« Pap Ndiaye a inventé le “wokisme de salon » », une mise en garde de Pierre-André Taguieff

Le successeur de Blanquer est l’antithèse du premier choix de Macron, président binaire dont la « pensée complexe » alarme

[Pierre-André Taguieff, « Pap Ndiaye a inventé le “”wokisme de salon » (propos recueillis par le rédacteur en chef adjoint des pages Débats du Figaro, Alexandre Devecchio), Le Figaro Magazine, 3-4 juin 2022, pp. 40-44. 

Version complète de l’entretien, qui a dû être coupé pour être publié. L’ouvrage de Pierre-André Taguieff – philosophe, politologue et historien des idées (directeur de recherche honoraire au CNRS, auteur classé   » anarcho-situationnisme » aussi bien que « néoconservateur » – cité dans l’entretien est Le Retour de la décadence. Penser l’époque postprogressiste (Paris, PUF, 2022) ], ci-contre.

La nomination de Pap Ndiaye au poste de ministre de l’Education nationale a fait couler beaucoup d’encre. Que vous inspire-t-elle ?

Pierre-André Taguieff. J’ai tout d’abord éprouvé un sentiment de stupéfaction, voire de sidération. J’aurais compris qu’un Jean-Luc Mélenchon au pouvoir nomme Pap Ndiaye à ce poste. Mais comment comprendre que le président Macron puisse attendre d’un chantre de la « diversité », d’un dénonciateur des « violences policières » et d’un partisan de la discrimination positive à l’américaine qu’il poursuive les nécessaires réformes engagées par son prédécesseur Jean-Michel Blanquer ? Il s’agissait, pour ce dernier, de redonner son sens à l’école républicaine, en se réclamant sans ambiguïté des valeurs universalistes, en défendant le principe de laïcité et en réaffirmant l’autorité des professeurs. Son projet était de rétablir les conditions de l’égalité des chances et d’assurer ainsi le bon fonctionnement de la méritocratie républicaine. 

      [Noir comme peut l’être Obama, un métis qui rejette sa part de blanchité] Pap Ndiaye [56 ans], quant à lui, a des convictions idéologiques bien différentes qu’il a rendues publiques par ses livres (comme La Condition noire. Essai sur une minorité française, publié en 2008) et ses interviews. Elles témoignent notamment d’un intérêt particulier pour les minorités qu’il suppose discriminées (les « minorités visibles »), d’une vision raciale de la société française (composée de « Noirs », de Blancs », etc.) et de prises de position favorables à des mobilisations s’inspirant de l’antiracisme décolonial, comme celles du comité « La Vérité pour Abama », dénonçant le « racisme d’Etat » et les « violences policières » censées le traduire dans la rue.  On trouve certes chez cet intellectuel engagé certaines nuances. Il dénonce, dans la société française, un « racisme structurel » et non pas, comme Rokhaya Diallo ou Assa Traoré, un « racisme d’Etat ». A propos des militants « woke », il confie à M le magazine du Monde en juin 2021 : « Je partage la plupart de leurs causes, comme le féminisme, la lutte pour la protection de l’environnement ou l’antiracisme, mais je n’approuve pas les discours moralisateurs ou sectaires de certains d’entre eux. Je me sens plus cool que “woke”. » Notre nouveau ministre a inventé le décolonialisme de bonne compagnie, ainsi que le « wokisme » de salon, « convenable » et pour tout dire institutionnel. 

      Dans La Condition noire, Pap Ndiaye ne cache pas la « dimension franco-américaine » de ses réflexions, manière élégante et allusive de reconnaître sa dette envers les studies fortement idéologisées qui fleurissent dans les universités anglo-saxonnes : African American StudiesBlack StudiesPostcolonial Studies, etc. Il a rejoint la cohorte des universitaires militants qui, depuis les années 1990, ont trouvé dans l’antiracisme identitaire à l’américaine un substitut au marxisme : les « races » discriminées ont remplacé les prolétaires exploités. En se proposant d’ouvrir un « champ d’étude qui pourrait devenir celui des Black Studies à la française », Pap Ndiaye s’est risqué à transposer en France des modèles d’analyse empruntés à la boite à outils étatsunienne impliquant des engagements politiques « radicaux » dont il s’est efforcé d’arrondir les angles. Comme l’a dit de lui dans Le Monde (4 juin 2021) l’entrepreneur en postcolonialisme Pascal Blanchard, « Pap est un super diplomate ».       

Il est soupçonné par toute une partie de la droite, mais aussi de la gauche républicaine, de vouloir faire entrer la pensée décoloniale à l’école. Comment définiriez-vous cette pensée ?

PAT. Prise au sens large, la « pensée décoloniale » repose sur onze piliers : 1° tout est « construction sociale » ; 2° tout doit être « déconstruit » ; 3° tout doit être « décolonisé », étant entendu que la « décolonisation » doit s’appliquer à toutes les institutions des « sociétés blanches » et à tous les domaines de la culture occidentale ; 4° toutes les « sociétés blanches » sont racistes et tous les « Blancs » bénéficient du « privilège blanc » ; 5° le racisme, qui est « systémique », est l’héritage de la traite atlantique, du colonialisme, du capitalisme et de l’impérialisme du monde dit occidental ou « blanc » ; 6° « l’hégémonie blanche » va de pair avec l’« hétéro-patriarcat » ; 7° « l’intersectionnalité » conceptualise la situation de personnes qui, appartenant à des « minorités », sont censées subir simultanément plusieurs formes de discrimination (de race, de genre, de classe) en toute « société blanche » ; 8° tout nationalisme, y compris le patriotisme républicain à la française, est porteur de racisme, donc de « discriminations systémiques » ; 9° le sionisme est une forme de racisme [déni d’antisémitisme] et Israël est un « Etat d’apartheid » qu’il faut démanteler ; 10° l’« antiracisme politique » consiste avant tout à lutter contre l’islamophobie et la négrophobie ; 11° ce que les islamophobes appellent « l’islamisme » n’existe pas plus que « l’islamo-gauchisme » : il n’y a que des musulmans qui souffrent de « discriminations systémiques » et sont victimes, dans les pays occidentaux, d’une islamophobie d’Etat [mise en question de la laïcité].  

Pap Ndiaye s’inscrit-il réellement dans ce courant idéologique ?

PAT. On trouve dans ses publications comme dans ses prises de position publiques de nombreux emprunts à cette configuration idéologique à bords flous, mais on doit reconnaître qu’il ne coche pas toutes les cases. Pour comprendre son itinéraire, il faut rappeler que, grâce à la bourse [un « privilège blanc »] qui lui a été octroyée en 1991 [par la « société blanche », l’Etat français gangréné par un « racisme structurel » pour étudier un an à l’université de Virginie] au nom de la politique américaine de discrimination positive, il a pu poursuivre ses études à l’université de Virginie [ancien état esclavagiste] où il a préparé sa thèse d’histoire : « Je suis donc un produit de l’école républicaine française et de l’affirmative action américaine », a-t-il déclaré au Monde en 2009. Mais c’est à cette occasion qu’il a découvert le racisme et l’importance accordée aux identités raciales par les intellectuels antiracistes étatsuniens, comme il l’a reconnu en juin 2021 : « Mon passage aux États-Unis m’a permis de penser la question raciale. Ce fut une forme de révélation. »  Il n’y a certes rien de honteux à se découvrir « Noir » sur le tard. 

Echo au slogan « Black is beautiful »,
mouvement d’assertion militante de la fierté afro-américaine dans les années 60

      Son engagement politique le plus clair à cet égard a été le rôle qu’il a joué dans la création du Cercle d’action pour la promotion de la diversité en France (Capvid), puis dans la fondation du CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France), fin novembre 2006. On le trouve au bureau du Conseil scientifique (créé en mars 2007) de cette étrange organisation, qui justifie son existence en référence à une appartenance raciale marquée par une couleur de peau. Il reste que le CRAN s’est lancé dans la cancel culture, en exigeant notamment des déboulonnages de statues mémorielles. Autre indice de proximité de Pap Ndiaye vis-à-vis de l’antiracisme racialiste de la nouvelle extrême gauche : ses prises de position en faveur des statistiques ethniques. Dans La Condition noire, il « rend compte du déplacement de la lutte antiraciste vers la politique antidiscriminatoire » et « plaide pour l’utilisation de techniques statistiques afin d’établir la discrimination comme un fait social ».  

     Mais il est vrai que Pap Ndiaye n’a jamais été en pointe dans les milieux intersectionnalistes et décoloniaux, car il se souciait avant tout de sa carrière universitaire, ce qui l’obligeait à se montrer stratège et prudent. Pour reprendre les propos louangeurs tenus sur lui par sa sœur Marie Ndiaye, romancière devenue célèbre dans une société française supposée pourtant soumise à un impitoyable « racisme structurel », il s’est efforcé de se fabriquer une image attrayante de « conciliateur » et de « pacificateur », convenant à ses ambitions institutionnelles – accéder avant tout à des postes de direction, ce qu’il a parfaitement réussi à faire, à Sciences Po Paris (directeur du département d’histoire), au Musée national de l’histoire de l’immigration (directeur général du Palais de la Porte-Dorée, 1er mars 2021) et au Centre national du cinéma et de l’image (président de la « commission images de la diversité », janvier 2022), avant d’être nommé le 20 mai 2022 ministre de l’Education nationale [par le cynique Macron]. Tout en donnant des gages aux militants décoloniaux, il tenait à se démarquer des figures médiatiques les plus caricaturales du décolonialisme, telles que l’indigéniste et islamo-gauchiste Houria Bouteldja ou Rokhaya Diallo, qui se définissait en janvier 2017 comme « féministe intersectionnelle et décoloniale ». 

     Il est venu cependant au secours de l’exaltée Assa Traoré aux propos accusateurs et incendiaires, en déclarant avec complaisance et peut-être empathie en juillet 2020 : « Au fond, quand on la lit, quand on l’écoute, son discours est rassembleur. J’entends un discours de convergence plutôt qu’un discours de clivage et de séparation, un discours qui réclame l’égalité. » Il légitimait ainsi le pseudo-antiracisme fondé sur la dénonciation litanique des « violences policières », autre importation des radicaux étatsuniens. Car la militante décoloniale Assa Traoré désignait clairement l’« ennemi commun : le système », le « système » criminel qui, selon elle, « tue » les jeunes issus de l’immigration. Elle précisait ainsi, en 2018, sa vision intrinsèquement négative de la société française : « En France, la ségrégation sociale est doublée d’une ségrégation raciale : ce qui se passe aujourd’hui dans les quartiers s’inscrit dans la suite de l’histoire de l’esclavage et de la colonisation. » [Ca valait bien un maroquin !] On reconnaît la thèse du « racisme systémique ». Comment, lorsqu’on prétend être, une fois nommé ministre, un « pur produit de la méritocratie républicaine », peut-on assumer d’avoir attribué à l’agitatrice Traoré, entourée de dénonciateurs de l’universalisme républicain en tant que masque du racisme, un « discours rassembleur » ?  [une illustration de la « pensée complexe » macronarde »]

     Impressionné par la meute des gauchistes islamismophiles qui pétitionnaient avec indignation contre l’emploi de l’expression « islamo-gauchisme », Pap Ndiaye a prudemment pris ses distances le 19 février 2021, sur France Inter, vis-à-vis des positions prises sur le sujet par Jean-Michel Blanquer et  Frédérique Vidal – laquelle avait le 14 février 2021 demandé de mener une enquête sur l’islamo-gauchisme à l’université –, en déclarant avec sa seule autorité d’un spécialiste des minorités « de couleur » aux Etats-Unis : 

« Ce terme [d’islamo-gauchisme] ne désigne aucune réalité, bien entendu, dans l’université. C’est plutôt une manière de stigmatiser des courants de recherche (…) [des travaux sur] l’intersectionnalité, [c’est-à-dire] une manière de croiser des approches antiracistes, antisexistes, par exemple, de considérer que les situations sociales sont le fruit d’entrecroisements, qui sont le fruit de discriminations diverses, si vous voulez. Ça, ce sont des recherches tout à fait importantes, qui irriguent la recherche internationale. Et donc il serait évidemment catastrophique de les mettre à l’index. » 

Et de préciser, non sans une certaine morgue : « Ce qui me frappe, c’est plutôt le degré de méconnaissance, dans le monde politique en général, des recherches qui sont menées à l’université en sciences sociales et en sciences humaines(…) Ils n’ont qu’une idée extrêmement vague de ce qu’on appelle la recherche universitaire. » Quant à Pap Ndiaye, « intellectuel internationalement reconnu » (selon ses laudateurs), auteur d’une œuvre considérable (sa thèse et quatre livres, dont deux petits ouvrages scolaires et un recueil d’articles), il sait ce qu’est la recherche « en sciences sociales et en sciences humaines » : études de genre,  « théorie critique de la race », intersectionnalité, postcolonialisme et décolonialisme. 

Ne faut-il pas attendre avant de le juger ?

PAT. Il faut en effet éviter tout procès d’intention sur la base de ce que nous connaissons de ses orientations idéologico-politiques. D’abord parce que, comme tout acteur politique, il peut en changer ou les corriger selon les contextes. Et l’homme a montré qu’il était particulièrement souple.  Ensuite, en raison de l’importance de l’administration de l’éducation, puissante organisation impersonnelle qui absorbe les chocs idéologiques au nom de la « continuité du service », devant gérer en permanence un million de personnels et douze millions d’élèves. Enfin, parce que le citoyen engagé dans l’antiracisme à l’américaine, impliquant une centration sur la race marquée par la couleur de peau et le prétendu « racisme structurel », devra compter, en tant que ministre, avec la tradition républicaine à la française qui, conformément à ses valeurs et à ses normes universalistes, prône l’indifférence à la couleur et ne réduit pas les identités individuelles à des échantillons d’identités ethno-raciales. L’essentialisme racial et l’identitarisme ethnique à base victimaire sont des produits idéologiques importés principalement des campus étatsuniens aux mains d’organisations néo-gauchistes radicales. Mais, compte tenu de son « ouverture » à ces courants idéologiques, on peut craindre que Pap Ndiaye [comme ministre] ne compose avec les syndicats, les groupes de pression et les mouvements politiques ralliés au wokisme et à la cancel culture Ce qui serait une catastrophe pour le système d’enseignement français. 

Votre nouveau livre s’intitule Le Retour de la décadence. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? 

PAT. Une approche philosophique du déclin et de la décadence ne peut se passer d’analyses préliminaires relevant d’une sémantique historique. Le mot « déclin » enveloppe les représentations d’un processus naturel comme « vieillissement », « sénescence » et « fin de » (ou « mort naturelle »), métaphorisé notamment par le mot « crépuscule ». C’est en ce sens que Spengler emploie le terme dans Le Déclin de l’Occident (1918 et 1922). Le mot « décadence », quant à lui, implique les représentations de processus pathologiques polymorphes (à fortes connotations théologiques ou morales), tels que la « dégénérescence », la « déchéance », la « décrépitude », la « dégradation », la « maladie », l’« écroulement », l’« effondrement », l’« acheminement vers la ruine » ou la « désintégration ». Il faut y ajouter la métaphore du « naufrage ». Les visions naturalistes et « rassuristes » du déclin se distinguent des visions catastrophistes ou apocalyptiques de la décadence. Cependant, dans bien des cas, il est impossible de trancher entre la thèse d’une mort naturelle et celle d’une mort violente. Si l’on peut retarder un déclin, on peut éviter un naufrage, voire remonter la pente d’une décadence. 

Le terme « décliniste » a longtemps visé une partie de la droite. Vous montrez qu’il existe un déclinisme de gauche, voire d’extrême gauche à travers l’ « écologisme » ?

PAT. Je souligne en effet que les prophètes de déclin ou décadence, voire de fin du monde ou de chaos final, surgissent aujourd’hui surtout dans les milieux écologistes. C’est sur ces thèmes apocalyptiques qu’ils mobilisent. Le malheur de la pensée écologique tient à ce qu’elle est trop souvent instrumentalisée et exploitée par des illuminés sectaires et des démagogues cyniques, qui prétendent monopoliser les « bonnes » positions, c’est-à-dire celles qui relèvent des modes idéologiques mondialisées se nourrissant de grandes peurs collectives. C’est pourquoi leur rhétorique est manichéenne. Même un supposé « modéré » comme Yannick Jadot s’exprime comme un extrémiste fanatique : « On a un choix entre deux options : l’écologie et la barbarie » (16 mars 2022).

      L’écologisme est devenu une gnose, c’est-à-dire un savoir qui sauve, mais qui n’est plus réservé à un petit nombre. A l’âge démocratique, les gnoses perdent leur caractère ésotérique pour faire l’objet d’un endoctrinement de masse.  L’écologisme fonctionne comme une religion de salut à laquelle se sont converties toutes les mouvances de gauche et d’extrême gauche, y compris les décoloniales, qui y voient une manière particulièrement efficace et consensuelle de diaboliser la civilisation occidentale, source à leurs yeux de tous les maux.  Les militants écologistes rejoignent donc logiquement le camp bariolé des ennemis de l’Occident, un Occident maudit et prédateur qu’ils réduisent au productivisme, au capitalisme ou au néolibéralisme.  

Pour autant, ne faut-il pas prendre au sérieux l’enjeu écologique ?

PAT. Bien entendu, mais après l’avoir arraché des mains douteuses des faux prophètes, des marchands d’apocalypse et des histrions idéologiques qui se multiplient dans le champ des « nouvelles radicalités ». Mais je reste lucide : la « dégauchisation » de l’écologie durera longtemps. On n’effacera pas facilement un processus d’appropriation culturelle et politique qui a si bien marché.   

Votre critique du progressisme ne vous conduit donc pas à donner dans le déclinisme ? 

PAT. Je suis trop sceptique pour être un adepte du déclinisme, qui n’est après tout que le produit d’une inversion simple de l’optimisme progressiste le plus sommaire. Passer de la prédiction béate « ce sera mieux demain » à la lamentation nostalgique du type « c’était mieux avant », c’est tourner en rond.  La grande illusion est aujourd’hui de croire qu’on ne peut en finir avec le catéchisme progressiste qu’en adoptant le catéchisme décliniste. 

     Il faut poser le problème au niveau du destin des civilisations. Ma thèse est que lorsqu’une civilisation perd confiance en elle-même, elle est vouée à consentir à son effondrement. La question de la perte de confiance en soi, face à une crise comme face à une menace, est déterminante. Dans son bel essai sur « les religions meurtrières » paru en 2006, l’historien israélien Elie Barnavi, faisant référence à la menace islamiste, n’hésitait pas à lancer avec lucidité : « Une civilisation qui perd confiance en elle-même jusqu’à perdre le goût de se défendre, entame sa décadence. » Or, l’individualisme hédoniste et consumériste, qui est l’idéologie dominante de la civilisation occidentale moderne, paralyse la volonté et neutralise le courage, ouvrant la voie à la soumission. La fierté civilisationnelle est en baisse dans les pays occidentaux, en même temps que s’accroît la culpabilité de « l’homme blanc », ce malheureux bénéficiaire principal du prétendu « privilège blanc » saisi par une haine de soi doublée d’une honte de soi, devenu la cible principale de l’activisme décolonial et « wokiste ». 

      L’idée d’une re-barbarisation de telle ou telle civilisation est à prendre au sérieux. Elle nous rappelle qu’une civilisation est une longue construction sociohistorique qui reste fragile, même et peut-être surtout lorsqu’elle parvient au faîte de sa puissance. Les civilisés trop satisfaits sont des proies faciles. En outre, étant déçus, voire désespérés à la moindre averse, ils peuvent se métamorphoser en ennemis internes de leur culture ou de leur civilisation, comme nous le montrent aujourd’hui le mouvement décolonial et le néo-antiracisme « wokiste », dont la cible commune est la civilisation occidentale tout entière. 

Diriez-vous que la percée de l’idéologie décoloniale à l’université, dans le monde de la culture et peut-être demain à l’éducation nationale est un symptôme de décadence ?

PAT.  Si l’on entend par décadence une rupture de transmission d’un ensemble de valeurs et un processus de décomposition d’une civilisation ou d’une culture nationale, alors l’imprégnation décoloniale croissante qu’on observe peut être interprétée comme un indice de décadence. Ce qui est sûr, c’est que, pour ceux qui croient d’abord qu’il existe une culture française et qu’il faut la transmettre et la faire fructifier plutôt que la déconstruire, ensuite que l’héritage des Lumières, toujours certes à repenser, doit être défendu et illustré, ce à quoi nous assistons apparaît comme une régression qui, plus profondément, pourrait être une décivilisation. Husserl notait que « le monde la culture, sous toutes ses formes, existe par la tradition ». Et il n’y a pas de tradition sans héritage ni transmission. Les interruptions violentes de transmission produisent des déculturations parfois irrémédiables. L’avenir répulsif que nous entrevoyons, c’est l’invention d’un nouveau tribalisme, un tribalisme postnational, fondé notamment sur la racialisation de divers groupes identitaires en conflit permanent. [En février 2017 à Lyon, Macron a lancé : « Il n’y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse »].

     Le paradoxe est que ce néo-tribalisme coexiste et interfère avec les produits de la corruption idéologique de l’universalisme occidental d’origine chrétienne, représenté par la célébration des droits de l’homme [de l’Humain, désormais ! ] (de partout et nulle part) au détriment des droits et des devoirs du citoyen (toujours de quelque part). Ces croyances et ces valeurs néo-chrétiennes concentrées dans un cosmopolitisme moral devenu un catéchisme ne font plus rêver qu’une poignée de prédicateurs sans autre auditoire universel que l’écho de leurs prières et de leurs prêches en faveur du relativisme ou du pluralisme, de l’ouverture, de la tolérance et de la « bienveillance », du « care », de la « diversité » et de l’« inclusivité ». En ce qu’elle était censée annoncer l’unification, l’uniformisation et l’égalisation des pensées et des styles de vie, l’occidentalisation juridico-politico-morale du monde a échoué. On connaît le mot apocryphe attribué à Aristote : « La tolérance et l’apathie sont les dernières vertus d’une société mourante. » Mais l’agonie peut durer longtemps, sur le mode d’une euthanasie lente.

Peut-on, dès lors, échapper au déclinisme et au pessimisme ? 

PAT. Le sentiment qu’on vit l’époque de la fin des grands espoirs collectifs n’a cessé de nourrir les visions modernes et postmodernes de la décadence. Et ce, qu’on la pense classiquement comme fin de l’âge des héros ou, à la manière moderne, comme fin des promesses de libération ou d’émancipation, engluées dans le culte de la consommation qui accompagne l’émergence des sociétés d’abondance. Peut-être le sentiment d’assister à une décadence finale et de vivre les « derniers jours de l’humanité » relève-t-il d’une esthétisation du déclin, qui se traduit régulièrement par la contemplation d’une « apocalypse joyeuse », produit d’une transfiguration festive du taedium vitae, ce dégoût de la vie qui peut donner paradoxalement des raisons de vivre. Cioran a noté sobrement : « Dans l’histoire, seules les périodes de déclin sont captivantes. » Et Nietzsche [mort en 1900] , persuadé que « l’Europe est un monde qui s’effondre », célébrait en 1884 la contemplation esthétique de l’agonie européenne : « Un monde qui s’effondre est un plaisir non seulement pour le spectateur, mais aussi pour le destructeur. »

      On ne peut vraiment échapper au pessimisme radical qu’en s’installant inconfortablement dans le tragique. Il est envisageable de le faire sans s’abandonner aux passions tristes. Le héros tragique est gai, suggérait Nietzsche. Giono, pour sa part, indiquait la voie avec simplicité : « Je crois que ce qui importe, c’est d’être un joyeux pessimiste. » On peut cependant hésiter entre le pessimisme joyeux (la gaieté sans illusions) et « l’optimisme tragique » évoqué par Emmanuel Mounier. 

       La situation n’est peut-être pas sans espoir. On peut s’en tenir à ce « peut-être ». La peur du déclin, voire de la fin, pourrait être un moteur du progrès, mais d’un progrès qui n’aurait plus rien à voir avec l’idole abstraite dont le culte a constitué le cœur de la religion des Modernes. Un progrès qui reste à imaginer, par-delà toute forme de nécessitarisme. Je l’ai baptisé « méliorisme » dans les années 1990. C’est le meilleur usage imaginable de la peur et du sentiment de déclin ou de décadence. Car, après tout, l’espèce humaine est inventive, elle a montré dans l’histoire qu’elle pouvait trouver des solutions aux problèmes les plus épineux. L’inconséquence serait de sortir de la vision nécessitariste du Progrès sans fin pour sombrer dans une vision fataliste du déclin final. Dans les deux cas, on se laisse porter par la vague, celle qui conduit au meilleur ou celle qui mène au pire. Deux visions également paresseuses, et qui alimentent la paresse, l’une comme l’autre nous assurant que nous n’avons rien à faire qu’à attendre. La passivité n’est pas une vertu. Elle inspire l’attentisme et l’opportunisme.   

Macron rétablit la notion de race en nommant l’indigéniste Ndiaye au gouvernement

Même Mélenchon n’aurait pas osé nommer un décolonial à l’Education

Du vivre ensemble à
la haine anti-Blanc

Après les nominations de Rama Yade, ancienne secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy, chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’homme, et de Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement Philippe, une nouvelle personnalité d’origine sénégalaise arrive au gouvernement par la grâce de Macron : Pap Ndiaye, historien métis de père sénégalais, quitte la direction générale du palais de la Porte-Dorée le Musée de l’Histoire de l’immigration où l’a nommé Macron en 2021, pour entrer Rue de Grenelle, à la tête du ministère de l’Education nationale et de la jeunesse, une récidive du cynique Macron en 2022, président sans colonne vertébrale qui avait nommé Blanquer, un prédécesseur aux antipodes. Lien PaSiDupes

Palais de la Porte-Dorée,  construit à l’occasion de… l’Exposition coloniale internationale de 1931,
abritant aujourd’hui le musée de l’Histoire de l’immigration 

« Je ne peux même pas l’expliquer, ce choix n’a aucun sens, Emmanuel Macron joue avec des institutions décisives sans aucune cohérence. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que le choix du nouveau ministre de l’Education nationale laisse François-Xavier Bellamy plutôt circonspect. Finalement, l’eurodéputé arrive tout de même à trouver des explications à cette nomination surprise : « Cette nomination est un message, on retrouve l’Emmanuel Macron qui expliquait qu’il n’y a pas de culture française. » D’après lui, « même Jean-Luc Mélenchon n’aurait pas osé nommer à la tête du ministère de l’Education nationale l’un des cofondateurs du CRAN, qui défend depuis des années cette vision décoloniale d’une France coupable de racisme structurel. »

Fête de la musique à l’Elysée
Pantalon sous les fesses:
Macron s’encanaille à Saint-Martin

François-Xavier Bellamy se dit « révolté que le ministère de l’Education nationale, qui devrait être confié à quelqu’un qui reconstruit la communauté nationale, soit confié à quelqu’un qui porte le soupçon sur nos institutions. » Pour lui, cette nomination « est un désaveu total » : « La réforme du lycée, c’était toujours moins de transmission des savoirs fondamentaux, la fragilisation du tronc commun, l’effondrement du travail des enseignements. Mais malgré tout, Jean-Michel Blanquer avait un courage, c’est d’affronter avec force les discours qui jettent le soupçon sur la mission de l’Ecole, en disant qu’elle est un lieu de reproduction de la ségrégation. »

« La nomination du ministre de l’Education nationale ouvrira les yeux aux électeurs de droite »

François-Xavier Bellamy met en garde : « Pap Ndiaye explique que c’est le cœur du travail de l’Ecole que d’organiser cette ségrégation. Son livre, ‘La Condition noire’ est un travail où il ramène tout à la couleur de peau. Tout est fait pour montrer que derrière la question de la race, une certaine gauche a retrouvé sa nostalgie de la lutte des classes. Je crois en une école qui peut faire réussir tout le monde à condition qu’elle soit indifférente à leur couleur de peau. »

Au moins cette nomination devrait être l’occasion d’une clarification politique, dans la « confusion généralisée » macronienne : « La nomination du ministre de l’Education nationale ouvrira les yeux à tous les électeurs qui ont cru trouver en Emmanuel Macron quelqu’un qui pourrait correspondre à la droite classique. Ce qui m’inquiète, ce n’est pas le discours de Pap Ndiaye, qui est clair, mais le fait que le Président de la République soit capable de passer de Jean-Michel Blanquer à Pap Ndiaye. »

Pap Ndiaye s’est décrédibilisé comme ministre de toute la jeunesse de France

Le nouveau ministre de l’Education et de la… jeunesse est un « indigéniste » et un militant du « wokisme ». Jean-Michel Blanquer a fait de la lutte contre le « wokisme » et « l’islamo-gauchisme » un combat personnel, à la tête de l’Education nationale pendant cinq ans, ce qui fait de lui le ministre à la longévité la plus importante à ce poste. Combat très médiatique, la question de la laïcité a même fait l’objet d’un lancement de think tank par le ministre alors encore poste.

A l’inverse, Pap Ndiaye a affirmé en juin 2021 à M, Le magazine du Monde: 

« Je partage la cause des militants woke, la lutte pour la protection de l’environnement, le féminisme ou l’antiracisme. »

Sur « l’islamo-gauchisme », ce mot valise qui sous-entend une proximité entre les milieux islamistes et la gauche française, l’ancien directeur du musée national de l’immigration a considéré que le terme utilisé par Jean-Michel Blanquer ne désignait « aucune réalité dans l’université » et qu’il s’agissait d’une « manière de stigmatiser des courants de recherches ».

Certains syndicats d’enseignants estiment que la nomination de Pap Ndiaye permet de tourner une page avec l’ère Blanquer – dont le bilan est sévèrement jugé – mais attendent surtout des résultats. « On s’attend non pas à un symbole mais à une politique de rupture avec celle de Jean-Michel Blanquer », affirme le Secrétaire national du Syndicat national des écoles, collèges et lycées (SNALC) sur BFMTV. Le principal syndicat d’enseignants du secondaire, le Snes-FSU abonde: « Les urgences sont réelles, des réponses rapides sont attendues, notamment en matière salariale. »

« On peut y voir une forme de rééquilibrage politique », selon Bruno Cautrès, politologue, chercheur au CNRS et au Cevipof (Science Po Paris). Sur BFMTV, il estime que son collègue est « un universitaire de haut niveau, très spécialisé dans son domaine d’études » ce qui ne répond pas à la question de son parti-pris racialiste.

Pap Ndiaye dissimule mal son « indigénisme » anti-Blanc

Historien adoubé par l’Université et l’EHESS déconstructionnalistes, puis plébiscité par l’IEP de Paris, pour ses partis-pris sur les questions d’immigration et de racisme, il a pris soin, au cours de la passation de pouvoir avec Jean-Michel Blanquer, de ne pas évoquer ces thèmes controversés.

LIEN TikTok: débat

La droite nationale l’a donc eu belle de dénoncer l’entrisme d’un « militant intégrationniste » masqué, estimant ainsi que cette nomination rue de Grenelle est une « provocation ». Et une menace sur la jeunesse.

« Ce choix de mettre un homme qui défend l’indigénisme, le racialisme, le wokisme à la tête de l’Education nationale est un choix terrifiant pour les parents et les grands-parents que nous sommes », a jugé Marine Le Pen au micro de BFMTV.

« Emmanuel Macron avait dit qu’il fallait déconstruire l’Histoire de France.

Pap Ndiaye va s’en charger”, a lancé avant elle l’autre candidat de la droite nationnale, Eric Zemmour, sur Twitter, pour qui le passé universitaire du nouveau ministre mérite d’être fermement passé au crible.

LlEN TikTok vers le commentaire d’Eric Zemmour

De l’enseignant à Sciences Po qui rompt avec l’universalisme, Macron a pris le parti de faire un ministre de la diversité à haut risque, rompant avec le principe selon lequel chaque citoyen est traité avec les mêmes conditions, sans différenciation selon le genre ou l’origine ethnique.

Un profil qui clive jusque dans la majorité présidentielle. Sur France Inter, le député MoDem Jean-Louis Bourlanges a souligné le risque de passer d’une “culture politique exigeante en matière de laïcité” à celle d’un autre système « sans crier gare » du nouveau ministre de l’Education.

Pap Ndiaye a par le passé évoqué un « racisme structurel en France », tout en niant sa vision d’un racisme d’Etat, avec certains intellectuels et mouvements politiques, tel LFI. « Le racisme d’Etat suppose que les institutions de l’État soient au service d’une politique raciste, ce qui n’est évidemment pas le cas en France », avait-il défendu au Monde en décembre 2017.

Pap Ndiaye s’est manifesté en « anti-flic »

Adepte cynique de l' »en même temps » macronien, Ndiaye avait expliqué, dans le même entretien de 2020, que les policiers font « un travail nécessaire et important » et souligné, malgré des points de convergences, des différences entre les violences policières américaines et françaises, dont un niveau de violence incomparable.

Mais ses prises de positions suivantes sur les brutalités de policiers ne plaident plus en faveur de l’objectivité universitaire du futur ministre franco-sénégalais. « L’attitude de déni en ce qui concerne les violences policières en France est classique depuis longtemps. Quelque chose est en train de se passer en France », avait-il annoncé au micro de France Inter le 4 juin 2020, quelques jours après la mort de Georges Floyd, un délinquant qui s’était opposé à une interpellation des forces de l’ordre aux Etats-Unis.

Invité à analyser les réactions de la société civile américaine à ce meurtre, l’ancien directeur du musée de l’histoire de l’immigration, le meilleur choix de Macron avait regretté « que les autorités françaises se raidissent dans un refus de comparer » les affaires George Floyd et Adama Traoré.

De quoi justifier les réactions de Jordan Bardella, actuel président du Rassemblement National pour qui « Pap Ndiaye est un militant racialiste et anti-flics. Sa nomination est un signal extrêmement inquiétant envoyé aux élèves français au sein de l’Education nationale, déjà minée par le communautarisme ».

Ou de la journaliste et chroniqueuse critique du politiquement correct Elisabeth Lévy qui a ironisé: « Macron me déçoit. Pap Ndiaye à l’Education Nationale c’est bien, mais il aurait dû nommer Assa Traoré à l’Intérieur et Houria Bouteldja à la Culture. »

Racisme anti-Blanc pur et simple

Depuis l’annonce de sa nomination par Alexis Kohler, sur le perron de l’Elysée, Pap Ndiaye est la cible d’attaques dénonçant son racisme anti-Blanc.

« La concentration des réactions sur Pap Ndiaye ne laisse pas beaucoup de doute. L’extrême droite, sous couvert de critiques politiques (…) sous-entend que ‘cette personne droite’ est dangereuse pour la société”, analyse Dominique Sopo, professionnel de la dénonciation stérile à SOS Racisme depuis… 2003. Selon ce président à vie, il y a « évidemment un fond raciste dans ces attaques ».

Un racisme décomplexé et affiché sur les réseaux sociaux qui n’étonne pas sa soeur, la romancière Marie Ndiaye, lauréate du prix Goncourt en 2009:

« Bien sûr, on s’y attendait. Cela n’a rien de surprenant. Quand on accepte ce genre de mission, on accepte aussi ce qu’il y a de plus détestable (…) Je l’admire d’accepter de ne plus être complètement lui, mais d’être aussi un personnage qu’on agresse de manière absurde, complètement stupide », a assené l’autrice de Trois femmes puissantessur RTL.

Les faits sont pourtant cruels et BFMTV omet de les évoquer:

Le nouveau ministre estime que l’islamo-gauchisme n’existe pas

Rappel rapide et instructif des différentes activités de P. Ndiaye : Pap Ndiaye est le co-signataire d’un rapport sur la diversité à l’Opéra de Paris passé inaperçu dans le grand public et qui était une sorte de tract en faveur de thèses diversitaires copiant celles issues des milieux associatifs et universitaires américains favorisant la discrimination positive. Curieusement, ce rapport revenait sur la mort de George Floyd et le combat du mouvement Black Lives Matter pour souligner une possible discrimination raciste et quasi-institutionnelle dans le monde de la culture en France, en particulier à l’Opéra de Paris.

Inspiré des thèses décolonialistes mises en avant par des activistes comme Françoise Vergès ou David Bobée, P. Ndiaye, constatant que « l’Opéra national de Paris n’a encore programmé ni metteur en scène, ni livret ou composition écrits par une personne non blanche », y propose de « repenser l’unité chromatique » et de favoriser « la diversité mélanique » [et ainsi discriminer la population locale blanche] en créant un « poste de responsable diversité et inclusion ». Il préconise de « démarcher de manière active […] des artistes non blancs de haut niveau » [des non-Blancs jugés versatiles, dont Macron]. Plusieurs passages de ce document relèvent du pur wokisme. Parce que « l’opéra européen était le point de vue sublime des dominants sur le monde : celui d’hommes européens blancs [faute d’opéra africain ou maghrébin] », on y note ce qui, dans des œuvres anciennes, relèverait d’une « racialisation », et on y dénonce par exemple « la danse chinoise et la danse arabe de Casse-Noisette » ou les « personnages “yellowface” [variante du black face] avec le maquillage de la peau et le contour des yeux exagérément allongé » de Madame Butterfly.

L’art est remplacé par le combat politique et la morale. La révision des œuvres au nom de l’antiracisme est ravageuse. P. Ndiaye juge ainsi nécessaire de « décoloniser » les arts, de diversifier chromatiquement les artistes, de nettoyer les œuvres, c’est-à-dire de détruire le patrimoine culturel occidental. »

Tout juste nommé directeur du Musée de l’immigration, P. Ndiaye avait annoncé la couleur sur les ondes de France Inter : ce musée devait devenir un lieu de débats « décolonialistes » « où toutes les questions qui ont trait à la lutte antiraciste auront leur place ».

P. Ndiaye est convaincu que la France souffre d’un mal raciste et discriminatoire issu de son passé colonial. « On cherche ce qui dans la société française contemporaine est hérité de l’époque coloniale. On regarde les formes de continuité sans préjuger que nous serions entièrement détachés de cette période », dit-il alors au micro d’Ali Baddou, maroco-français. En clair : la société française a gardé un fond colonialiste qu’elle perpétue en discriminant les immigrés qui arrivent sur son sol et qu’elle traite comme les indigènes des anciens pays colonisés. Il ajoutait vouloir traiter des « discriminations croisées » et mettre en relief la « recherche intersectionnelle » universitaire qui, de son point de vue, était empêchée par le faux sujet qu’est l’islamo-gauchisme. 

Un ami de l’historien Pascal Blanchard

Tout dernièrement, en janvier 2022, Pap Ndiaye a été nommé président de la Commission Images de la diversité (2007) pour le CNC. Sa mission : « contribuer à donner une représentation plus fidèle de la société française , d’écrire une histoire commune de l’ensemble de la population française, en favorisant l’émergence de nouvelles formes d’écritures et de nouveaux talents. » On sait ce que cela veut dire. Une des deux co-présidentes de cette commission est… Assa Maïga, l’actrice qui, lors d’une des Cérémonies des César, avait compté les Noirs dans la salle pour soi-disant souligner la sous-représentation des « racisés » dans le cinéma.

Spécialiste de l’Empire colonial français, des études postcoloniales et de l’Histoire de l’immigration

Ami de l’entrepreneur décolonialiste Pascal Blanchard qui se vante de « tenir » les manuels scolaires, 57 ans, proche des thèses décolonialistes radicales, celui qui regrettait que « les autorités françaises se raidissent dans un refus de comparer » les cas de George Floyd et d’Adama Traoré, peut-il réellement incarner le renouveau attendu dans l’Education nationale ? On peut légitimement avoir de très sérieux doutes: il a tous les a priori pour fracturer l’école. A droite, Eric Zemmour a d’ailleurs ironisé : « Emmanuel Macron avait dit qu’il fallait déconstruire l’Histoire de France. Pap Ndiaye va s’en charger. » Au Rassemblement national, Jordan Bardella a surenchéri : « Avec ce remaniement, la dislocation de la nation s’accélère ! »

Un pratiquant des réunions interdites aux Blancs ?
Quel grand républicain, ce Pap Ndiaye, s’est félicitée Elisabeth Borne hier soir sur TF1 ! Quel universalisme ! En 2016, notre nouveau ministre de l’Education nationale aurait participé avec les décolonialistes Françoise Vergès et Maboula Soumahoro à une réunion intitulée « Être noir.e en France » qui, en plus d’être en « non mixité racisée » (donc interdite aux Blancs) se concluait par un « repas vegan » : plus woke tu meurs !

Le fact checking à oeillères contribue à la désinformation.

Le « décolonialisme », une stratégie hégémonique

L’appel de 80 intellectuels date de novembre 2018

Ils sont philosophes, historiens, professeurs, etc et dénoncent des mouvances qui, sous couvert de lutte pour l’émancipation, réactivent la notion de « race ».

C’est au rythme de plusieurs événements universitaires et culturels par mois que se multiplient les initiatives militantes portées par le mouvement « décolonial » et ses relais associatifs (1). Ces différents groupes sont accueillis dans les plus prestigieux établissements universitaires (2), salles de spectacle et musées (3). Ainsi en est-il, par exemple, du séminaire « Genre, nation et laïcité » accueilli par la Maison des sciences de l’homme (Paris 6e, qui a essaimé dans de nombreuses grandes villes de France) début octobre, dont la présentation regorge de références racialistes : « colonialité du genre », « féminisme blanc », « racisation », « pouvoir racial genré » (comprendre : le pouvoir exercé par les « mâles blancs hétérosexuels » (ou son variant « vieux mal blanc libéral, » selon Laura Slimani, porte-parole de Benoît Hamon, raciste et sexiste décomplexé, diffuseur de l’écriture inclusive, y compris dans l’intitulé de son groupuscule Generation.s) , de manière systématiquement et volontairement préjudiciable aux individus qu’ils appellent « racisés »), plutôt que polygamie, excision et anti-flicisme primaires.

Or, tout en se présentant comme progressistes (antiracistes, décolonisateurs, féministes…), ces mouvances se livrent depuis plusieurs années à un détournement des combats pour l’émancipation individuelle et la liberté, au profit d’objectifs qui leur sont opposés et qui attaquent frontalement l’universalisme républicain : racialisme, différentialisme, ségrégationnisme (selon la couleur de la peau, le sexe, la pratique religieuse). Ils vont ainsi jusqu’à invoquer le féminisme pour légitimer le port du voile, la laïcité pour légitimer leurs revendications religieuses et l’universalisme pour légitimer le communautarisme. Enfin, ils dénoncent, contre toute évidence, le « racisme d’Etat » qui sévirait en France : un Etat auquel ils demandent en même temps – et dont d’ailleurs ils obtiennent – bienveillance et soutien financier par le biais de subventions publiques.

La stratégie des militants combattants « décoloniaux » et de leurs relais complaisants consiste à faire passer leur idéologie pour vérité scientifique et à discréditer leurs opposants en les taxant de racisme et d’islamophobie. D’où leur refus fréquent de tout débat contradictoire, et même sa diabolisation. D’où, également, l’utilisation de méthodes relevant d’un terrorisme intellectuel qui rappelle ce que le stalinisme avait naguère fait subir aux intellectuels européens les plus clairvoyants.

C’est ainsi qu’après les tentatives d’ostracisation d’historiens (Olivier Pétré-Grenouilleau, Virginie Chaillou-Atrous, Sylvain Gouguenheim, Georges Bensoussan), de philosophes (Marcel Gauchet, Pierre-André Taguieff), de politistes (Laurent Bouvet, Josepha Laroche), de sociologues (Nathalie Heinich, Stéphane Dorin), d’économistes (Jérôme Maucourant), de géographes et démographes (Michèle Tribalat, Christophe Guilluy), d’écrivains et essayistes (Kamel Daoud, Pascal Bruckner, Mohamed Louizi), ce sont à présent les spécialistes de littérature et de théâtre Alexandre Gefen et Isabelle Barbéris qui font l’objet de cabales visant à les discréditer. Dans le domaine culturel, l’acharnement se reporte sur des artistes parmi les plus reconnus pour les punir d’avoir tenu un discours universaliste critiquant le différentialisme et le racialisme.

La méthode est éprouvée : ces intellectuels « non conformes » sont mis sous surveillance par des ennemis du débat qui guettent le moindre prétexte pour les isoler et les discréditer. Leurs idées sont noyées dans des polémiques diffamatoires, des propos sont sortis de leur contexte, des cibles infamantes (association à l’extrême droite, « phobies » en tout genre) sont collées sur leur dos par voie de pétitions, parfois relayées dans les media pour dresser leur procès en racisme… Parallèlement au harcèlement sur les réseaux sociaux, utilisés pour diffuser la calomnie, ces « anti-Lumières » sont des pratiquants frénétiques de la judiciarisation, encombrent de leurs vindictes les tribunaux de la République.

Nos institutions culturelles, universitaires, scientifiques (sans compter nos collèges et lycées, fortement touchés) sont désormais ciblées par des attaques qui, sous couvert de dénoncer les discriminations d’origine « coloniale », cherchent à miner les principes de liberté d’expression et d’universalité hérités des Lumières. Colloques, expositions, spectacles, films, livres « décoloniaux » réactivant l’idée de « race » n’ont de cesse que d’exploiter la culpabilité des uns et d’exacerber le ressentiment des autres, nourrissant les haines interethniques et les divisions. C’est dans cette perspective que s’inscrit la stratégie d’entrisme des militants décolonialistes dans l’enseignement supérieur (universités ; écoles supérieures du professorat et de l’éducation ; écoles nationales de journalisme) et dans la culture.

La situation est alarmante. Le pluralisme intellectuel que les chantres du « décolonialisme » cherchent à neutraliser est une condition essentielle au bon fonctionnement de notre démocratie. De surcroît, l’accueil de cette idéologie à l’université s’est fait au prix d’un renoncement à l’exigence pluriséculaire de qualité qui lui valait son prestige.

Nous appelons les autorités publiques, les responsables d’institutions culturelles, universitaires, scientifiques et de recherche, mais aussi la magistrature, au ressaisissement. Les critères élémentaires de scientificité doivent être respectés. Les débats doivent être contradictoires. Les autorités et les institutions dont ils sont responsables ne doivent plus être utilisées contre la République. Il leur appartient, à tous et à chacun, de faire en sorte que cesse définitivement le détournement indigne des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent notre démocratie.

1. Relais associatifs, par exemple : Parti des Indigènes de la République, Collectif contre l’islamophobie en France, Marche des femmes pour la dignité, Marches de la dignité, Camp décolonial, Conseil représentatif des associations noires, Conseil représentatif des Français d’outre-mer, Brigade antinégrophobie, Décoloniser les arts, Les Indivisibles (Rokhaya Diallo), Front de mères, collectif MWASI, collectif Non MiXte.s racisé.e.s, Boycott désinvestissement sanctions, Coordination contre le racisme et l’islamophobie, Mamans toutes égales, Cercle des enseignant.e.s laïques, Les Irrécupérables, Réseau classe/genre/race.

2. Relais universitaires, par exemple : Collège de France, Institut d’études politiques, Ecole normale supérieure, CNRS, EHESS, université Paris-VIII Vincennes-Saint-Denis, université Paris-VII Diderot, université Panthéon-Sorbonne Paris-I, université Lumière-Lyon-II, université Toulouse-Jean-Jaurès.

3. Salles de spectacle et musées, par exemple : Philharmonie de Paris, Musée du Louvre, Centre dramatique national de Rouen (PS), Mémorial de l’abolition de l’esclavage (à Nantes, PS), Musée national Eugène-Delacroix (Paris 6e), Scène nationale de l’Aquarium (sur le site de La Cartoucherie – cf. le théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine – dans le bois de Vincennes, Paris 12e,PS puis EELV).

Les signataires

Waleed Al-Husseini, essayiste Jean-Claude Allard, ancien directeur de recherche à l’Iris Pierre Avril, professeur émérite de l’université Panthéon-Assas Vida Azimi, directrice de recherche au CNRS – Elisabeth Badinter, philosophe Clément Bénech, romancier Michel Blay, historien et philosophe des sciences Françoise Bonardel, philosophe Stéphane Breton, ethnologue et cinéaste Virgil Brill, photographe Jean-Marie Brohm, sociologue – Marie-Laure Brossier, élue de Bagnolet– Sarah Cattan, journaliste Philippe de Lara, philosophe Maxime Decout, maître de conférences et essayiste Bernard de La Villardière, journaliste Jacques de Saint-Victor, professeur des universités et critique littéraire Aurore Després, maître de conférences Christophe de Voogd, historien et essayiste Philippe d’Iribarne, directeur de recherche au CNRS Arthur Dreyfus, écrivain, enseignant en cinéma David Duquesne, infirmier Zineb El Rhazaoui, journaliste Patrice Franceschi, aventurier et écrivain Jean-Louis Fabiani, sociologue Alain Finkielkraut, philosophe et académicien Renée Fregosi, philosophe et politologue Jasmine Getz, universitaire Jacques Gilbert, professeur des universités Marc Goldschmit, philosophe Philippe Gumplowicz, professeur des universités Claude Habib, professeure des universités et essayiste Noémie Halioua, journaliste Marc Hersant, professeur des universités Marie Ibn Arabi, professeure agrégée de philosophie Pierre Jourde, écrivain Gaston Kelman, écrivain Alexandra Lavastine, philosophe Françoise Lavocat, professeure de littérature comparée Barbara Lefebvre, enseignante et essayiste Jean-Pierre Le Goff, sociologue Damien Le Guay, philosophe Noëlle Lenoir, avocate au barreau de Paris Anne-Marie Le Pourhiet, professeure de droit public Laurent Loty, chercheur au CNRS Catherine Louveau, professeure émérite Yves Mamou, journaliste Laurence Marchand-Taillade, présidente de forces laïques Jean-Claude Michéa, philosophe Isabelle Mity, professeure agrégée Yves Michaud, philosophe Franck Neveu, professeur des universités en linguistique Pierre Nora, historien et académicien Fabien Ollier, directeur des éditions QS ? Mona Ozouf, historienne et philosophe Patrick Pelloux, médecin – René Pommier, universitaire et essayiste Céline Pina, essayiste Monique Plaza, docteure en psychologie Michaël Prazan, cinéaste, écrivain Charles Ramond, professeur des universités et philosophe Philippe Raynaud, professeur des universités et politologue – Dany Robert-Dufour, professeur des universités, philosophe Robert Redeker, philosophe Anne Richardot, maître de conférences des universités Pierre Rigoulot, essayiste – Jean-Pierre Sakoun, président du Comité Laïcité République – Philippe San Marco, essayiste Boualem Sansal, écrivain Jean-Paul Sermain, professeur des universités en littérature française Dominique Schnapper, politologue Jean-Eric Schoettl, juriste Patrick Sommier, homme de théâtre Véronique Taquin, professeure et écrivaine Jacques Tarnero, chercheur et essayiste Carine Trévisan, professeure des universités en littérature Michèle Tribalat, chercheuse démographe – Caroline Valentin, avocate et éditorialiste André Versaille, écrivain et éditeur Ibn Warraq, écrivain Aude Weill Raynal, avocate Yves Charles Zarka, professeur des universités en philosophie.