La traite oubliée des esclaves blancs en Afrique du Nord

A l’attention des décoloniaux et des geignards vindicatifs

Marché aux esclaves d’Alger (1684)

Pour les personnes d’origines non européennes qui se prétendent victimes de racisme ou descendants des victimes de l’esclavage, voici la petite Histoire dans la grande Histoire qui permettra je l’espère de remettre le clocher au centre du village…

Dans sa chronique, l’historien Samuel Touron évoque un pan de l’Histoire peu évoqué dans nos universités : la traite des esclaves blancs en Barbarie qui concerna entre 1,3 millions et 2,5 millions de personnes, hommes et femmes, dont une partie du Sud de la France, l’actuelle Provence et le Languedoc.

Victor Hugo dans Ruy Blas créait le diabolique et manipulateur Don Salluste, odieux personnage qui, afin de retrouver les bonnes grâces de la monarchie espagnole, n’hésite pas à faire livrer aux Barbaresques son neveu Don César. Cette pièce, qui entra dans la culture populaire avec le film de Gérard Oury, La Folie des grandeurs, où le génial Louis de Funès incarne l’affreux Don Salluste rendant la réplique à un fringant Ruy Blas joué par Yves Montand, montrait pour la première fois au cinéma un épisode très peu étudié par les historiens et largement méconnu en France : la traite des esclaves blancs en Barbarie.

Débarquement et maltraitement de prisonniers à Alger de Jan Goeree et Casper Luyken, 1706.
Jan Goeree (1670-1731) & Casper Luyken (1672-1708) 

La traite des esclaves de Barbarie est le commerce d’êtres humains, majoritairement des Blancs européens, qui a fleuri principalement entre les XIVe et XVIIIe siècles dans les marchés d’esclaves du littoral de la côte des Barbaresques, correspondant approximativement à l’aire côtière du Maghreb actuel, de la Mauritanie et du Maroc jusqu’à l’Egypte exclue, entre bande sahélienne et Méditerranée. Les Maghrébins actuels de France d’Afrique du Nord qui se plaignent de la colonisation française apprendront qu’ils ont été dominés tout au long de leur Histoire et peuvent en vouloir aujourd’hui aussi bien aux Phéniciens, aux Grecs et aux Romains qu’aux Byzantins, leurs frères musulmans qui les ont soumis à tour de rôle. Ainsi les marges Est du Maroc furent plus ou moins occupées par les Turcs de la régence d’Alger. Les Français mirent un terme à la soumission des territoires du Maghreb et les développèrent.

Ainsi, en janvier 1956, la France découvrit du pétrole pour la première fois au Sahara, à Edjeleh, dans la région d’In Amenas (Fort Polignac à l’époque). La découverte du plus grand champ pétrolier algérien, Hassi Messaoud, est intervenue en juin de la même année. Une réussite de la Société nationale de recherches de pétrole en Algérie (SN REPAL), créée en 1946 par le Bureau de recherche de pétrole (BRP, devenu Elf Aquitaine en 1976) avec le siège installé à Hydra au-dessus de la ville d’Alger. Lien vers Roger Goetze. L’Algérie n’eut plus qu’à la nationaliser en Sonatrach et à s’attribuer le mérite de son classement en première entreprise d’Afrique et pilier de l’économie algérienne. Lien

Les Ottomans colonisent l’Afrique du Nord

Qu’est-ce que la Barbarie ? La Barbarie désigne jusqu’au XIXe siècle la côte nord-africaine s’étendant du Maroc à la Tripolitaine c’est-à-dire l’actuelle Libye. Ces terres ne connaissent pas de pouvoir central fort ni de système politique organisé autour d’une structure étatique. A partir du XIVe siècle, les Ottomans [les Turcs actuels] prennent le contrôle de l’Afrique du Nord et s’imposent en maîtres sur la région. Ils n’y exercent néanmoins qu’un pouvoir lointain laissant à des chefs locaux l’essentiel des fonctions régaliennes. L’affrontement entre mondes chrétien et musulman, caractérisés par l’ensemble des croisades menées entre le XIe et le XIIIe siècle se poursuit largement à compter du XIVe siècle au travers de l’expansion de l’Empire Ottoman, étant donné que la Reconquista a stoppé puis réduit l’expansion arabo-musulmane sur l’Espagne, le Portugal et la moitié Sud de la France. A partir de ce moment charnière, deux événements conjoints vont expliquer l’âge d’or de la traite des esclaves blancs au Maghreb.

De 400 000 et 800 000 personnes quittent l’Espagne

D’abord en 1492, la chute de Boabdil, émir de Grenade, entraîne le début du reflux massif des Morisques vivant en Espagne vers l’Afrique du Nord, notamment en raison du décret de 1502 qui fait de l’ensemble des sujets espagnols, des catholiques. En 1609, le roi Philippe III d’Espagne prend un décret promulguant l’expulsion des Morisques. Ils furent entre 400 000 et 800 000 à quitter la péninsule ibérique, la plupart vivant en Aragon (20 % de la population totale) et dans la région de Valence (40 % de la population totale). Une fois au Maghreb, ils furent massacrés par les populations locales qui voyaient en eux des chrétiens et, qui plus est, des renégats. Ceux qui survécurent vinrent gonfler les rangs des pirates barbaresques, notamment de la République de Salé où des morisques originaires du village d’Hornachos en Estrémadure ont fondé une république corsaire.

Dar-el-Islam, Dar-al-Ahd, Dar-al-Harb

En parallèle, à compter du XIVe siècle, les Ottomans mettent la main sur l’Afrique du Nord. Ils annexent également, à la même période, les terres allant jusqu’au Yémen, au sud-est, et dominent les Balkans depuis la chute de Constantinople en 1453. L’Empire Ottoman est alors à son apogée.
En Islam, le monde se divise en trois catégories: le Dar-al-Islam, “territoire de l’Islam” ; le Dar-al-Ahd, “territoire de l’alliance”, rassemblant les Etats ayant fait alliance avec les pays musulmans et le Dar-al-Harb désignant le “territoire de la guerre”, où il faut combattre les infidèles, principalement les chrétiens. L’objectif de chaque souverain étant d’unifier l’ensemble de ces territoires sous le Dar-al-Islam. Cette conception de l’organisation du monde, combinée à l’expansion d’une grande puissance musulmane, ainsi qu’à l’analyse de la situation que nous avons faites en Afrique du Nord et dans la péninsule ibérique, permet de comprendre les raisons qui expliquent le développement de la traite des esclaves blancs en Barbarie.

Ainsi, musulmans et chrétiens s’affrontent tant sur terre que sur mer. Sur terre, la situation est contrastée, nous l’avons vu, les Ottomans sont, certes, aux portes de Vienne, mais les Morisques viennent d’être chassés de la péninsule ibérique. Sur mer, la bataille de Lépante est remportée par la coalition chrétienne face aux troupes ottomanes en 1571. Cependant, les musulmans ne peuvent se résoudre à laisser la domination des mers aux chrétiens. La traite des esclaves s’impose alors comme une solution de choix pour les Ottomans.

Le Languedoc et la Provence sont notamment victimes de ces raids incessants depuis le début de l’an 1000.

En effet, les Barbaresques pratiquent la traite des esclaves depuis l’Antiquité, la région de Béjaïa en Kabylie est alors connu comme étant le grand repère des Barbaresques. En effet, Béjaïa est proche d’Alger où se trouve le plus important marché aux esclaves du monde musulman. Le Languedoc et la Provence sont notamment victimes de ces raids incessants depuis le début de l’an 1000. Les villes côtières languedociennes et provençales se sont construites en hauteur afin de dominer la mer et de pouvoir faire face aux incursions, au pillage et au vol des hommes, des femmes et des enfants. Les Maures s’installent notamment dans le massif du même nom (dans le Var, entre Hyères et Fréjus) et sont à l’origine du nom de plusieurs localités dont Ramatuelle (Rahmatu-Allah) signifiant miséricorde divine ou encore Saint-Pierre d’Almanarre (Al-Manar signifant le phare). Jusqu’au XVIIIe siècle, les Languedociens et les Provençaux vivent avec la menace des incursions barbaresques, de même que l’ensemble des résidents du pourtour du nord de la Méditerranée occidentale. Les Ottomans exploitèrent par la suite cette longue tradition en donnant davantage de moyens aux Barbaresques, notamment en les équipant en navires.

Des raids jusqu’à Reykjavik, en Islande

Redoutables corsaires, les Barbaresques dominèrent les mers entre le XVIe et le XVIIIe siècle : ils pillaient et attaquaient tous les navires chrétiens qu’ils croisaient en Méditerranée et en Atlantique et menèrent des raids jusqu’à Reykjavik, en Islande. Durant cette période, la violence des Barbaresques était telle que les terres comprises entre Venise et Malaga connurent un exode généralisé vers leurs arrières-pays. Certains villages disparurent car l’ensemble de la population fut déportée et réduite en esclavage. Le 20 juin 1631, le village irlandais de Baltimore est, par exemple, entièrement vidé de ses habitants. En Islande, entre 400 et 900 personnes sont prises, puis vendues à Alger en 1627. Une question se pose alors : que deviennent ces esclaves ?

Esclaves vendus sur les marchés d’Alger, Tripoli, Tunis…

La plupart d’entre-eux sont vendus sur les marchés d’Alger, de Tripoli ou de Tunis, au côté notamment des esclaves noirs, notamment en Libye. Les hommes d’un statut social peu élevé sont vendus à des propriétaires où ils travaillent comme serviteurs ou dans des exploitations agricoles et fermières, d’autres sont vendus comme galériens et rament leur vie durant dans les galères barbaresques ou ottomanes. Les femmes sont vendues comme domestiques ou pour alimenter les harems qui étaient entièrement composés de femmes européennes ou subsahariennes.

En effet, il est interdit en islam d’asservir à des pratiques sexuelles ou divertissantes une femme musulmane. Le rôle des plus séduisantes d’entre-elles est de fournir des successeurs au sultan. Les esclaves les plus riches ou les plus influents étaient, eux, conservés pour rançon. Parmi les esclaves célèbres des Barbaresques notons l’auteur espagnol Miguel de Cervantès vendu comme esclave à Alger en 1575 à la suite de la bataille de Lépante et racheté par En 1580, il est racheté par les Trinitaires en même temps que d’autres prisonniers espagnols et regagne son pays. Enfin, les jeunes garçons étaient convertis à l’islam et éduqués pour devenir des janissaires, c’est-à-dire des combattants dans un corps spécial au service de l’Empire Ottoman. Les jeunes filles, elles, rejoignaient le harem.

Les Américains donnaient 20 % de leur budget pour que leurs navires ne soient pas rançonnés

Peu d’historiens se sont intéressés à la traite des esclaves blancs en Barbarie, notamment à son poids démographique et économique, il est pourtant considérable. Sur une période allant de 1 500 à 1 800, on estime le nombre de personnes réduites en esclavage entre 1,3 et 2,5 millions. Le poids économique est délicat à calculer mais, à titre d’exemple, le gouvernement américain allouait 20 % de son budget aux Barbaresques afin que leurs navires marchands ne soient pas rançonnés.

Au début du XIXe siècle, les puissances européennes s’unirent pour mettre un terme à l’esclavage des Blancs en Afrique du Nord. Dès le Congrès de Vienne de 1815, les bases sont posées “pour l’abolition de l’esclavage des blancs aussi bien que des noirs en Afrique”, selon les mots de l’Amiral Sidney Smith de la Royal Navy. En 1830, la conquête d’Alger par la France mit un terme définitif à la traite des esclaves en Afrique du nord et au règne des Barbaresques.

d’après Samuel TOURON

Lire : La traite arabo-musulmane (lien PaSiDupes)

La taqiyya, concept coranique qui permet aux musulmans de mentir

Le Coran autorise la dissimulation de leurs véritables croyances en milieu étranger

Historiquement, cette pratique devait permettre aux musulmans sunnites de survivre et de conserver leurs convictions dans des régions où ils étaient minoritaires, qu’il s’agisse des morisques, qui vivaient dans la très chrétienne Espagne, ou des chiites, en terre d’islam, alors que le sunnisme est majoritaire.

Atlantico : Utilisée à plusieurs reprises pour planifier des attentats, la Taqiyya est un concept du djihad. Comment cela permet-il à nos agresseurs entre deux assauts ?

Annie Laurent : La Taqiyya est effectivement une technique visant à dissimuler un djihadiste entre deux attentats. C’est une évidence. C’est une pratique de tapis qui consiste à revêtir un masque de modernité pour mieux se mêler à la foule. Ainsi, le djihadiste fera semblant de vivre comme tout le monde, ira danser et boire, s’habillera comme la plupart des gens… C’est une tactique qui implique de faire tapis, de se dissimuler.

C’est une stratégie qu’on a constaté à Montauban mais également à Toulouse : après les attentats et pendant l’enquête, l’ensemble des proches et le voisinage tendaient à dire que rien ne laissait soupçonner une radicalisation, des projets terroristes… Extérieurement, les djihadistes donnaient unanimement le sentiment d’être bien intégrés. A Saint-Denis, par exemple, on entend dire que les djihadistes mangeaient des pizzas. C’est un procédé utilisé régulièrement pour planifier des attentats [attaquer et non pas se protéger] sans être repéré et qui permet, si la cause le justifie, d’enfreindre la loi islamique et les prescriptions concernant l’alimentation notamment. La fin justifie les moyens. Cela ne signifie bien évidemment pas que chaque musulman qui s’est intégré se cache et complote un attentat, loin de là. Mais on ne peut malheureusement découvrir qu’après coup qu’un djihadiste se cachait derrière une façade occidentalisée.

Comment peut-on définir la taqiyya et que dit le Coran sur ce sujet ?

L’islam interdit formellement aux musulmans de renoncer à leur religion, sous peine de châtiments divins et de malédictions éternelles (cf. Coran 2, 217 ; 3, 87 ; 4, 115 et 16, 106). Les musulmans ne peuvent donc en principe dissimuler leur identité religieuse et travestir leurs croyances. Cependant, le Coran et la Tradition prophétique (Sunna) ouvrent la voie à des dérogations quant au caractère absolu de la croyance dans le Dieu de l’islam et surtout quant à l’obligation de son attestation publique, ainsi qu’à l’observance du culte ou de la loi islamique (charia). De tout temps et selon des formes variées, des oulémas (docteurs de la Loi) ont légitimé la pratique de la taqiyya (dissimulation) que l’on appelle aussi ketman (secret ou restriction mentale). Ces agissements se sont manifestés en diverses circonstances historiques et retrouvent une certaine actualité de nos jours.
 
Le Coran contient deux passages sur lesquels s’appuient les théoriciens de la taqiyya. Ils correspondent à deux types de situations particulières.

– « Celui qui renie Dieu après avoir eu foi en Lui – excepté celui qui a subi la contrainte et dont le cœur reste paisible en sa foi -, ceux dont la poitrine s’est ouverte à l’impiété, sur ceux-là tomberont le courroux de Dieu et un tourment terrible » (16, 106).
Dans ce verset, pour notre sujet, c’est l’incise qui compte (italique). La taqiyya est donc autorisée en cas de contrainte extérieure, quelle qu’en soit la forme : persécution, menace sur la vie, absence de liberté religieuse (de conscience et de culte), etc.

– « Que les croyants ne prennent pas pour alliés des infidèles au lieu de croyants. Quiconque le fait contredit la religion d’Allah, à moins que vous ne cherchiez à vous protéger d’eux. Allah vous met en garde à l’égard de Lui-même. Et c’est à Allah le retour. Dis : Que vous cachiez ce qui est dans vos poitrines ou bien que vous le divulguiez, Allah le sait. Il connaît tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Allah est omnipotent » (3, 28-29).

Deux membres de phrases (italique) sont importants. Comme ailleurs dans le Coran, Dieu recommande ici aux musulmans (eux seuls sont qualifiés de « croyants ») de ne pas entretenir de relations d’amitié ou de sujétion avec les non-musulmans (cf. 3, 118 ; 5, 51 ; 9, 23 ; 60, 13), mais il autorise des dérogations au principe lorsque le fait de s’opposer à ces derniers les met en danger. La sécurité ou le besoin de se faire accepter priment alors sur l’affirmation de la religion.
 
En fait, dans ces situations, ce qui compte, c’est l’intention du musulman ou la réalité intime de sa croyance. Peu importe alors la profession de foi publique, puisque Dieu connaît les dispositions des cœurs et les pensées. Telles sont les sources qui fondent la doctrine de la dissimulation, en matière de religion et de tout ce qui peut lui être connexe. La validité du recours à la taqiyya a été confirmée et précisée par les oulémas (docteurs de la Loi) dès les débuts de l’islam, notamment par Tabarî (m. 923).

Il en résulte qu’un musulman peut abjurer extérieurement ses croyances, professer publiquement une autre religion, accepter d’être réputé non-musulman ou renoncer aux exigences cultuelles et législatives conformes à l’islam, tout cela s’il se trouve dans des conditions qu’il estime être de contrainte justifiant une telle attitude. Si l’on veut comparer avec la position chrétienne sur ce sujet, il convient de se référer à une parole de Jésus-Christ dans l’Evangile : « Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera. » (Mc 8, 35).

Quelles en sont les applications historiques et contemporaines ?

A Montpellier, le 19 avril 2019, une femme joue le rôle de la musulmane intégrée. En dépit de son port d’un voile islamique, le banquier ouvre de grands yeux émerveillés.

mère de famille sur le manque de mixité dans le quartier de La Mosson, où un point de deal a été démantelé en mars.

« Je déplore le manque de mixité dans le collège de quartier, les gens ne mettent plus les enfants dans le même quartier, ce qui est vraiment dommage. M. le président, j’ai mon fils qui a huit ans, il m’a demandé si le prénom de ‘Pierre’ existait vraiment ou si ce n’est que dans les livres, tellement il y a un manque de mixité dans le quartier. C’est vraiment grave. (…) Cette question m’a choquée », a déclaré Naima Amadou au chef de l’Etat, en présence de la presse. Tout est spontané, pas scenarisé le moins du monde: nous avons même ke nom de cette perle…

Cette mère de famille a raconté à Macron que son fils lui avait demandé si le prénom « Pierre » existait en dehors des livres.

La taqiyya a toujours existé dans l’Oumma (la Communauté des musulmans), mais elle s’est d’abord surtout développée en milieu chiite, ceci pour des raisons de nécessité, suite à la « Grande discorde » (Fitna) qui a engendré au VIIè siècle le clivage avec l’islam sunnite.
 
Dans le chiisme :

Depuis cette rupture, les sunnites ont le plus souvent gouverné l’Oumma. Dans ces périodes, les chiites, minoritaires, ont recouru à la taqiyya pour défendre leur identité, souvent niée par l’autorité qui les assimilait au sunnisme, ou pour échapper aux persécutions. Les imams chiites ont justifié, et même conceptualisé, cette pratique, qui a dès lors été comprise comme une obligation de conscience, donc comme faisant partie de la religion. Tous les traités chiites contiennent un chapitre spécial, intitulé  » Livre de la taqiyya« .

Selon Sami Aldeeb Abou-Sahlieh, professeur de droit islamique à l’Université de Lausanne, la tradition chiite rapporte trois cents récits dans ce sens. En voici un aperçu. « La dissimulation fait partie de ma religion et de la religion de mes ancêtres » ;
« Si tu agis par dissimulation, ils ne pourront rien contre toi. La dissimulation sera une forteresse pour toi et servira de digue entre toi et les ennemis de Dieu qu’ils ne pourront jamais percer. Si tu dis que celui qui abandonne la dissimulation est comme celui qui abandonne la prière, alors tu dis la vérité » ; « La dissimulation est le meilleur des actes du croyant parce qu’elle sert à le sauvegarder et à sauvegarder ses frères des impies » (cf. Le secret entre droit et religion, 2004, diffusion Internet).
 
Henri Lammens (1862-1937), jésuite belge, orientaliste arabisant de renom établi au Liban, a écrit à ce sujet :
« Parmi les adversaires de ses croyances, il [le chiite] peut parler et se conduire comme s’il était un des leurs. En agissant de la sorte, en prêtant, s’il le faut, des faux témoignages et des faux serments, quand l’intérêt de la communauté l’exige, ou simplement un avantage personnel, il croit obéir à l’ordre de l’imam suprême.

Et de commenter : »Inutile de relever les conséquences morales de cette théorie, de cette loi du secret, laquelle entretient et légitime une perpétuelle équivoque et rend les chiites impénétrables » (L’Islam, croyances et institutions, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1943, p. 190-191 ; livre réédité en France aux éditions du Trident).
 
A l’instar des chiites, les adeptes de confessions dissidentes du chiisme (alaouites, alévis, druzes, ismaéliens) ressortissants d’un califat ou d’un Etat sunnite, parce que minoritaires, ésotériques, considérés comme hérétiques et donc maltraités pour ces motifs, ont le devoir de pratiquer la taqiyya pour se protéger, en tant qu’individus et communautés. On retrouve cette situation chez les bahaïs dans la République islamique d’Iran, chiite.

Ces minorités recourent par ailleurs à la taqiyya lorsqu’elles ont besoin de légitimer une position dominante qu’elles ont pu acquérir. Ainsi, quand Hafez El-Assad (père de Bachar, l’actuel président syrien), membre de la communauté alaouite, s’est emparé du pouvoir à Damas, en 1970, il a multiplié les gestes destinés à se faire passer pour un musulman orthodoxe aux yeux du monde sunnite (prière rituelle à la Mosquée des Omeyyades à Damas, fatoua de l’imam libanais chiite Moussa Sadr reconnaissant l’appartenance des alaouites à l’islam, construction d’une mosquée à Qardaha, le village natal des Assad, alors que traditionnellement les alaouites ne prient pas dans des mosquées, etc.).La taqiyya existe donc en milieu islamique, et pas seulement en contexte non-musulman.
 
Dans le sunnisme :

Les musulmans sunnites ne rejettent pas la taqiyya, mais elle n’est pour eux qu’une permission. Ils s’appuient sur des enseignements dispensés par certains de leurs oulémas, tel que celui-ci : »El-Chawkani dit que celui qui devient mécréant sous la menace de mort ne commet point de péché si son cœur est tranquille dans la foi » (S.-A. Abou-Sahlieh, op. cit.).
La taqiyya a été observée légitimement par les Morisques vivant sous un pouvoir chrétien en Andalousie. Ainsi, en 1504, le mufti Ahmed Ibn Jumaïra publia une fatoua (avis juridique) donnant des consignes précises à ce sujet. Si les chrétiens obligeaient les musulmans à injurier Mahomet, ils devaient le faire en pensant que cette parole était prononcée par Satan. S’ils étaient obligés de boire du vin ou de manger du porc, ils pouvaient le faire mais en sachant que c’était un acte impur et à condition de le condamner mentalement. S’ils étaient forcés de renier leur foi, ils devaient essayer d’être évasifs ; si on les pressait, ils devaient intérieurement nier ce qu’on les obligeait à dire. De nos jours, les musulmans sont présents sur tous les continents. Vivant en dehors de leurs territoires traditionnels, ils sont donc sur des « terres de mécréance » (Dar el-Kufr) où il leur est permis, voire recommandé, de pratiquer la taqiyya, mais sous une autre forme, à titre individuel ou collectif. Il s’agit de s’adapter extérieurement au contexte en respectant les lois, principes et habitudes des pays concernés tant que les circonstances ne sont pas favorables à l’instauration de l’islam comme religion dominante et à la pleine application de la charia.

Quand on aborde le sujet de la Taqiyya, on entend régulièrement le terme « esquive ». De quoi s’agit-il ?

L’esquive consiste à utiliser un vocabulaire qui plaît aux Occidentaux pour décrire l’islam comme une religion inoffensive, apportant « la paix, la tolérance et l’amour ». Certaines personnalités musulmanes profitent de l’ignorance de leurs interlocuteurs non musulmans pour faire passer des messages tronqués quant à l’enseignement véritable de l’islam, en particulier sur certains sujets sensibles (violence, liberté de conscience, droits de l’homme, statut de la femme, respect des non-musulmans, égalité entre les hommes, etc.). Ces personnalités utilisent dans ce but les tribunes qui leur sont ouvertes dans la presse ou même les rencontres de dialogue interreligieux. Il s’agit en fait de rassurer les non-musulmans quant aux valeurs libérales et pacifiques de l’islam, en présentant des comportements moralement inacceptables comme des dérives, des déformations, voire des trahisons de la religion. On peut comparer cette attitude avec la parole du Christ : « Que votre langage soit : “Oui ? oui”, “Non ? non” « (Mt 5, 37).
 
Il faut enfin souligner que, face aux horreurs commises par des djihadistes, dont souffrent également d’autres fidèles de l’islam, certains intellectuels, dirigeants politiques et responsables religieux musulmans dénoncent aujourd’hui l’utilisation de la taqiyya, demandant un examen lucide des textes sacrés sur lesquels se fondent les adeptes de la violence.

Lorsque les musulmans se sentent suffisamment puissants, ils abandonnent la taqiyya et affrontent l’ennemi:

https://twitter.com/EdwigeDagorn/status/1383761244377686027?s=19