Ses soutiens confirment sa radicalité
![](https://pasidupes.wordpress.com/wp-content/uploads/2022/01/christiane-_taubira-7.jpg?w=620)
Arrivée sans surprise en tête de la primaire populaire dimanche, face à des contestataires de cette primaire, Christiane Taubira, va devoir transformer l’essai et imposer sa préminence factice à gauche, puisque le rassemblement qu’elle appelait de ses vœux, en annonçant son intention de se présenter à l’élection présidentielle en fin d’année, semble toujours au point mort.
L’ancienne ministre de la Justice, qui a égrené quelques propositions depuis le début d’année, se voit reprocher par ses détracteurs de faire campagne sous son seul nom. Les 67 % des 392.738 votants de la primaire populaire qui lui ont au moins attribué une mention « bien » lui confèrent une légitimité artificielle: les votants devaient classer les candidats dans les cases suivantes : « Très bien », « Bien », « Assez bien », « Passable », « Insuffisant(e) ». Mais Jadot (EELV), Hidalgo (PS) et Mélenchon (LFI) avaient refusé par avance de valider cette pseudo consultation citoyenne. Restaient donc Pierre Larrouturou, 57 ans, euro-député PS, animateur du collectif de lutte contre le réchauffement climatique à l’échelle européenne (le Pacte Finance Climat), co-fondateur de Nouvelle Donne, et deux illustres inconnues de la société civile, Charlotte Marchandise, 47 ans, arrivée en avant-dernière position, juste derrière Anne Hidalgo, et Anna Agueb-Porterie, 24 ans, incarnant une génération révolutionnaire et écolo, présélectionnées pour faire parité lors d’une première étape de parrainage en octobre.
Citons pour mémoire, Georges Kuzmanovic. Passé par Lutte ouvrière (vers 1990) le
Parti de gauche (2009-2018) et
La France insoumise (2016-2018), ce Serbe de 48 ans est désormais a la tête de son propre parti,
République souveraine, depuis 2019. Pour avoir plaidé dans L’Obs pour le nécessaire « assèchement des flux migratoires », en septembre 2018, il est chassé de LFI.
Ses soutiens parlent-ils pour ou contre elle ?
Pour crédibiliser sa campagne électorale de dernière minute, la Guyanaise va devoir dénicher des pointures si elle veut espérer s’imposer au reste de la gauche. Pour l’heure, pas encore d’organigramme officiel, mais derrière elle une équipe plus ou moins structurée, qui compte pour l’essentiel d’anciens collaborateurs et des élus issus de la précédente majorité. Mais peu de visages connus du grand public.
L’ancienne ministre de la Justice de François Hollande, candidate à l’élection présidentielle, peut désormais se targuer du soutien d’une très grande majorité des militants de la primaire populaire. En coulisse, elle dispose de l’appui d’anciens parlementaires socialistes et de plusieurs élus locaux, dont certains sont déjà intégrés aux équipes de campagne.
Une forte empreinte des frondeurs battus à la législative.
Christian Paul, l’ancien député de la Nièvre, fut l’une des figures de la pré-campagne de Christiane Taubira. L’actuel maire de Lormes a été secrétaire d’Etat chargé de l’Outre-mer sous Lionel Jospin. Mais on se souvient surtout de Christian Paul comme l’un des principaux leaders de la fronde socialiste sous le précédent quinquennat, un groupe d’élus issus de l’aile gauche du PS, opposés à partir d’octobre 2012 à la politique économique de François Hollande, jugée trop libérale. En 2017, Christian Paul avait soutenu la candidature d’Arnaud Montebourg à la primaire socialiste.
Dans son sillon, au moins un autre frondeur : l’ex-député socialiste radical de Seine-Saint-Denis, Daniel Goldberg, porte-parole de la candidate, également présenté comme responsable de la mobilisation territoriale dans l’équipe de campagne.
Toujours du côté des parlementaires, notons la présence d’Erwann Binet, ancien député de l’Isère, fidèle « hollandais » pour sa part, qui fut le rapporteur du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, l’un des textes les plus controversés portés par Christiane Taubira durant son passage à la Chancellerie.
Elus locaux
Sans doute faut-il y voir l’influence des réseaux de Christian Paul, car on relèvera également la présence d’un certain nombre d’élus bourguignons parmi les soutiens de Christiane Taubira, comme Fabien Bazin, le président du Conseil départemental de la Nièvre, Patrick Molinoz, le vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. Et surtout, Marie-Guite Dufay, la présidente de région. Elle reste à ce jour le soutien le plus important décrochée par l’ancienne ministre, d’autant que Marie-Guite Dufay s’est prononcée en faveur de Macron en 2017. Elle a également avoué avoir été approchée en juillet 2020 par Jean Castex pour entrer au gouvernement.
Notons que Benoît Payan, le maire DVG de Marseille, un imposteur socialiste introduit par l’écologiste Michèle Rubirola – seule élue de la population phocéenne – dans la deuxième ville de France. Ce cheval de Troie de la coalition de gauche radicale incluant le PCF avait indiqué qu’il soutiendrait le vainqueur de la primaire populaire, confirme à Libération qu’il apportera bien son parrainage à la candidate, mais laisse entendre qu’il se tiendra à distance de la campagne électorale. « Ça ne m’intéresse pas », lâche-t-il, se disant complètement focalisé sur sa tâche d’édile. En revanche, son adjointe, Olivia Fortin, qui était notamment montée sur scène à la Croix-Rousse juste avant que Christiane Taubira ne confirme sa candidature le 15 janvier, est désormais présentée comme l’une de ses porte-parole au côté de Daniel Goldberg.
D’anciens collaborateurs
Parmi les personnalités plus discrètes qui gravitent autour de la candidate : Axel Urgin, maire adjoint de Créteil, son directeur de campagne, et qui fut aussi le directeur de cabinet de Christian Paul, lorsque celui-ci était aux Outre-mer. Mais aussi d’anciens collaborateurs de Christiane Taubira lorsqu’elle était encore au ministère de la justice. Ainsi, Elie Patrigeon, qui fut son chef adjoint de cabinet, avant de rejoindre celui de Patrick Kanner, après le départ de la ministre en janvier 2016. Ou encore, selon une information du Parisien, Valentin Narbonnais, ancien responsable de sa communication. Désormais maire adjoint de Colombe, celui-ci a épinglé en tête de son compte Twitter un poste de 2016 où il pose bras dessus, bras dessous avec Christiane Taubira.
Christiane Taubira ne fait campagne sous aucune étiquette, mais elle dispose du soutien du Parti radical de gauche, dont elle avait porté les couleurs lors de la présidentielle de 2002, contribuant à l’élimination de Lionel Jospin. « Aucun autre candidat ne dispose d’une légitimité citoyenne aussi large, elle incarne le rassemblement. Christiane Taubira a déclaré sa candidature, elle avance, laissons quelques heures passer et venir les choses. Elle va appeler les autres candidats de gauche, elle a des capacités de conviction que personne n’ignore », a raconté, lundi matin, dans la matinale de Public Sénat, Guillaume Lacroix, le président du PRG. Surtout, le soutien d’un parti, si petit soit-il, installé dans le paysage politique représente un atout dans la collecte des 500 parrainages nécessaires pour valider une participation à l’élection présidentielle. Mais elle n’apparaît toujours pas dans les deux premiers relevés provisoires de parrainages validés par le Conseil constitutionnel.
Relayer le projet
En termes de maillage territorial, la candidate pourrait s’appuyer sur le collectif « Taubira pour 2022 », lancé il y a plus d’un an, et qui revendique quelque 100.000 followers sur les réseaux sociaux, et 80 comités locaux sur le territoire où s’activent « entre 40 et 60 personnes », selon des déclarations de leur porte-parole, Johan Jousseaume.
La mise en place d’une force militante reste un incontournable de campagne, pour organiser les opérations de tractage notamment, et porter sur l’ensemble du territoire les propositions de la candidate. D’autant que la candidate de la 11e heure n’a toujours pas présenté de programme complet, à la différence de ses principaux concurrents a gauche Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon. Elle n’a encore évoqué que quelques mesures phares. Parmi elles : la mise en place d’un référendum sur l’avenir du nucléaire, une revalorisation du Smic à 1.400 euros net, un revenu mensuel de 800 euros pour les étudiants, ou encore le retour d’un impôt sur la fortune progressif, avec un taux de prélèvement variant de 1 à 3 % du patrimoine. Sur France info lundi matin, la candidate a également déclaré vouloir s’attaquer aux droits de succession, une mesure plutôt portée par la droite.
« Si des candidats qui ne la reconnaissent pas finissent très mal classés, ça créera une situation chaotique à gauche », avait prévenu le politologue Bruno Cautrès (CNRS et CEVIPOF).