« Macron doit rendre l’argent aux Français »

« Macron doit rendre l’argent aux Français »

Alors que s’ouvre ce lundi la session ordinaire du Parlement, Geoffroy Didier, le secrétaire général délégué des Républicains, promet une motion de censure LR sur le projet de loi de Gérald Darmanin sur l’immigration, si le chef de l’Etat rejetait les propositions de la droite. A un peu plus de huit mois des Européennes, G. Didier  coupe aussi court spéculations sur le choix de la tête de liste. 

Aujourd’hui en charge des états généraux de la droite lancés cet été, Geoffroy Didier appelle les siens à sortir de leur « zone de confort » en cessant de faire des sujets régaliens et de la maîtrise comptable l’alpha et l’oméga de leurs propositions. À titre personnel, il se prononce ainsi pour la suppression des droits de succession. Écologie, solitude des personnes âgées, nouveaux modes de travail, hausse des salaires, à commencer par ceux des fonctionnaires, il espère dépoussiérer le corpus programmatique de LR. En cette rentrée, des réunions seront organisées dans les fédérations comme au sommet du parti, avec quinze « master classes » thématiques, ainsi qu’une « nuit de l’écologie » le 10 octobre à Paris. « Il ne s’agit pas de se perdre dans un programme technique, mais de clarifier et de renouveler notre positionnement », promet l’élu européen. 

Le Point : Au terme des sénatoriales, le groupe LR de la haute assemblée perd une douzaine d’élus. Cette érosion n’est-elle pas symptomatique d’une mort lente de votre parti ?

Geoffroy Didier : Depuis 2017, les observateurs nous promettent chaque année la fin imminente des Républicains. Six ans après, force est de constater que nous restons au cœur du débat public, au centre de l’attention gouvernementale et extrêmement présents dans les institutions nationales comme locales. Dernier exemple en date, nous sommes parvenus à exiger quinze heures d’activité par semaine en contrepartie du RSA, comme nous l’avions proposé durant la présidentielle.

Ceux qui croient pouvoir nous réduire à une force d’appoint n’ont pas bien saisi la détermination d’Eric Ciotti, Gérard Larcher, Bruno Retailleau et Olivier Marleix. Les millions de Français qui partagent nos idées se lasseront de la fausse droite et se méfieront de l’incompétence de l’extrême droite. Nous avons un potentiel d’avenir immense. Nous travaillons méthodiquement à la construction d’un projet de société. Restera ensuite à choisir la personnalité la mieux à même de le porter. On nous assène que la poutre bouge, c’est sans compter sur la solidité du bois !

Arrêtons d’être obsédés par Emmanuel Macron. La droite a existé avant lui et existera après lui. Il n’est plus une perspective d’avenir.

En parlant de poutre, plusieurs sénateurs LR vont rejoindre le centre, en clair Édouard Philippe. N’êtes-vous pas condamnés à devenir des supplétifs ?

Je le dis avec bienveillance, mais en me basant sur les faits : une cote de popularité produit rarement un vote et les élus n’ont jamais fait les élections. Sinon, Jacques Delors, Édouard Balladur et Alain Juppé auraient été élus présidents de la République ! Tous ceux qui jouent la démocratie sans le peuple rejoignent un jour ou l’autre le cimetière des favoris.

C’est quoi, la droite, aujourd’hui ? Un club conservateur recroquevillé sur le passé ?

Je propose trois orientations nouvelles pour la droite : d’abord, arrêtons d’être obsédés par Emmanuel Macron. La droite a existé avant lui et existera après lui. Il n’est plus une perspective d’avenir. Voyons plus loin et concentrons-nous sur la préparation de l’après-Macron. Ensuite, à bien des égards, ne faisons plus comme avant. La droite s’est, par exemple, souvent attaquée aux fonctionnaires et à l’Etat. Nous devons nous adresser différemment aux 5,5 millions d’agents. On ne peut plus, comme à chaque présidentielle, leur expliquer qu’on va supprimer des postes dans la fonction publique sans jamais, de surcroît, dire lesquels. Chacun de nous a des fonctionnaires dans sa famille. Chacun se souvient d’un professeur d’école qui l’a marqué.

Je ne suis pas un adepte du moins d’Etat. Je crois, au contraire, qu’il y a une attente de service public et de puissance publique. Débureaucratisons l’administration, mais renforçons l’Etat en le replaçant au bon endroit et en le concentrant sur ses missions essentielles : protéger, instruire, soigner. Le délabrement de nos commissariats, de nos hôpitaux comme des prisons est le véritable scandale d’Etat.

C’est antinomique avec le mantra de la droite sur la maîtrise des finances publiques…

C’est ma troisième proposition. Arrêtons de penser que la réduction de la dépense publique est un programme en soi. D’abord, parce que nous ne sommes, nous-mêmes, pas clairs : chaque jour, l’un de nous appelle à maîtriser les comptes publics, puis un autre propose le lendemain un nouveau chèque… Si nous voulons réduire la dépense publique, c’est pour rendre l’argent aux Français. Je propose, à titre personnel, de supprimer les droits de succession. Ils représentent seulement 1,4 % des recettes de l’État mais ils empêchent les Français de transmettre librement le fruit de leur travail et de leurs sacrifices. On impose la peine de mort au capital des Français. Beaucoup de pays, du Canada à l’Australie en passant par la Suède, y ont renoncé.

Protéger le résultat de ses efforts, encourager la transmission, c’est l’essence de la droite. Et qu’on ne nous dise pas que les très riches seront avantagés, ils y échappent déjà grâce à l’assurance-vie. Notre but n’est pas de décrocher le prix Nobel de la rigueur budgétaire. Le véritable projet de société, c’est de libérer les Français par la réduction de leurs impôts. Plutôt que dépenser, Macron doit rendre l’argent aux Français.

Allons explorer des défis de société sur lesquels nous ne sommes pas identifiés et à côté desquels nous sommes souvent passés.

Vous donnez le sentiment, à LR, de puiser toujours dans les recettes de vos succès passés !

La droite doit et va sortir de sa zone de confort. Plus personne ne doute de notre crédibilité sur la sécurité, l’immigration et la laïcité. Restaurer l’ordre public, nous saurons faire. Allons explorer des défis de société sur lesquels nous ne sommes pas identifiés et à côté desquels nous sommes souvent passés : à quelle écologie sommes-nous prêts ? On nous dit de ne plus prendre l’avion, mais le train est hors de prix et le prix de l’essence flambe ! Comment réguler les réseaux sociaux, qui véhiculent le meilleur comme le pire, et maîtriser l’intelligence artificielle qui inonde nos vies ? Comment mieux se loger et à prix abordable ? Quel nouveau rapport au travail ? Comment lutter contre la pauvreté et l’immense fléau de la solitude qui touche 8 millions de personnes, notamment tant de personnes âgées ? Comme une voiture qui doit adhérer à la route, la droite doit adhérer à la société. Et il n’est jamais nécessaire, pour se renouveler, de se renier.

Comment répondre à l’aspiration des Français à mieux travailler ?

Nous ne gagnerions plus les élections aujourd’hui avec pour mantra « travailler plus pour gagner plus ». Les Français ont progressivement transformé leur rapport au travail. Beaucoup sont, par exemple, prêts à travailler autant mais sur quatre jours. L’essentiel désormais, quel que soit le rythme que l’on choisit, est que le travail paie. La proposition de Valérie Pécresse d’aller vers un smic francilien mérite toute notre attention parce qu’on ne vit pas de la même manière avec 1 500 euros par mois à Paris ou dans l’Aveyron.

Les entreprises doivent comprendre qu’il y a une urgence, une exigence sociale à mieux payer leurs salariés en réduisant leurs coûts pour revaloriser les salaires. Sinon, ça va craquer. L’Etat pourrait donner l’exemple en se débureaucratisant et en réduisant tous ses coûts de fonctionnement absurdes et ses structures inutiles pour mieux payer les fonctionnaires.

Proche d’Eric Ciotti, le député européen menace à nouveau d’une motion de censure à l’Assemblée et lance un défi au président.

Alors que s’ouvre ce lundi la session ordinaire du Parlement, le secrétaire général délégué des Républicains, qui travailla successivement pour Sarkozy , Juppé, puis Pécresse, fait planer la menace du dépôt d’une motion de censure de sa famille politique sur le projet de loi de Gérald Darmanin sur l’immigration, si Macron refusait de reprendre à son compte les revendications de la droite. A un peu plus de huit mois des européennes, dont nombre de macroniens souhaitent qu’elles signent l’arrêt de mort des LR, s’ils n’atteignaient pas la barre des 5 %, il coupe aussi court au flottement sur le choix de la tête de liste. 

François-Xavier Bellamy est à ce stade le mieux placé pour affronter les candidats de la droite nationale, Marion Maréchal et Jordan Bardella. Une parole qui a du sens : Geoffroy Didier fut en 2019 le directeur de la campagne Bellamy, qui s’acheva sur fond de règlements de comptes après les 8,5 % du candidat.

Aujourd’hui en charge des états généraux de la droite lancés cet été, Geoffroy Didier appelle les siens à sortir de leur « zone de confort » en cessant de faire des sujets régaliens et de la maîtrise comptable l’alpha et l’oméga de leurs propositions. A titre personnel, il se prononce ainsi pour la suppression des droits de succession. Ecologie, solitude des personnes âgées, nouveaux modes de travail, hausse des salaires, à commencer par ceux des fonctionnaires, il espère dépoussiérer le corpus programmatique de LR. En cette rentrée, des réunions seront organisées dans les fédérations comme au sommet du parti, avec quinze « master classes » thématiques, ainsi qu’une « nuit de l’écologie », le 10 octobre à Paris. « Il ne s’agit pas de se perdre dans un programme technique, mais de clarifier et de renouveler notre positionnement », promet l’élu européen. Il a répondu aux questions du Point.

Votre parti peut-il se permettre de ne pas voter le projet de loi sur l’immigration ?

Gérald Darmanin est incontestablement un homme de droite, mais, contrairement à lui, nous ne sommes pas macronistes et adeptes du non-choix. Non seulement nous ne pourrons pas voter le projet de loi immigration, mais j’irai plus loin : si une motion de censure de notre part prend tout son sens, c’est bien sur ce projet précis !

Tout cela à cause de l’article 3 sur les régularisations dans les métiers en tension de migrants en situation irrégulière?

Cet article, qui vise à régulariser des travailleurs clandestins, constitue une triple erreur. Une erreur politique, car ce serait une prime à la fraude ; une erreur empirique, car cela entraînerait de fait un appel d’air ; une erreur économique parce que, sous l’effet de l’inflation, sur les 2 millions de Français qui touchent le RSA, beaucoup vont devoir revenir sur le marché du travail pour s’en sortir. Le test majeur de la volonté – ou non – d’Emmanuel Macron de maîtriser les flux migratoires sera sa réponse à cette simple question : oui ou non, acceptez-vous de changer la Constitution pour permettre à la France de reprendre le pouvoir ? Si la réponse est non, une motion de censure prend tout son sens.

L’Europe est un défi sérieux – tout comme la survie de notre famille politique – et notre liste devra incarner la crédibilité, surtout pas devenir un gadget risqué ou un casting à la mode.

François-Xavier Bellamy, tête de liste aux européennes, ça ne fait pas un peu Retour vers le futur ? D’autres postulants tapent à la porte…

Nous réfléchissons autour d’Eric Ciotti à nos priorités et au message que nous souhaitons porter. L’Europe est un défi sérieux – tout comme la survie de notre famille politique – et notre liste devra incarner la crédibilité, surtout pas devenir un gadget risqué ou un casting à la mode. Avec le président de notre délégation au Parlement européen, François-Xavier Bellamy, nous avons mené des combats, obtenu des résultats : taxe carbone aux frontières pour protéger nos entreprises de la concurrence déloyale, interdiction de la promotion du hidjab par la Commission européenne, première régulation au monde des réseaux sociaux pour protéger nos enfants du cyberharcèlement…

A l’heure de vérité, ce sera une force immense vis-à-vis des Français lorsque nous serons face aux guignols que le RN envoie à Bruxelles et face à la méconnaissance totale des dossiers de Marion Maréchal. Nous, nous travaillons à changer Bruxelles. Eux, fondamentalement, n’aiment pas l’Europe.

Avez-vous un conseil à donner à Laurent Wauquiez ? Beaucoup dans votre camp doutent de sa stratégie de la rareté.

De poursuivre son travail intelligent ! Sa stratégie bouscule les esprits car elle est aux antipodes de ce à quoi nous sommes habitués : des hommes et des femmes politiques qui parlent, parlent, parlent. La parole publique est devenue une langue morte. La défiance accrue des Français à l’égard des politiques est indexée à l’incessant blabla. La peur du vide et la dictature de l’urgence amènent beaucoup de politiques à dire tout et son contraire. Emmanuel Macron en est la démonstration éclatante. Laurent Wauquiez tente autre chose en se tenant loin des tweets du jour et des micros tendus. Il préfère se nourrir, s’immerger. Pour ceux qui veulent transformer leur parcours en destin, cette attitude me semble saine et utile.