Inscrire l’IVG dans la Constitution pour en faire une liberté « irréversible »: Macron dit-il vrai ?

Pour imprimer sa marque dans la constitution, Macron craint de recourir au référendum ou au Parlement réuni en Congrès

Les naissances ont baissé de 7 % au premier semestre 2023.

Nouveau coup porté à notre politique de natalité à l’occasion de la fête de tous les morts. Et pourtant, trois constitutionnalistes l’assurent : c’est du pipeau !

Le 29 octobre, Macron a annoncé son intention de faire graver le recours à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. Le président en avait pris l’engagement le 8 mars 2023, répondant aux inquiétudes nées de l’annulation – pendant le mandat de Joe Biden – il y a un an et demi (2021) de l’arrêt Roe vs Wade de 1973 garantissant aux Etats-Unis le droit d’avorter sur tout le territoire. 25 Etats avaient prévu de passer des lois anti-avortement après l’invalidation de l’arrêt Roe contre Wade. 

« Le projet de loi constitutionnelle sera envoyé au Conseil d’État cette semaine et présenté en Conseil des ministres d’ici la fin de l’année », a annoncé le chef de l’Etat sur le réseau social X (ex-Twitter) le même jour. Avant d’ajouter : « en 2024, la liberté des femmes de recourir à l’IVG sera irréversible »...

En annonçant la révision de la Constitution pour y inscrire « la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse » (IVG), Macron a affirmé qu’elle serait, dès 2024, « irréversible ». C’est faux, soulignent trois constitutionnalistes. Inscrire le recours à l’IVG – aujourd’hui reconnu dans une loi ordinaire – dans la Constitution aurait une forte portée symbolique et compliquerait les tentatives de le supprimer ou de lui porter gravement atteinte, mais il pourrait toujours être abrogé par une nouvelle révision constitutionnelle. En outre, soulignent plusieurs experts, les termes du projet de loi, qui définirait l’IVG comme une « liberté » et non un droit fondamental, dépendront de l’interprétation du législateur pour en définir les conditions d’accès, y compris, s’il le souhaite, pour les restreindre.

Que prévoit ce projet de loi constitutionnelle?

Cette décision fait suite à un travail parlementaire entamé l’année dernière. La cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot avait fait adopter en novembre 2022 une proposition de loi constitutionnelle en première lecture à l’Assemblée, garantissant le « droit à l’interruption volontaire de grossesse ».

Que ce soit LFI qui porte cette demande relève du gag : ce mouvement s’engage – s’il arrivait au pouvoir – à changer de constitution ! Il promet de passer à une VIe République…

C’est une supercherie aussi du fait que, pour des raisons religieuses, l’électorat musulman de LFI, soit 69% du « vote musulman« , est farouchement opposé à l’IVG comme aux « libertés » des femmes…

Tweet du Collectif contre l’islamophobie en Europe

Le Sénat a cédé au projet de Macron, malgré sa démagogie aujourd’hui dénoncée. A son tour, il l’a approuvé en février, se contentant d’inscrire la « liberté de la femme » de recourir à l’IVG, plutôt que son « droit« ...

A l’article 34 de la Constitution française, le projet de loi constitutionnelle prévoit d’ajouter un alinéa.

Il indiquerait que : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Pour réviser la Constitution, il existe deux procédures, différentes si l’initiative vient du président de la République ou des membres du Parlement et faute de référendum d’initiative citoyenne, preuve que le projet n’est pas l’émanation d’une volonté populaire.

Si la révision est portée par le Parlement, elle doit être validée par référendum. Si elle est lancée par le président de la République, comme c’est le cas actuellement, elle peut être approuvée soit par référendum, soit par une majorité des trois cinquièmes du Parlement réunis en Congrès, la réunion des deux chambres du Parlement : Assemblée nationale et Sénat.

Actuellement, l’interruption volontaire de grossesse est déjà garantie par une loi ordinaire, celle du 17 janvier 1975 dite « loi Veil ».

Depuis 1975, des lois successives ont permis d’élargir le cadre de prise en charge de l’IVG, qui peut aujourd’hui être pratiquée jusqu’à la fin de la 14e semaine de grossesse, soit 16 semaines après le 1er jour des dernières règles.

Comme toute loi ordinaire, la législation sur l’IVG peut être abrogée ou modifiée. Inscrire le recours à l’avortement dans la Constitution compliquerait toute tentative du législateur de supprimer ce droit ou d’y porter gravement atteinte, mais, comme nous allons le voir, ne le rendrait pas « irréversible », contrairement à ce qu’a annoncé Macron, un ex-banquier qui se soucie de la Constitution comme d’une guigne ou, faute d’enfant de son sang, comme d’un support pour sa postérité.

Cela rendrait-il le recours à l’IVG « irréversible »?

« Une garantie constitutionnelle est plus forte qu’une garantie législative donc la garantie de recourir à l’IVG sera bien renforcée mais elle ne sera pas irréversible puisque tout ce que le législateur constitutionnel fait, il peut le défaire« , a rappelé, le 30 octobre, Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille.

Si l’IVG était inscrit dans la Constitution, il  y aurait bien à franchir un obstacle supplémentaire pour l’abroger puisqu’une nouvelle révision constitutionnelle serait nécessaire. Il faudrait donc, en plus de la navette parlementaire, que la révision soit adoptée par une majorité des trois cinquièmes du Parlement réunis en Congrès ou par référendum.

« C’est logique : si on révise la Constitution maintenant pour y inscrire cette mesure, on peut la réviser exactement de la même manière pour désinscrire ou modifier la garantie d’accéder à l’IVG », a abondé le 30 octobre Lauréline Fontaine, professeure de droit public et constitutionnel à la Sorbonne-Nouvelle.

« On pourrait même imaginer qu’un exécutif adopte une toute nouvelle Constitution », souligne Mathilde Philip-Gay, professeure de droit public à Lyon III, interrogée le 30 octobre.

En 2022, le candidat LFI Jean-Luc Mélenchon avait par exemple affirmé qu’en cas de victoire à l’élection présidentielle, il engagerait un référendum pour demander aux citoyens s’ils souhaitaient une « nouvelle Constitution » pour dessiner les contours d’une VIe République.

Une forte portée symbolique

Après l’annonce du président de la République, plusieurs associations se sont félicitées de ce projet de loi constitutionnelle. Pour Sarah Durocher, présidente du Planning familial, le 31 octobre, il s’agit bien d’une « victoire », qui répond à une « demande exprimée depuis plus d’un an ».

Ces dernières années, plusieurs pays européens ont éprouvé la nécessité de recadrer leur législation sur l’avortement, ce qui fait craindre un recul de ce droit sur le continent et démontre que l’intention de Macron n’est rien moins qu’un coup de com’. La Hongrie appelle désormais les femmes à « écouter les battements de cœur » avant tout avortement, tandis qu’en Pologne, l’IVG n’est plus réservée qu’aux cas sensibles de danger pour la vie de la personne enceinte ou si la grossesse découle d’un viol ou d’un inceste.

« La France pourrait être le premier pays à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution. Ce faisant elle montrerait la voie et plus encore elle enverrait un signal fort à toutes celles et ceux qui dans le monde se battent pour défendre le droit à l’avortement »se flattaut par avance le 28 septembre 2023 la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Etre les premiers, pour le meilleur et pour le pire, et montrer la voie quand on recule du 5e rang mondial des puissances militaires au 9e, derrière le Pakistan, selon Global Firepower, et 7e puissance économique du monde, en 2017, devant la Turquie, ce qui veut dire que notre niveau de vie individuel recule par rapport aux meilleurs de la classe, depuis que Macron est à l’Elysée (2014).

« Le droit à l’IVG, qui est tellement remis en cause dans certains pays [dont les USA] et qui est encore interdit dans d’autres, doit être sanctuarisé en France », avait aussi défendu la ministre française chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes Bérangère Couillard auprès de l’AFP le 17 octobre. « Ce message porté à l’international peut aussi faire écho et inverser la tendance du recul ».

« Rien ne pourra protéger de manière définitive l’IVG mais il est intéressant de voir qu’en cette période de recul, un président prend la peine d’inscrire l’avortement dans la Constitution. Symboliquement la France, pays de Simone Veil, réaffirme l’accès à l’IVG comme un droit inaliénable », a de son côté réagi Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne et fondatrice de la Maison des femmes à Saint-Denis, le 31 octobre.

« Liberté » ou droit fondamental

Autre point: la forme du texte pour introduire la garantie du recours à l’IVG dans la Constitution fait encore l’objet de débats.

Si la Première ministre Elisabeth Borne a affirmé le 29 octobre sur X (ex-Twitter) que « rien ne doit entraver le droit fondamental à recourir à l’avortement », le projet de loi constitutionnelle prévoirait d’inscrire l’IVG sous forme de « liberté » et non de « droit ».

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« Ce projet veut inscrire le fait que l’IVG sous le terme de ‘liberté’, or le Conseil constitutionnel a déjà dit que c’était une ‘liberté constitutionnelle’, donc ça ne changerait rien de manière concrète », regrette Mathilde Philip-Gay .

Depuis la décision du 27 juin 2001, confirmée notamment en 2017, le Conseil constitutionnel reconnait cette liberté, qui découle du principe général de liberté posé à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, explique ainsi le site VIe République.

Des manifestantes déploient une banderole avec l’inscription « l’avortement est un droit fondamental » à Paris, le 28 septembre 2023

Après l’annonce du président, la Fondation des Femmes, qui s’est félicitée de cette avancée dans un communiqué, a tenu à préciser qu’elle « serait attentive à la mise en œuvre de cette annonce et la rédaction retenue » estimant qu' »avorter est un droit fondamental ».

Cette fondation est une pompe à fric. La direction de France Télévisions apporte une aide de 7.000 euros à la Fondation des Femmes, dont la dirigeante, Anne-Cécile Mailfert, est également, selon Le Canard Enchaîné, la compagne d’un proche de Delphine Ernotte, sa pédégère.

Dans un avis communiqué le 28 septembre 2023, la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait, elle aussi, appelé à « d’inscrire le droit à l’IVG dans l’article 1er de la Constitution » et « d’adopter une formulation qui garantisse un principe de non régression par rapport à l’état du droit actuel ».

« La ‘liberté’ est un terme à la fois juridique et philosophique avec des interprétations multiples, alors que le droit est un terme  juridique et une norme assortie de sanctions. Le droit apparaissait plus fort, plus clair », a souligné le 31 octobre Jean-Marie Burguburu, avocat de 78 ans et président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui regrette que l’exécutif n’ait pas tenu compte de l’avis consultatif de la CNCDH, dite « indépendante », mais dont les membres sont nommés par arrêté du premier ministre, après l’avis d’un Comité de magistrats – non élus – appartenant aux grands corps institutionnels.

En 2023, la Ligue des droits de l’homme (LDH) accuse l’Etat d’avoir délibérément empêché les secours d’accéder aux blessés lors de la manifestation contre la construction d’une méga-bassine à Sainte-Soline le 25 mars dernier. Burguburu adresse alors, le 7 avril, un courrier à la première ministre Elisabeth Borne pour défendre la DH. Peu après, la Licra, membre de la CNCDH, annonce qu’elle se se désolidariser de ce courrier envoyé notamment en son nom dont elle juge la rhétorique « radicale ».

« On aurait préféré le terme ‘droit’ au terme ‘liberté’, et un un terme plus inclusif comme ‘toutes les personnes en demande d’avortement’ plutôt que ‘femme’. Mais on est dans une situation en Europe qui fait que la meilleure écriture est celle qui sera votée le plus rapidement possible et c’est un compromis », estime de son côté la présidente du Planning familial Sarah Durocher, qui aimerait que la « procédure soit rapide » et se fasse par un vote du Congrès et non par référendum « pour ne pas laisser une tribune aux anti-choix ».

« Si le président voulait vraiment renforcer la garantie à l’IVG il l’introduirait, non pas à l’article 34, mais sous forme de droit fondamental à l’article 1er, 2 ou 66 par exemple… Cela forcerait à garantir l’égalité d’accès à ce droit et il serait renforcé : dans les mêmes conditions partout sur le territoire par exemple », regrette de son côté Mathilde Philip-Gay.

Notamment alors que, souligne la gynécologue-obstétricienne Ghada Hatem, l’accès à l’IVG reste « très inégal en France avec d’importants déserts médicaux dans les régions rurales qui peuvent causer un dépassement du délai légal de recours à l’IVG » .

Or, selon le projet de loi constitutionnelle envisagé, l’inscription révision serait enfouie à l’article 34 et non affichée au 1er, de la Constitution, au titre V relatif aux « rapports entre le Parlement et le gouvernement »…

« L’article 34 porte sur la distinction entre la loi et le règlement. Nous pensons que le droit à l’IVG, par conséquent, ne trouve pas sa place légitime et rationnelle que dans l’article 1. [Au même rang que la République, les Droits de l’homme, les principes de la souveraineté nationale ou les principes de liberté, d’égalité et de fraternité…] Il est difficile de revenir en arrière, même avec une réforme constitutionnelle, sur les grands principes généraux comme ceux qui font partie de ce qu’on appelle le ‘bloc de constitutionnalité’[comme par exemple le préambule de la Constitution de 1946]. Car un droit nouveau, même inscrit dans la Constitution, peut être supprimé, surtout à l’article 34, et la France a plusieurs fois amendé, voire changé de Constitution », poursuit le président de la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme).

« En outre, il faut lire entre les lignes: cette révision permet au législateur d’organiser les conditions dans lesquelles s’exercent l’IVG. Dans les faits,  ça ne change rien au régime juridique existant car c’est déjà le législateur qui détermine les conditions dans lesquelles s’exerce cette liberté avec la loi Veil de 1975. Il peut décider d’interdire l’IVG au moins de 18 ans, la réserver en cas de handicap ou de danger pour la santé de la mère par exemple. Les conditions peuvent très bien être des restrictions donc ça ne protège pas davantage qu’actuellement », souligne Mathilde Philip-Gay.

« Tout dépendra de l’interprétation qu’on aura et notamment le Conseil constitutionnel si un jour il est saisi d’une telle question des termes ‘qui lui est garantie’, cela peut être uniquement en cas de viol ou dans un certain délai par exemple », cite de son côté Jean-Philippe Derosier.

Ces modalités d’accès: prise en charge ou non par la sécurité sociale, délai légal pour y avoir recours continueront donc à dépendre des lois en vigueur. « Symboliquement, cette inscription est une affirmation de principe qui peut être considérée comme forte mais qui au regard des évolutions sociétales assez rapides n’empêche pas à l’avenir de nouveaux changements », pointe ainsi Lauréline Fontaine,« sauf à ce qu’on constitutionnalise l’IVG en l’état, par exemple avec un nombre de semaines minimum en dessous duquel la loi ne peut pas revenir ».

Or ce n’est pas envisagé pour le moment, et cela serait délicat, selon Mathilde Philip-Gay. La professeure de droit public souligne que cela impliquerait qu' »à chaque modification des conditions d’accès à l’IVG l’avenir, par exemple du délai légal, il faudrait passer par une révision de la Constitution, ce qui serait très complexe en termes de droit et trop rigide ». Et en termes de respect des consciences.

Les derniers chiffres officiels font état d’un nombre d’IVG en hausse en 2022 (234.000) après deux années de baisse exceptionnelle liée à l’épidémie de Covid-19.

Loi sécurité globale: les députés LREM grondent contre l’exécutif

Un vent de révolte se lève dans le parti du président

Les députés de La République En marche sont vent debout contre la commission mise en place par Jean Castex pour réécrire l'article 24 de la loi sécurité globale.

La proposition de Jean Castex de créer une commission pour réécrire l’article 24 de la loi sécurité globale suscite une forte colère parmi les députés LREM, qui se sentent humiliés et victimes des erreurs du gouvernement. Le président de l’Assemblée, Richard Ferrand, a dit au premier ministre sa « vive émotion » et son « opposition ».

C’est l’un des vice-présidents de l’Assemblée nationale, Hugues Renson, qui le dit sur Twitter. « Si la loi votée suscite résistance et incompréhension, c’est au Parlement d’y revenir. Et parfois, renoncer est plus sage que s’obstiner. Les comités Théodule pour sauver des dispositifs, ça ne fonctionne pas. »… Et ils sont très nombreux à penser comme lui. La proposition du premier ministre Jean Castex d’instaurer une commission indépendante pour réécrire l’article 24 de la loi sécurité globale suscite la colère de députés La République En marche (LREM). Elle soulève un vent de révolte.

Richard Ferrand, proche parmi les proches de Macron, s’est lui-même entretenu ce vendredi matin au téléphone avec Jean Castex pour lui transmettre  le malaise des troupes. L’entourage du président LREM de l’Assemblée nationale explique qu’il « a indiqué [au premier ministre] que s’il est loisible au gouvernement de s’entourer des éclairages qu’il souhaite recueillir, il n’appartient pas au gouvernement de substituer aux prérogatives parlementaires les travaux d’une commission extérieure ».

« Etonnement », « paillasson », « humiliation »

Depuis jeudi soir, les députés de la majorité manifestent leur mécontentement, parfois publiquement, tandis que Christophe Castaner, le patron du groupe, a fait part de son « étonnement ». « Paillasson », « humiliation »… Dans les échanges entre les députés, les mots sont forts, à la hauteur du malaise. « On a été élu pour répondre à la crise démocratique, à la crise de confiance. Elle ne se résout pas en faisant passer le Parlement pour quantité négligeable, en passant au-dessus ou à côté de lui », dénonce Aurore Bergé, députée des Yvelines et présidente déléguée du groupe LREM à l’Assemblée nationale. La fronde touche l’ensemble du groupe et pas seulement ceux qui ont l’habitude de faire entendre leur voix.

Majorité humiliée pour incompétence. « Le groupe LREM prend acte de l’annonce faite par le ministre de l’Intérieur concernant la création d’une commission indépendante chargée de faire des propositions à la représentation nationale. Les députés du groupe LREM rappellent leur attachement au travail parlementaire, garant de l’équilibre de nos institutions », a rappelé le groupe sur son compte Twitter, dans une réaction aussi sobre qu’inédite.

L’esprit de victimisation passe des anti-racistes, anti-flics aux élus du président. Les indignés ont juste été incapables de redresser le texte du projet au moyen d’amendements. Et ils l’ont néanmoins voté !

Allié à LREM, le groupe MoDem a lui aussi fait part de son embarras par la voix de son président, Patrick Mignola. « A quoi sert l’Assemblée Nationale ? Avant, face à un problème, on créait une commission, maintenant on convoque une convention (citoyenne). Avant, pour faire une loi, on travaillait au Parlement, maintenant on invente un Comité de « Bavardement » (d’experts). Ces Comités Théodule ne nous concernent pas : le processus législatif est en cours, nous modifierons la loi Sécurité Globale sur la base du texte qui reviendra du Sénat », a-t-il indiqué sur Twitter.

La pilule est d’autant amère pour les députés que le texte sécurité globale est une proposition de loi signée par la quasi-totalité du groupe, mais reprise en mains par le gouvernement, notamment sur l’article 24 qui a mis le feu aux poudres. Ils ont donc l’impression de payer les erreurs de l’exécutif (sic), qui cherche un moyen de calmer le jeu autour de cet article, dans un contexte où deux épisodes de violences policières ont suscité une grande émotion [que d’émotion pendant ce quinquennat !] cette semaine.

Nouvelle coïcidence, après la résistance à l’état de droit de migrants illégaux Place de la République. Réagissant pour la première fois à la vidéo montrant – hors contexte – un producteur de rap, Michel Zecler, tabassé par des policiers, Macron s’est déclaré « très choqué », bien que peu accessible à de l’empathie, a indiqué ce vendredi son entourage.

Macron fait reprendre le texte par le gouvetnement

Affront aux deux rapporteurs LREM,Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot. Si la loi a été votée mardi dernier à une large majorité, son article 24 – qui crée un délit punissant la diffusion d’images de forces de l’ordre dans le but de leur nuire, sans interdire des photos informatives de l’événement lui-même – suscite toujours une opposition de plus en plus forte (de l’opposition de gauche principalement), et – sur le fond – prend la majorité en défaut. Certains ont voté par conviction, d’autres par esprit moutonnier. L’épisode de la commission est d’autant plus mal vécu, alors que les relations de la majorité avec Jean Castex se sont dégradées, en moins de cinq mois. « Il est vu comme un technicien qui n’a pas d’historique avec le groupe de députés », note un conseiller de l’exécutif.

Goutte d’eau

Créée à l’initiative de Gérald Darmanin, cette commission pour réécrire l’article 24 aura à sa tête le président de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH, fondée en 1947), l’avocat Jean-Marc Burguburu, nommé début février dernier. En avril 2019, Jean-Marie Delarue en avait claqué la porte à la fin d’octobre à cause de tensions liées à sa volonté de réformer les méthodes de travail… Elle doit rendre ses travaux d’ici à la fin de l’année, alors que la loi sécurité globale doit arriver en février au Sénat et revenir en mars à l’Assemblée nationale.

Agé de 74 ans, J.-M. Burguburu est une personnalité reconnue du monde judiciaire : ancien bâtonnier du barreau de Paris, ancien président du Conseil national des barreaux, il a également dirigé l’Union internationale des avocats. Mais c’est un organe dont les avis restent consultatifs et rarement suivis par le gouvernement. « A ce jour, la commission n’est pas consultée assez souvent. Elle se saisit des questions au lieu de répondre aux questions qui lui seraient posées », a déclaré J.M. Burguburu. « Je souhaite que cela change, que les différents ministères puissent nous poser des questions et que nous puissions répondre dans des avis un peu moins longs et plus faciles à mettre en œuvre. »

La CNCDH a récemment rendu des avis critiques sur des mesures gouvernementales, notamment sur l’accueil des migrants en hébergement d’urgence, et s’est prononcée pour le rapatriement « sans conditions » des enfants de djihadistes français retenus en Syrie.

Après la mise en place de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), qui avait déjà contrarié certains députés qui se sentirent dépossédés, après l’état d’urgence sanitaire qui minimise le rôle du Parlement, après des conditions de travail très dégradées au Palais-Bourbon, cet épisode ressemble à une goutte d’eau qui fait ressortir toute l’amertume des parlementaires. « Ceux qui font la loi, qui votent la loi, ce sont les parlementaires et personne d’autre », a déclaré, vendredi matin sur LCI, Marc Fesneau, le ministre des Relations avec le Parlement, qui rame pour justifier son maroquin. « Un autre Article 24 (Constitution de 1958 celui-là) : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ». Voilà. Simple, clair, net. Confiance pleine et entière à la démocratie représentative », a ajouté le MoDem Marc Fesneau sur Twitter un peu plus tard dans la matinée, preuve qu’il a atteint le niveau de 1ère année de licence en droit. Il en faudra sans doute plus de niveau pour restaurer la confiance.