fois qu’il a posté une photo de boxe, parce que ses gants étaient de la marque Venum et qu’on sait que le patron de cette marque a été repris pour des propos racistes et misogynes ? »

Isabelle Gaignon s’interroge aussi sur ce choix d’équipement. « Il va juste se faire plus mal aux mains. On ne sait pas s’il a mis des bandes. Ça fait très amateur », commente-t-elle prudemment. Avec des mitaines, l’impact sur les mains est plus rude. Pour Djihene Abdellilah, elles viennent appuyer l’impression générale qui se dégage des photos : « C’est l’incarnation de tous les clichés sur la boxe », résume-t-elle.

Une vision confondant «  masculinisme » et virilité

La championne du monde de grappling (lutte) souligne néanmoins certains côtés positifs renvoyés par les photos. « Ce que ça m’inspire en premier lieu, c’est le fait qu’on a un chef de l’Etat qui est en forme ! Et qui accorde une place importante à l’activité physique dans sa vie, reconnaît celle qui coache des combattants UFC Bellator. Le fait de choisir la boxe n’est pas anodin. Parce qu’on sait que c’est l’un des sports qui fait le plus appel au dépassement de soi. »

Elle regrette pourtant une vision de la boxe « très masculiniste » véhiculée par les clichés. « Peut-être qu’il faisait un travail spécifique de fractionné. Mais il n’y a pas le côté subtil de la boxe. Contrairement à ce que les gens pensent, l’art suprême de la boxe, ce n’est pas de taper plus fort, souligne-t-elle. C’est le mec qui est capable de toucher sans se faire toucher. La boxe, c’est pour les gens smart, ça se rapproche davantage des échecs que de la bagarre. Cette photo est pleine de fausses notes. J’aurais aimé une image où l’on voit plutôt le côté intelligence de combat. »

Un « clin d’œil à Poutine »

Djihene Abdellilah estime que ces images ne sont pas destinées au seul public français. Comme de nombreux commentateurs, elle y voit « un petit clin d’œil à Poutine, aussi. On sait qu’il est fan de MMA, puisqu’il organisait des combats privés de MMA sur un bateau, auxquels certains combattants français ont participé. »

Fake de l’homme viril

De son côté, Isabelle Gaignon préfère éviter d’entrer dans des considérations politiques. « La communication, c’est un art difficile, conclut-elle. Pour des passionnés comme nous, ce n’est pas ça qui va faire la promotion de la boxe. J’espère qu’il a d’autres talents. En tout cas, il fait parler de lui. »

Macron apparaît vêtu d’une chemise ouverte sur son torse poilu, sur un cliché de Soazig de la Moissonnière. (Posté le 17 avril 2022.) 
Problème : les poils du montage grossier débordent sur la chemise !

Autre motif de grogne pour la féministe Sandrine Rousseau indisposée par les machos. Et celui qui travaille fort à l’effacement de son image d’homme trouble en rajoute régulièrement. Or, le man spreading qui charactérise les hommes, vulgaires et vautrés dans un canapé, supposés chargés en testostérone:

Des critiques cinglantes dans la presse anglo-saxonne

Et l’ampleur des commentaires suscités par cette photo ne s’arrête pas là, car la presse anglaise elle-même a fait ses choux gras de cette « affaire ». « The Daily Telegraph » a publié la photo de Macron en Une de son journal et affirmé qu’il s’agit là de « l’ultime démonstration de la virilité ».

Le « Daily Mail » a, lui, mis en ligne un article intitulé « Macron, le grand narcissique » dans lequel ses journalistes écrivent que « la séance photo pugiliste de Macron n’est que la dernière d’une campagne de plusieurs années visant à dépeindre le chef de l’Elysée comme un représentant fringant, capable et admirable. Il s’agit d’un jeu de relations publiques autoglorifiant qui semble avoir été directement tiré du manuel de Vladimir Poutine lui-même. »

Pour Djihene Abdellilah aussi, l’opération de communication est plutôt ratée. « L’image est maladroite, résume-t-elle. “Doucement, frère”, comme disent les mecs dans les salles de boxe. Le jour où il ira vraiment dans une salle et pas dans un cours privé  avec un coach privé, dans un endroit fermé et sans opposition , son regard sur la boxe va changer. »

Car là où les commentateurs français et anglais de cette photo se rejoignent, c’est dans l’interprétation qui peut en être faite, publiée une semaine seulement après que Macron a affirmé que « si nous laissons l’Ukraine perdre [la] guerre, alors la Russie menacera certainement la Moldavie, la Roumanie et la Pologne ».

En pleine campagne pour sa réélection, Emmanuel Macron avait déjà enfilé les gants de boxe à Saint-Denis en 2022.
En pleine campagne pour sa réélection, Macron avait déjà enfilé les gants de boxe à Saint-Denis en 2022. 
AP/SIPA / © Francois Mori

De son côté, la BBC, qui consacre également un article à ces clichés, écrit : « Il a d’abord montré ses muscles sur l’Ukraine. Aujourd’hui, Macron est allé plus loin en publiant des photos de lui frappant un punching-ball avec des biceps bombés, démontrant sa force dans l’action ». Avant de trouver son nouveau sobriquet au président : « Rocky ».

En vrai ?