Passe sanitaire : 74 députés appellent à une censure de son extension par le Conseil constitutionnel

Ils dénoncent une atteinte aux libertés et au principe d’égalité entre vaccinés et non-vaccinés.

Des députés ont saisi le Conseil constitutionnel pour contester la loi élargissant le passe sanitaire obligatoire aux cafés, restaurants et aux trains longue distance. Ils contestent l’urgence pour tous à atteindre au plus vite le taux d’immunité collective à 90%, du fait du variant Delta, plus virulent que le virus Alpha. Ils invoquent des motifs valables en période hors contamination épidémique.

Le député La France Insoumise Ugo Bernalicis dénonce une rupture d'égalité entre vaccinés et non-vaccinés, notamment ceux qui n'auront pas rempli leur schéma vaccinal complet lors de l'extension du pass sanitaire, prévue le 9 août 2021. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

Le député La France Insoumise Ugo Bernalicis dénonce une rupture d’égalité entre vaccinés et non-vaccinés, notamment ceux qui n’auront pas rempli leur schéma vaccinal complet lors de l’extension du pass sanitaire, prévue le 9 août 2021.

Lundi 26 juillet, 74 députés d’opposition (LFI, PCF, PS, Nouveaux Démocrates et Liberté et Territoires) ont déposé un recours devant le Conseil constitutionnel pour contester le projet de loi déjà voté et élargissant le passe sanitaire aux bars, cafés, restaurants, ou encore aux vols intérieurs et aux trains longue distance. Le passe est déjà obligatoire dans les lieux de culture, cinémas, musées, théâtres…

Le texte de loi doit entrer en vigueur le 9 août, depuis qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat, mais il doit être validé par le Conseil constitutionnel. Les Sages de la rue Montpensier rendront leur décision le 5 août. Le premier ministre, Jean Castex, leur a demandé de se prononcer sur chacune des mesures contenues dans le texte de loi.

Battus lors du vote à l’Assemblée nationale, les 74 députés repartent à la charge devant le Conseil constitutionnel, avec les mêmes arguments. Ils dénoncent des mesures qui vont à l’encontre des libertés et des droits constitutionnels. Leur objectif est que les Sages censurent certains articles, notamment l’article 1 de la loi, le plus polémique, qui prévoit d’étendre le passe sanitaire à de nouvelles activités du quotidien. 

« Atteinte à la liberté d’accès aux lieux de vie »

Pour le radical député Aurélien Taché, du parti des Nouveaux Démocrates, cet article 1 est contraire à la liberté d’aller et venir des citoyens, et de mener librement une vie sociale et familiale. « Toutes ces libertés sont mises à mal par cette instauration du pass sanitaire », estime Aurélien Taché. « Son extension très forte va vous priver de la possibilité d’accéder à tous les lieux de vie qui sont ceux du quotidien : les lieux de sociabilisation, lieux culturels, cafés ou autres, si vous n’êtes pas vacciné ». 

Il est toutefois possible de passer régulièrement des tests antigéniques ou PCR pour se rendre dans ces lieux, à partir de l’entrée en vigueur de la loi. Ces tests sont gratuits – mais à la charge de la collectivité, dont les vaccinés ainsi discriminés – jusqu’au début de l’automne, comme l’a annoncé Macron,le 12 juillet.

Aurélien Taché estime que l’extension du passe sanitaire est « une atteinte extrêmement forte à notre liberté. Et puis à la liberté d’entreprendre aussi, de ceux qui, finalement, tiennent ces entreprises. »

« C’est une disproportion et une surcharge de travail terrible pour tous ces employés qui ne sont pas là pour faire respecter les missions de police et de contrôle. »Aurélien Taché, député Les Nouveaux Démocrates 

« Rupture d’égalité » entre vaccinés et non-vaccinés

Globalement, les députés dénoncent une mise en place beaucoup trop hâtive de ce pass sanitaire, compte tenu des stocks de vaccins et des délais de rendez-vous. Tous les Français, même de bonne volonté, n’auront pas le temps de se faire vacciner d’ici le 9 août.

C’est contraire à l’un des principes fondateurs de la Constitution, l’égalité, selon Ugo Bernalicis. Le député La France Insoumise pense à « ceux qui ont voulu entamer leur parcours vaccinal après les annonces du président de la République. Le temps de prendre leur premier rendez-vous (…) ceux-là ne pourront pas se faire vacciner en temps et en heure. »

« Certains, qui veulent être vaccinés, seront obligés de faire des tests PCR ou antigéniques toutes les 48h pour pouvoir vivre à peu près normalement en période de vacances. Il y a une rupture d’égalité flagrante. » (Ugo Bernalicis, député La France Insoumise)

Le Conseil constitutionnel a jusqu’au 5 août pour rendre sa décision. Il peut émettre à ce moment-là des réserves d’interprétation ou même censurer des pans entiers du texte, comme l’espèrent les députés qui ont déposé ce recours.

Hausses d’impôts inéluctables: Le Maire fait des promesses de Gascon

« Quand Le Maire affirme qu’il n’augmentera pas les impôts, il ment », prévient une élue LREM

Emilie Cariou a l'Assemblee nationale.

Venue de la gauche, à laquelle Emilie Cariou est retournée, désabusée, la députée de la Meuse avait été élue dans la vague LREM de 2017. Mais les préférences discordantes entre l’aile droite et l’aile gauche du groupe ont fini par la ramener à son cercle politique. En mars 2020, cette spécialiste de la fiscalité – passée par différents postes au ministère de l’Economie et des Finances, puis dans des cabinets ministériels, sous la présidence de François Hollande – jette aux orties son fouet de « whip » à la commission des Finances.

Premier pas vers un divorce complet avec la macronie en mai 2020 quand elle fonde, avec d’autres déçus, le groupe parlementaire Ecologie, Démocratie, Solidarité. Le groupe ne survit pas aux défections. La rupture avec LREM est consommée lorsque, avec son collègue Aurélien Taché, elle crée le 16 décembre 2020 un parti politique, Les Nouveaux Démocrates (LND). Emilie Cariou est, cette semaine, l’invitée du « Grand Entretien » politique de l’hebdomadaire Le Point. Plan de relance, choix sanitaires, la députée de la Meuse passe au peigne fin la politique du gouvernement.

Le Point : Depuis sa présentation, vous multipliez les critiques contre le « plan de relance » de 100 milliards d’euros. Bruno Le Maire a présenté des aménagements pour cibler les petites entreprises. Est-ce que cela va dans le bon sens ?

Émilie Cariou : Oui, c’est bien de maintenir des aides économiques et financières à destination des entreprises, et notamment à celles qui subissent des fermetures administratives. Mais des manques subsistent encore. Déjà, parce que les mesures de soutien ne sont pas ou très peu ciblées vers les entreprises qui en auraient le plus besoin, à savoir les petits commerçants, les bars, les restaurants, mais aussi l’écosystème des petites et moyennes entreprises qui ne sont pas frappées par les mesures de fermeture mais subissent indirectement les effets des chutes d’activité économique.

Le plan de relance adopté à l’automne est déjà très ciblé sur les grandes entreprises qui seront bénéficiaires des baisses de 2 milliards d’euros d’impôt. La contribution sur la valeur ajoutée des entreprises n’est en effet pas payée par les commerçants et artisans, et très peu payée par les PME. L’aide de 20 milliards d’euros va donc irriguer les grandes entreprises, dont les entreprises de la finance. La nouvelle annonce du gouvernement concernant la couverture des charges fixes, mesure que nous avions réclamée lors de l’examen de la loi de finances, va, elle aussi, exclure de nombreuses PME qui ne sont pas dans le champ des fermetures administratives, mais subissent bien des pertes d’activité. Je déplore aussi une perte de temps inutile sur fond de jeu d’oppositions avec la majorité…

Bruno Le Maire a annoncé le 15 janvier que les entreprises pourraient retarder leurs charges d’amortissement. C’est une mesure que j’ai proposée quatre fois, pendant l’examen des lois de finances rectificatives et du projet de loi de finances pour l’État. Je crois surtout que je commence à m’interroger sur l’idéologie qui nourrit ce plan de relance… En économie, il y a l’offre, et puis il y a la demande. La relance, cela passe aussi par le soutien de la demande, à savoir des ménages. Dans une crise, de surcroît, soutenir les ménages les plus fragiles permettrait également de lutter contre la paupérisation. Pourtant, il n’y a aucune aide directe dans ce plan de relance. Aucune. Pourquoi ? Par crainte de l’assistanat ? C’est d’un mépris pour les Français.

Bruno Le Maire s’est engagé à ne pas augmenter les impôts des Français. Pourquoi dites-vous que c’est faux ?

C’est faux parce que ce gouvernement a fait le choix de faire peser le remboursement de la « dette Covid » sur les Français. Je m’explique. Pour faire face à la crise, il a fallu augmenter les dépenses de santé, et les mesures de soutien à l’économie (ciblées ou non) ont été multipliées. Cela a créé de la dette que le gouvernement entend rembourser. Une partie de cette dette Covid, soit environ 150 milliards d’euros, a été transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Ce transfert a alourdi la dette sociale et surtout a allongé sa durée de remboursement. Or, la Cades est financée par la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale), qui est ni plus ni moins qu’un impôt prélevé à la source sur le revenu de tous les ménages, y compris les plus modestes. C’est ce qu’on appelle l’art de plumer l’oie sans la faire crier. C’est un choix délibéré du gouvernement, mais c’est un choix qui n’est pas assumé. Donc, quand Bruno Le Maire affirme qu’il n’augmentera pas les impôts, il ment. C’est déjà fait.

Oui, mais le taux de la CRDS est toujours de 0,5 %, ça n’a pas bougé. Donc, Bruno Le Maire n’a pas augmenté les impôts…

C’est vrai, le taux de la CRDS n’a pas augmenté. Sa durée de vie en revanche, oui… La CRDS devait initialement disparaître en 2024. Or, la date d’extinction de la Cades d’abord prévue au 31 décembre 2025 a été reportée au 31 décembre 2033. De fait, la prorogation du mandat de la Cades a prolongé la durée de vie de la CRDS. Idem pour l’affectation d’une partie de la CSG.

Le plan français est de 100 milliards d’euros, celui des Italiens atteint 222,9 milliards d’euros… Et pourtant, les deux pays sont dans des situations voisines en termes de pandémie. A-t-on vu trop juste en France ou bien l’Italie voit-elle trop grand ?

L’Union européenne a fait le choix de soutenir massivement l’Italie dont l’économie était déjà en berne avant la crise sanitaire, avec une croissance au ralenti. Pourquoi ? Pour relancer son économie, car la dette italienne est potentiellement problématique pour l’ensemble des pays membres. Quant au plan de relance français, il pourrait effectivement être plus ambitieux. Le gouvernement a fait le choix d’une relance par la compétitivité dont l’effet éventuel ne se fera sentir qu’à moyen terme. Dans ce contexte particulier de crise sanitaire, il me semble qu’il fallait accentuer les investissements publics. Ils constituent « de la bonne dette » puisque les effets bénéfiques se confirment à très long terme. Donc, oui, le plan français aurait pu être plus élevé et permettre enfin un investissement massif dans notre système de santé qui, par sa fragilité, fragilise notre économie.

Et en France, jusqu’à preuve du contraire, la souveraineté nationale s’exerce par le peuple et ses représentants, qui siègent au Parlement.

La Meuse est un territoire avec une faible densité de population, où le brassage n’est pas le même que dans les grandes villes. C’est donc très difficile de mesurer l’impact d’une telle mesure sur la circulation du virus. Le 19 janvier, Olivier Véran constatait toutefois timidement, dans une matinale, un effet positif dans les départements où le couvre-feu a été avancé à 18 heures dès début janvier. J’alerte cependant sur les effets extrêmement graves de telles mesures restrictives de liberté sur la vie et la santé mentale des personnes. Les violences intrafamiliales sont en augmentation. Et déjà, au premier confinement, mon département a dû faire face à une augmentation du nombre d’enfants à placer d’urgence, dans un département où l’aide sociale à l’enfance est déjà sous tension avec plus de 800 enfants placés aujourd’hui.

Vous avez réclamé au Premier ministre l’accès aux données sanitaires qui président aux décisions. Quelle réponse avez-vous eue ?

Aucune. Les parlementaires ont eu accès au rapport du conseil scientifique trois jours après les annonces du gouvernement. Que ce soit clair, je ne remets pas en question le travail du conseil scientifique, ni ses recommandations. Je m’interroge sur la méthode et le circuit décisionnel. Le conseil scientifique produit des avis consultatifs soumis au conseil de défense. Celui-ci prend des décisions, à huis clos. Des décisions qui sont d’une portée inédite : priver nos concitoyens de la liberté d’aller et de venir entre 18 heures le soir et 6 heures du matin. Le gouvernement les annonce par conférence de presse. Les parlementaires les découvrent. L’état d’urgence sanitaire permet cela et le Parlement n’est pas associé à la prise de décision et n’exerce qu’un contrôle a posteriori sur la stratégie sanitaire à coups de rapports et de commissions d’enquête. Et en France, jusqu’à preuve du contraire, la souveraineté nationale s’exerce par le peuple et ses représentants, qui siègent au Parlement.

Le plan de relance comprend les mesures du Ségur de la santé. Or, vous vous êtes inquiétée que les restrictions budgétaires continuent de frapper l’hôpital pendant la pandémie. Sur quoi vous basez-vous ?

Emilie Cariou a fondé avec Aurélien Taché le groupe des Nouveaux Démocrates. 

Sur les retours d’expérience des professionnels de ma circonscription, sur les remontées du terrain faites par les syndicats de professionnels et sur l’expertise des fédérations hospitalières. En 2019, l’Etat s’est engagé à sanctuariser les financements du secteur public de santé via un protocole pluriannuel garantissant une évolution des ressources des établissements à un minimum de + 2,4 % par an jusqu’en 2022. L’évolution positive de l’Objectif national de dépenses de l’assurance maladie (Ondam) prévue dans le PLFSS 2021 est, certes, historique. Mais elle était clairement insuffisante pour couvrir les surcoûts et les besoins préexistants à la crise sanitaire, hors Ségur de la santé. C’est d’ailleurs pour cela que, fin octobre, Olivier Véran annonçait un abondement de 2,4 milliards d’euros supplémentaires pour l’Ondam hospitalier. À ce moment, les établissements de soins et d’accompagnement n’avaient pas encore affronté la deuxième vague. Enfin, nous verrons au mois de mars l’évolution des tarifs hospitaliers et dans quelle situation financière seront les établissements. Donc, oui, j’ai des inquiétudes sur la situation financière des établissements de santé, mais également sur notre capacité à financer les réformes structurelles attendues.

Vous avez également attiré l’attention d’Olivier Véran sur la situation des infirmières à domicile. Or, il y a une incidence particulière du Luxembourg voisin sur ce type de personnel. Expliquez-nous la situation.

Concernant la situation des professionnels des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), il y a plusieurs sujets. Ils entrent dans la triste catégorie de ceux que l’on appelle désormais les « Oubliés du Ségur ». Ils ont continué à être présents, pendant la crise, au quotidien, auprès de personnes âgées ou en situation de handicap, souvent fragiles ou en situation d’isolement. Ils restent toutefois exclus des revalorisations salariales prévues par le Ségur de la santé. L’impact est considérable, car ces métiers souffraient déjà d’un fort déficit d’attractivité… En Meuse, là où les recrutements et la fidélisation étaient déjà compliqués, l’hémorragie de nos infirmiers vers le Luxembourg ou la Belgique devient difficilement contrôlable, car ces métiers sont largement mieux rémunérés chez nos voisins.

Emmanuel Macron, à l’origine, c’était la promesse du renouvellement démocratique.

Pourquoi avez-vous rompu avec Emmanuel Macron dont vous avez soutenu la candidature en 2017 ? En quoi est-il si différent de ce qu’il avait annoncé pendant sa campagne ?

Emmanuel Macron, à l’origine, c’était la promesse du renouvellement démocratique. Lorsqu’il a créé En marche !, l’objectif était d’offrir un nouvel espace politique aux revendications et aux préoccupations des Français qui ne se retrouvaient plus dans les partis traditionnels. Ce renouveau n’a jamais eu lieu. En marche ! n’a jamais su tracer sa ligne idéologique, ses lignes rouges à ne pas franchir. Aucune doctrine n’a jamais été construite, et, donc, c’est un parti qui n’a jamais joué son rôle vis-à-vis de l’exécutif. À l’Assemblée nationale, le groupe parlementaire suit la ligne de son gouvernement. Dans les faits, l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif n’est pas respecté. Le Parlement a arrêté de remplir sa mission de contrôle de l’action gouvernementale. Pour moi, le point de rupture se situe au moment de la réforme des retraites. À ce moment-là, le débat parlementaire a cessé d’exister. Sur l’équilibre entre libérer et protéger, l’exécutif a choisi de défendre des positions très libérales en oubliant les solidarités, qu’elles soient sociales, sociétales ou économiques. La justice et l’équité fiscale sont absentes. Et quand a été venu le temps du « virage à gauche », la réalité fut un tournant sécuritaire voire autoritaire…

De votre passage au sein du groupe LREM, que retenez-vous ?

Je retiens, au départ, une belle ambition de vouloir rénover le rôle du Parlement en le dotant des moyens d’exercer un réel contrôle sur l’application des lois et politiques publiques adoptées et ainsi le rendre plus efficace. C’était notre objectif avec la mise en place du Printemps de l’évaluation qui a modifié le calendrier d’examen budgétaire afin d’être plus agile sur les réorientations à donner en loi de finances en fin d’année. Ça a permis aux parlementaires de mieux suivre les activités ministérielles au fil de l’année, mais la limite de cet exercice est l’absence de moyens plus forts à la main du Parlement pour faire en sorte que les lois soient suivies d’effet.

Je vous donne un exemple. En début de quinquennat, nous avons adopté des augmentations de budget pour le ministère de la Justice et celui de l’Enseignement supérieur. Fin 2019, ces deux ministères accusaient de fortes sous-exécutions. Ça signifie que les moyens dont le Parlement les avait dotés n’avaient pas été utilisés. Vous voyez les limites des pouvoirs du Parlement.

Par ailleurs, je retiens de mon passage au groupe majoritaire une belle évolution en matière de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale, puisque j’ai largement contribué, avec la confiance de mes collègues, à réformer le verrou de Bercy, vieux de presque 100 ans. C’est une avancée majeure pour la démocratie et pour le respect de la séparation des pouvoirs dans le cadre des procédures de plaintes pour fraude fiscale. Je me félicite aussi d’avoir pu participer à la création du Centre national de la musique (CNM), attendu depuis 20 ans par le secteur musical. En revanche, je ne regrette pas l’extrême difficulté rencontrée pour amender les textes, à essayer d’affirmer une ligne politique différente de celle voulue et imposée par le gouvernement. Il y a pour moi une absence de démocratie au sein du groupe majoritaire. La prise de décision collégiale sur les lignes politiques au sein de l’éphémère groupe Ecologie, Démocratie, Solidarité (EDS) a été une véritable bouffée d’air frais.

Vous avez participé aux cabinets de Fleur Pellerin et d’Audrey Azoulay sous la présidence de Hollande. Avez-vous le sentiment que les gouvernements Philippe et Castex travaillent vraiment différemment ?

Il est difficile, du côté du Parlement, de savoir comment fonctionne la boîte noire de l’interministériel. À l’époque du quinquennat de Hollande, le débat entre les ministères était vif. Aujourd’hui, j’ai l’impression que la ligne de l’Élysée est prédominante.

Avec Aurélien Taché, vous coprésidez dorénavant Les Nouveaux Démocrates, un parti qui s’inscrit dans la gauche modérée. Quel est le but ? Présenter un candidat à la présidentielle 2022 ? Puisque dans la Ve République, les partis ne servent qu’à ça…

Avant toutes choses, nous avons créé ce nouveau parti, car Aurélien et moi, ainsi que tous ceux qui nous ont rejoints, partageons la même insatisfaction face à la politique menée par le gouvernement. Nous partageons le même désarroi face à l’abandon des plus précaires et la même crainte face à la montée des extrêmes. Notre objectif premier ? C’est de donner un débouché politique concret aux luttes contemporaines et de donner la parole à la société civile engagée. Notre ambition ? Prouver qu’il est tout à fait possible de financer des politiques sociales ambitieuses sans mettre à mal les comptes publics.

Pour les prochaines échéances électorales, Les Nouveaux Démocrates participent à l’émergence d’une alternative crédible à gauche face à LREM qui n’a pas tenu ses promesses, face à une droite qui se durcit et face à des extrêmes qui prospèrent sur l’instrumentalisation des craintes des Français.

Affirmer que la France est la championne de l’aide sociale est approximatif.

Comment pouvez-vous dire que la France abandonne les plus précaires alors que nous passons pour être les champions du monde de l’aide sociale ? Nos partenaires européens nous le reprochent assez d’ailleurs…

Déjà, ce que l’on appelle « aides sociales » chez nous correspond souvent à des prestations payantes chez nos voisins européens. On ne peut pas comparer un système basé sur les cotisations fondées sur la solidarité nationale avec des systèmes assurantiels privés. Affirmer que la France est la championne de l’aide sociale est approximatif. Oui, il existe de nombreuses prestations sociales, mais elles ne sont pas disponibles et accessibles pour tous. C’est une idée reçue sur les minima sociaux.

Ensuite, sans politique ambitieuse de lutte contre la précarité, ce sont les associations qui, depuis des années, ont pris le relais de l’État. Et elles constatent une explosion de la pauvreté en France. En 2020, le Secours catholique Caritas France (SCCF) a accueilli 1 393 000 personnes. 92 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté, 67 % sous le seuil d’extrême pauvreté et 23 % sont sans aucune ressource. Leur revenu disponible médian est d’environ 1 037 euros par mois et ne tient pas compte des dépenses fixes : factures, prêts, loyers, etc. Si on se place dans une logique purement comptable – et détestable –, une personne qui travaille « rapporte plus » à l’État qu’une personne pauvre, puisqu’elle ne consommera pas, etc. Mais pour pouvoir sortir de la pauvreté, il faut des moyens.

Et ce qui me dérange, c’est cette opposition permanente, idéologique, entre le fait d’augmenter des minima sociaux et celui d’encourager l’emploi. On tend à les opposer lorsque, à mon sens, il faudrait faire les deux. Il y a peu, Louis Gallois, lui aussi, rappelait la nécessité d’avoir les moyens de vivre pour pouvoir se former, chercher et trouver un emploi. La vision inverse nous renverrait à la réalité du XIXe siècle. La France, c’est avant tout un projet commun. Le projet de ne laisser personne sur le bord du chemin et d’avancer ensemble vers de meilleures conditions de vie. C’est ce que le cynisme libéral pur oublie aujourd’hui.

Comment Les Nouveaux Démocrates se situent-ils par rapport au PS et à La France insoumise ?

Dans la grande famille de la gauche, nous ne sommes pas une offre concurrente, mais bien une offre complémentaire. Et à gauche, nombreux sont les citoyens et les citoyennes qui ne se reconnaissent ni dans le Parti socialiste ni dans La France insoumise. Nous souhaitons offrir un lieu politique supplémentaire pour agréger ces sensibilités humanistes. La gauche a toujours compté en son sein plusieurs familles politiques, c’est d’ailleurs cette diversité qui fait sa richesse. Ce pluralisme élève la qualité de nos débats, et cette ouverture nous permet d’innover. Cessons de voir les différentes sensibilités à gauche comme une faiblesse, mais plutôt comme une opportunité.

Le groupe LREM perd  une nouvelle députée

Fiona Lazaar rejoint d’ex-Marcheurs dans un nouveau parti de gauche

Saccagé par Macron, le paysage politique se recompose.

Membre de l’aile gauche du groupe LREM, la trentenaire, élue du Val d’Oise, prend ses cliques et ses claques, ralliant «Les nouveaux démocrates», parti fraîchement fondé par d’ex-membres de l’aile gauche de LREM, Aurélien Taché et Emilie Cariou,  des socialistes fourvoyés, mais des sectaires, comme elle: selon certains, des islamo-gauchistes.

Mère de deux enfants et deux beaux-enfants, Fiona Lazaar vit à Argenteuil, socialiste jusqu’en 2014. Sa mère est française et son père marocain.

L’hémorragie continue au sein du groupe LREM à l’Assemblée nationale. Dans un entretien au Parisien mercredi 16 décembre, la députée Fiona Lazaar annonce qu’elle quitte le groupe majoritaire pour rallier «Les nouveaux démocrates», nouveau parti fondé par ses collègues Aurélien Taché et Émilie Cariou, ex-membres de l’aile gauche de LREM. Ce n’est pas moins que le 44e départ de La République en marche (LREM) depuis le début de cette législature.

«Cela fait un moment que je me pose des questions», explique la députée du Val-d’Oise, qui était pressentie pour rejoindre le groupe – finalement très éphémère – «Ecologie, Démocratie, Solidarité» (EDS) au printemps dernier, avant de se raviser. Dans un contexte de «crise sanitaire, sociale et économique comme on n’en a jamais vécu», «les Français ont besoin d’apaisement, de rassemblement, de se retrouver autour d’un projet d’union nationale», estime-t-elle. A l’Assemblée nationale, elle siégera «peut-être parmi les non-inscrits, en tout cas dans un premier temps».

Porte-parole du groupe LREM jusqu’à sa démission de ses fonctions, la parlementaire n’a pas digéré «la séquence sur la loi Sécurité globale», et le psychodrame autour de son article 24 qui vise à encadrer la diffusion d’images de forces de l’ordre en intervention. Selon elle, ce point n’a «pas suffisamment bougé malgré les amendements».

Contre le «tout sécuritaire»

«Il y a un malaise sur le texte mais encore plus sur le discours qui l’a accompagné, particulièrement par le ministre de l’Intérieur», regrette aussi la députée, visant par là Gérald Darmanin. Fiona Lazaar déplore «la gestion des manifestations avec des journalistes mis en garde à vue, qu’on interdit de filmer, les images des migrants délogés, comme je ne l’accepte pas dans une grande démocratie qu’est la France». La démocratie serait donc l’abolition des règles, réglements et des lois de la République !

Hostile à une politique du «tout sécuritaire», la députée estime également que les «lois qui sont votées actuellement» ne sont que «des lois régaliennes et sécuritaires». «Mais quid de la grande loi sur le grand âge et la dépendance qu’on ne voit pas venir? Quid d’un texte sur l’égalité des chances ?», interroge-t-elle. En concluant : «Je veux bien être l’aile gauche du parti, celle qui obtient des résultats, pas la caution».