Un coup d’Etat administratif de Macron pour aller contre la volonté des Français
Après des recteurs et directeurs d’administration centrale, des préfets : des nominations de proches et des militants, c’est du népotisme. Les grandes manœuvres ont commencé pour court-circuiter une future alternance et paralyser un éventuel gouvernement Bardella.
Ce grand chambardement dans les administrations et les préfectures, ces nominations à des postes clés pourraient être actées en Conseil des ministres dès mercredi ? Paris, depuis quelques jours, bruisse en effet de rumeurs. Si l’hypothèse est redoutée du côté du Rassemblement national qui y voit déjà une tentative de l’Elysée de paralyser l’action du futur Premier ministre et d’entraver le bon fonctionnement de l’Etat, elle augure d’une cohabitation, qui pour hypothétique qu’elle soit encore, serait électrique entre Macron et Bardella.
Le président se garde bien d’évoquer ouvertement cette perspective. Mieux, il s’évertue à croire et faire croire qu’un « sursaut républicain » est possible. Dans les faits, il s’y préparerait activement et s’emploierait à prendre de vitesse le président du Rassemblement national avant que ce dernier ne pose ses valises à Matignon, comme nous l’ont confirmé plusieurs sources au « château ». Même son de cloche Place Beauvau. Un haut fonctionnaire assure que des discussions ont cours, même si rien ne serait encore définitivement acté. Tout juste nous confie-t-il que « plusieurs scénarii sont sur la table » de Patrice Faure, le directeur de cabinet de Macron, grand architecte de ces mouvements que le président envisagerait. Mais seuls les résultats de dimanche soir décideront de l’ampleur des changements que le chef de l’Etat pourrait opérer.
Macron n’entend pas renoncer aux pouvoirs que la Constitution lui garantit. A commencer par son pouvoir de nomination. En effet, comme le prévoit l’article 13, « le président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres. Il nomme aux emplois civils et militaires de l’Etat ». Une réponse à peine voilée à l’adresse de Marine Le Pen, qui, dans un entretien avec Le Télégramme mercredi dernier, minimisait jusqu’à son titre de chef de armées qu’elle qualifie d « honorifique » en temps de cohabitation. Mieux, Macron s’apprêterait à exercer ce pouvoir tant qu’il dispose d’un gouvernement à sa main pour ne pas avoir à subir les choix des ministres de Jordan Bardella.
Un vaste mouvement de nominations pourrait donc être dévoilé dans les jours qui viennent. L’heure, nous dit-on, est déjà aux arbitrages. Ces derniers pourraient être finalisés mardi avant que le président ne les officialise mercredi en Conseil des ministres. Le temps presse pour le chef de l’Etat. Son calendrier est contraint par un déplacement aux Etats-Unis. Par la perspective que le gouvernement de Gabriel Attal ne résiste pas à la débâcle prévisible de ses troupes à l’Assemblée nationale. Encore que le président disposerait d’un répit si le Rassemblement national et ses alliés n’obtenaient pas la majorité absolue des sièges au Parlement, le 7 juillet.
A dire vrai, les grandes manœuvres ont déjà commencé. Si certaines nominations passeraient presque pour anecdotiques – Jean-Philippe Agresti, le mari de Sabrina Agresti-Roubache, la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté et de la Ville, et Olivier Klein, ancien ministre du Logement d’Elisabeth Borne, ont déjà été nommés respectivement recteur de la région académique Centre-Val de Loire et recteur de l’académie de Strasbourg lors du dernier Conseil des ministres –, d’autres le sont beaucoup moins. A commencer par celle de Sébastien Tiran, promu à compter du 1er juillet à la tête de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). Comment imaginer que le directeur de cette administration puisse marcher main dans la main avec son futur ministre de tutelle quand ce dernier n’aura pas eu le loisir de le choisir ?
Les résultats de dimanche décideront des changements
D’autres nominations à venir sont encore plus problématiques parce qu’elles concerneraient des postes clés de l’Etat. Macron s’apprêterait ainsi à promouvoir le général Ducept, actuellement commandant de la région Ile-de-France, à la tête de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). Plus encore, Alexandre Brugère, l’actuel directeur de cabinet de Gérald Darmanin, pourrait hériter de la Direction générale de la police nationale (DGPN). Son cas est emblématique du malaise que ces nominations pourraient susciter.
Non content de n’avoir jamais exercé dans la police et de connaître une ascension fulgurante dans l’appareil d’Etat – « il connaît aussi bien la police que je connais les caves du Vatican », se risque un haut fonctionnaire –, il est surtout actuellement candidat suppléant aux législatives et fait campagne pour la majorité présidentielle. Comment imaginer qu’un futur ministre de l’Intérieur puisse composer avec ce genre de profil ? « C’est impossible. C’est littéralement du sabotage. On va tout droit vers une paralysie de l’appareil d’État », peste un habitué du ministère de l’Intérieur. D’autant que, si ces nominations devraient être annoncées mercredi en Conseil des ministres, ils ne devraient prendre leurs fonctions qu’après les Jeux olympiques, début septembre. La volonté de Macron est claire : entraver les possibilités d’action de Jordan Bardella.
Le même mouvement pourrait toucher les préfets. Si ces derniers sont nommés par le président, ils n’en restent pas moins les représentants de l’État et du gouvernement dans les départements, et non de Macron. Un préfet qui a eu vent de cette valse à venir dans la préfectorale n’en revient pas de cette volonté de « macroniser la fonction » qui est contraire à la neutralité des serviteurs de l’Etat. « C’est même la négation totale de ce qu’est le service de l’État », assure ce préfet en exercice. Macron veut conserver le pouvoir malgré la défaite. Il serait presque acquis que des conseillers de l’Elysée et des hommes qui bénéficient de la bienveillance de Macron soient poussés à prendre des responsabilités. Etienne Stoskopf, actuellement conseiller aux Affaires intérieures au cabinet du Premier ministre, après avoir travaillé auprès de Gérard Collomb et de Christophe Castaner, est l’un de ceux dont le nom revient avec insistance pour prendre du galon.
Au RN, certains parlent déjà de « coup d’Etat administratif »
Jean-Marie Caillaud, en poste à l’Elysée, est lui aussi sur le départ et pourrait prendre la préfecture de la Haute-Savoie. Laurent Hottiaux, préfet des Hauts-de-Seine après avoir accompagné Macron à l’Elysée comme conseiller intérieur et sécurité, devrait être propulsé en région, tout comme Christophe Mirmand, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, pourrait se voir promu à la région Auvergne-Rhône-Alpes. Autant de nominations qui ne manqueront pas de faire polémique. Au Rassemblement national, certains parlent déjà de « coup d’Etat administratif », encore que dans l’entourage de Marine Le Pen, certains conseillers parient plus volontiers sur la loyauté de ces serviteurs de l’Etat. L’un d’eux ironise : « Ce serait étrange que celui-là même qui a supprimé le corps préfectoral s’appuie sur les préfets pour contrer Bardella. »