L' »antisémitisme » est « résiduel » en France, selon Mélenchon

Mélenchon fait du Jean-Marie Le Pen, sans indigner Faure, Roussel ou Tondelier

En estimant, sur son blog, que l’antisémitisme en France reste «résiduel», Jean-Luc Mélenchon nie la réalité de la flambée des actes antisémites depuis le 7 octobre, explique la journaliste Noémie Halioua.

Noémie Halioua est journaliste. Elle a coécrit Le Nouvel Antisémitisme en France (éd. Albin Michel, 2018), écrit L’affaire Sarah Halimi (éd. du Cerf, 2018) et Les uns contre les autres – Sarcelles, du vivre-ensemble au vivre séparé (éd. du Cerf). Son dernier essai : La terreur jusque sous nos draps (éd. Plon, 2024).


En cette période de déchirement identitaire, où le printemps semble avoir déserté le ciel parisien, le patron de La France insoumise n’a rien trouvé de mieux à faire que d’enfoncer le clou sur nos compatriotes de confession juive.

Dans un billet de blog daté du 2 juin, consacré à l’entretien de Benyamin Netanyahou accordé à la chaîne LCI, le patron de la mélenchonie a jugé opportun d’affirmer que la folie antijuive était anecdotique dans notre pays. «Contrairement à ce que dit la propagande de l’officialité, l’antisémitisme reste résiduel en France. Il est, en tout cas, totalement absent des rassemblements populaires», considère-t-il. Comprenez : la furie haineuse qui vise ce segment de population depuis le pogrom du 7 octobre, dans la foulée de la guerre israélo-Hamas, est une réalité alternative artificiellement montée en épingle par des sphères de pouvoir. La douleur sourde formulée par des personnalités comme Bernard-Henri Levy et Gilles-William Goldnadel, l’empilement de plaintes des gens ordinaires recensées par l’Organisation juive européenne (OJE) et sa directrice, Muriel Ouaknine-Melki, le déchaînement virulent sur les réseaux sociaux, les témoignages qui s’accumulent d’agressions verbales de chauffeurs Uber et de livreurs UberEats au nom de Gaza, les étudiants juifs refoulés en amphithéâtre à l’université, tout cela est, pour lui, une preuve de mythomanie généralisée.

Mélenchon nous dit en sous-texte que nos compatriotes de confession juive sont des paranoïaques en puissance, que ces milliers de tags sur les façades d’immeubles et les insultes quotidiennes sont des affabulations, une invention d’esprits imaginatifs, une comédie humaine. Mélenchon affirme, en somme, que les chiffres du ministère de l’Intérieur, qui attestent d’une hausse de 300% des actes antijuifs sur le premier trimestre 2024, sont falsifiés. Pour le patron de La France insoumise, ce tourbillon d’agressions qui se succèdent si vite que nos compatriotes en sont déboussolés, qui les fait traverser une crise existentielle comme jamais depuis la Shoah, n’existe pas. Il nous dit de circuler, qu’il n’y a rien à voir.

Ainsi, le fondateur de La France insoumise ne se contente pas d’armer idéologiquement les antisémites, en présentant le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) comme une antichambre du pouvoir, en excitant les foules et en diabolisant l’Etat juif, il voudrait en plus étouffer le cri de nos compatriotes juifs qui souffrent. Alors que beaucoup d’entre eux s’enferment dans la solitude et le mutisme, qu’ils ont presque honte de leur malheur et craignent de s’en plaindre trop ouvertement, Mélenchon voudrait que ceux qui ont le courage de se révolter s’émeuvent en silence.

Chaque époque voit naître sa poignée de soumis et de glorieux résistants. Chaque époque voit apparaître des personnages incarner ces aspérités humaines que sont le courage et la pleutrerie, la force morale et la soumission. (Noémie Halioua)

Se pose alors une interrogation naturelle, à savoir : pourquoi ? Pourquoi dit-il cela maintenant ? Pourquoi ce politicien expérimenté voit comme une urgence d’en rajouter une couche sur une communauté numériquement minuscule, discriminée, souillée, en des temps où celle-ci n’a jamais été aussi pointée du doigt depuis la Shoah ? Que nous dit cette façon d’embrasser et de légitimer une haine ancestrale irrationnelle, en réservant tous ses coups aux 1% de nos compatriotes déchirés depuis le 7 octobre ? La folie du personnage, fort bien croquée par Eric Naulleau dans un pamphlet qui lui est consacré, n’empêche pas une forme de rationalité dans ses prises de position. Si dans son texte Mélenchon nie la véracité de la bouffée antijuive actuelle, c’est d’abord pour prendre la défense des rassemblements propalestiniens, y compris ses dérives, son caractère obsessionnel, pulsionnel, incontrôlable et ses aspérités totalitaires. Pour ce faire, il défend aussi ceux qui, à longueur de journée, traitent les Juifs et ceux – nombreux – qui ont encore le courage de les défendre, de «génocideurs» et de «massacreurs d’enfants» pour les couvrir de honte et les obliger à fermer leur bouche.

Ce n’est pas nouveau, Mélenchon s’inscrit dans une longue tradition historique. Chaque époque voit naître sa poignée de soumis et de glorieux résistants. Chaque époque voit apparaître des personnages incarner ces aspérités humaines que sont le courage et la pleutrerie, la force morale et la soumission. Il n’est pas nécessaire d’être devin pour savoir que Mélenchon restera comme l’homme qui a fait sauter tous les verrous de l’ignominie, ouvrant la voie à une génération de politiciens à la limite de l’analphabétisme, défendant avec une écharpe tricolore tous les intérêts étrangers, hostiles à la France, à ses racines judéo-chrétiennes et plus largement à l’Occident dont elle est l’héritière.

Son parti restera comme celui qui, pour la première fois à l’Assemblée nationale, a brandi tel un étendard au milieu de l’hémicycle un drapeau étranger. Son parti restera celui qui aura accentué la fracture identitaire, soutenu les manifestations haineuses et l’isolement de nos compatriotes juifs. La France insoumise est une illustration grandeur nature de la promotion du mensonge propre aux régimes dénoncés par Georges Orwell dans 1984. «La vérité, c’est le mensonge ; la guerre, c’est la paix ; la liberté, c’est l’esclavage», y clament les partisans du totalitarisme. À cela, nous pourrions ajouter : l’insoumission, c’est le parti de La France insoumise.

En cela, Mélenchon s’inscrit dans l’héritage de Jean-Marie Le Pen, lorsqu’il affirmait que la Shoah était un point de détail de l’Histoire.

L’acteur, réalisateur, animateur et chanteur israélo-français Philippe Lellouche qualifie quelques figures de La France insoumise :