Borne aura-t-elle la peau de la démocratie ?
Coup de froid sur la démocratie française. Comme lors de la première lecture, la cheffe du gouvernement a déclenché l’article 49.3, une neuvième fois, le 11 décembre, pour faire adopter la partie « recettes » du budget 2023. « L’autoritarisme du gouvernement n’a pas de limite pour imposer leur politique de maltraitance sociale et écologique. Nous déposons une nouvelle motion pour censurer ce gouvernement », a ainsi expliqué dans la foulée Mathilde Panot, patronne du groupe LFI à l’Assemblée.
La première ministre Elisabeth Borne a déclenché pour la huitième fois l’article 49.3 pour faire adopter – déjà sans vote, donc en force – la partie « recettes » du projet de budget de l’Etat pour 2023, en nouvelle lecture.
Pour Elisabeth Borne, un dixième et dernier 49.3. Et un dernier 49.3 pour la route. Pour la dixième fois depuis le début des discussions budgétaires, Elisabeth Borne est montée ce jeudi après-midi à la tribune de l’Assemblée nationale pour annoncer qu’elle engageait la responsabilité de son gouvernement, cette fois sur l’examen définitif du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Le budget est donc réputé adopté, à moins que l’Assemblée ne vote une motion de censure pour faire tomber l’équipe Borne. Une option impossible tant que les députés Les Républicains (LR) refusent de mêler leurs voix à celles de la NUPES et du Rassemblement national.
L’article 49.3 de la Constitution donne la possibilité au premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, d’engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote :
- d’un projet de loi de finances ;
- d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale ;
- d’un autre projet ou une proposition de loi en débat à l’Assemblée nationale.
Depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, hors projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, l’article 49.3 ne peut être utilisé que sur un seul texte au cours d’une même session parlementaire . Avant cette révision de la Constitution (nouvelle fenêtre), le gouvernement pouvait y avoir recours aussi souvent qu’il le voulait et sur n’importe quel texte.
Actualité, à ce jour, du 49.3
Sous la XVIe législature, la Première ministre Elisabeth Borne a eu recours au 49.3 à dix occasions (au 15.12.2022) :
- le 19 octobre 2022 pour la première partie du projet de loi de finances (première lecture) ;
- le 20 octobre pour la troisième partie du PLFSS (première lecture) ;
- le 27 octobre pour la quatrième partie du PLFSS et l’ensemble du texte (première lecture) ;
- le 2 novembre pour la seconde partie du PLF et l’ensemble du texte (première lecture) ;
- le 21 novembre pour la troisième partie du PLFSS (nouvelle lecture) ;
- le 25 novembre pour la quatrième partie du PLFSS et l’ensemble du texte (nouvelle lecture) ;
- le 30 novembre pour l’ensemble du PLFSS (lecture définitive) ;
- le 9 décembre pour la première partie du PLF (nouvelle lecture) ;
- le 11 décembre pour la seconde partie du PLF et l’ensemble du texte (nouvelle lecture) ;
- le 15 décembre pour l’ensemble du PLF (lecture définitive).
Quand a été utilisé l’article 49.3 ?
GOUVERNEMENTS D’EDOUARD PHILIPPE
Edouard Philippe a eu recours au 49.3 une seule fois, dans le but de faire passer la réforme des retraites… Qui a finalement été repoussée avant d’être complètement mise de côté. Avant cela, son gouvernement avait procédé plutôt par ordonnances.
SNCF, loi Pacte, projet de loi santé… Il n’avait en effet pas hésité à réformer par ordonnances depuis son arrivée aux responsabilités, il y a deux ans.
A telle enseigne qu’en juillet 2017, Emmanuel Macron inaugurait son quinquennat par un projet de loi uniquement composé d’ordonnances pour réformer le code du travail.
GOUVERNEMENTS DE MANUEL VALLS (31 MARS 2014 – 6 DÉCEMBRE 2016)
En tant que Premier ministre, Manuel Valls a eu recours à six reprises à l’article 49.3. Il l’avait utilisé pour faire adopter la loi Macron sur la croissance (les 17 février, 16 juin et 9 juillet 2015). Puis trois autres fois pour le projet de loi El Khomri sur la réforme du Code du Travail en 2016.
Son successeur, Bernard Cazeneuve (6 décembre 2016 – 15 mai 2017), n’y a, lui, pas eu recours.
GOUVERNEMENT DE DOMINIQUE DE VILLEPIN (MAI 2005 – 15 MAI 2007)
Le 9 février 2006, Dominique de Villepin utilise le 49.3 pour faire passer le projet de loi pour l’égalité des chances qui inclut le très contesté contrat première embauche (CPE). Le projet de loi sera adopté, mais la mobilisation massive de la rue finira par signer la mort du CPE, qui sera abrogé.
GOUVERNEMENT DE JEAN-PIERRE RAFFARIN (MAI 2002-MAI 2005)
Jean-Pierre Raffarin s’est saisi deux fois de l’article 49.3. Alors que la gauche et l’UDF ont déposé quelque 13.000 amendements sur sa réforme des modes de scrutin régional et européen, il décide une première fois le 15 février 2003 d’engager la responsabilité de son gouvernement.
Une motion de censure déposée par l’opposition de gauche est rejetée. Le 27 juillet 2004, M. Raffarin utilise à nouveau le 49.3 pour le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales qui favorise la décentralisation. Une motion de censure déposée par la gauche est rejetée.
GOUVERNEMENTS D’ALAIN JUPPÉ (MAI 1995-JUIN 1997)
Le Premier ministre de Jacques Chirac a recours à deux reprises à l’article 49.3 : en décembre 1995 pour faire passer le projet de loi l’autorisant à légiférer par ordonnances pour réformer la protection sociale, puis en juin 1996 pour faire adopter le projet de loi sur le statut de France Télécom, avant la fin de la session parlementaire. Dans les deux cas, l’opposition réplique en déposant une motion de censure.
GOUVERNEMENT D’EDOUARD BALLADUR (MARS 1993-MAI 1995)
Disposant d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale, Edouard Balladur n’utilise l’article 49.3 qu’une seule fois. Il engage la responsabilité de son gouvernement pour couper court à «l’obstruction parlementaire» menée selon lui par l’opposition, qui a déposé quelque 3.800 amendements contre le projet de loi sur les privatisations d’entreprises publiques. Une motion de censure de l’opposition est rejetée.
GOUVERNEMENT DE PIERRE BEREGOVOY (AVRIL 1992-MARS 1993)
L’article 49.3 est utilisé trois fois par le Premier ministre. Malgré une opposition très offensive à l’approche des élections, le gouvernement échappe sans difficulté à deux motions de censure et limite ses recours à l’article 49.3 à trois textes dont celui sur la maîtrise des dépenses de santé, le fonds de solidarité vieillesse et le budget 1993.
GOUVERNEMENT D’EDITH CRESSON (MAI 1991-AVRIL 1992)
Le Premier ministre fait usage à huit reprises de l’article 49.3, pour faire passer en force quatre projets de loi dont le budget 1992. L’opposition déposera au total quatre motions de censure, dont deux concerneront le 49.3.
GOUVERNEMENTS DE MICHEL ROCARD (MAI 1988-MAI 1991)
Faute de majorité absolue au Parlement, le Premier ministre engage à 28 reprises la responsabilité de son gouvernement en ayant recours à l’article 49.3.
L’opposition réplique en déposant cinq motions de censure, qui seront à chaque fois rejetées. Quinze textes sont adoptés grâce au 49.3, notamment la loi créant le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la réforme du statut de la Régie Renault et la loi de programmation militaire 1990-1993.
Coup de froid sur l’économie française. Refroidissement. D’un mot, le titre de la dernière note de l’Insee résume l’ambiance de la conjoncture économique française. Explosion du coût de l’énergie sur fond de démantèlement de notre secteur nucléaire pour gagner le soutien électoral des écologistes, inflation, baisse de pouvoir d’achat et de la consommation des ménages… Ce n’est pas encore la récession, mais c’est une sérieuse décélération. Dès le dernier trimestre 2022, la croissance du PIB devrait reculer de 0,2 %, selon l’Insee, qui a revu à la baisse sa prévision (de 0 % précédemment). Sur toute l’année, le PIB aurait donc progressé de seulement 2,5 %. Les mois prochains ne devraient pas marquer de franche amélioration : +0,1 % de croissance attendu au premier trimestre et +0,3 % au deuxième. Ce qui porterait l’acquis de croissance, c’est-à-dire le taux pour l’année si l’activité restait figée au second semestre, à seulement 0,4 %.
Au-delà de la dépression économique, on dit qu’un pays est entré en phase de récession lorsque l’économie recule sur deux trimestres consécutifs, principalement sur la base du produit intérieur brut (PIB). Pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), une récession est une période d’au moins deux ans pendant laquelle l’écart de production cumulé atteint au moins 2 % du produit intérieur brut (PIB) et la production devient inférieure d’au moins 1 % à la production potentielle durant une année au moins.