Des magistrats dénoncent un « renforcement de l’Etat policier »

Les policiers ont face à eux des casseurs et des magistrats

Confortés par le soutien de leur ministre de tutelle Gérald Darmanin, les syndicats de policiers continuent de faire connaître leurs revendications, au premier rang desquelles : modifier la loi et assurer un statut particulier aux fonctionnaires de police. Dans un entretien avec Le Figaro, Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police FO presse pour « légiférer rapidement ». « Nous voulons des magistrats spécialisés sur l’usage des armes par les forces de l’ordre, qui tiennent compte du fait qu’un policier qui utilise son arme n’imaginait pas l’utiliser cinq secondes avant », explique-t-elle, soulignant la pression qu’impose la délicate réactivité au danger auquel ils sont confrontés face à des délinquants sans foi ni loi, encouragés à la révolte, sous tous les prétextes, par l’extrême gauche politique et la plupart des media soumis à la peur.

La policière justifie sa demande sur RTL, mettant en cause un manque de discernement de magistrats sous emprise de l’idéologie diffusée en Ecole nationale de la magistrature (ENM). « On estime qu’ils n’ont pas toujours conscience des conditions dégradées de stress dans lesquelles les policiers font usage de leur arme et du coup qu’ils ne savent pas toujours bien apprécier les dossiers », affirme Linda Kebbab. Même si elle ne précise pas la forme que prendraient ces « magistrats spécialisés », cela laisse entendre que le syndicat Unité SGP Police FO plaide pour l’instauration d’une juridiction spécialisée. « On en a peu en France, indique Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences en droit public et constitutionnaliste à Sciences Po Paris. Il existe des juges spécialisés avec le parquet national antiterroriste (PNA) ou le parquet national financier (PNF), par exemple. Mais en général, cela passe par un domaine de compétence ».

Remise en cause de l’article 6 de la DDHC

La constitutionnaliste juge la demande des syndicats de police singulière : « On accorderait un statut particulier aux policiers, eu égard à la qualité de ses fonctionnaires de police, mais pour des délits de droit commun et non pas par rapport à des délits spécifiques ». Du point de vue constitutionnel, Anne-Charlène Bezzina estime que cela pose « la question de l’égalité devant la loi », garantie par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui figure dans la constitution de la Ve République.

Sur le fond, elle estime que « l’état actuel de notre droit est suffisant ». « Quand on parle de l’usage de l’arme et de la question du positionnement de l’agent au moment de s’en servir, cela relève des circonstances du délit et tous les juges sont déjà obligés de se prononcer en fonction des circonstances », expose Anne-Charlène Bezzina. Le font-ils dans les faits ou cèdent-ils à la pression médiatique et politique traversée par l’émotion ?

De plus, elle précise que pour individualiser les peines, les juges consultent des organismes comme l’IGPN qui « connaissent bien l’exercice de la profession de policier ».

Nécessaire actualisation du droit protégeant les policiers

Lorsqu’elle a pris connaissance de la proposition des syndicats de policiers sur les magistrats, Cécile Mamelin, vice-président de l’Union syndicale des magistrats (USM) qui se revendique apolitique, mais marquée à gauche, n’en est pas revenue : « J’ai l’impression de vivre dans un cauchemar démocratique ». Elle dénonce le « procès en illégitimité » qui est fait aux magistrats : « Nous ne sommes pas dans des sphères dorées, on a fait des stages (!!) à l’école de la magistrature et on échange (!!) régulièrement avec des policiers ». Et on suit les séries policières !

La vice-présidente du premier syndicat de la profession estime aussi que « les forces de l’ordre sont particulièrement protégées. » Ainsi, « les textes de lois sur les violences commises sur des policiers prévoient déjà des peines aggravées. Ils ont une protection par le droit de par leur qualité de policier », développe Cécile Mamelin. La question est de savoir si cette protection reste théorique. Le sujet est précisément « les peines aggravées » contre ceux dont le métier violent est de protéger la population des violences de la racaille et des voyous.

Dans le cadre de leur mission – à la différence des juges qui n’ont de comptes à rendre à personne en cas de faute – les policiers ont aussi des circonstances aggravantes ou atténuantes s’ils sont jugés. « Les sanctions sont parfois plus dures, car il y a la prise en compte des moyens utilisés dans le cadre de ses fonctions. Mais ça peut aussi aller dans l’autre sens et alléger la sanction », rappelle Anne-Charlène Bezzina. Peut-on attendre de policiers insultés ou frappés qu’ils répondent avec des fleurs et frap. « Ils veulent une protection, mais viennent contester les peines aggravées dans l’autre sens », s’agace la syndicaliste Cécile Mamelin.

Si les gendarmes dépendent d’une juridiction spéciale, c’est parce qu’ils sont militaires contrairement aux policiers. « Ils n’ont pas la même hiérarchie et ne sont pas appelés sur les mêmes opérations », détaille Anne-Charlène Bezzina, professeure de droit public. « On pourrait créer une juridiction spécialisée pour la police, mais il faut se demander pourquoi », insiste-t-elle, rappelant que dans le cas des policiers de la brigade anticriminalité (BAC) de Marseille, l’agent placé en détention est mis en examen pour « violence en réunion », un délit de droit commun. « En réunion », mais seul placé en détention: cohérent ?

Policier incarcéré : les syndicats de magistrats s’élèvent contre l’opinion du patron de la police

Les magistrats défendent leur consoeur de Marseille qui donne des gages à la Cimade

Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale (DGPN),

Dénoncée par des bénévoles de la Cimade pour justice à deux vitesses, la JLD sacrifie un policier.

Le directeur général de la police nationale a souhaité que soit libéré un policier de la BAC de Marseille incarcéré dans le cadre d’une enquête sur des brutalités policières, au cours des violentes émeutes du début juillet, marquées par des pillages de magasins et des incendies de symboles de la République.

Les deux principaux syndicats de magistrats ont jugé « gravissimes », lundi 24 juillet, la demande du patron de la police nationale selon qui « avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison ». Dans un entretien avec Le Parisien, Frédéric Veaux a exprimé son souhait que soit libéré le policier de la BAC de Marseille incarcéré dans le cadre de l’enquête.

« Le directeur général de la police nationale, sous la tutelle du ministre de l’Intérieur, fait pression sur l’autorité judiciaire dans une affaire individuelle. (…) Le président de la République doit réagir », a par exemple écrit, sur Twitter, le Syndicat de la magistrature.

« Il y a un principe fondamental dans une démocratie : la loi est la même pour tous. Les policiers qui commettent des infractions dans l’exercice de leurs fonctions sont passibles de sanctions pénales », comme les autres justiciables, a également souligné Kim Reuflet, la présidente du Syndicat de la magistrature, classé à l’extrême gauche.

Le souhait du patron de la police nationale serait « scandaleux » et « gravissimes dans un état de droit », a également estimé Cécile Mamelin, vice-présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM). « C’est stérile et dangereux. On attend une réaction au plus haut niveau de l’Etat pour remettre les pendules à l’heure », a-t-elle déclaré.

Typiquement, l’USM cite
le journal Le Monde

« Une détention provisoire répond à des critères précis, légaux », a rappelé Cécile Mamelin. Comme la mise en examen, « c’est une décision de justice qui ne préjuge en rien de la culpabilité et qui peut faire l’objet de voies de recours », a-t-elle ajouté, comme si un emprisonnement préventif était un acte médiatique anodin. Notamment s’agissant d’un fonctionnaire non suspect de fuite à l’étranger… 

Pour sa part, le président du tribunal judiciaire de Marseille, Olivier Leurent, a rappelé dans un communiqué lundi que « l’indépendance de la justice est un principe constitutionnel ». Principe qui s’applique aux jug. Or, la JLD est clairement sous la pression de la Cimade.

Le président du tribunal judiciaire est aussi revenu sur la procédure, qui a suivi un déroulement classique – sans considération du fait qu’un fonctionnaire de police iffre des garanties – et il attend l’examen d’un appel en cours. « Il est de la responsabilité de chacun de garantir la sérénité du cours de la justice », a exhorté Olivier Leurent.

Le respect de la procédure n’est pas en cause, et Olivier Leurent le sait pertinemment, mais la base sur laquelle se fonde le magistrat, à savoir que le placement de détention provisoire ne peut être ordonné que dans les cas suivants :

  • en matière criminelle, pour des faits qualifiés de crimes, quelle que soit la peine prévue : le policier est-il accusé de crime ou de « violences » ?
  • en matière correctionnelle, quand l’infraction constitue un délit avec une peine applicable égale ou supérieure à 3 ans d’emprisonnement: une peine a-t-elle été prononcée ?
  • quelle que soit la peine prévue, quand la personne poursuivie ne respecte pas les obligations mises à sa charge par une mesure de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance par bracelet électronique. Par exemple : la personne se rend dans certains lieux interdits par son contrôle judiciaire ou s’éloigne de son domicile alors que cela lui est interdit.

Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, membre de la NUPES, a demandé une réunion du parlement « en urgence ».

Les policiers du syndicat Unité SGP Police FO sont, quant à eux, « à l’arrêt ». Il dénonce « un traitement dégradant et dangereux » et appelle tous les commissariats de France au service minimum.