La gauche dénonce un deux poids, deux mesures
La direction de Sciences Po Paris, incarnée par Jean Bassères, administrateur provisoire, a choisi la voie de la négociation avec les étudiants pro-palestiniens qui bloquent l’établissement, la présidente de la région Ile-de-France a annoncé lundi la suspension des fonds publics que le conseil régional alloue chaque année à la célèbre école. L’élue dénonce la capitulation de la communauté éducative devant « une minorité de radicalisés ».
Sciences Po s’enfonce toujours un peu plus dans la tourmente. Alors la présidente de la région Ile-de-France va supprimer sa subvention à ce foyer de l’islamo-gauchisme et du wokisme de la rue Saint-Guillaume à Paris, théâtre depuis plusieurs semaines de mobilisations et blocages en soutien aux Palestiniens du Hamas dans la bande de Gaza. « J’ai décidé de suspendre tous les financements de la Région destinés à Sciences Po tant que la sérénité et la sécurité ne seront pas rétablies dans l’école. Une minorité de radicalisés (étudiants ou non), appelant à la haine antisémite et instrumentalisés par LFI et ses alliés islamo-gauchistes, ne peuvent pas dicter leur loi à l’ensemble de la communauté éducative », a fait savoir Valérie Pécresse, la présidente du Conseil régional sur X (anciennement Twitter).
Dans le cadre du contrat de plan Etat-région, le soutien de l’Ile-de-France à Sciences Po représente 1 million d’euros, sur un budget annuel global de 200 millions d’euros. Valérie Pécresse annonce également la suspension des crédits de fonctionnement alloués à l’établissement.
Dans la foulée, l’équivoque ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Retailleau, a voulu se conserver les sympathies de l’extrême gauche : « L’Etat ne coupera pas ses subventions à Sciences Po », a indiqué la ministre, laissant à la présidente de région « la responsabilité de ses décisions ». L’Etat, pour sa part, abonde au budget de l’Institut d’études politiques de Paris à hauteur de 75 millions d’euros. Macron ne cherche-t-il pas pourtant à rationaliser les dèpenses de l’Etat ?
« Je ne me souviens pas que Valérie Pécresse ait eu des mots aussi forts pour qualifier les agissements de Stanislas »
« A 500 mètres de Sciences Po, il y a Stanislas, et je ne me souviens pas que Valérie Pécresse ait eu des mots aussi forts pour qualifier les agissements de la direction », raille auprès de Public Sénat le sénateur communiste des Hauts-de-Seine Pierre Ouzoulias, spécialiste de l’enseignement supérieur et membre du PCF. Etre encarté au Parti communiste est un viatique pour réussir à l’Université consanguine, où on se coopte… « Et pourtant, un rapport de l’Inspection générale indique qu’il y a eu des manquements à la loi ». Une référence aux polémiques qui ont entaché cet établissement privé en début d’année, notamment épinglé par l’administration pour « les conditions du respect de la liberté de conscience » et un climat « propice aux risques d’homophobie ».
« Ce n’est pas un chantage, moi j’applaudis, je dis bravo Valérie ! Elle a eu raison. Sciences Po comme les universités doit rester un lieu de transmission. C’est une double capitulation lamentable, de la part de la direction provisoire et du gouvernement », a commenté mardi matin au micro de TF1 Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat.
A gauche, de nombreux élus ont dressé ce parallèle entre les deux établissements pour dénoncer un deux poids, deux mesures. « Un rapport détaille l’homophobie et la misogynie à Stanislas : Mme Pécresse maintient sa subvention. Sciences Po organise un débat : Mme Pécresse annule sa subvention. Scandaleux. », a résumé le sénateur communiste de Paris Ian Brossat sur X. « Madame Pécresse caricature encore sa médiocrité. 200 étudiants ne font ni ne sont Sciences Po, mais c’est certain qu’il faut mieux défendre (et financer) l’enseignement privé… », a également taclé sur ses réseaux sociaux le sénateur socialiste Eric Kerrouche, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) de profession..
Une direction dépassée par la mobilisation ?
Depuis plusieurs semaines, la droite multiplie les condamnations des comportements à Sciences Po, centre d’une première mobilisation non autorisée de soutien à Gaza au mois de mars. Parce que membre de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), une étudiante avait alors revélé qu’elle avait été empêchée de pénetrer dans l’amphi.
Le 20 mars, le Sénat auditionnait une professeure d’histoire de l’art à l’Institut d’études politiques de Paris, Laurence Bertrand Dorléac, présidente de la Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP), rattachée au Centre d’histoire de Sciences Po, assurant la gestion de l’Institut d’études politiques après le départ précipité de son directeur Mathias Vicherat, condisciple de Macron ou Sibyle Veil à l’Ecole nationale d’administration (ENA), ex-collaborateur de Mélenchon, alors ministre délégué à l’Enseignement professionnel, et ancien directeur de cabinet des maires PS de Paris Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo, puis nommé par Macron Rue Saint-Dominique, mais visé depuis 2023 par des accusations de violences conjugales.
Devant les élus, Laurence Bertrand Dorléac avait battu en brèche les accusations d’antisémitisme et de laxisme. « Nous ne chercherons jamais à nier qu’un étudiant ait pu tenir des propos antisémites. Chaque fois qu’un fait de cette nature nous est rapporté, nous enquêtons et nous sanctionnons », avait-elle expliqué.À la recherche d’apaisement, la direction de Sciences Po a annoncé vendredi suspendre les mesures disciplinaires prises à l’encontre de certains étudiants en avril. Cette décision, toutefois, ne concerne pas les accusations d’antisémitisme liées aux évènements de mars. « Les étudiants ont pris un engagement sur le fait qu’il n’y aurait plus de perturbation des cours, des examens et de la vie de l’établissement. Mais je reste naturellement prudent. Si cet engagement n’est pas tenu, il faudrait en tirer les conséquences », a indiqué Jean Bassères, nommé administrateur provisoire de l’Institut d’études politiques le 26 mars, dans un entretien au Monde.
Double instrumentalisation
Un entretien que le sénateur LR de Paris, Francis Szpiner, qualifie de « honteux ». « La direction a très mal géré cette affaire », fulmine l’élu auprès de Public Sénat. Cet ancien maire du XVIe arrondissement salue lui aussi l’initiative de Valérie Pécresse. « Tout le monde aspire à ce que Sciences Po retrouve le chemin de l’apaisement, mais la direction ne peut pas finasser avec des gens qui ont un projet politique totalitaire », gronde son collègue Max Brisson (LR), en pointe sur les questions d’éducation. Cet ancien inspecteur général de l’Education nationale va même jusqu’à évoquer « un esprit munichois », en référence aux Accords de Munich de 1938, par lesquels plusieurs gouvernements européens, dont la France, ont cru pouvoir contenir les appétits de l’Allemagne nazie.
« Les sanctions ont été totalement abandonnées au profit de groupuscules, de minorités agissantes qui professent en toute impunité et s’affichent dans l’antisémitisme », a encore développé Bruno Retailleau, toujours sur TF1. « Malheureusement à Sciences Po le laxisme a gagné. Jadis, on disait que c’était la fabrique des élites, c’est malheureusement devenu la fabrique de la bêtise idéologique. »
« Il faut rester rationnel et remettre les choses en perspectives », nuance Pierre Ouzoulias. « À écouter la droite, on a l’impression que toucher à Sciences Po, c’est toucher aux racines de la République. Or, on parle d’un mouvement qui ne concerne que quelques dizaines d’étudiants au sein d’un un milieu privilégié. LFI, de son côté, s’appuie sur la mobilisation pour appeler à un soulèvement de la jeunesse française, mais là aussi : force est de constater que les universités ne suivent pas ».
Depuis vendredi, plusieurs élus insoumis se sont effectivement rendus dans le 7e arrondissement pour afficher leur soutien aux dizaines d’étudiants mobilisés en faveur de Gaza. « Vous êtes l’honneur de notre pays », a notamment commenté Jean-Luc Mélenchon.
Auprès de Public Sénat, Pierre Ouzoulias regrette « la surmédiatisation et l’instrumentalisation » autour de cette mobilisation, « aussi bien par la droite que par la gauche », « ce qui complique terriblement le travail de la direction pour gérer la crise ». « Science Po s’est tellement voulu un modèle, à l’international notamment, il est normal que tout ce qui s’y passe soit mis en exergue », estime pour sa part le sénateur Max Brisson.
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