Immigration irrégulière : le rapport de la Cour des comptes arrive après le vote de la loi…

Il pointe un manque de moyens humains et une « instabilité normative » compliquant le travail des administrations

Pierre Moscovici

Le sujet est celui de la rétention d’information : pour des motifs idéologiques, la Cour des Comptes a retardé la parution d’un rapport qui aurait pu éclairer la représentation nationale, élément de son cahier des charges.

En dix ans, les lois sur l’immigration ont été modifiées près de 133 fois, pointe la Cour des comptes, dont le premier président est le socialiste Pierre Moscovici, 66 ans, ancien ministre (2912-2014) de Hollande et commissaire européen (2014-2019). Elle confirme aussi que cela complique le travail des administrations.

Un manque de moyens humains et de cohérence. Voilà ce que pense la Cour des comptes des politiques de lutte contre l’immigration irrégulière en France, d’après un rapport publié le jeudi 4 janvier 2024. Il devait initialement être présenté en décembre, mais pour ne pas tomber en plein milieu des débats sur la loi immigration à l’Assemblée, sa publication avait été décalée: ce rapport n’est-il donc fait ni pour être lu, ni pour éclairer le législateur ? Il risque quand même de faire du bruit du fait de son report et de sa dimension politique, juste après l’adoption de la loi au Parlement et avant son examen par le Conseil constitutionnel.

La Cour des comptes dénonce donc une « instabilité normative » qui complique le travail des administrations et juridictions. Elle pointe notamment du doigt les 133 modifications de la loi en une décennie, la propension des ministres de l’Intérieur à multiplier les circulaires « au gré de l’actualité ».

Plus de moyens humains

Dans ce rapport, la Cour des comptes formule onze recommandations, qui concernent notamment le renforcement de moyens humains pour ces missions, qu’elle juge insuffisants. ll faut avant tout renforcer les effectifs dans les préfectures, explique donc le rapport, qui préconise ainsi de « renforcer les effectifs des services chargés des étrangers en préfecture, afin d’améliorer la qualité des décisions et d’assurer la représentation systématique de l’État aux audiences devant le juge judiciaire et le juge administratif. » Les préfectures n’ont pas assez de temps pour travailler sur les OQTF, les obligations de quitter le territoire français, et doivent elles-mêmes obtenir des laissez-passer consulaires pour les expulsions. Cela devrait être centralisé par le ministère des Affaires étrangères qui aurait plus de poids, estime le rapport.

Des moyens, il en faut aussi selon la Cour pour les contrôles aux frontières qui sont « très limités ». Les pièces d’identité ne sont pas scannées, les empreintes pas prises, selon la Cour des comptes, alors que cela serait « utile ultérieurement en vue d’un éloignement » si la personne réussit finalement à passer la frontière. Le rapport recommande donc de « recueillir et de conserver les données d’identité des étrangers interceptés lorsqu’ils franchissent irrégulièrement les frontières intérieures et extérieures ». Autant de propositions que la loi ne prend pas en compte.

Simplifier certaines procédures

La Cour des comptes réclame aussi un assouplissement du système d’aide au retour volontaire. Ce dispositif « vise à encourager le départ d’une personne étrangère en situation irrégulière de manière non coercitive, en lui versant une somme d’argent allant jusqu’à 2.500 euros », rappelle la Cour, qui met ce chiffre en rapport avec deux autres : « le coût d’une journée de rétention s’élève à 602 euros [une journée seule ne suffit pas], tandis qu’un éloignement forcé effectif coûte en moyenne 4 414 euros » [en une seule fois, et surtout parce qu’effectué par une compagnie aérienne commerciale].

La France devrait donc développer ce dispositif en s’inspirant d’autres pays car elle « accuse un certain retard [d’exécution] par rapport au Royaume-Uni et à l’Allemagne ». 4.479 retours aidés ont été exécutés en 2022 en France contre 26.545 en Allemagne, d’après les chiffres communiqués par la Cour des comptes.

Enfin, la Cour estime qu’il faut « simplifier le contentieux de l’éloignement en réduisant le nombre de procédures juridictionnelles et en les distinguant selon le degré réel d’urgence », et appelle aussi à la « formalisation d’une stratégie interministérielle de lutte contre l’immigration irrégulière » dont la mise en œuvre serait suivie par « une instance interministérielle » sous l’autorité de la première ministre.

Les automobilistes se protègent et combattent la mobilisation contre la réforme des retraites

La loi sur les jerrycans à la pompe sert-elle les grévistes ou les Français?

Pénurie de carburant ou grève : avons-nous le droit de remplir des bidons et nous prémunir contre l’adversité, voire la combattre ? Alors qu’en octobre 2022, un tiers des stations services françaises étaient concernées par des pénuries, les files s’étiraient pour accéder à la pompe. En cas de panne, est-il possible de remplir un jerrican de carburant ? 

Selon la loi, il est autorisé de transporter jusqu’à cinq litres d’essence maximum, mais seulement si notre véhicule est tombé en panne« Il n’est possible de mettre cinq litres dans un jerrican qu’à condition d’être en panne. Si c’est par précaution, c’est interdit », précisa Me Michel Benezra, avocat en droit routier. 

Une marge de tolérance

Mais, face aux difficultés croissantes d’approvisionnement en carburants du fait de la pénurie – suite à l’incurie des pouvoirs publics – ou d’un mouvement social, des automobilistes ont été conduits à contourner la règle en remplissant des jerricans de carburants pour faire des réserves, comme le montrent des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux.

Or, plusieurs préfectures, principalement dans les Hauts-de-France, en région parisienne et dans le sud du pays, n’ont rien trouvé de mieux que de leur compliquer davantage la vie en leur interdisant de remplir un bidon à la pompe. Les automobilistes prévoyants qui refusent de se mettre en difficultés risquent une amende pouvant aller jusqu’à 150 euros.

Pénurie de carburants ? A la mi-octobre dernier, le gouvernement n’a pas cherché à aider les Français dans l’adversité dont il a lui-même accumulé les causes. Il a en effet appelé les préfets à restreindre la vente et le remplissage des jerricans, quoi qu’il arrive. Notre protecteur, Macron, est partisan de la double peine…

Le gouvernement va demander aux préfets d’étendre l’interdiction de la vente et l’achat de carburant dans un jerrican ou un bidon.Une « mesure pour éviter les sur-stockages« , selon Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique. La grève dans les raffineries se poursuivit, accentuant le blocage dans les stations services et le recours aux bidons. Stockage de sécurité, sans exagération culpabilisante (« sur-stockage ») d’un pouvoir qui, entre deux élections, n’aime pas les Français.

Alors que la grève dans les raffineries était reconduite, le gouvernement appelait à sévir contre les usagers, plutôt que les bloqueurs. 

Les préfectures les plus zélées furent la Meuse (F), les Yvelines, l’Eure-et-Loir (F), la Seine-Saint-Denis, le Vaucluse (F), les Vosges (F), le Val-d’Oise, le Pas-de-Calais, le Nord et la Somme. 27 sur 107 sont des préfètes (F), mais elles sont plus connues que leurs homologues masculins. Les mesures qu’elles prennent sont souvent plus radicales et anticipent davantage les prises laborieuses de décisions du pouvoir central.

« Eviter les sur-stockages »: le stockage est donc légal

Où commence le sur-stockage ? « Nous allons prendre des mesures pour éviter les sur-stockages qui contribuent à amplifier les difficultés que nous vivons sur le terrain », a ainsi indiqué la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, un beau soir au micro de Franceinfo, comme si elle était privée de chauffeur. 

« Je le redis aux Français : ne faites pas de stocks de précaution, car cela aggrave la situation », a-t-elle exhorté, dénonçant, dans les stations-service, une « surconsommation » qui a étendu, selon elle, les difficultés sur la façade atlantique, jusqu’ici épargnée.

Selon les chiffres du gouvernement, 29,7% des stations-service françaises connaissaient alors des difficultés d’approvisionnement sur un produit au moins. Et c’était la faute des usagers… En vérité, le diesel, qui n’est pas produit en France, n’est pas autant vulnérable que l’essence aux mouvements sociaux intérieurs si son orix venait à flamber les semaines à vevur, ce serait pour financer la pénurie d’essence. Mais ceci est une autre affaire, impliquant aussi Macron qui a milité auprès de l’UE pour le couplage des prix de l’électricité et du gaz.

Reste qu’une marge de tolérance existe aujourd’hui, complexifiant d’ailleurs le maintien dans les clous : la préfecture des Hauts-de-France a par exemple décidé d’interdire le remplissage de jerricans, « sauf nécessité dûment justifiée par le client et vérifiée, en tant que de besoin, avec le concours des services de police et de gendarmerie locaux ». Autrement dit, cherchez le curseur : les dérogations sont possibles, si vous pouvez justifier que vous êtes bien en panne, le tout étant de ne pas abuser de cette possibilité. « Certains pourraient être tentés de remplir plein de jerricans, alors que d’autres en auraient besoin éventuellement », déplore un automobiliste dans le reportage du JT de 20 heures sur TF1.

De manière générale, pour éviter de devoir prononcer des sanctions (et des amendes), les préfectures en appellent « à la responsabilité et au civisme de chacun », ce qui ajoute à la confusion. Et libère du sentiment éventuel de culpabilité.

Dernière précaution : puisque les carburants sont des « matières dangereuses », comme le rappelle finement Me Michel Benezra, « il n’est donc pas possible de transporter l’essence dans n’importe quelle bouteille : il faut des jerricans homologués ». A cette condition, au final, nous faisons à votre guise.

D’autant que, cette fois, dans le contexte actuel, non de pénurie, mais de blocage, il s’agit de contrecarrer le mouvement social.