Inscrire l’IVG dans la Constitution pour en faire une liberté « irréversible »: Macron dit-il vrai ?

Pour imprimer sa marque dans la constitution, Macron craint de recourir au référendum ou au Parlement réuni en Congrès

Les naissances ont baissé de 7 % au premier semestre 2023.

Nouveau coup porté à notre politique de natalité à l’occasion de la fête de tous les morts. Et pourtant, trois constitutionnalistes l’assurent : c’est du pipeau !

Le 29 octobre, Macron a annoncé son intention de faire graver le recours à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. Le président en avait pris l’engagement le 8 mars 2023, répondant aux inquiétudes nées de l’annulation – pendant le mandat de Joe Biden – il y a un an et demi (2021) de l’arrêt Roe vs Wade de 1973 garantissant aux Etats-Unis le droit d’avorter sur tout le territoire. 25 Etats avaient prévu de passer des lois anti-avortement après l’invalidation de l’arrêt Roe contre Wade. 

« Le projet de loi constitutionnelle sera envoyé au Conseil d’État cette semaine et présenté en Conseil des ministres d’ici la fin de l’année », a annoncé le chef de l’Etat sur le réseau social X (ex-Twitter) le même jour. Avant d’ajouter : « en 2024, la liberté des femmes de recourir à l’IVG sera irréversible »...

En annonçant la révision de la Constitution pour y inscrire « la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse » (IVG), Macron a affirmé qu’elle serait, dès 2024, « irréversible ». C’est faux, soulignent trois constitutionnalistes. Inscrire le recours à l’IVG – aujourd’hui reconnu dans une loi ordinaire – dans la Constitution aurait une forte portée symbolique et compliquerait les tentatives de le supprimer ou de lui porter gravement atteinte, mais il pourrait toujours être abrogé par une nouvelle révision constitutionnelle. En outre, soulignent plusieurs experts, les termes du projet de loi, qui définirait l’IVG comme une « liberté » et non un droit fondamental, dépendront de l’interprétation du législateur pour en définir les conditions d’accès, y compris, s’il le souhaite, pour les restreindre.

Que prévoit ce projet de loi constitutionnelle?

Cette décision fait suite à un travail parlementaire entamé l’année dernière. La cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot avait fait adopter en novembre 2022 une proposition de loi constitutionnelle en première lecture à l’Assemblée, garantissant le « droit à l’interruption volontaire de grossesse ».

Que ce soit LFI qui porte cette demande relève du gag : ce mouvement s’engage – s’il arrivait au pouvoir – à changer de constitution ! Il promet de passer à une VIe République…

C’est une supercherie aussi du fait que, pour des raisons religieuses, l’électorat musulman de LFI, soit 69% du « vote musulman« , est farouchement opposé à l’IVG comme aux « libertés » des femmes…

Tweet du Collectif contre l’islamophobie en Europe

Le Sénat a cédé au projet de Macron, malgré sa démagogie aujourd’hui dénoncée. A son tour, il l’a approuvé en février, se contentant d’inscrire la « liberté de la femme » de recourir à l’IVG, plutôt que son « droit« ...

A l’article 34 de la Constitution française, le projet de loi constitutionnelle prévoit d’ajouter un alinéa.

Il indiquerait que : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Pour réviser la Constitution, il existe deux procédures, différentes si l’initiative vient du président de la République ou des membres du Parlement et faute de référendum d’initiative citoyenne, preuve que le projet n’est pas l’émanation d’une volonté populaire.

Si la révision est portée par le Parlement, elle doit être validée par référendum. Si elle est lancée par le président de la République, comme c’est le cas actuellement, elle peut être approuvée soit par référendum, soit par une majorité des trois cinquièmes du Parlement réunis en Congrès, la réunion des deux chambres du Parlement : Assemblée nationale et Sénat.

Actuellement, l’interruption volontaire de grossesse est déjà garantie par une loi ordinaire, celle du 17 janvier 1975 dite « loi Veil ».

Depuis 1975, des lois successives ont permis d’élargir le cadre de prise en charge de l’IVG, qui peut aujourd’hui être pratiquée jusqu’à la fin de la 14e semaine de grossesse, soit 16 semaines après le 1er jour des dernières règles.

Comme toute loi ordinaire, la législation sur l’IVG peut être abrogée ou modifiée. Inscrire le recours à l’avortement dans la Constitution compliquerait toute tentative du législateur de supprimer ce droit ou d’y porter gravement atteinte, mais, comme nous allons le voir, ne le rendrait pas « irréversible », contrairement à ce qu’a annoncé Macron, un ex-banquier qui se soucie de la Constitution comme d’une guigne ou, faute d’enfant de son sang, comme d’un support pour sa postérité.

Cela rendrait-il le recours à l’IVG « irréversible »?

« Une garantie constitutionnelle est plus forte qu’une garantie législative donc la garantie de recourir à l’IVG sera bien renforcée mais elle ne sera pas irréversible puisque tout ce que le législateur constitutionnel fait, il peut le défaire« , a rappelé, le 30 octobre, Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille.

Si l’IVG était inscrit dans la Constitution, il  y aurait bien à franchir un obstacle supplémentaire pour l’abroger puisqu’une nouvelle révision constitutionnelle serait nécessaire. Il faudrait donc, en plus de la navette parlementaire, que la révision soit adoptée par une majorité des trois cinquièmes du Parlement réunis en Congrès ou par référendum.

« C’est logique : si on révise la Constitution maintenant pour y inscrire cette mesure, on peut la réviser exactement de la même manière pour désinscrire ou modifier la garantie d’accéder à l’IVG », a abondé le 30 octobre Lauréline Fontaine, professeure de droit public et constitutionnel à la Sorbonne-Nouvelle.

« On pourrait même imaginer qu’un exécutif adopte une toute nouvelle Constitution », souligne Mathilde Philip-Gay, professeure de droit public à Lyon III, interrogée le 30 octobre.

En 2022, le candidat LFI Jean-Luc Mélenchon avait par exemple affirmé qu’en cas de victoire à l’élection présidentielle, il engagerait un référendum pour demander aux citoyens s’ils souhaitaient une « nouvelle Constitution » pour dessiner les contours d’une VIe République.

Une forte portée symbolique

Après l’annonce du président de la République, plusieurs associations se sont félicitées de ce projet de loi constitutionnelle. Pour Sarah Durocher, présidente du Planning familial, le 31 octobre, il s’agit bien d’une « victoire », qui répond à une « demande exprimée depuis plus d’un an ».

Ces dernières années, plusieurs pays européens ont éprouvé la nécessité de recadrer leur législation sur l’avortement, ce qui fait craindre un recul de ce droit sur le continent et démontre que l’intention de Macron n’est rien moins qu’un coup de com’. La Hongrie appelle désormais les femmes à « écouter les battements de cœur » avant tout avortement, tandis qu’en Pologne, l’IVG n’est plus réservée qu’aux cas sensibles de danger pour la vie de la personne enceinte ou si la grossesse découle d’un viol ou d’un inceste.

« La France pourrait être le premier pays à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution. Ce faisant elle montrerait la voie et plus encore elle enverrait un signal fort à toutes celles et ceux qui dans le monde se battent pour défendre le droit à l’avortement »se flattaut par avance le 28 septembre 2023 la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Etre les premiers, pour le meilleur et pour le pire, et montrer la voie quand on recule du 5e rang mondial des puissances militaires au 9e, derrière le Pakistan, selon Global Firepower, et 7e puissance économique du monde, en 2017, devant la Turquie, ce qui veut dire que notre niveau de vie individuel recule par rapport aux meilleurs de la classe, depuis que Macron est à l’Elysée (2014).

« Le droit à l’IVG, qui est tellement remis en cause dans certains pays [dont les USA] et qui est encore interdit dans d’autres, doit être sanctuarisé en France », avait aussi défendu la ministre française chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes Bérangère Couillard auprès de l’AFP le 17 octobre. « Ce message porté à l’international peut aussi faire écho et inverser la tendance du recul ».

« Rien ne pourra protéger de manière définitive l’IVG mais il est intéressant de voir qu’en cette période de recul, un président prend la peine d’inscrire l’avortement dans la Constitution. Symboliquement la France, pays de Simone Veil, réaffirme l’accès à l’IVG comme un droit inaliénable », a de son côté réagi Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne et fondatrice de la Maison des femmes à Saint-Denis, le 31 octobre.

« Liberté » ou droit fondamental

Autre point: la forme du texte pour introduire la garantie du recours à l’IVG dans la Constitution fait encore l’objet de débats.

Si la Première ministre Elisabeth Borne a affirmé le 29 octobre sur X (ex-Twitter) que « rien ne doit entraver le droit fondamental à recourir à l’avortement », le projet de loi constitutionnelle prévoirait d’inscrire l’IVG sous forme de « liberté » et non de « droit ».

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« Ce projet veut inscrire le fait que l’IVG sous le terme de ‘liberté’, or le Conseil constitutionnel a déjà dit que c’était une ‘liberté constitutionnelle’, donc ça ne changerait rien de manière concrète », regrette Mathilde Philip-Gay .

Depuis la décision du 27 juin 2001, confirmée notamment en 2017, le Conseil constitutionnel reconnait cette liberté, qui découle du principe général de liberté posé à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, explique ainsi le site VIe République.

Des manifestantes déploient une banderole avec l’inscription « l’avortement est un droit fondamental » à Paris, le 28 septembre 2023

Après l’annonce du président, la Fondation des Femmes, qui s’est félicitée de cette avancée dans un communiqué, a tenu à préciser qu’elle « serait attentive à la mise en œuvre de cette annonce et la rédaction retenue » estimant qu' »avorter est un droit fondamental ».

Cette fondation est une pompe à fric. La direction de France Télévisions apporte une aide de 7.000 euros à la Fondation des Femmes, dont la dirigeante, Anne-Cécile Mailfert, est également, selon Le Canard Enchaîné, la compagne d’un proche de Delphine Ernotte, sa pédégère.

Dans un avis communiqué le 28 septembre 2023, la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait, elle aussi, appelé à « d’inscrire le droit à l’IVG dans l’article 1er de la Constitution » et « d’adopter une formulation qui garantisse un principe de non régression par rapport à l’état du droit actuel ».

« La ‘liberté’ est un terme à la fois juridique et philosophique avec des interprétations multiples, alors que le droit est un terme  juridique et une norme assortie de sanctions. Le droit apparaissait plus fort, plus clair », a souligné le 31 octobre Jean-Marie Burguburu, avocat de 78 ans et président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui regrette que l’exécutif n’ait pas tenu compte de l’avis consultatif de la CNCDH, dite « indépendante », mais dont les membres sont nommés par arrêté du premier ministre, après l’avis d’un Comité de magistrats – non élus – appartenant aux grands corps institutionnels.

En 2023, la Ligue des droits de l’homme (LDH) accuse l’Etat d’avoir délibérément empêché les secours d’accéder aux blessés lors de la manifestation contre la construction d’une méga-bassine à Sainte-Soline le 25 mars dernier. Burguburu adresse alors, le 7 avril, un courrier à la première ministre Elisabeth Borne pour défendre la DH. Peu après, la Licra, membre de la CNCDH, annonce qu’elle se se désolidariser de ce courrier envoyé notamment en son nom dont elle juge la rhétorique « radicale ».

« On aurait préféré le terme ‘droit’ au terme ‘liberté’, et un un terme plus inclusif comme ‘toutes les personnes en demande d’avortement’ plutôt que ‘femme’. Mais on est dans une situation en Europe qui fait que la meilleure écriture est celle qui sera votée le plus rapidement possible et c’est un compromis », estime de son côté la présidente du Planning familial Sarah Durocher, qui aimerait que la « procédure soit rapide » et se fasse par un vote du Congrès et non par référendum « pour ne pas laisser une tribune aux anti-choix ».

« Si le président voulait vraiment renforcer la garantie à l’IVG il l’introduirait, non pas à l’article 34, mais sous forme de droit fondamental à l’article 1er, 2 ou 66 par exemple… Cela forcerait à garantir l’égalité d’accès à ce droit et il serait renforcé : dans les mêmes conditions partout sur le territoire par exemple », regrette de son côté Mathilde Philip-Gay.

Notamment alors que, souligne la gynécologue-obstétricienne Ghada Hatem, l’accès à l’IVG reste « très inégal en France avec d’importants déserts médicaux dans les régions rurales qui peuvent causer un dépassement du délai légal de recours à l’IVG » .

Or, selon le projet de loi constitutionnelle envisagé, l’inscription révision serait enfouie à l’article 34 et non affichée au 1er, de la Constitution, au titre V relatif aux « rapports entre le Parlement et le gouvernement »…

« L’article 34 porte sur la distinction entre la loi et le règlement. Nous pensons que le droit à l’IVG, par conséquent, ne trouve pas sa place légitime et rationnelle que dans l’article 1. [Au même rang que la République, les Droits de l’homme, les principes de la souveraineté nationale ou les principes de liberté, d’égalité et de fraternité…] Il est difficile de revenir en arrière, même avec une réforme constitutionnelle, sur les grands principes généraux comme ceux qui font partie de ce qu’on appelle le ‘bloc de constitutionnalité’[comme par exemple le préambule de la Constitution de 1946]. Car un droit nouveau, même inscrit dans la Constitution, peut être supprimé, surtout à l’article 34, et la France a plusieurs fois amendé, voire changé de Constitution », poursuit le président de la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme).

« En outre, il faut lire entre les lignes: cette révision permet au législateur d’organiser les conditions dans lesquelles s’exercent l’IVG. Dans les faits,  ça ne change rien au régime juridique existant car c’est déjà le législateur qui détermine les conditions dans lesquelles s’exerce cette liberté avec la loi Veil de 1975. Il peut décider d’interdire l’IVG au moins de 18 ans, la réserver en cas de handicap ou de danger pour la santé de la mère par exemple. Les conditions peuvent très bien être des restrictions donc ça ne protège pas davantage qu’actuellement », souligne Mathilde Philip-Gay.

« Tout dépendra de l’interprétation qu’on aura et notamment le Conseil constitutionnel si un jour il est saisi d’une telle question des termes ‘qui lui est garantie’, cela peut être uniquement en cas de viol ou dans un certain délai par exemple », cite de son côté Jean-Philippe Derosier.

Ces modalités d’accès: prise en charge ou non par la sécurité sociale, délai légal pour y avoir recours continueront donc à dépendre des lois en vigueur. « Symboliquement, cette inscription est une affirmation de principe qui peut être considérée comme forte mais qui au regard des évolutions sociétales assez rapides n’empêche pas à l’avenir de nouveaux changements », pointe ainsi Lauréline Fontaine,« sauf à ce qu’on constitutionnalise l’IVG en l’état, par exemple avec un nombre de semaines minimum en dessous duquel la loi ne peut pas revenir ».

Or ce n’est pas envisagé pour le moment, et cela serait délicat, selon Mathilde Philip-Gay. La professeure de droit public souligne que cela impliquerait qu' »à chaque modification des conditions d’accès à l’IVG l’avenir, par exemple du délai légal, il faudrait passer par une révision de la Constitution, ce qui serait très complexe en termes de droit et trop rigide ». Et en termes de respect des consciences.

Les derniers chiffres officiels font état d’un nombre d’IVG en hausse en 2022 (234.000) après deux années de baisse exceptionnelle liée à l’épidémie de Covid-19.

Scandale du film américain « Unplanned », assumé ‘pro-life’: sa thèse anti-avortement ou sa censure ?

Le ‘Planning familial’ dénonce un « film de propagande »

BABIES LIVES MATTER
Le 1er octobre 2020 est sorti en France « Unplanned », un film événement qui connaît un énorme succès aux Etats-Unis. Il relate l’itinéraire d’Abby Johnson : convaincue des bienfaits du droit à l’avortement, bénévole au planning familial américain, cette femme devient ensuite l’une de ses plus jeunes et plus brillantes directrices de clinique. Jusqu’au jour où ce qu’elle voit va tout bouleverser.
Le film est désormais disponible en vidéo à la demande, en version française [cliquer ici].

La chaîne C8, propriété du milliardaire Vincent Bolloré, Xaviel Niel (oops !) Patrick Drahi (décidément !) Vincent Bolloré (cette fois, c’est le bon !, façon de parler du point de vue des concurrents), a diffusé, lundi 16 août 2021, un long-métrage américain violemment (dixit France Inter) anti-avortement (car l’avortement n’est, selon la chaîne sectaire de Radio France (pour tous les cochons de payeurs de la redevance télévisuelle, conservateurs ou non) ni une violence, ni un crime…. « Unplanned » raconte l’histoire d’une directrice de Planning Familial texan qui devient militante contre l’IVG. Du coup, son témoignage est disqualifié par l’émission ‘Les Informés’ de France Info, soeur cadette de France Inter, dont nombre de journalistes sont en partage, une concurrence déloyale avec les chaînes privées. Ce qui ne touche pas une seule du CSA et, a f0rti0ri, sans bouger l’autre…

Il aura fallu des signalement anonymes pour que le CSA s’intéresse à ce qui se passe dans l’audiovisuel français. « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a annoncé au HuffPost [qui parle de lui, comme Alain Delon, à la troisième personne) avoir reçu des signalements, à la suite de la diffusion (annoncée-programmée-annoncée, mais non suivi par le CSA ), ce lundi dans la soirée, du long-métrage anti-IVG sur C8. Le CSA a donc obtempéré: “Nos équipes procèderont à un visionnage du film diffusé à l’antenne ainsi qu’à son examen au regard des règles juridiques applicables afin de déterminer s’il y a eu manquement à ces règles. En fonction, le collège du CSA décidera ou pas d’intervenir auprès de l’éditeur”, précise le HuffPost qui ne jure pas avoir visionné lui-même le film: ce site est une succursale française de la version américaine originelle, classée politiquement à gauche, mais en fait sur le ligne du New York Times et du Washington Post. Le Huffington Post est critiqué, notamment aux Etats-Unis mêmes, du fait de son goût pour le spectaculaire et de son l’utilisation de clickbaits consistant à ne s’intéresser qu’à des éléments sensationnels au détriment de la qualité ou de l’exactitude des informations, afin de produire des revenus publicitaires. De son côté, Olivier Tesquet, de Télérama, groupe Le Monde, définit le canal historique du medium comme « le potin à fort potentiel de clic »…

« Diffusion inacceptable », « pamphlet ouvertement anti IVG »… Pas encore diffusé et déjà le film « Unplanned » suscite de vives réactions a priori: non visionné, mais condamné: ni le film, ni les foetus qui ne demandent qu’à vivre ne bénéficient pas de la présomption d’innocence, à la différence des mères d’enfants nés et conservés (ou non) au frigo. « Unplanned », traduire par « non programmé » (par extension « non désiré »), est sorti en 2019 aux Etats-Unis, mais déjà honni en France. A l’époque de sa sortie, Le Monde exprima sa stupéfaction face à une « réussite d’une ampleur inattendue » avec « plus de 6 millions de dollars de recettes en un week-end » pour un « hymne anti IVG ». Le film a en fait rapporté 21 millions de dollars dans le monde pour un budget de 6 millions de dollars.

Unplanned est sorti aux Etats-Unis le 29 mars 2019. De nombreux media ont refusé de diffuser de la publicité pour le film en raison du sujet controversé, notamment Google, A&E Networks (groupe de média américain, coentreprise de Hearst Corporation (Marie Claire et Cosmopolitan) et The Walt Disney Company), Discovery Inc. (associé à Altice France), Hallmark Channel, NBCUniversal. Les chaînes de télévision ont préféré ne pas diffuser sa bande-annonce en raison de la nature sensible du sujet, exceptées Fox News et the Christian Broadcasting Network. Son compte Twitter a également été suspendu le lendemain de sa sortie en salles.

En décembre 2019, la chaîne Hallmark (spécialisée dans le mariage et les cartes de voeux) retira de ses ondes quatre publicités qui se terminent sur l’embrassade de deux femmes sur l’autel, à la suite de plusieurs signalements par des membres de One Million Moms, groupe créé par le groupe conservateur American Family Association,  ainsi qu’une pétition de Lifesite, fondée par Campaign Life Coalition. Conséquemment, d’autres publicités furent retirées: elle mettaient en scène un couple hétérosexuel… Le lendemain, des acteurs et actrices avaient accusé la chaîne de manque de diversité. A croire que l’avortement est consensuel.

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La décision de diffuser un tel film en France, en prime time, a du mal à digérer. Les jeunes en âge de procréer sont pourtant dehors, profitant de leur passe sanitaire et le choix de la date de diffusion n’est pas la plus militante qui puisse être, un soir d’été du 16 août. « On est à la fois étonné d’un tel choix et en colère de voir ce film diffuser alors que le droit à l’IVG est fragile en Europe et dans le monde, et souvent attaqué« , de l’aveu de Sarah Durocher, co-présidente nationale du Planning Familial, féministe et LGBT.

Le bureau confédéral du Planning familial, association féministe et d’éducation populaire, est exclusivement constitué de femmes, car si le planning est familial, les hommes en sont exclus: depuis 1960, les pères sont discriminés et la famille genrée. .

« Les femmes décident »: et les pères ont-ils voix au chapitre ?

La 5 et le service dit public, comme la presse, engagée à gauche, bien que détenue par des capitalistes milliardaires (Drahi, pour le groupe BFM-RMC ou Xavier Niel, marié à la famille Bernard Arnault-LVMH, pour le groupe Le Monde), l’ont boycotté, bien que « libre et indépendante » de toute idéologie et pression: difficile désormais pour eux de revendiquer la défense du pluralisme et des libertés ? Que devient la pédagogie dans le camp du Bien? Certains estiment en effet que ce film, ‘Unplanned’, qui ne marche pas dans le Sens de l’Histoire et n’a pas le droit de vivre, aurait dû être diffusé assorti d’une mise en garde (elle n’est pas ICI, mais plutôt dans Libération ou sur le site du HuffPost, lequel pointe un film « controversé, produit notamment par une société évangéliste (autre mention discriminante) et accusé de vouloir dissuader les femmes enceintes d’avorter ») et suivi d’un débat. Le CSA, que l’on sait pourtant amorphe et atone, envisage même déjà de diligenter une poursuite de la chaîne C8 pour avoir diffusé un film américain « prolife« , et donc clairement partisan du droit à la vie des enfants conçus, ce qui paraît naturel au temps de la PMA au bénéfice des personnes en mal d’enfant et de la GPA au profit des couples du même sexe.

Au-delà du stigmate chrétien qui marque clairement le film, c’est le contenu qui dérange.

Non diffusé en Iran, ni en Arabie saoudite, les Chrétiens concentrent la haine des féministes débridées. Unplanned adapte le récit d’Abby Johnson, ancienne militante pro-IVG et dirigeante de l’équivalent américain du planning familial, qui, à la vue d’atrocités commises à son instigation sur des bébés et leurs mères manipulées, cesse soudain de défendre l’idée répandue dans sa propre société de consommation que les femmes devraient avoir le contrôle souverain et non partagé de leur grossesse et de leur (in)fertilité.

Des scènes « traumatisantes »

Dans son autobiographie dont est inspiré le film, elle raconte que sa vision a basculé lorsque elle a assisté à l’avortement d’un fœtus de treize semaines. Elle devient alors une militante pro-vie, opposée à l’IVG, faux nez siglé de l’avortement. C’est ce passage, très tôt au début du film, qui est le plus traumatisant et emblématique du drame vécu en direct et dans la chair des mères qui fait polémique: trop réaliste, il ne faut pas le montrer ! Un déni conscient : le sigle IVG n’est-il pas le faux nez aseptisé de l’avortement provoqué, instauré par la loi Veil du 17 janvier 1975 ? Mitterrand abolira la peine de mort en 1981, mais les enfants non désirés ne seront pas épargnés par Giscard.

Un projet de loi de janvier 2021 – visant à renforcer le droit à l’avortement – envisage l’allongement de 12 à, non pas 13, mais 14 semaines de grossesse du délai de recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est la mesure phare de la proposition de loi. Elle fait suite à un récent rapport réalisé au nom de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, qui recommande de traiter l’avortement comme un… « droit effectif ».

Un journaliste – anonyme (un homme ??) – qui a pu voir le film décrit des scènes « traumatisantes ». La scène montre l’embryon de 13 semaines se débattant comme s’il luttait pour sa survie et tentant d’éviter l’aiguille à tricoter de la faiseuse d’anges le cathéter de la soignante (censée sauver des vies) utilisé pour l’Interruption Volontaire de Grossesse. Un récit directement tiré de l’autobiographie d’Abby Johnson.

« Un embryon de 13 semaines ne peut pas ressentir de douleur »

Sauf que, selon le professeur Philippe Deruelle, gynécologue-obstétricien à l’hôpital de Hautepierre à Strasbourg et membre du Collège national des gynécologues-obstétriciens français, une sachante ( ! ) péremptoire, comme on en a tant vus défiler sur nos écrans à propos de la covid, « un embryon de 13 semaines ne peut pas ressentir de la douleur et n’a pas de conscience du danger. Les voies de la perception sont en place à partir de 26 semaines. Les stimulations de la douleur peuvent être transmises chez le fœtus mais probablement pas avant que les voies nerveuses soient définitivement fonctionnelles soit autour de 20 semaines », nous assure le spécialiste. « On n’a pas le droit d’attaquer l’IVG. C’est sacré. Ca représente tellement pour les droits des femmes. Même en pensée, on n’a pas le droit de dire qu’on fera la grève des IVG. » Les réactions à chaud du Pr Philippe Deruelle, arrive comme une aiguille à tricoter.

Les animaux auraient une conscience plus développée qu’un être humain vivant. Ou qu’une plante qui réagit à la musique comme au toucher. Un autre contenu polémique, du point de vue des féministes dans cette scène, concerne le moment où l’embryon tenterait d’éviter l’aspiration. « Le fœtus ne peut se dérober comme le laisse penser cette vidéo. Il n’a absolument pas [l’espace, ni] ce degré de conscience [pour prendre la fuite]. Le cerveau est plus que rudimentaire et les éléments neurologiques ne sont qu’à un stade de développement très précoce, assènent les sachants militants. Le foetus ne peut voir la canule d’aspiration car la vision n’est pas en place », martèle le professeur Philippe Deruelle. S’il ne « voit » pas, il ressent les ondes vibratoires étrangères à son milieu sensible et correspondant à l’introduction d’un objet hostile.

Des scènes vérifiées par un gynécologue anti-avortement ?

Selon les réalisateurs, explique le magazine féminin de luxe Glamour, la scène, fondée sur l’autobiographie d’Abby Johnson, « a été vérifiée par Anthony Levatino, un obstétricien-gynécologue à la retraite et militant anti-avortement de longue date ». Son appréciation vaut ce que vaut l’avis d’un activiste. Plus globalement dans le film, « les représentations de saignements abondants ou de chutes de tissus ne sont tout simplement pas exactes. Les complications sont extrêmement, extrêmement rares. Les avortements sont incroyablement sûrs », poursuit Katherine McHugh, membre du conseil d’administration de Physicians for Reproductive Health et gynécologue en Indiana qui pratique l’avortement. Tous ont bonne conscience, mais est-elle plus développée que celle d’un foetus ?

Une pétition des foetus pour appeler à l’aide ?

« C’est regrettable que C8 ne diffuse pas un film progressiste. » Tout est dit en préambule: l’avortement, c’est le Progrès ! « Nous demandons qu’un bandeau soit diffusé à l’écran avec les coordonnées de la page Internet du ministère dédiée à l’IVG, voire le numéro vert du Planning familial, afin de garantir une vraie information », demande Sarah Durocher, co-présidente nationale du Planning Familial, détenteur de la Vérité.

C’est ce que réclame une pétition lancée par la créatrice du site grossesse imprévue, qui promet une information objective [si elle le dit ! ] sur l’avortement, pour alerter le CSA. La pétition, qui a récolté plus de 19.000 signatures, demande au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel de « rappeler C8 à ses responsabilités ». « Si Unplanned devait être diffusé malgré le danger qu’il fait peser sur la population vulnérable des bébés à naître personnes enceintes, que la chaîne instaure au minimum une contextualisation de ce programme« , écrit l’auteure de cette pétition qui a récolté plus de 12 000 signatures.

Plusieurs députés, dont Guillaume Gouffier-Cha (LREM), ex-apparatchik du MJS et du PS, issu du cabinet du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian ont partagé leur indignation face à la prochaine diffusion du film anti-IVG. On ne lui connaît ni épouse, ni enfant.

Les féministes, lesbiennes ou non, dénoncent les conservateurs chrétiens

« Derrière » le film (sic), un homme au parcours atypique. Michael Lindell, fondateur d’une entreprise d’oreillers made in USA. Si cet ancien accroc au crack n’avait pas rencontré Dieu, selon ses propres mots, ils serait adopté par le mouvement. Mais ce film, « financé par l’église évangélique, vise à faire peur, à attaquer les droits des femmes à disposer de leur corps », assène Sarah Durocher, loin de s’auto-détruire, façon association Genepi. Il est distribué par Pure Flix, une entreprise spécialisée dans les films à message chrétien, une tare indélébile. Pour assurer la réussite de la sortie du film en salles, les réseaux chrétiens sont mobilisés. Les films écolos de Michael Moore avaient bénéficié d’un soutien militant similaire sans que ses contre-vérités soient épinglées et les partisans ébouriffés. Plusieurs organisations, telles que Church Militant, Catholic Pro-Life Committee, Allen County Right to Life, ont incité leurs militants à faire entendre leur point de vue et à se rendre dans les cinémas, rapporte Le Monde.

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