Aurélien Rousseau à la Santé : pas de conflits d’intérêts, selon la HATVP

Régime d’exception pour l’ex-dircab de Borne : la CNAM, placée sous la tutelle de la première ministre

La HATVP ne refuse rien
au gros mou et à la petite terreur

La nomination d’Aurélien Rousseau au ministère de la Santé avait soulevé quelques réserves depuis son annonce. Sa compagne, Marguerite Cazeneuve, est la numéro deux de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), dont le ministère de tutelle n’est autre que celui de son compagnon. La HATVP a rendu un avis favorable, sans surprise, ce mardi 25 juillet, rejoignant ainsi celui du secrétariat juridique du gouvernement. Une seule réserve néanmoins, le ministre devra se déporter sur toute décision concernant la situation professionnelle de sa concubine. Impossible en effet, au XXIe siècle, de demander à une femme de sacrifier sa carrière pour l’homme… Une situation qui nécessitera « une certaine vigilance », prévient toutefois Raymonde Poncet-Monge, vice-présidente écologiste EELV de la Commission des affaires sociales au Sénat.

Les intérêts de la CNAM, établissement public national à caractère administratif, convergent avec ceux de l’Etat, assure la HATVP

La HATVP, présidée par Didier Migaud, souligne que la CNAM est « un établissement public national à caractère administratif dont la mission principale est de veiller à l’équilibre financier des branches « maladie » et « accidents professionnels ».

Elle rappelle aussi que la notion de conflit d’intérêts s’applique dès lors que « les intérêts en cause ne sont pas convergents ». Il ne restait plus qu’a asséner qu’aucune convergence d’intérèts n’est à craindre. A priori. Et si on modifie les liens entre le ministère et l’établissement public, pour arranger Rousseau, mais aussi Macron qui, en signant sa nomination, a commis la bourde…

La CNAM étant soumise au contrôle du ministère de la Santé et de Bercy, qui signent avec elle une convention pluriannuelle d’objectif et de gestion (COG) », elle partage de ce fait des intérêts convergents avec l’Etat.

Alors pourquoi un décret de déport, quand même dans les tuyaux ?

Comme n°2 de la CNAM, la fille de Jean-René Cazeneuve ne dispose pas de délégation de pouvoir. En quoi ce texte permettant à Aurélien Rousseau de se déporter de “toute décision concernant directement ou indirectement la situation professionnelle de sa conjointe” était-il donc nécessaire ? Fallait-il ajouter des verrous et “satisfaire aux exigences de prévention des conflits d’intérêts,” selon la HATVP ? Les convergences ne vont pas de soi…

Reste donc à savoir concrètement quels seront les sujets qui pourraient conduire à un déport de décision pour celui qui a succédé à François Braun à l’avenue de Ségur. Mais les citer serait courir le risque qu’un cas divergent imprévu permette un conflit d’intérêts non listé !

Le jour, le ministre travaillera directement avec le directeur général de la Cnam, mais la nuit ?

De surcroît, la Haute autorité considère que le supérieur de Marguerite Cazeneuve, est une exécutrice : le directeur général de la Cnam est celui qui assume « la responsabilité de son bon fonctionnement, recrute le personnel et représente l’établissement, y compris auprès de ses ministres de tutelle ». Marguerite Cazeneuve étant, quant à elle, « placée comme les autres directeurs de l’établissement sous l’autorité du directeur général et ne dispose pas de délégation de pouvoir », mari et femme ne travailleront pas directement ensemble, selon l’autorité. Aurélien Rousseau, qui travaillera donc directement avec le directeur général de la Cnam, s’était déjà proposé de lui-même de se déporter de toute décision qui concernerait sa situation professionnelle. Une précaution jugée satisfaisante par le collège de la Haute autorité, qui, eu égard de l’ensemble de ces éléments, conclut que « la fonction de la conjointe du ministre n’est pas, en elle-même, de nature à constituer une situation de conflit d’intérêts ».

« En tout état de cause, la situation familiale du ministre nécessitera une certaine vigilance »

Interrogée, Raymonde Poncet-Monge, 72 ans, vice-présidente écologiste de la commission des affaires sociales au Sénat, souligne toutefois que, « en tout état de cause, la situation familiale du ministre nécessitera une certaine vigilance. Cette question des conflits d’intérêts, dans le cas d’Aurélien Rousseau, est une interrogation qui est légitime. Il ne va pas se déporter de la Cnam ». Pour rappel, le beau-père d’Aurélien Rousseau, Pierre-René Cazeneuve, est rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale tandis que son épouse, Béatrice Cazeneuve, bien que retraitée aujourd’hui, était l’une des dirigeantes de la branche française du groupe pharmaceutique américain Lily. Par ailleurs, sur la question du mandat de déport proposé par le ministre, la sénatrice écologiste estime que « c’est le minimum que de dire qu’effectivement, pour tout ce qui touche la carrière professionnelle de sa femme, il sera déporté. C’est vraiment le service minimum ». La nomination d’Aurélien Rousseau montre selon elle une concentration du pouvoir préoccupante autour d’un premier cercle – « qui est une réplique dans sa configuration familiale ».

« J’attends des actes forts. » Cette nomination suscite pour le moins beaucoup d’attentes de la part de la vice-présidente de la commission des affaires sociales : « J’attends de voir la politique qu’entend mener le nouveau ministre, notamment ce qui concerne l’offre de soins – sur laquelle travaille sa femme -, qui est à bout de souffle et même au bord de l’effondrement. »

L’espérance de vie d’Aurélien, selon Philippe Caverivière:

Réforme des retraites: les apports du Sénat

La Chambre haute, dite conservatrice, dame le pion des députés se disant réformistes

Palais du Luxembourg,
siège du Sénat
(côté jardins)

Macron assurait aux syndicats que le gouvernement restait « à l’écoute », tout en soulignant que la réforme des retraites s’imposait. Il a assuré, dans une lettre, ne pas « sous-estimer » le « mécontentement » et les « angoisses » des Français. Mais, en même temps, interrogé sur la réforme des retraites en marge de sa rencontre avec le premier ministre britannique, le président français a laissé entendre qu’il n’exclue rien, y compris le recours à une adoption sans vote par l’utilisation du 49.3« Il se trouve que le Parlement suivra les termes de notre Constitution pour qu’un texte législatif puisse aller à son terme (…) ni plus ni moins », a-t-il banalisé, se refusant à « faire ici de [la] politique fiction ».

En fait d' »écoute » et à la veille de la septième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, prévue pour le samedi 11 mars, Olivier Dussopt, le ministre du Travail a dénoncé le nombre important d’amendements et sous-amendements déposés par l’opposition. « Déni démocratique », « mépris stratosphérique » des parlementaires, « 49.3 déguisé »…  et à la veille de la septième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, prévue pour samedi,

Avec Les Républicains, majoritaires au Sénat, et les membres du groupe présidentiel, qui dominent l’Assemblée, les partisans de la réforme seront en majorité dans cette CMP. « La commission mixte paritaire aura forcément un rôle important, du fait que l’Assemblée ne s’est pas prononcée sur le texte. D’habitude, la CMP, c’est la négociation entre les débats qui ont eu lieu à l’Assemblée et les débats du Sénat, dans le but d’améliorer le texte. Là, ce sera une CMP un peu unilatérale, donc elle prend une dimension nouvelle », souligne le sénateur LR René-Paul Savary, rapporteur du projet de loi au Sénat.

« Il y a eu un temps de négociations syndicales, il y a ensuite eu un temps de travail de l’exécutif, a estimé Macron. Il y a ensuite le temps parlementaire à l’Assemblée et puis maintenant au Sénat », a-t-il observé. Et d’assurer qu’il veut « respecter ce temps parlementaire »… Un temps réduit : le vote bloqué au Sénat a pour objectif d’accélérer les débats déjà limités à un temps imparti.

Le socialiste Patrick Kanner a également signalé une quarantaine de « sénateurs de droite et du centre » qui n’ont pas voté l’article 7 sur le recul de l’âge légal – mais s’étaient abstenus ou voté contre – « grâce au travail mené jusqu’à présent »« Voilà l’état d’esprit dans lequel nous sommes », a-t-il conclu.

Le Sénat vote un amendement pour lancer la réflexion sur la capitalisation

Le Sénat a continué à faire le « boulot » en adoptant dimanche un amendement de la droite, qui demande à l’exécutif d’étudier la piste d’une capitalisation partielle des cotisations retraite des salariés et des indépendants. Suivant ce modèle, les retraités toucheraient une pension dont le montant serait en partie déterminé par les performances financières des investissements réalisés.

Les deux rapporteurs, la centriste Elisabeth Doineau et le LR René-Paul Savary, ont estimé que l’amendement de Jean-François Husson (le sénateur LR des Bouches-du-Rhône Stéphane Le Rudulier, ayant fini par retirer le sien pour soutenir celui de son collègue) n’avait pas sa place dans ce texte, sans toutefois se dire opposés à l’idée d’une part de capitalisation. Le gouvernement a émis un avis défavorable. Olivier Dussopt, le ministre du Travail, a notamment invoqué « la complexité du système » par capitalisation, prenant l’exemple du modèle suédois, cité à plusieurs reprises au cours des débats. « Le système suédois est à trois ou quatre étages avec une cotisation versée par les salariés, répartie en deux quotes-parts. Le salarié doit lui-même choisir parmi une liste de 40 fonds de pensions celui sur lequel il souhaite investir l’une de ces deux quotes-parts. »

Mis au vote en fin de matinée, l’amendement de Jean-François Husson a finalement été adopté avec 163 voix pour et 126 contre, majoritairement grâce aux soutiens de la droite, auxquels se sont ajoutés une cinquantaine de votes venus des rangs du groupe Les Indépendants. « Si on doit arriver un jour à la capitalisation, il faudra qu’elle soit solidaire ! », a encore voulu répéter Bruno Retailleau dans l’après-midi.

Les sénateurs votent l’extension du dispositif « carrières longues »

La majorité de droite au Sénat a acté le report de l’âge légal de départ à la retraite sur le dispositif des carrières longues, qui donne le droit à un départ anticipé, jeudi 9 mars, par 245 voix pour et 94 contre. La Chambre haute a mis en place une extension du dispositif pour ceux ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans.

Pour y avoir accès, l’assuré doit avoir commencé à travailler avant 16 ans, 18 ans ou 20 ans. La gauche a d’abord tenté de remplacer le critère de l’âge par celui du nombre d’annuités. « Pour ces personnes-là, deux ans de plus quand la loi entrera en vigueur, ce n’est pas rien. Donc nous, ce que nous préconisons, c’est 43 ans de cotisations et on s’en va ! », a plaidé la socialiste Monique Lubin, qui n’a jamais été que collaboratrice parlementaire. Dans la foulée, sa collègue du Rhône, l’écologiste EELV de 71 ans Raymonde Poncet-Monge – également secrétaire de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, dont on connaît l’efficacité face à la fraude – fustige des mesures présentées par l’exécutif comme une manière d’adoucir, ce qui est assumé, l’allongement de la durée du travail : « Un an de plus seulement pour les personnes qui travaillent depuis l’âge de 18 ans, quelle chance, quel progrès, quel geste social conséquent et exceptionnel ! » Et elles se disent femmes de progrès.

Le dispositif parvient même à recueillir les faveurs de la gauche, toutes proportions gardées: elle a largement dénoncé la complexité de ce système et ses brèches.

Les sénateurs se sont ménagé un temps d’examen de la pénibilité du travail.

Dès jeudi, les sénateurs ont commencé dans la soirée l’examen de l’article 9, qui porte sur la pénibilité et la prévention de l’usure professionnelle, alors que le projet de loi du gouvernement contient 20 articles et qu’il reste plus de 1.000 amendements à examiner.  

L’Institut national de recherche et de sécurité fournit sur son site une liste des métiers jugés « pénibles » sur les critères de travail de nuit, de travail répétitif, de travail en équipes successives alternantes, bruit, températures extrêmes, risque hyperbare, c’est-à-dire dépassement de la pression atmosphérique.

L’amendement du Sénat, en date du 27 février 2023, vise à une meilleure prise en compte de la pénibilité dans la Fonction publique territoriale dans son ensemble. Or, seuls les soignants des établissements sociaux et médico-sociaux sont potentiellement concernés par le « fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle » qui serait créé par l’article 9, dont il conviendra d’évaluer la portée. 

Pourtant, plusieurs métiers de la Fonction publique territoriale (FPT) présentent aussi des caractéristiques justifiant un accompagnement renforcé. L’indice de fréquence des accidents de travail dans la FPT (36,3 %) est plus élevé que dans les deux autres versants de la Fonction publique. La forte proportion d’agents de catégorie C (76 %) peut expliquer en partie ce chiffre. En effet, ces agents sont plus souvent sur des métiers avec des contraintes physiques et posturales, des contraintes horaires, des expositions à des produits toxiques (ATSEM, paysagistes, techniciens, etc.).

En particulier, dans la FPT, près de 47 % des agents travaillent dans la filière technique et 14 % dans les filières sociale, médico-sociale, des filières qui exposent le plus souvent à des risques physiques.

Les deux principaux risques identifiés sont, d’une part, les troubles musculo-squelettiques (80 % des maladies professionnelles en 2020) et, d’autre part, les risques psychosociaux (à l’origine de 34 % des arrêts de travail en 2021).

Les employeurs territoriaux ont déjà mis en œuvre des mesures de prévention, cependant le recul de l’âge de départ à la retraite aura des conséquences sans commune mesure sur cette « usure » . Le reclassement est un dispositif curatif long et coûteux et la problématique doit être abordée plus globalement, en repensant, notamment, l’accompagnement des agents vers un nouveau projet professionnel.

Cet amendement sénatorial insiste sur la nécessité d’étudier rapidement la mise en place d’un fonds d’investissement de prévention de la pénibilité pour les fonctionnaires territoriaux et de remédier à l’inégalité dont le texte initial de l’article 9 est porteur.

Il a été travaillé avec la Coordination des employeurs publics territoriaux, instance informelle regroupant l’ensemble des associations nationales d’élus locaux.

Les mères de famille doivent au Sénat une pension de retraite améliorée

Visant à compenser les carrières hachées liées à la maternité, une surcote est prévue depuis le vote sénatorial du jeudi 9 mars pour certaines mères qui atteindront les 43 annuités avant l’âge légal du fait des trimestres octroyés au titre de leur maternité et de l’éducation des enfants.

Les sénateurs ont adopté par 280 voix pour (et 64 abstentions) une proposition venant de la droite et des centristes pour une « surcote » de pension allant jusqu’à 5 % pour les femmes qui dépasseront les quarante-trois annuités requises, sous l’effet des trimestres octroyés au titre de leur maternité et de l’éducation des enfants. « Cela touchera 30 % des femmes d’une génération » soit « 130.000 personnes » par an, a annoncé le rapporteur René-Paul Savary (Les Républicains, LR).

Dans le détail, il sera accordé une surcote de 1,25 % par trimestre supplémentaire de cotisation à celles qui dépasseront les quarante-trois annuités un an avant l’âge légal de départ, avec au moins un trimestre de majoration pour la maternité ou l’éducation des enfants.

La mesure, chiffrée à 300 millions d’euros, va « dans le bon sens », concède le ministre du Travail. Olivier Dussopt a toutefois rappelé que les trimestres maternité et éducation des enfants ont été créés alors que les femmes interrompaient plus souvent leur carrière, et qu’ils deviennent « moins utiles », même s’ils doivent demeurer.

La gauche, qui se dit réformiste et féministe, a dit ses réserves, car la surcote ne compensera pas la « brutalité » du relèvement de l’âge légal de 62 à 64 ans. « Cela fait perdre un peu moins que prévu aux femmes », a concédé l’écologiste Mélanie Vogel. « Les inégalités de salaire et de pension ne sont pas réglées » entre les femmes et les hommes, a remarqué la socialiste Michelle Meunier. Les retraites des femmes sont actuellement 40 % en dessous de celles des hommes, une différence réduite à 28 % avec les pensions de réversion. La NUPES dénonce une mesure nataliste.