Valérie Pécresse suspend les subventions de Sciences Po Paris

La gauche dénonce un deux poids, deux mesures

La direction de Sciences Po Paris, incarnée par Jean Bassères, administrateur provisoire, a choisi la voie de la négociation avec les étudiants pro-palestiniens qui bloquent l’établissement, la présidente de la région Ile-de-France a annoncé lundi la suspension des fonds publics que le conseil régional alloue chaque année à la célèbre école. L’élue dénonce la capitulation de la communauté éducative devant « une minorité de radicalisés ».

Sciences Po s’enfonce toujours un peu plus dans la tourmente. Alors la présidente de la région Ile-de-France va supprimer sa subvention à ce foyer de l’islamo-gauchisme et du wokisme de la rue Saint-Guillaume à Paris, théâtre depuis plusieurs semaines de mobilisations et blocages en soutien aux Palestiniens du Hamas dans la bande de Gaza. « J’ai décidé de suspendre tous les financements de la Région destinés à Sciences Po tant que la sérénité et la sécurité ne seront pas rétablies dans l’école. Une minorité de radicalisés (étudiants ou non), appelant à la haine antisémite et instrumentalisés par LFI et ses alliés islamo-gauchistes, ne peuvent pas dicter leur loi à l’ensemble de la communauté éducative », a fait savoir Valérie Pécresse, la présidente du Conseil régional sur X (anciennement Twitter).

Dans le cadre du contrat de plan Etat-région, le soutien de l’Ile-de-France à Sciences Po représente 1 million d’euros, sur un budget annuel global de 200 millions d’euros. Valérie Pécresse annonce également la suspension des crédits de fonctionnement alloués à l’établissement.

Dans la foulée, l’équivoque ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Retailleau, a voulu se conserver les sympathies de l’extrême gauche : « L’Etat ne coupera pas ses subventions à Sciences Po », a indiqué la ministre, laissant à la présidente de région « la responsabilité de ses décisions ». L’Etat, pour sa part, abonde au budget de l’Institut d’études politiques de Paris à hauteur de 75 millions d’euros. Macron ne cherche-t-il pas pourtant à rationaliser les dèpenses de l’Etat ?

« Je ne me souviens pas que Valérie Pécresse ait eu des mots aussi forts pour qualifier les agissements de Stanislas »

« A 500 mètres de Sciences Po, il y a Stanislas, et je ne me souviens pas que Valérie Pécresse ait eu des mots aussi forts pour qualifier les agissements de la direction », raille auprès de Public Sénat le sénateur communiste des Hauts-de-Seine Pierre Ouzoulias, spécialiste de l’enseignement supérieur et  membre du PCF. Etre encarté au Parti communiste est un viatique pour réussir à l’Université consanguine, où on se coopte… « Et pourtant, un rapport de l’Inspection générale indique qu’il y a eu des manquements à la loi ». Une référence aux polémiques qui ont entaché cet établissement privé en début d’année, notamment épinglé par l’administration pour « les conditions du respect de la liberté de conscience » et un climat « propice aux risques d’homophobie ».

« Ce n’est pas un chantage, moi j’applaudis, je dis bravo Valérie ! Elle a eu raison. Sciences Po comme les universités doit rester un lieu de transmission. C’est une double capitulation lamentable, de la part de la direction provisoire et du gouvernement », a commenté mardi matin au micro de TF1 Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat.

A gauche, de nombreux élus ont dressé ce parallèle entre les deux établissements pour dénoncer un deux poids, deux mesures. « Un rapport détaille l’homophobie et la misogynie à Stanislas : Mme Pécresse maintient sa subvention. Sciences Po organise un débat : Mme Pécresse annule sa subvention. Scandaleux. », a résumé le sénateur communiste de Paris Ian Brossat sur X. « Madame Pécresse caricature encore sa médiocrité. 200 étudiants ne font ni ne sont Sciences Po, mais c’est certain qu’il faut mieux défendre (et financer) l’enseignement privé… », a également taclé sur ses réseaux sociaux le sénateur socialiste Eric Kerrouche, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) de profession..

Une direction dépassée par la mobilisation ?

Depuis plusieurs semaines, la droite multiplie les condamnations des comportements à Sciences Po, centre d’une première mobilisation non autorisée de soutien à Gaza au mois de mars. Parce que membre de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), une étudiante avait alors revélé qu’elle avait été empêchée de pénetrer dans l’amphi.

Le 20 mars, le Sénat auditionnait une professeure d’histoire de l’art à l’Institut d’études politiques de Paris, Laurence Bertrand Dorléac, présidente de la Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP), rattachée au Centre d’histoire de Sciences Po, assurant la gestion de l’Institut d’études politiques après le départ précipité de son directeur Mathias Vicherat, condisciple de Macron ou Sibyle Veil à l’Ecole nationale d’administration (ENA), ex-collaborateur de Mélenchon, alors ministre délégué à l’Enseignement professionnel, et ancien directeur de cabinet des maires PS de Paris Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo, puis nommé par Macron Rue Saint-Dominique, mais visé depuis 2023 par des accusations de violences conjugales.

Devant les élus, Laurence Bertrand Dorléac avait battu en brèche les accusations d’antisémitisme et de laxisme. « Nous ne chercherons jamais à nier qu’un étudiant ait pu tenir des propos antisémites. Chaque fois qu’un fait de cette nature nous est rapporté, nous enquêtons et nous sanctionnons », avait-elle expliqué.À la recherche d’apaisement, la direction de Sciences Po a annoncé vendredi suspendre les mesures disciplinaires prises à l’encontre de certains étudiants en avril. Cette décision, toutefois, ne concerne pas les accusations d’antisémitisme liées aux évènements de mars. « Les étudiants ont pris un engagement sur le fait qu’il n’y aurait plus de perturbation des cours, des examens et de la vie de l’établissement. Mais je reste naturellement prudent. Si cet engagement n’est pas tenu, il faudrait en tirer les conséquences », a indiqué Jean Bassères, nommé administrateur provisoire de l’Institut d’études politiques le 26 mars, dans un entretien au Monde.

Double instrumentalisation

Un entretien que le sénateur LR de Paris, Francis Szpiner, qualifie de « honteux ». « La direction a très mal géré cette affaire », fulmine l’élu auprès de Public Sénat. Cet ancien maire du XVIe arrondissement salue lui aussi l’initiative de Valérie Pécresse. « Tout le monde aspire à ce que Sciences Po retrouve le chemin de l’apaisement, mais la direction ne peut pas finasser avec des gens qui ont un projet politique totalitaire », gronde son collègue Max Brisson (LR), en pointe sur les questions d’éducation. Cet ancien inspecteur général de l’Education nationale va même jusqu’à évoquer « un esprit munichois », en référence aux Accords de Munich de 1938, par lesquels plusieurs gouvernements européens, dont la France, ont cru pouvoir contenir les appétits de l’Allemagne nazie.

« Les sanctions ont été totalement abandonnées au profit de groupuscules, de minorités agissantes qui professent en toute impunité et s’affichent dans l’antisémitisme », a encore développé Bruno Retailleau, toujours sur TF1. « Malheureusement à Sciences Po le laxisme a gagné. Jadis, on disait que c’était la fabrique des élites, c’est malheureusement devenu la fabrique de la bêtise idéologique. »

« Il faut rester rationnel et remettre les choses en perspectives », nuance Pierre Ouzoulias. « À écouter la droite, on a l’impression que toucher à Sciences Po, c’est toucher aux racines de la République. Or, on parle d’un mouvement qui ne concerne que quelques dizaines d’étudiants au sein d’un un milieu privilégié. LFI, de son côté, s’appuie sur la mobilisation pour appeler à un soulèvement de la jeunesse française, mais là aussi : force est de constater que les universités ne suivent pas ».

Depuis vendredi, plusieurs élus insoumis se sont effectivement rendus dans le 7e arrondissement pour afficher leur soutien aux dizaines d’étudiants mobilisés en faveur de Gaza. « Vous êtes l’honneur de notre pays », a notamment commenté Jean-Luc Mélenchon.

Auprès de Public Sénat, Pierre Ouzoulias regrette « la surmédiatisation et l’instrumentalisation » autour de cette mobilisation, « aussi bien par la droite que par la gauche », « ce qui complique terriblement le travail de la direction pour gérer la crise ». « Science Po s’est tellement voulu un modèle, à l’international notamment, il est normal que tout ce qui s’y passe soit mis en exergue », estime pour sa part le sénateur Max Brisson.

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Belloubet, celle qui inventa le délit de blasphème pour l’affaire Mila

Macron a la mémoire courte ou conchie le redressement de l’Education, sa soi-disant priorité politique

Nommée en juin 2017 peu après l’élection de Macron, Nicole Belloubet était très menacée en 2020. Depuis plusieurs mois, les relations entre l’ancienne ministre de la Justice, les avocats ainsi que les magistrats étaient extrêmement tendues et la réforme des retraites avait conduit les avocats à entamer plusieurs grèves, dénonçant le manque d’écoute de leur ministre. Nicole Belloubet a donc été remplacée à la Chancellerie par un avocat célèbre pour ses succès fondés sur des vices de forme, Eric Dupond-Moretti, homme de gauche au gouvernement Castex et pourfendeur du RN.

Alors qu’elle était garde des Sceaux il y a quatre ans, Nicole Belloubet, la nouvelle ministre de l’Education nationale semblait mettre sur le même plan l’insulte à la religion et la liberté de conscience.

Le 29 janvier 2020 précisément, depuis dix jours, la vie de l’adolescente avait basculé. Mila recevait des milliers de menaces de mort pour avoir critiqué l’islam dans une vidéo, censée rester privée. Nicole Belloubet, garde des Sceaux, est invitée sur Europe 1 et déclare : « L’insulte à la religion, c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c’est grave. » Ainsi une ministre de la République laïque, agrégée de droit public et membre du Conseil constitutionnel de 2013 et 2017, rétablissait-elle un délit de blasphème…

Nul ne saurait être autorisé à critiquer une quelconque religion si cela constituait une « atteinte à la liberté de conscience ». La sortie de la ministre de la Justice a, par conséquent, immédiatement fait scandale, hormis à gauche. Des responsables politiques, toutes tendances confondues, lui ont reproché une atteinte « aux droits et aux valeurs de la République ». Le premier ministre Edouard Philippe la sermonne et l’ex-premier adjoint de Pierre Cohen, maire de Toulouse, soutien de Benoît Hamon lors de la primaire citoyenne de 2017, se fend d’un tweet équivoque – « On peut critiquer des religions. Pas inciter à la haine » –, qui relance de plus belle la polémique.

« Culture juridique fantaisiste »

L’avocat de Mila, Me Richard Malka, lui répond dès le lendemain dans les colonnes du Figaro. « Depuis 1789, et d’autant plus depuis la loi sur la presse de 1881, la liberté d’expression donne le droit de critiquer les religions, sinon ses adeptes. Nous ne sommes pas au Pakistan où le blasphème est condamné par l’article 295-C du Code pénal », s’insurge-t-il.

L’avocat de Charlie Hebdo va plus loin en affirmant que la ministre « énonce la définition même du blasphème telle que promue par la Ligue islamique mondiale (fondée en 1962 à La Mecque par le prince Fayçal d’Arabie saoudite, en opposition, à la Ligue arabe de Nasser) ou l’Organisation de coopération islamique (soutien de la cause palestinienne dans le conflit israélo-palestinien)», laquelle milite partout en Europe, rappelle-t-il, pour l’interdiction du blasphème.

En prononçant cette phrase, la garde des Sceaux prend parti et « donne raison aux milliers d’anonymes qui, depuis plusieurs jours, adressent lâchement des menaces à Mila en lui promettant de l’égorger, de la découper ou de la brûler ! » ajoute Me Malka.

Raillant la « culture juridique fantaisiste » de Nicole Belloubet, docteur en droit, l’avocat lui rappelle enfin qu’elle se méprend sur le sens de la notion de liberté de conscience. « Le fondement de la liberté de conscience n’est pas d’interdire la critique ou même l’injure, mais de protéger la liberté d’expression. Ces deux libertés n’ont rien d’incompatible, au contraire elles participent l’une de l’autre », achève-t-il.

« Signal désastreux »

La ministre, dont ce n’était pas la première sortie de route, doit rétropédaler. Le 10 février, la locataire de la place Vendôme écrit une tribune publiée dans Le Monde et intitulée « Le crime de lèse-Dieu n’existe pas ». « J’ai eu une expression qui était non seulement maladroite – ce qui est regrettable – mais surtout inexacte », écrit alors la juriste. La garde des Sceaux précise que « dans notre pays, chacun est libre de blasphémer ». Ajoutant : « C’est l’évidence même. La France n’est pas une terre de fatwas. »

Le 12 février, Macron accorde un entretien au Dauphiné libéré dans lequel il réaffirme le « droit au blasphème » et le droit de « critiquer les religions » : « La loi est claire : nous avons droit au blasphème, à critiquer, à caricaturer les religions. »

La nomination de Belloubet est un « signal désastreux »

Quatre ans après les désordres créés par ses trois années au gouvernement d’Edouard Philippe, personne n’a oublié les propos islamo-gauchistes de Nicole Belloubet. Plusieurs responsables politiques de droite estiment que sa nomination à l’Education nationale envoie un « signal désastreux ».

« Avec la nomination de Nicole Belloubet, l’une des ministres les plus laxistes de la Ve République, le retour de l’autorité à l’école n’est pas pour demain », a par exemple réagi, sur X (anciennement Twitter) le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau.

Un élu Horizons craint, lui, que Belloubet s’autorise d’autres prises de positions partisanes, « capable d’éclipser celles d’Amélie Oudéa-Castéra »… Dans un contexte très tendu marqué par la grève des enseignants, toutes ses déclarations et décisions seront scrutées de près…

Bastions de la presse d’extrême gauche, et pourtant appartenant au service public subventionné par les Français soumis à l’impôt, France inter ou France 2, dénoncés par Eric Zemmour:

Loi immigration: pressions de proches de Macron sur les députés pour qu’ils ne votent pas la version du Sénat

Des macronistes de gauche portent atteinte à la séparation des pouvoirs.

A force de braquer sur eux les caméras, Mélenchon et ses affidés – bons clients des chaînes info en continu – réussissent à faire oublier que la France compte chaque jour plus de « nationaux » que d’insoumis. Macron peine à exister et se montre donc aux quatre coins du pays et dicte aux grands de ce monde ce qu’ils doivent faire, par exemple à la Chine de s’impliquer à Gaza.

Macron avait bâti sa campagne en se posant comme meilleur rempart au FN, mais celui-ci a muté en RN et réussi sa notabilisation. De quoi convaincre les électeurs modérés de droite et de gauche de voter pour lui puis de soutenir ensuite sa politique, selon l’idée pleine de bon sens qu’il était dans l’intérêt collectif du pays qu’il réussisse. Avec son projet de loi immigration, Macron craint fort que le coup du Sénat passe si près que son chapeau tombe et que le cheval de la macronie fasse un écart en arrière.

Le 14 novembre, le Sénat a adopté le projet de loi sur l’immigration. A l’Assemblée, son examen commence en commission le 27 novembre et en séance le 11 décembre. Et voici justement que Macron lâche les chiens sur le troupeau bêlant de ses députés.

C’est une lettre comminatoire, par son contenu, mais surtout du fait de l’identité de ses sbires. Un groupe de personnalités a écrit à tous les députés de l’alliance présidentielle pour leur demander de ne pas se laisser séduire par la loi sur l’immigration issue du Sénat : Philippe Aghion, Marisol Touraine, Jean-Marc Borello, Pascal Brice, Daniel Cohn-Bendit, Romain Goupil, Philippe Martin, Thierry Pech et Jean Pisani-Ferry. Tous sont des macronards ou l’ont été. Un nom retient particulièrement l’attention, celui d’un ancien membre de cabinet de Laurent Fabius, un homme d’affaires et président du directoire du groupe SOS, association spécialisée dans l’entrepreneuriat social,  Jean-Marc Borello, proche d’entre les proches, l’un des co-fondateurs d’En Marche. Autre point commun : tous ont une sensibilité de gauche. Enfin, deux d’entre eux (Thierry Pech et Jean Pisani-Ferry) s’étaient déjà dressés contre une précédente loi immigration, celle portée par Gérard Collomb durant le premier quinquennat : le 16 janvier 2018, ils publiaient une tribune dans Le Monde intitulée : « M. Macron, votre politique contredit l’humanisme que vous prônez ! »

Macron foule aux pieds la liberté de conscience des députés de son mouvement minoritaire. A la veille de l’arrivée du projet de loi immigration en commission paritaire au Palais-Bourbon, des intimes ou des proches de Macron appellent les députés de l’alliance présidentielle à « ne pas voter » la version des sénateurs adoptée mi-novembre.

« Le texte adopté au Sénat constitue une rupture. Il fait droit à des mesures proposées de longue date que ni le Sénat ni l’Assemblée n’avaient jamais voulu prendre en compte », écrivent les signataires de cette tribune publiée par L’Opinion.

Cohn-Bendit, Touraine et Pisani-Ferry parmi les signataires

Ils jugent que les nouvelles dispositions introduites par les sénateurs représentent « une hostilité de principe désormais affichée non seulement à l’égard de l’immigration mais des étrangers eux-mêmes, le plus souvent à raison de leur origine et de leur culture« .

Parmi la liste des personnalités qui ont participé à cette tribune, on trouve plusieurs proches de Macron à l’instar de Marisol Touraine, ex-ministre de la Santé sous François Hollande (ré-intégrée au Conseil d’Etat qui désormais pantoufle depuis 2019 à la présidence d’Unitaid, organisation internationale qui vise à réduire le prix des médicaments, mais qui veut faire contrepoids aux ralliés à Macron venus de la droite, bien que battue à la dernière législative ) , ou encore Jean-Marc Borello, l’un de cofondateurs de Renaissance (ex-En marche).

Jean Pisani-Ferry, Philippe Martin et Philippe Aghion comptent également parmi les visages signataires. Ces économistes avaient planché sur le programme présidentiel d’Emmanuel Macron en 2017 et ont depuis pris leur distance.

L’ex-écologiste Daniel Cohn-Bendit, le cinéaste Romain Goupil ou Pascal Brice, l’ex-directeur de l’OFPRA, ont également co-signé ce texte, tout comme Thierry Pech, le président du think tank Terra Nova.

Une version sénatoriale qui prend en compte les réalités de l’immigration nouvelle

Cette tribune de la société civile cherche à peser dans la bataille alors que l’alliance présidentielle doit croiser le fer à l’intérieur même de ses troupes dans les prochains jours. En effet, de très nombreux apports au projet gouvernemental votés par le Sénat ébranlent les modes de pensée de certains caciques de gauche dont la moyenne d’âge est 70 ans. Fin du droit du sol, fin de l’aide médicale d’Etat, disparition de l’article 3 (compensée par une modification controversée de l’art. 4) qui cherchait à régulariser les travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, autant de modifications qui donnent au projet une ossature en adéquation avec la demande de la France silencieuse…

Les sénateurs, menés par le patron des LR au Sénat Bruno Retailleau, ont considérablement renforcé ce projet de loi porté par Gérald Darmanin, sans bousculer les sénateurs Renaissance qui ont, eux aussi, voté ce projet de loi. La tribune réagit donc en urgence et dans l’outrance. « Ce texte est porteur d’une stigmatisation généralisée des personnes étrangères mais il ne nous paraît comporter aucune garantie de ‘fermeté’ ou à tout le moins d’efficacité« . A priori.

L’impossible équilibre à l’Assemblée

Le locataire de la place Beauvau s’est, lui, félicité, de la version sénatoriale. Le quadragénaire a ainsi salué « un texte co-construit », « enrichi par le Sénat ».

De quoi sérieusement inquiéter l’aile gauche de la macronie qui tient à tout prix à ce que le projet de loi ressemble à la copie promise par l’exécutif, qualifiée d’entre-deux « humanité » et « fermeté », version spéciale du « en même temps » classique et de la stratégie du « pas de vagues », inadaptés à la situation nouvelle créée par l’immigration clandestine de masse incontrôlée, des campements insalubres, de centres d’accueils dépassés par les événements et de mineurs isolés ingérables.

Le président totalitaire de la commission des Lois Sacha Houlié a de son côté déjà exprimé son mépris de la Chambre haute, en promettant de « rétablir le texte ambitieux de l’exécutif ». Ajouté au mépris de la Chambre basse, anesthésiée au gaz 49.3, le parlementarisme est gravement menacé.

Au risque de perdre les voix de la droite qui refuse farouchement un titre de séjour aux clandestins dans les métiers en tension et dont le gouvernement a tant besoin en l’absence de majorité absolue? La tribune des courtisans confirme que l’exécutif s’affole à la perspective des débats en commission dans les prochains jours.

L’espoir d’une alliance entre la gauche et la majorité

Les signataires de ce texte veulent croire, si peu soit-il, à une éventuelle alliance entre une partie de la macronie et un moignon de la gauche pour parvenir à sauver l’équilibre du texte. « Nous saluons l’esprit d’ouverture qui a permis à des élus de la majorité et de l’opposition d’adopter des positions communes sur certains aspects du projet de loi« , écrivent-ils au mépris de la réalité de leur arrogance constitutive, puisque l’alliance présidentielle a pris pour habitude de mettre au panier l’immense majorité des amendements de l’opposition.

Plusieurs figures de la gauche comme Fabien Roussel (PCF) et Julien Bayou (EELV) se sont réunis en septembre dernier aux côtés de Sacha Houlié et la députée apparentée Renaissance Stella Dupont pour faire la Une de Libération et défendre la création d’une carte de séjour pour les travailleurs en situation irrégulière dans le BTP ou la restauration.

Une tribune d’élus MoDem a également été signée début novembre pour défendre le rétablissement de l’aide médicale d’Etat, dont le retour dans le texte à l’Assemblée est défendu par Élisabeth Borne et le ministre de la Santé Aurélien Rousseau.

« Il vous revient de stopper une dérive dangereuse »

« Nous ne sommes pas dans la tonalité des donneurs de leçon. Nous appelons par exemple à une gestion plus ciblée des OQTF. Mais on sent qu’on à un moment de bascule dans le discours politique », nous explique l’un des signataires, Pascal Brice, spécialiste des questions migratoires.

Pour convaincre, les signataires ont prévu d’aller à la rencontre des députés de la majorité ces prochains jours. « Il vous revient de stopper une dérive dangereuse et de mettre le pays sur le chemin de l’efficacité et de l’apaisement. Nous comptons sur vous et restons à votre disposition pour échanger », conclut la tribune, non sans se donner d’importance.

Rappelons-le, deux des signataires, Thierry Pech et Jean Pisani-Ferry, s’étaient déjà opposés dans un appel à Emmanuel Macron en 2018 à la loi asile-immigration portée par Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur de l’époque.

Quelques stats ?

Port du maillot arc-en-ciel: des footballeurs refusent les couleurs du lobby LGBT

La ministre est-elle dans son rôle en imposant les préférences d’une minorité sexuelle ?

A obligation politico-idéologique, refus politico-religieux. Ces footballeurs réfractaires à une contrainte impactant leurs convictions intimes n’ont rien demandé, ni provoqué. A leur tolérance, Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques oppose néanmoins le soupçon d’homophobie et la stigmatisation. 

Dans un message posté sur Twitter, le joueur du FC Nantes Mostafa Mohamed a justifié son absence face à Toulouse dimanche lors de la 35e journée de Ligue 1. Pour lui, il n’était « pas possible » de participer à la campagne contre l’homophobie. « J’espère que ma décision sera respectée, tout comme mon souhait de ne pas polémiquer à ce sujet », a-t-il ajouté sobrement.

Mostafa Mohamed a décidé de sortir du silence. Au lendemain de son absence lors du match entre Toulouse et le FC Nantes, un match qui s’est joué dimanche sous le signe de la lutte contre l’homophobie, l’attaquant nantais a assuré ne pas « vouloir polémiquer« . « Mais je me dois de faire part de ma position« , a-t-il également précisé, se justifiant donc de ce choix.

Mostafa Mohamed

« Le respect des différences, ce serait le respect de l’autre, le respect de soi, le respect de ce qui sera mis en commun et de ce qui restera différent, a-t-il écrit sur Twitter. Je respecte toutes les différences. Je respecte toutes les croyances et toutes les convictions. Ce respect s’étend aux autres mais comprend également le respect de mes croyances personnelles. Vu mes racines, ma culture, l’importance des mes convictions et croyances, il n’était pas possible pour moi de participer à cette campagne. »

Mostafa Mohamed lors de Nantes - Monaco
Mostafa Mohamed,
« mâle pas blanc hétéro »

Mostafa Mohamed, Egyotien d’origine, espère donc que sa décision sera « respectée« . « Tout comme mon souhait de ne pas polémiquer à ce sujet et que tout le monde soit traité avec respect« , a-t-il conclu.

Brassard ou maillot,
prosélytisme médiatique :
symbole politique,
signe extérieur d’appartenance

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, lui, a jugé « nul » et « anachronique » le refus de certains joueurs de foot de porter un maillot arc-en-ciel à l’occasion du week-end de lutte contre l’homophobie, rappelant qu’il s’agissait d' »un délit » et non d’une opinion. « C’est nul. Je lisais tout à l’heure un article où quelqu’un, un sélectionneur je crois, disait que l’homophobie était une opinion: non, c’est un délit« , a déclaré le ministre sur le plateau de France 2.

Lavage de cerveaux

« C’est anachronique: on vit dans une époque aujourd’hui (…) où chacun est libre de s’aimer comme il le souhaite« , a-t-il ajouté. Plusieurs joueurs de Toulouse, Nantes ou encore Guingamp ont refusé de jouer avec le maillot floqué arc-en-ciel ce week-end, même si l’immense majorité des joueurs de L1 et L2 ont participé à cette campagne annuelle « Homos ou hétéros, on porte tous le même maillot », un maillot non genré.

Interrogé sur la nécessité d’imposer des sanctions aux joueurs récalcitrants, Olivier Véran a expliqué que s’il était « sélectionneur ou directeur d’une équipe de foot, je dirais à mes joueurs: ‘c’est important de le faire, c’est le message que vous envoyez à la jeunesse« .

Il a rappelé que « beaucoup de jeunes aujourd’hui souffrent encore de l’homophobie dans leur quotidien et tous les moyens sont bons pour permettre de normaliser ce qui est déjà normal« .

Des Toulousains et un Nantais de Ligue 1 souhaitent préserver leur libre arbitre

Le Stadium de Toulouse avant un match contre Lens le 2 mai dernier. Icon Sport/Romain Perrocheau
Le Stadium de Toulouse avant un match contre Lens le 2 mai dernier. Icon Sport/Romain Perrocheau

Un an après la polémique suscitée par le refus du Franco-sénégalais de Paris Idrissa Gueye de porter le maillot floqué d’un numéro arc-en-ciel pour soutenir la cause LGBT. Invoquant une crise de foie – on dit maintenant une gastro-entérite – attrapée à la suite d’un gala de charité, il est resté chez lui.

Depuis, plusieurs autres joueurs de Ligue 1 s’y opposent.

Plusieurs joueurs du TFC ont fait part de leur refus de porter ce dimanche face à Nantes le maillot floqué de numéros arc-en-ciel à l’occasion de la journée contre l’homophobie. L’attaquant nantais Mostafa Mohamed également.

Il s’agit, en l’occurrence, de plusieurs éléments du Toulouse FC, récent vainqueur de la Coupe de France, qui ont fait part à leur club de leur refus de porter ce maillot à l’occasion du match à domicile contre Nantes, dimanche au Stadium, dans un remake de la finale remportée il y a deux semaines au Stade de France (5-1).

Selon le quotidien régional, cinq joueurs auraient ainsi émis le souhait de ne pas disputer cette rencontre pour ne pas avoir à enfiler ce maillot avec un numéro aux couleurs LGBT, une initiative de la Ligue de football professionnel depuis trois saisons pour lutter contre l’homophobie. Il s’agirait de Zakaria Aboukhlal, Moussa Diarra, Farès Chaïbi, Logan Costa et Saïd Hamulic.

L’international marocain, Zakaria Aboukhlal, 23 ans, habituel titulaire de l’équipe du Téfécé, n’a pas disputé la rencontre contre le FC Nantes, et s’est justifié. « Avant tout, je tiens à souligner que j’ai la plus grande estime pour chaque personne, quelles que soient ses préférences personnelles, son sexe, sa religion et ses origines. Le respect est une valeur que j’estime beaucoup. Il s’étend aux autres, mais il englobe aussi le respect de mes convictions personnelles. C’est pourquoi je ne pense pas être la personne la plus apte à participer à la rencontre. J’espère que ma décision sera traitée avec respect, tout comme nous demandons le respect», a-t-il expliqué.

Le Malien Moussa Diarra, comme Logan Costa, ont démenti avoir refusé de participer au match et se tiennent à la disposition du coach. Le défenseur Logan Costa, 22 ans, héros de la finale de la Coupe de France avec un doublé inscrit, confirme, Né au Cap-Vert où l’islam se répand avec l’arrivée de clandestins maliens et sénégalais, il rappelle qu’il est contre l’homophobie et figure bien dans le groupe à la disposition de son entraîneur pour le match de ce dimanche. Par ailleurs, selon France Bleu Loire Océan, l’attaquant égyptien du FC Nantes Mostafa Mohamed a lui aussi refusé de porter le maillot et il est resté à l’hôtel en signe de protestation contre cette pression.

L’Algérien de 20 ans, Farès Chaïbi, est devenu la cible de certains supporteurs, qui se moquent de son retournement de veste. « Chaibi a montré un autre visage, éclipsant ses valeurs”, a lâché un internaute. “Les Algériens que de la gueule, c’est le seul à faire la fiotte sans fierté la honte aucune fierté et dignité”, a ajouté un autre. “C’est la qu’on voit la différence entre les musulmans sincères avec la foi forte et ceux qui préfèrent l’argent”, a expliqué un dernier.

D. Gomis

Samedi, le défenseur de Guingamp Donatien Gomis , Sénégalais de 28 ans, né dans un pays musulman qui ne fait pas la promotion de l’homosexualité, n’a pas souhaité participer à cette campagne « Homos ou hétéros, on porte tous le même maillot » lors d’un match de Ligue 2 à Sochaux.

Saïd Hamulic a refusé fermement de participer à l’initiative de la LFP (Ligue de Football Professionnel). Le joueur est né en Bosnie où les musulmans chiites et sunnites constituent 52,5 % de la population. L’homosexualité n’est pas illégale mais elle reste un sujet tabou dans le discours public dans une société majoritairement religieuse.

Dans un communiqué, la Ligue de football professionnel (LFP) avait également expliqué « qu’à l’issue des matchs, ces maillots exceptionnels seront mis aux enchères au profit des associations Foot Ensemble, PanamBoyz & Girlz United, et SOS Homophobie ». La LFP est présidée par Vincent Labrune

Ces noms publiés par la presse vont-ils valoir à leurs porteurs les menaces que réservent les sectaires aux hommes de convictions ?

Comment en finir avec la dictature des sondages

Le pouvoir des enquêtes d’opinion en période électorale est en effet une menace pour la démocratie

Il serait républicain de limiter les enquêtes politiques d’opinion. La période sensible de trois ou quatre semaines avant le scrutin devrait être gelée, de même que ces « enquêtes » devraient être limitées aux programmes des candidats et fermées à leur personne (traits de caractère, popularité, confiance,…) et aux qualificatifs qui étiquettent leur positionnement. Dans 1984, George Orwell n’offre à ses personnages que « deux Minutes de Haine « . Voyez où en sont, sans les sondages, les réseaux sociaux ouverts 24/24…

Dans Droit électoral (titre original : Franchise, parfois traduit par ‘A voté » ci-dessus), une nouvelle écrite dans les années 1950, le maître de la science-fiction Isaac Asimov imagine un nouveau genre de système politique dans lequel un ordinateur géant a la faculté de calculer la tendance de l’opinion à partir de millions de paramètres et de désigner un seul électeur – le plus représentatif de tous, déterminé par Multivac, nom inspiré par l’UNIVAC I, le premier ordinateur commercial produit aux Etats-Unis – qui a seul le pouvoir d’élire le prochain président.

La campagne présidentielle 2022 montre que nous ne sommes plus très loin d’un tel système, puisque les sondages sont réalisés généralement sur la base d’un «échantillon représentatif» de plus ou moins 1.000 personnes et que, sur la durée, ils continuent de ne donner qu’un seul candidat assuré d’accéder au second tour: trois mois avant, l’élection est pliée.

La puissance de ces prédictions est exorbitante, interpellant sur leur légitimité, d’autant qu’elles sont présentées comme scientifiques, puisque certaines de ces entreprises commerciales seraient des « instituts », comme l’institut Pasteur, lequel n’a d’ailleurs pas été apte à produire un vaccin tricolore anti-covid. Nous sommes immergés dans une vaste escroquerie où les robots dirigeants affichent encore de la compassion à profusion, mais qui passent déjà à la vitesse supérieure en distribuant des milliards aux alphas et des centimes aux autres, illettrés, fainéants, cyniques ou extrémistes, populistes et nauséabonds, sous les applaudissements des « acteurs politiques », collabos du pouvoir et des salles de redaction.

Baromètre des présidentiables sondage ViaVoice 10 mars 2017.

On peut juger du risque démocratique au poids des sondages sur l’opinion, que ce soit les chroniqueurs et les électeurs, ou les candidats eux-mêmes qui feraient coller leurs programmes aux éléments mis en exergue par les enquêteurs, alors que les données techniques n’en sont pas communiquées, pas plus que les conflits d’intérêts éventuels des actionnaires ne sont révélés.

En amont de l’élection, les sondages sont de formidables propulseurs de candidatures et on leur connaît désormais cet incroyable pouvoir de faire émerger des candidats dont la crédibilité électorale ne tient qu’à leur score virtuel (leurs ‘likes’ ?), lui-même incroyable. Au moment de l’élection, évidemment, avec cet incontournable «vote utile»… l’utilité en question n’ayant d’autre instrument de mesure que le baromètre établi par les instituts de sondage. Certains prêtent même aujourd’hui aux sondages la faculté d’inspirer le retrait d’un candidat au profit d’un autre ! Le danger de manipulation est immense dès lors que soit la prophétie devient auto-réalisatrice au détriment d’une pleine et entière liberté de choix des électeurs, soit les sondages se trompent et qu’ils faussent le calcul des citoyens. Et l’avenir du pays dont on dira du peuple qu’il est souverain.

Prétendu caractère scientifique

La menace est en marche et le peuple, s’il n’était chloroformé, serait en droit d’exiger sans plus attendre que l’activité sondagière soit particulièrement encadrée par la loi. Que soient par exemple connues les méthodes de calcul, qui à partir de «résultats bruts» permettent d’en arriver aux «résultats nets» au prix d’ajustements dont on espère qu’ils ne sont pas purement arbitraires. Las ! Présentant leur activité comme «scientifique», les instituts refusent de rendre public ce qui constitue, à leurs yeux, des «secrets de fabrication». Un équivalent dans la presse serait le sacro-saint « secret des sources » qui remet notre confiance entre les mains d’une déontologie professionnelle, dont nul ne connaît le visage et l’adresse mail. Le seul contrôle prévu est exercé par une Commission des sondages atone, que l’on n’entend jamais et dont, à vrai dire, si souverain soit-il, aucun citoyen, si souverain soit-il, ne connaît l’existence. Ni donc le coût.

Depuis la loi du 20 janvier 2017, la Commission des sondages est composée de neuf membres désignés pour six ans parmi lesquels on compte deux membres du Conseil d’État, deux de la Cour de cassation et deux de la Cour des comptes et trois membres désignés par le Président de la République, le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée nationale. Qui préside cette instance indépendante? Mystère…

Un encadrement légal plus strict apparaît démocratiquement nécessaire et juridiquement possible. D’une manière générale, toutes les informations concernant les méthodes utilisées devraient être rendues publiques afin que leur prétendu caractère scientifique puisse être soumis à la critique de la communauté scientifique, comme c’est le cas de tous les travaux qui se parent des vertus de l’objectivité et de la rigueur.

Critères évanescents

La loi aurait vocation à mieux anticiper les périodes électorales en encadrant les activités souterraines de ces pseudo-instituts, avec toute la rigueur républicaine dont serait capable la démocratie. A cet égard, une proposition a été formulée qui consisterait à interdire les sondages deux mois avant l’élection. Outre que cette mesure aurait pour effet de cristalliser l’opinion à ce moment précis, ce type d’interdiction se heurterait à la résistance des profiteurs du système, tout à la fois au nom de la liberté d’entreprendre des societés commerciales de sondages et de la liberté de la presse, qui s’aroge tous les droits sur la base de ce principe antithétique de la démocratie, dès lors qu’elle rogne sur les droits et libertés du peuple dont le droit de vote libre et la liberté de conscience de chacun. Telles qu’ils empiètent, les sondages n’ont aucune valeur constitutionnelle.

Une autre voie semble pourtant envisageable : celle d’une interdiction relative où ne seraient prohibés durant cette période que les sondages portant sur les personnes pour ne conserver que ceux portant sur les propositions. Ainsi, le pouvoir d’influence des instituts de sondages serait-il contenu au moment où il est le plus évidemment palpable. Ainsi pourrions-nous échapper à cette période assez malsaine de la vie politique où notre attention est focalisée sur les courbes de popularité fluctuant au gré de critères évanescents. Sans oublier qu’une telle mesure aurait au demeurant pour effet secondaire mais vertueux d’inciter les électeurs à s’intéresser davantage au contenu des programmes qu’à la personne des candidats.