« On ne peut pas éradiquer le virus », préviennent les experts

La vaccination de masse est-elle un leurre?

La présidente de la Haute autorité de la Santé (HAS), Dominique Le Guludec, ainsi que le « Monsieur vaccin » du gouvernement, Alain Fischeres sénateurs de la Commission des Affaires sociales ont auditionné ce mercredi matin la présidente de la Haute autorité de la Santé (HAS), Dominique Le Guludec, ainsi que le « Monsieur vaccin » du gouvernement, Alain Fischer.

Le premier vaccin sera autorisé « d’ici une semaine » et les vaccinations dans l’Union européenne « pourront commencer immédiatement », a annoncé mercredi matin la Commission européenne.

Au même moment, les sénateurs de la Commission des Affaires sociales auditionnaient la présidente de la Haute autorité de la Santé, Dominique Le Guludec, avec plusieurs membres de la HAS, ainsi que le président du conseil d’orientation sur la stratégie vaccinale, Alain Fischer.

Une fois de plus, Dominique Le Guludec a expliqué aux parlementaires le protocole de vaccination en cinq phases suggéré par la HAS.

« La vulnérabilité et l’exposition des personnes âgées en Ehpad nous ont aidés à déterminer notre choix de les vacciner en premier ».

Ensuite, la rumeur assure que la commande de vaccins par l’Etat n’est pas suffisante pour assurer la phase 2: elle est devenue plus aléatoire, car soumise à l’offre de l’UE. Les déclarations des autorités scientifiques sont donc floues: « En fonction des doses de vaccins que nous aurons utilisées, nous pourrons aller plus vite [ou pas] sur les phases suivantes », a prévenu l’HAS, ajoutant que 2 millions de doses du vaccin de Pfizer « pourraient [conditionnel alarmant] être disponibles …début janvier ». Elle a aussi manifesté une soudaine réserve, aussi inattendue que suspecte, après des signaux volontaristes, au moment de la décision du Royaume Uni de mettre en oeuvre, le premier en Europe, son programme de vaccinations, le 8 décembre dernier : l’HAS évoque de nouveau la nécessité d’une information « claire, transparente, accessible pour tous », arguant que deux groupes de population se dégagent parmi les usagers que la HAS a pu consulter : une minorité réfractaire au vaccin, et une majorité favorable à la vaccination. Concernant ces premiers vaccins, la HAS sera en mesure de donner son avis « avant la fin décembre », a espéré quant à elle Elisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations de la HAS.

Pas de traitement efficace hormis les « corticoïdes »

Les infra-structures sont opérationnelles au Royaume-Uni et en Allemagne;
la France n’est pas prête…

Mis à part les vaccins, les sénateurs ont interrogé les membres de la HAS sur les traitements qui fonctionnent face au covid-19. « A ce jour il y a deux traitements qui sont proposés : les corticoïdes et le Remdesivir qui a reçu un accueil circonspect de la commission de transparence », a avoué Dominique Le Guludec. Selon elle, il n’y a pas de traitement efficace à proposer « en dehors des corticoïdes ». « La chloroquine ne donne rien », a commenté Marie-Paule Kieny.

Cette « savante » est virologue et vaccinologiste et directrice de recherche à l’INSERM – dont le directeur (2014-2018) fut le Franco-marocain Yves Lévy, époux Agnès Buzyn, ministre démissionnaire de la Santé de Macron – , directrice de recherche à la controversée OMS – mise en cause pour sa complaisance envers la république populaire de Chine, ainsi que pour sa volte-face, sous l’influence de la revue The Lancet, sur l’hydroxychloroquine.

Elle est membre du conseil d’administration de la société BioMérieux, liée, entre autres, à l’entreprise Sanofi Pasteur, dont le vaccin franco-britannique élaboré avec GSK ne sera pas disponible avant fin 2021 au mieux. Elle est néanmoins au nombre des 12 scientifiques et médecins du Comité analyse recherche et expertise (CARE), censé conseiller le gouvernement sur les traitements et les tests contre le SARS-CoV-2.

Alors face au manque de données, comment évaluer l’efficacité des premiers vaccins et lancer une campagne de vaccination de masse ?

« On sait [ça commence mal !] que les premiers vaccins ne protègent pas seulement contre la maladie grave, mais aussi contre les formes cliniques et bénignes. Par contre [en revanche], on ne sait pas si les gens vaccinés transmettent le virus. Certains vaccins [lesquels ?] pourraient diminuer de façon importante la transmission, on a des données qui vont dans ce sens » a abondé Marie-Paule Kieny: des données qui vont dans le bon sens suffisent-elles ? En bref, le vaccin n’est pas une solution miracle et doit compléter les gestes barrières : « On ne peut pas éradiquer le virus. On va rester plusieurs mois [12 ou 24…] dans cette situation. Cela va dépendre du virus lui-même. Après quelques années sous forme pandémique, il va peut-être devenir endémique [permanent, ici ou là]».

Des savants de moins en moins scientifiques… « On ne peut pas dire que les vaccins ne bloquent pas la transmission, ce qu’on peut dire, c’est qu’on ne sait pas. Je serai surpris qu’il n’y ait quand même pas un certain effet de protection », a ensuite rétorqué Alain Fischer à Alain Milon (médecin de 73 ans, sénateur Les Républicains du Vaucluse).

Selon le « Monsieur Vaccin » du gouvernement, la transmission ou non est d’autant plus importante qu’elle déterminera la suite de la stratégie vaccinale. « Si on apprend qu’un ou plusieurs vaccins réduisent la transmission, il y aurait intérêt à accélérer la vaccination de la population jeune. Mais,tant qu’on n’a pas cette info, il est plus légitime de vacciner les plus fragiles, » avoue l’apprenti-sorcier de Macron.

En 2016, alors que Marisol Touraine est ministre de la Santé de François Hollande, Alain Fischer présida le « comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination ». Il avait la charge de faire des propositions pour répondre à la défiance d’une partie de la population à l’égard des vaccins. Ce travail se poursuivit jusqu’en 2018, lorsqu’Agnès Buzyn décida de faire passer de 3 à 11 le nombre de vaccins obligatoires pour les enfants de moins de deux ans. Bilan de son action, une méfiance accrue, avec les conséquences actuelles.

Un sondage « L’opinion en direct », réalisé par l’institut Elabe et diffusé il y a un mois (18 novembre dernier) révèle que les Français sont de plus en plus défiants de la diffusion d’un vaccin anti-Covid-19. Seuls 4 Français sur 10 interrogés envisagent actuellement de se faire vacciner contre le Covid-19, une proportion en baisse de 5 points depuis le 29 octobre. Ils sont 46% (+6) résolus à ne pas se faire vacciner contre le Covid-19 si un des vaccins était autorisé. 14% (-1) « ne savent pas encore ».

Réactions secondaires

Les premières études suggèrent que les vaccins ne sont pas sans effets secondaires. « On sait que ces vaccins sont assez réactogènes », n’a pas caché Marie-Paule Kieny. « C’est-à-dire qu’il y a des effets secondaires nombreux mais faibles et pas dangereux », a-t-elle poursuivi. Il est ainsi possible « qu’une majorité des personnes se sentent fatiguées ». « Un certain nombre de producteurs de vaccins conseillent de donner du paracétamol », a-t-elle indiqué. « Cependant pour les effets secondaires six mois après la vaccination, on ne sait rien », a-t-elle conclu.

Une pénurie de vaccins ?

Jean Castex a annoncé mercredi 2 décembre que la France avait précommandé, via le système européen, de quoi « vacciner 100 millions de personnes » contre le Covid-19. Quinze jours plus tard, on apprend une évaporation d’au moins 10% des vaccins commandés

Public Sénat glisse que la France a précommandé près de [moins de !] 90 millions de doses de différents vaccins. « Interrogé lors des questions au gouvernement au Sénat ce mercredi 18 novembre, le porte-parole du gouvernement a ajouté que le gouvernement avait mis de côté une somme budgétaire afin de payer une première partie des vaccins d’un montant de « 1,5 milliards d’euros dans le budget de la Sécurité sociale 2021 [… La France] disposera de doses en nombre largement suffisant pour couvrir toute la population ». Et dans dix jours, combien seront-ils ? [… La France] disposera de doses en nombre largement suffisant pour couvrir toute la population. »

La distribution se fera au compte-goutte et contraint. « Pour l’instant, il y a eu 10.000 doses livrées. Mais la vaccination va vraiment débuter en janvier, avec une livraison d’un million de doses. Cela va commencer doucement pour s’assurer de l’organisation », a prévenu Alain Fischer

Inquiets, les sénateurs ont interrogé : va-t-on avoir une pénurie de vaccins ? « Sûrement pas [ce qui ne veut pas dire assurément pas!] . Mais on n’aura pas tous les vaccins qu’on veut en même temps. La France et l’Europe ont fait le bon [l’avenir le dira] choix d’investir dans différents vaccins », a assuré Marie-Paule Kieny.

Remdésivir inefficace : la Commission européenne s’est laissé contaminer par Gilead

La Commission européenne est-elle assez fiable pour recommander la vaccination?

Mais alors, que sont devenus les malades traités au remdésivir?

A l’Assemblée nationale, en réponse aux soupçons du professeur Didier Raoult sur des conflits d’intérêts qui l’auraient incitée à favoriser le remdesivir du laboratoire Gilead contre l’hydroxychloroquine face à la Covid-19, l’infectiologue parisienne Karine Lacombe avait nié: « Je n’ai jamais eu le sentiment qu’il y ait eu un médicament plus poussé qu’un autre, avait affirmé la cheffe du service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP), à Paris, jeudi 25 juin.

Je ne peux pas croire [la foi des scientifiques] que, dans une situation sanitaire aussi exceptionnelle, il y ait eu de la part du Conseil scientifique, de la HAS [Haute autorité de santé] ou de l’Agence du médicament (ANSM), une volonté de ralentir l’arrivée sur le marché de médicaments, […] simplement parce qu’il y avait un laboratoire, aussi puissant puisse-t-il être, qui aurait exercé des pressions, avait imaginé la savante devant la Commission d’enquête sur la gestion de la crise du coronavirus.

Or, dans un entretien du 24 mars, elle démontait la méthodologie des études sur l’hydroxychloroquine, et venait ensuite expliquer aux députés la différence entre conflits et liens d’intérêt…

Depuis le 20 novembre, l’OMS déconseille le Remdésivir pour traiter le Covid.

En octobre, la Commission européenne avait signé un contrat pour permettre aux Etats européens d’acheter jusqu’à 1,2 milliard de dollars de ce traitement. L’institution s’est-elle fait berner ? Les savants de Paris ont-ils participé ?

I – Résultats de l’OMS : fin de partie pour le Remdésivir

Un tournant dans l’interminable feuilleton de la course au traitement contre le Covid-19 ? Vendredi 20 novembre, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rendu un avis négatif contre le Remdésivir, produit par le laboratoire américain Gilead, faute de preuves quant à son efficacité.

La recommandation de l’OMS estime que « les éléments de preuve ne laissent entrevoir aucun effet significatif sur la mortalité, le recours à la ventilation mécanique, l’accélération de l’amélioration de l’état clinique et d’autres résultats sanitaires importants du côté du patient. » Elle s’appuie sur les résultats de quatre essais cliniques internationaux – 7.000 patients au total – notamment Solidarity, l’étude de l’OMS, dont les résultats préliminaires ont été publiés le 15 octobre. Ceux-ci statuaient déjà en défaveur du Remdésivir.

L’enjeu de ces annonces est de taille et les regards se tournent vers la Commission européenne. Au mois d’octobre, cette dernière a en effet conclu un contrat avec le laboratoire Gilead, qui permet toujours aux États européens d’acheter jusqu’à 1,2 milliard de dollars de Remdésivir. De l’argent jeté par les fenêtres ?

II – Comment la Commission européenne a-t-elle été amenée à faire confiance à Gilead ?

Reprenons la chronologie des événements. Le registre de transparence de la Commission [accessible ici] rend compte des rencontres entre la commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides, et la direction de Gilead. Dès le 7 avril, il est question de « discussions sur les potentiels traitements et les essais cliniques en cours« . A cette époque, la France et l’Europe remettent leurs choix de traitement à Discovery et Solidarity, les deux grandes études dites « randomisées » de l’OMS dont la crédibilité méthodologique est attendue comme juge de paix.

Rencontres entre la commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides, et la direction de Gilead.
Source : Registre de transparence de la Commission européenne.

Le 29 avril, les résultats d’une autre étude, sur le sol américain, des National Institutes of Health (dite « ACTT-1 ») sont rendus publics : s’ils ne montrent aucun effet sur la mortalité, ils évoquent une efficacité relative du Remdésivir, sur la durée de rétablissement clinique. Deux jours plus tard, tout s’accélère pour Gilead : la FDA, l’agence américaine des médicaments, délivre une autorisation de mise sur le marché d’urgence et le patron de la firme, Daniel O’Day, annonce faire œuvre de charité en… « donnant » tout son stock aux patients américains.

Retour en Europe. Le 6 mai, une visioconférence a lieu entre la commissaire à la Santé, la Chypriote Stélla Kyriakídou, et Gilead. Les deux parties évoquent « les besoins des Etats membres et la distribution du Remdésivir en cas d’autorisation de mise sur le marché. » Nous voici le 25 juin, bonne nouvelle pour Gilead : le Remdésivir devient le premier traitement à recevoir une autorisation conditionnelle de mise sur le marché européen par l’Agence européenne des médicaments (EMA). Le 6 juillet, nouvelle visioconférence : Stella Kyriakidou et Gilead planchent sur « la future stratégie pharmaceutique » des deux bords. Côté français, le 15 juillet, la France s’aligne et accorde une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) au Remdésivir. 28 juillet : la commissaire européenne Stella Kyriakidou passe un contrat à hauteur de 63 millions d’euros avec Gilead, pour 33.380 patients, via l’instrument d’aide d’urgence (ESI). Un fonds qui puise dans le budget de l’Union européenne, géré de manière centralisée par la Commission pour faire face à la crise sanitaire. En août et en septembre, la Commission livre ces stocks aux Etats qui le demandent, dont la France.

Nous voici en octobre, et son contexte de risque de deuxième vague. Gilead souhaite fournir l’Europe mais sans signer un accord avec chacun des Etats. Le laboratoire cherche à se préserver, en cas de malheur, de plaintes, de procès et de demandes d’indemnisation: il éloigne de lui les plaignants en créant une strate supplémentaire. Le laboratoire et la Commission européenne procèdent alors d’une autre façon. Ils signent, le 8 octobre, un « accord de passation conjointe de marché« . Explications : ce « contrat-cadre » fournit aux Etats européens un accès privilégié au Remdésivir mais c’est à chacun d’entre eux de régler la note via leurs budgets nationaux. Le montant maximal des potentiels achats européens à Gilead grâce à ce contrat ? 1,2 milliard de dollars, à raison de 2.440 dollars par patient traité, selon Reuters. Un montant élevé, quand on sait que son coût de fabrication est estimé à 5.58 dollars, selon les calculs d’une équipe de chercheurs. Par crainte d’une pénurie, de nombreux Etats européens ont passé commande. Soit 640.000 doses (il faut six doses pour traiter un patient), comme le relate l’enquête du Monde.

Mais en plus d’être chers, ces traitements vont devenir encombrants. Une semaine après la signature du contrat-cadre par la Commission européenne, les résultats préliminaires de l’essai clinique Solidarity annoncés par l’OMS le 15 octobre soulignent l’inefficacité du Remdésivir.

La Commission n’était donc pas au courant de ces résultats à venir ? Dans une enquête sur les méthodes de Gilead, le magazine américain Science a interrogé un porte-parole de la Commission. Selon lui, les mauvais résultats de Solidarity, dont Gilead a eu connaissance dès le 23 septembre, n’ont pas été révélés lors des négociations ayant donné lieu au contrat du 8 octobre. Et la Commission n’en a été informée que… le lendemain de la signature de son contrat avec Gilead.

De son côté, la firme américaine s’est justifiée de ce silence auprès de la Commission en affirmant n’avoir reçu à l’époque que des données trop « fortement expurgées » pour lui transmettre. Dans Le Monde, la virologue française Marie-Paule Kieny, qui, pour l’OMS, a participé à Solidarity, donne son avis partisan sur la situation : « Il y a un problème de transparence si la société Gilead – qui connaissait les résultats – n’a pas signalé à la Commission européenne leur existence. Il est aussi regrettable que la Commission n’ait pas pris des renseignements auprès de l’OMS sur l’avancée du plus gros essai mené avec le Remdésivir.« 

III – La méthode Gilead : Solidarity a tort; l’étude »ACTT-1″ a raison

Depuis le désaveu de l’OMS, Gilead continue de défendre le Remdésivir mordicus. Pour cela, la stratégie de Gilead repose sur deux piliers : la relativisation des données de ‘Solidarity‘ (essai clinique international initié en 2020 par l’Organisation mondiale de la santé) pour l’un, et la promotion systématique de l’essai dirigé par les instituts de santé américains (dit « ACTT-1 ») pour l’autre. Celui qui a permis l’autorisation de mise sur le marché de son traitement aux Etats-Unis et en Europe.

Pour relativiser l’échec de l’essai clinique Solidarity  – étude comparée de l’effet de divers traitements (quatre molécules repositionnées (remdésivir, hydroxychloroquine, lopinavir et interféron), sur des patients hospitalisés atteints de maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) –, le jour de la sortie de ses résultats préliminaires, le 15 octobre, le laboratoire a estimé que la validité de l’évaluation était remise en cause par le fait qu' »on ne sait pas si des données concluantes peuvent être tirées des résultats de l’étude« . Dans une lettre ouverte, le 22 octobre, le médecin en chef du laboratoire conteste la rigueur méthodologique de l’OMS (qui dépend directement du Conseil économique et social des Nations unies, basée à Genève) en expliquant que ses tests ont été effectués dans des « régions du monde qui ne participent généralement pas aux études mondiales« , et évoque « la variabilité de la mise en œuvre de l’étude, des contrôles standards des soins et des populations de patients entre les sites d’essai. » Il vante par ailleurs l’étude américaine « ACTT-1 » avec obstination : « Nous savons [!] d’après l’essai « ACTT-1 » que le Remdésivir conduit à une récupération plus rapide de cinq jours chez les patients hospitalisés. » Le groupe a également utilisé les media pour diffuser cet argument. Dans le magazine L’Express le 2 novembre, deux cadres du groupe américain, Diana Brainard et Michel Joly, affirment : « L’essai dirigé par les National Institues of Health (« ACTT-1 ») démontre que notre traitement réduit de cinq jours la durée des symptômes.« 

Ampoule de Remdésivir.

Cette affirmation des « cinq jours de récupération gagnés chez les patients hospitalisés » via l’étude «  »ACTT-1″ » est devenue l’alpha et l’oméga de la rhétorique de Gilead. Puis, pour faire preuve de sérieux, le groupe nuance à son tour les résultats de Solidarity : « Nous restons très prudents quant à l’interprétation des résultats de Solidarity. Nous préférons attendre qu’ils soient publiés dans une revue scientifique et validés par des pairs indépendants. (…) Pour enrôler autant de patients dont les systèmes de soins diffèrent, ils ont dépriorisé la collecte rigoureuse de données.« 

La question reste entière: l’OMS et Solidarity souffrent-elles de problèmes de rigueur ? Les attaques de la part de cadres de Gilead ont provoqué la colère des scientifiques qui ont dirigé l’étude, dont la Française Marie-Paule Kieny. « C’est épouvantable de voir comment Gilead tente de dénigrer Solidarity, a-t-elle déclaré dans Science. (…) Prétendre que cet essai n’a aucune valeur parce qu’il se déroule dans des pays à faible revenu est une injure.« 

VOIR et ENTENDRE (vers 17′) Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à L’Inserm (résidente de Suisse où la Covid bondit actuellement), vaccinologue, présidente du comité scientifique vaccin, ancienne sous-directrice de l’OMS, mais grand-mère qui n’est pas solidaire de ses congénères et entend aller chercher ses petits-enfants à l’école (quoi qu’en dise le premier ministre Castex), et Mathias Wargon, chef brut de décoffrage des urgences SMUR de l’Hôpital Delafontaine à Saint-Denis, qui déblatère sur tout le monde, mais « qui se met en valeur » volontiers dans les media, de son propre aveu, tout en ne tolérant pas qu’un avis contraire puisse s’exprimer dans les media, invités de Nicolas Demorand dans le Grand entretien de… France Inter, attaquer leurs contradicteurs, dont « Raoult », comme le dit l’époux vulgaire de la secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, mais aussi les réseaux sociaux diabolisés:

« Les media ont fait de certains, qui avaient des positions scientifiques qui ne tenaient pas, des vedettes »

Philippe Froguel, professeur au CHU de Lille et à l’Imperial College de Londres, apporte à Marianne son éclairage : « C’est une technique très classique des grands labos pour décrédibiliser une étude, que Servier a utilisée dans l’affaire du Mediator : ‘pile je gagne, face tu perds’. Une petite étude ? Elle est trop peu significative. Une grosse étude ? Ses critères sont trop peu rigoureux car parmi les patients certains viennent de pays trop lointains. Gilead parvient alors à mettre en doute les résultats de Solidarity. »

« On peut trouver une efficacité à toute étude si l’on retient seulement les patients qui ont les yeux bleus et une jambe de bois. » (Marie-Paule Kieny)

Quid, maintenant, du second argument massue de Gilead, ces « cinq jours de récupération gagnés chez les patients hospitalisés » que suggère l’étude « ACTT-1 » ? Rappelons d’abord qu’elle a été menée en partenariat avec les instituts de santé américains. Mais surtout que, selon une enquête du Washington Post, les chercheurs du gouvernement chargés de l’étude ont modifié les critères d’évaluation du Remdésivir pendant son déroulement : « Le taux de mortalité comme mesure primaire des résultats a été retiré, remplacé par le temps que mettent les patients à se rétablir. » Ce changement de critère (consultable sur le site gouvernemental qui supervise les essais cliniques américains) opéré deux semaines avant les autorisations émises par l’agence américaine des médicaments (FDA) et la première invocation de ces « cinq jours de récupération gagnés », avait suscité la consternation des spécialistes en essais cliniques interrogés par le Washington Post. Comme Henry Drysdale, expert en transparence des essais cliniques de l’Université d’Oxford : « Il est extrêmement inquiétant que ces résultats très importants aient été écartés du résultat principal.« 

Dans Science, Marie-Paule Kieny procède par métaphore pour décrire les biais de Gilead et son obstination à s’en remettre à l’étude américaine « ACTT-1 » : « On peut trouver une efficacité à toute étude si l’on retient seulement les patients qui ont les yeux bleus et une jambe de bois.« 

IV – La Commission européenne reprend la défense de Gilead

« ACTT-1 » ou non, depuis, l’étude de l’OMS a fourni ses résultats. Dès lors, une question se pose : comment la Commission européenne, qui a signé un tel contrat avec Gilead, considère-t-elle les conclusions de l’OMS ? Cette dernière s’explique : « Nous prenons note que l’OMS a maintenant mis à jour ses lignes directrices sur l’utilisation du Remdésivir. L’Agence européenne des médicaments a demandé les données complètes de Solidarity à l’OMS et évaluera les preuves de l’essai Solidarity, ainsi que d’autres données disponibles, pour voir si des modifications sont nécessaires à son autorisation de mise sur le marché. Pour le moment, il n’y a aucun changement aux utilisations autorisées de Remdésivir.« 

Si une nouvelle étude de l’Agence européenne des médicaments est en cours, la Commission européenne ne se déjuge pas sur le Remdésivir pour le moment. La virologue Marie-Paule Kieny n’a  guère de doute sur la suite : « Les données complètes de Solidarity viendront compléter prochainement les données préliminaires déjà publiées et renforceront sans nul doute les résultats déjà communiqués, » assène-t-elle.

La Commission européenne préfère donc justifier sa position et l’autorisation de mise sur le marché européen du Remdésivir en invoquant l’étude « ACTT-1 » et l’argument des « cinq jours de récupération gagnés ». Elle affirme : « L’autorisation de mise sur le marché conditionnelle du 3 juillet 2020 est basée sur un essai randomisé (« ACTT-1 »), qui a montré une amélioration du temps de récupération chez les patients hospitalisés. Plus précisément, dans la population globale de l’étude, les patients traités par Remdésivir se sont rétablis après environ 11 jours, contre 15 jours pour les patients sous placebo. » Au moins 220 millions d’euros empochés.

« C’est cynique, mais Gilead est dans son rôle en signant des contrats, tout en sachant que les résultats sont négatifs, ils font comme toutes les entreprises : tout ce qui n’est pas illégal pour se vendre est du registre du possible. Le vrai problème, c’est que la Commission ait donné son feu vert dans ces conditions« , résume Philippe Froguel. Comment expliquer une telle confiance en Gilead de la part de la Commission européenne ? Le registre de transparence de la Commission [consultable ICI] nous renseigne sur le budget annuel de Gilead en lobbying auprès des instances européennes : environ 800.000 euros, en 2019. Mais il s’agit de pratiques courantes pour la Commission, d’un montant comparable à ceux des autres labos : 300.000 euros pour AbbVie et 800.000 pour Pfizer sur la même période.

Les regards se tournent désormais vers l’exécutif européen, alors que les annonces de Solidarity risquent de mettre un coup d’arrêt aux commandes de Remdésivir. Et que Gilead risque de ne pas atteindre le pactole potentiel de 1,2 milliard de dollars. L’enquête du journal Le Monde dénombre 640.000 doses déjà vendues, lesquelles ont rapporté plus de 220 millions d’euros à Gilead. Toujours selon le quotidien, trente-sept pays, dont certains n’appartenant pas à l’Union européenne, mais que la Commission a incorporé au contrat, ont apposé leur signature avec Gilead. Et il est désormais impossible pour eux de renoncer à celles-ci, ni de renégocier les prix durant les six prochains mois. La Belgique, par exemple, a dépensé 4.3 millions d’euros via ce contrat, et la commande a été passée après les résultats négatifs de Solidarity, rendus le 15 octobre. Dans la presse, le ministre de la Santé belge a expliqué qu’il ne prenait en compte « que les directives européennes« , celle de la Commission et de l’Agence européenne du médicament, favorables au traitement.

V – La France et le Remdésivir : une relation complexe

La France tente-t-elle un coup de poker ? Comme l’explique Le Monde, elle fait exception parmi la frénésie de commandes d’octobre. Notamment grâce à un garde-fou. La Haute Autorité de santé a considéré le 17 septembre que le service médical du Remdésivir est faible et que l’accès à son remboursement n’est pas justifié, en statuant sur les résultats de l’essai ACTT-1.

Reste que si la France n’a pas participé à cette commande groupée, les directives de la Direction générale de la santé (DGS), appuyées sur celles de la Commission européenne, ont conduit, jusqu’à ce mois de novembre, à l’utilisation des stocks de Remdésivir payés par la Commission en juillet, malgré les avis négatifs de la Haute autorité de Santé. C’est ce que prouve une note de la DGS, signée par Jérôme Salomon, qui a fuité dans la presse, ci-dessous. Datée du 14 octobre, elle invoque « l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle de la Commission européenne« , et annonce une « mise à disposition des prescripteurs hospitaliers des doses allouées par la Commission européenne« . Cette note suggère aux hospitaliers de passer outre la fin de l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) du traitement en France, qui a eu lieu le 23 octobre. Et évoque des livraisons de Remdésivir aux hôpitaux allant jusqu’au 1er novembre (semaine 44).

Note de la Direction générale de la Santé (DGS) en date du 14 octobre.
© Document « Marianne ».

D’où une situation plus qu’ubuesque sur le terrain, où des stocks de Remdésivir ont continué d’affluer jusqu’à début novembre malgré les résultats négatifs de l’annonce finale de l’OMS du 20 novembre. Un infectiologue parisien, très gêné par les consignes de prescription de Remdésivir du pharmacien-chef de son hôpital, témoigne : « Certains hôpitaux parisiens utilisaient encore le Remdésivir jusqu’à fin novembre. Ces prescriptions qui s’assoient sur les recommandations de la Haute autorité de Santé [HAS] et de l’OMS montrent l’influence de la démarche de la Commission européenne. Certains ont tout de même refusé le Remdésivir, d’autres y recourent toujours dans leur protocole de soin. » Alors que le protocole du professeur Raoult, à base d’hydroxychloroquine, est banni.

Des difficultés avec les soignants français qui ne perturberont que peu le géant américain. De son côté, alors que l’OMS vient d’annoncer l’inefficacité de sa molécule, il a vu son chiffre d’affaires trimestriel augmenter de 17 % à 6,58 milliards de dollars : près de 900 millions de dollars supplémentaires. 2020, une belle année pour Gilead au bout du compte.

Défiance des Français pour les savants : la campagne de vaccination pourrait en pâtir

Sans surprise, les Français demeurent méfiants face à l’arrivée d’un vaccin contre le Covid-19. D’après un récent sondage Ipsos, seuls 54% de nos concitoyens seraient disposés à se faire vacciner dans l’année où il sera disponible. « On est sur une défiance en France bien supérieure à nos voisins », explique la Fondation Jean-Jaurès. Ils étaient encore 59% (+4%) en août. Un faible score, comparé à ceux du Brésil, de la Corée du Sud ou encore de la Chine, où l’acceptation dépasse les 80%, et alors que le Royaume Uni ouvre ce lundi sa campagne de vaccination.  

Les récents débats entre scientifiques ont « largement sapé » la confiance des citoyens envers les institutions scientifiques, observe Antoine Bristielle, professeur agrégé en sciences sociales et auteur de l’étude.

Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, « le taux de confiance dans les scientifiques a chuté de 95 % à 75 %« , indique Antoine Bristielle, mardi 17 novembre. Selon lui, « c’est extrêmement problématique pour avoir un assentiment vis-à-vis de la politique sanitaire et sur le vaccin en particulier ».

Antoine Bristielle : Ce sont des chiffres qui sont extrêmement importants. Donc si on regarde, il y a à peu près 54% seulement des Français qui accepteraient de se faire vacciner alors que chez nos voisins allemands, par exemple, c’est 69%, au Royaume-Uni c’est 79%. Donc, on est en France sur une défiance par rapport au vaccin contre le Covid qui est bien supérieure à nos voisins.

Cette défiance par rapport au vaccin ne date pas d’hier d’ailleurs ?

Non, en France on est défiant globalement par rapport au vaccin et c’est sûr que c’est renforcé avec le vaccin contre le Covid, vu qu’il n’y a pas forcément de recul par rapport à celui-ci. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles beaucoup de personnes déclarent être, à l’heure actuelle, réticentes à se faire vacciner. C’est aussi une peur des effets secondaires.

Ce sont les débats entre les scientifiques depuis des mois qui alimentent ça ?

Oui, bien sûr. Sur certains plateaux de télévision [les réseaux sociaux ne sont pas coupables ?], il y a eu une telle mise en scène, parfois artificielle, de controverses entre des scientifiques qu’on était dans une sorte de brouhaha permanent qui fait que l’autorité scientifique a été largement sapée. Et on a cette perte de la confiance envers les institutions scientifiques.

LIEN PaSiDupes sur la défiance des Français face à la vaccination contre la Covid

Randonnée Ski Découverte de Martigues

Marcher est dans notre Nature

PaSiDupes

Blog satirique et indépendant d'actualité politique française et d'opinion