Aurélien Rousseau, nouveau ministre de la Santé, suspect de conflit d’intérêts

Un technocrate autoritaire, styles ARS et ex-directeur de cabinet de Borne

Aurélien Rousseau, nouveau ministre de la Santé, est marié à Marguerite Cazeneuve, numéro deux de la Caisse nationale d’assurance maladie.

Aurélien Rousseau, ancien directeur de l’ARS d’IIe-de-France pendant la crise de Covid et ex-collaborateur du cabinet de la première ministre Elisabeth Borne, a pris la tête du ministère de la Santé dans le gouvernement Borne 3 accouché le 20 juillet sur trois jours de composition « imminente ». Mais cette nomination est suspect d’impossibilité en raison du poste de son épouse, actuelle directrice déléguée de l’Assurance Maladie. Un couac des incompétents malins de l’Elysée ?

Après la famille Veil à chaque virage dans le paysage politique, voici la famille Cazeneuve. Car Aurélien Rousseau est marié à Marguerite Cazeneuve (sans lien de parenté avec l’ancien chef du gouvernement de François Hollande), fille de Jean-René Cazeneuve – député et rapporteur du budget, dont le nom a circulé pour prendre le ministère des Comptes publics – et soeur du député Pierre Cazeneuve – fabriquant de produits d’hygiène bucco-dentaire devenu (logiquement ?) conseiller technique auprès du chef de cabinet de Macron -, elle-même spécialiste des retraites et ancienne …conseillère santé à Matignon puis à l’Elysée, devenue numéro deux de la Caisse nationale d’assurance maladie.

La HATVP tranchera, dit Olivier Véran

Plus qu’assez pour provoquer quelques interrogations sur le risque de conflit d’intérêts entre le ministre et son épouse. Interrogé ce vendredi 21 juillet, le porte-parole du gouvernement s’en est remis à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique. « La seule question porte sur le maintien des fonctions et nous avons une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, une autorité indépendante, qui devra statuer », a déclaré Olivier Véran sur France 2.

« Marguerite Cazeneuve connaît effectivement très bien les sujets de santé et solidarité », a-t-il reconnu mais « elle travaille au service du public, elle n’est pas dans une entreprise privée. Il faut regarder dans ces situations les décisions qu’il y a lieu de prendre », a-t-il ajouté.

« A titre personnel », le porte-parole du gouvernement, lui-même neurologue de formation et ex-ministre de la Santé, Olivier Véran « ne considère pas qu’avoir partagé sa vie avec quelqu’un qui a la même passion professionnelle que vous et qui connaît très les politiques de santé soit un problème ».

Copinage du secrétariat général du gouvernement qui donne son feu vert

Le directeur général de la CNAM Thomas Fatôme a pour sa part « saisi le déontologue » de l’institution. Ce dernier devra « mettre en place (…) le dispositif complémentaire pour garantir le cadre déontologique requis, à savoir celui relatif à la situation personnelle de Marguerite Cazeneuve (nomination, rémunération… et prévenir ainsi tout risque de conflit d’intérêts ».

Une position partagée par le secrétariat général du gouvernement, a fait savoir la Caisse nationale d’assurance maladie ce vendredi 21 juillet. Selon la note juridique du SGG citée par la CNAM, « les exigences d’impartialité qui s’appliquent aux membres du gouvernement ne s’opposent nullement à ce que le conjoint de la directrice déléguée de la Cnam soit ministre de la Santé ».

En revanche, le ministre va devoir « préciser à la première ministre (…) qu’il se déporte de toute décision qui concernerait la situation personnelle de sa conjointe au sein de la Cnam », précise la note. La Cnam a par ailleurs indiqué que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) « se prononcera dans les prochains jours sur les éventuels mécanismes de déport à mettre en place par le nouveau ministre de la santé et de la prévention ».

Le cercle fermé de la macronie se contracte

Avant le remaniement, un responsable syndical avait dénoncé le côté très « vase clos » de la Macronie dans la santé, avec des jeux de chaises musicales entre personnes qui se connaissent par cœur. Un avis appuyé par Christophe Prudhomme, ancien porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France et désormais conseiller LFI à la Région Ile-de-France. La « compagne (d’Aurélien Rousseau) Marguerite Cazeneuve est DG adjointe de l’Assurance maladie après être passée chez McKinsey (cabinet de conseil) et à l’Elysée… dont le père est député Renaissance ! » (et le frère aussi), a-t-il souligné sur Twitter.

Ce point mis à part, l’arrivée d’Aurélien Rousseau avenue de Duquesne n’a pas crispé la profession. « C’est quelqu’un avec qui nous pourrons échanger. (…). Après, la question est celle de sa marge de manœuvre », réagit Agnès Giannotti, présidente de MG France, principal syndicat de médecins généralistes. « On nous explique que Braun n’était pas assez ’politique’, mais force est de constater qu’on nous met un énarque à la place », relève le responsable d’un grand syndicat de médecins hospitaliers, qui ne veut pas donner son nom. Aurélien Rousseau est « un homme qui a énormément travaillé et qui connaît très bien ses dossiers », ajoute-t-il cependant.

Pour Pierre Mansat, ancien adjoint communiste de Bertrand Delanoë à Paris, qui avait eu Aurélien Rousseau dans son cabinet, « tout le monde s’accorde à dire qu’il a eu un rôle très positif » lorsqu’il dirigeait l’agence régionale de santé d’Ile de France pendant la Covid.

Il se montrait « imaginatif, ingénieux » dans cette situation de crise, et « attentif à la situation des soignants », assure Pierre Mansat. Mais « que va-t-il faire dans cette galère ? », s’interroge Mansat, estimant « catastrophique » qu’Aurélien Rousseau – ancien communiste comme lui – aille « dans un gouvernement Macron Borne ».

A. Rousseau est entré en politique par la Mairie de Paris, au cabinet du communiste… Pierre Mansat. Il y rencontra Nicolas Revel – à qui il succéda à Matignon – et Véronique Bédague-Hamilius – directrice générale du groupe immobilier Nexity, elle-même sondée, il y a quelques semaines, par Alexis Kohler, pour être première ministre.

Risque aussi de conflit d’intérêts entre le ministre et sa belle-mère…

Dans la « firme Cazeneuve », l’épouse de Jean-René et belle-maman d’Aurélien Rousseau, Béatrice Cazeneuve, retraitée aujourd’hui, faisait partie des dirigeantes de la branche française du …groupe pharmaceutique américain Lilly, 10e dans le monde et dont est actionnaire la multinationale BlackRock, accusé d’influence sur le pouvoir macronien au sommet. Le nouveau ministre de la Santé pouvait-il ignorer tout ce maillage en s’emparant du maroquin? Ce conseiller d’Etat attire sur lui les crises,

L’espérance de vue d’Aurélien, selon Philippe Caverivière:

La France Insoumise découvre la partialité de ‘Quotidien’

Le Parti d’extrême gauche se plaint d’une différence de traitement avec le parti du président

Mathilde Panot, lors d’une immersion avec les éboueurs de Paris. Sujet diffusé dans « Quotidien ».
Mathilde Panot, lors d’une immersion avec les éboueurs de Paris. Sujet diffusé dans « Quotidien ».

Une nouvelle séquence complique encore les relations entre « Quotidien » TMC, groupe TF1) et La France Insoumise. Ce samedi 6 mai, plusieurs responsables du parti de Jean-Luc Mélenchon s’en prennent à l’émission de Yann Barthès sur les réseaux sociaux.

En cause selon eux : une différence de traitement entre une séquence diffusée mercredi 3 mai sur l’insoumise Mathilde Panot et un sujet passé ce vendredi 5 mai sur le déplacement à la centrale à charbon de Saint-Avold, en Moselle, de deux députés Renaissance, Pierre Cazeneuve et Maud Bregeon.

« C’est le journalisme de cour dans toute sa splendeur : arrogant, classiste, du côté du manche. Mais toujours donneurs de leçons : la bourgeoisie ricanante qui veut vous expliquer la vie », a dénoncé sur Twitter la députée de Seine-Saint-Denis Nadège Abomangoli. « Vérité en deçà de la macronie, mensonge au-delà », a renchéri son collègue de la Haute-Garonne Hadrien Clouet, partageant les captures d’écran des tweets présentant chacune des séquences.

Deux sujets accueillis différemment par les concernés

Concernant la présidente du groupe LFI à l’Assemblée, ça donne : « Mathilde Panot lance un nouveau concept sur Youtube. Mise en scène un poil surjouée ou député enfin connecté au quotidien des Français, chacun est libre de juger… ». En parallèle, le sujet portant sur les élus Renaissance est ainsi présenté : « On a pu suivre deux figures montantes de la Macronie, les députés Pierre Cazeneuve et Maud Bregeon. Et ils sont allés au charbon, littéralement ».

Deux tons différents pour deux opérations de communication visant à peu près les mêmes objectifs (à savoir se montrer proche de « la France qui travaille »), et qui a d’ailleurs été vécue comme telle par les principaux concernés côté majorité. « Merci ’Quotidien’ de nous avoir suivis dans cette première étape de notre Tour de France pour parler… d’énergie ! », a salué sur Twitter Pierre Cazeneuve après la diffusion du sujet. Des remerciements chaleureux également adressés par Maud Bregeon.

A l’inverse, Mathilde Panot a accordé un accueil diamétralement opposé à la séquence la concernant. « Et du coup, ’Quotidien’, vous invitez quand un égoutier sur votre plateau ? », a grincé la députée du Val-de-Marne, recevant le soutien de plusieurs de ses camarade soumis de La France Insoumise.

Comme évoqué plus haut, les relations ont souvent été complexes entre l’émission de TMC et la formation de Mélenchon. Ce dernier avait d’ailleurs un temps interdit les journalistes du « Quotidien » de ses meetings. Des tensions qui se sont estompées avec le temps, en témoignent les passages fréquents d’élus LFI sur le plateau de Yanne Barthès. Au mois de janvier, François Ruffin était par exemple invité de l’émission, tout comme l’insoumise Clémentine Autain le mois suivant.

Qui sont les députés LREM sortants sacrifiés à « Ensemble! »?

Les favoris du roi effacent les rebelles et les infidèles

La « prime aux sortants » promise par les ténors de la majorité, Richard Ferrand et Christophe Castaner en tête, est en passe d’être quasiment respectée. Sur 267 députés de la majorité, 33 ont jeté l’éponge et n’ont pas souhaité se représenter.

Et 19 n’ont pas été reconduits pour les législatives de juin. Mais ces derniers pourraient être plus nombreux, une fois les investitures d’Outre-Mer et des Bouches-du-Rhône sorties.

Déboutés au profit de plus gros qu’eux, payant le prix fort de certaines infidélités… Pour ces députés de La République en Marche (LREM), la nouvelle est rude à encaisser. Certains envisagent même la dissidence et songent à se représenter au scrutins des 12 et 19 juin prochains.

Toutes les prétextes sont bons

Ces disgrâces sont classiques au jeu de chaises musicales. C’est le cas dans la 7e circonscription du Var où la députée sortante Emilie Guérel doit céder la place à sa collègue Cécile Muschotti: cette dernière ne peut se représenter à Toulon, après avoir perdu aux municipales face au LR Hubert Falco, mais est prioritaire. Dans une vidéo, elle appelle à la modération les maires de Six-Fours et de Saint-Mandrier, Gilles Vincent et Jean-Sébastien Vialette, qui s’indignent de son parachutage de la 2e dans la 7e circonscription.

Les sanctions tombent pour convictions personnelles fortes dans l’hémicycle pendant ces cinq dernières années.

Son vote contre le projet de loi instaurant le passe vaccinal aura coûté son investiture à Marie-Ange Magne, dans la Haute-Vienne. 

Typhanie Degois, en Savoie, qui avait voté contre son extension, ne fait pas non plus partie des réinvestis. Et l’on peut imaginer que le même sort sera réservé à Olivier Serva en Guadeloupe.

Didier Baichère, “émancipé une ou deux fois », comme il l’avoue à Politico, est lui débranché dans les Yvelines au profit de l’ex-conseiller ministériel Charles Rodwell.

Le manque d’implantation locale peut être reproché et suffire à un remplacement. Jacqueline Dubois en a fait les frais, non sans agacement, pour laisser la place à Jérôme Peyrat, ancien conseiller de Macron et aujourd’hui stratège LREM. “Je me sens trahie », s’est-elle exclamée sur France Bleu Périgord après avoir appris la nouvelle. Elle assure, d’autant plus étonnée, que les habitants lui disent qu’elle a « fait le job ».

Place aux favoris

Enfin, des recalés ont été sacrifiés à de plus pistonnés. Dans les Hauts-de-Seine, c’est l’hécatombe de « ceux qui ne sont rien »: le fils d’Edmond Maire (CFDT), Jacques Maire, syndicaliste et diplomate de 60 ans, est supplanté par la femme d’un membre du parti ‘Soyons libres’ de Valérie Pécresse (libéral-conservateur et europhile et affilié aux Républicains (LR), Prisca Thevenot, 36 ans, plus médiatique puisque porte-parole LREM, une “décision incompréhensible et injuste”, a-t-il dénoncé dans une lettre adressée à « Ensemble! ». Jacques Marilossian est remplacé par Pierre Cazeneuve, encore un proche de Macron (adjoint à son chef de cabinet). Et Christine Hennion d’être supplantée par une proche d’un expert en traîtrise et conseiller macronien, Thierry Solère, Aurélie Taquillain.

Face à Manuel Valls, Stéphane Vojetta a été contraint de laisser sa place dans la circonscription des Français à l’étranger. À Nice, Cédric Roussel est remplacé par l’adjoint de Christian Estrosi, Philippe Pradal. Et Jean-Charles Larsonneur à Brest verra l’ami de Richard Ferrand, Marc Coatenea, faire campagne, non sans amertume, comme il le confie au Figaro: “j’ai été pris pour un guignol alors que j’ai servi loyalement [en 1] la majorité et [en 2] les habitants pendant cinq ans ».

La dissidence s’envisage

Ces trois derniers sortants remplacés par plus gros qu’eux s’indignent à la nouvelle. Pour l’instant, ils affirment qu’il continuent leur campagne comme ils l’ont commencée. « Je suis déterminé », a déclaré Cédric Roussel sur l’antenne de France Bleu Alpes-Maritimes.

« Je me rappelle très bien avoir été le seul élu niçois qui suis allé au contact des Français, des Françaises en colère, notamment à La Trinité, à l’Ariane, lors de cette crise des gilets jaunes. Je suis dans l’émotion, mais plus que l’émotion, voire la violence. Donc je sais ce que j’ai fait et je sais ce que je peux encore apporter aux côtés du président Emmanuel Macron, réélu », a-t-il rappelé, particulièrement écoeuré.

En Isère, Catherine Kamowski mènera elle aussi la bataille. Même son de cloche chez Aina Kuric, “victime », selon ses mots, de petits « accords politiques entre amis”. La députée macronienne sortante de la Marne repart en campagne à Reims face à une ancienne collaboratrice de Sarkozy, Laure Miller.

Et même Pierre Cabaré, pourtant visé par une plainte pour agression sexuelle et harcèlement moral en Haute-Garonne, laisse sous entendre qu’il compte rempiler dans un tweet énigmatique: “En politique il ne suffit pas d’avoir de l’appétit, il faut aussi avoir de l’estomac”, écrit-il.

Claire O’Petit, pas réinvestie elle non plus, renonce à une dissidence dans l’Eure dans une lettre adressée à ces “messieurs (…) parisiens”, fustigeant le cumul de mandats de certains. Paye-t-elle la séquence des cinq euros d’APL du début du quinquennat – dans la même veine pourtant que le « traverser la rue pour trouver du travail » de Macron – , au profit de François Ouzilleau, « qui trouve même du temps pour aller en plus donner des cours à Paris… »?

L’Elysée espère que les séditieux se compteront sur les doigts d’une main et que, d’ici le 20 mai, date de clôture des candidatures, la colère se sera apaisée.

Mais contrairement à 2017, cette fous, aucune commission d’investiture n’a été formellement réunie pour régler les conflits. Autour de ces annonces de nouvelles têtes, des critiques dénoncent à nouveau une forme d’opacité dans la prise de décision.

Un moine-soldat de LREM pestait ainsi chez Politico contre le nombre de collaborateurs parlementaires, de conseillers ministériels et autres arrivistes bien en cour investis à la place de sortants “pas déméritants”. “Est-ce le retour de l’ancien monde?”, interroge en ce sens la sortante de Dordogne, Jacqueline Dubois.