Refus de l’expulsion d’un mineur hors d’un logement social

Un juge déjuge un maire et creuse la tombe de la justice

Le juge combat-il
les autorités républicaines

Le maire – élu – de Vélizy-Villacoublay (Yvelines) privé de son pouvoir après la décision d’un juge – non élu – qui refuse l’expulsion d’une famille dont le fils est en roue-libre.

Sur les portes et les murs de l’immeuble du quartier du Mail, on peut lire des graffitis insultants tels que « Bz le maire », « le 17 », « la bac » et « l’opj », tracés en grosses lettres blanches par le même delinquant. Ces tags, présents depuis un certain temps, ne seront pas nettoyés, selon le maire, car ils seraient rapidement remplacés. « Cela ne servirait à rien, il reviendrait en faire directement. Et c’est encore la Ville qui va payer », déplore-t-il.

« Si j’étais raisonnable, je rendrais mon écharpe. Je suis déraisonnable, donc je la garde. » Ces mots sont ceux de Pascal Thévenot, le maire de Vélizy-Villacoublay (Yvelines) qui, depuis le mercredi 29 mai 2024, s’élève publiquement contre les atteintes à son autorité par un mineur mais aussi par une décision de justice. Elle concerne l’expulsion d’une famille de son logement intermédiaire. Le fils, âgé de 17 ans, qui a fait l’objet d’une condamnation judiciaire, s’en prend aux parties communes qu’il dégrade avec des tags insultant les autorités de la République.

« Bz le maire »

Le maire décide d’expulser la famille d’un délinquant, un juge anonyme annule la décision. Face aux multiples infractions, dont le récent vol d’un scooter retrouvé dans la cave, Pascal Thévenot a initié une procédure d’expulsion pour assurer la tranquillité et la sécurité du voisinage. Toutefois, la réponse du juge, reçue ce jeudi, a été un refus. Selon la justice, « s’il est par ailleurs incontestable pour les occupants d’un immeuble que les dégradations des parties communes sont très désagréables, la détérioration de leur cadre extérieur de vie n’affecte cependant pas la tranquillité des lieux »…

Pour le maire, cette décision est incompréhensible : « Notre pays marche sur la tête ! Les locataires vivant avec une porte d’immeuble, des murs dégradés et un interphone détruit n’ont donc pas à se plaindre, car une fois dans leur appartement, ils sont protégés ! Vous comprendrez qu’à certains moments, je me sens démuni. » D’autant que des exemples de balles perdues ont terrorisé des innocents à l’intérieur de leurs domiciles (un homme à Nantes en février 2024) ou tué (Socayna, une étudiante de 24 ans, à Marseille en septembre 2023).

« En fait, ce gamin peut faire ce qu’il veut, détruire le bâtiment, ce n’est pas grave »

Le maire Libres! poursuit en expliquant son exaspération : « C’est insupportable. » Bien qu’il envisage de faire appel de la décision, il n’est pas assuré du résultat. « Je vais y réfléchir… Pour le moment, j’ai obtenu l’expulsion de trois familles problématiques. Il y a encore des dossiers en cours. Après, en cas de décision favorable, il faut l’application. Les services de l’Etat peuvent très bien s’opposer au recours à la force publique. »

Par cette réaction de fermeté, Pascal Thévenot le maire de Vélizy – Villacoublay cherche surtout à dénoncer ce que les voyous perçoivent comme une impunité. « Pour assurer le calme et la sérénité, il est déplorable de déployer autant d’énergie », conclut-il.

Non seulement la loi entrave les maires, puisque l’élu d’une commune ne peut saisir le juge des référés pour ordonner l’expulsion d’occupants asociaux sans avoir préalablement fait usage de ses pouvoirs de police municipale (jugement du tribunal administratif de Grenoble, le 8 juillet 2015, mais le juge solitaire peut opposer un avis aussi souverain que personnel, sans aucun fondement juridique.

Des magistrats dénoncent un « renforcement de l’Etat policier »

Les policiers ont face à eux des casseurs et des magistrats

Confortés par le soutien de leur ministre de tutelle Gérald Darmanin, les syndicats de policiers continuent de faire connaître leurs revendications, au premier rang desquelles : modifier la loi et assurer un statut particulier aux fonctionnaires de police. Dans un entretien avec Le Figaro, Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police FO presse pour « légiférer rapidement ». « Nous voulons des magistrats spécialisés sur l’usage des armes par les forces de l’ordre, qui tiennent compte du fait qu’un policier qui utilise son arme n’imaginait pas l’utiliser cinq secondes avant », explique-t-elle, soulignant la pression qu’impose la délicate réactivité au danger auquel ils sont confrontés face à des délinquants sans foi ni loi, encouragés à la révolte, sous tous les prétextes, par l’extrême gauche politique et la plupart des media soumis à la peur.

La policière justifie sa demande sur RTL, mettant en cause un manque de discernement de magistrats sous emprise de l’idéologie diffusée en Ecole nationale de la magistrature (ENM). « On estime qu’ils n’ont pas toujours conscience des conditions dégradées de stress dans lesquelles les policiers font usage de leur arme et du coup qu’ils ne savent pas toujours bien apprécier les dossiers », affirme Linda Kebbab. Même si elle ne précise pas la forme que prendraient ces « magistrats spécialisés », cela laisse entendre que le syndicat Unité SGP Police FO plaide pour l’instauration d’une juridiction spécialisée. « On en a peu en France, indique Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences en droit public et constitutionnaliste à Sciences Po Paris. Il existe des juges spécialisés avec le parquet national antiterroriste (PNA) ou le parquet national financier (PNF), par exemple. Mais en général, cela passe par un domaine de compétence ».

Remise en cause de l’article 6 de la DDHC

La constitutionnaliste juge la demande des syndicats de police singulière : « On accorderait un statut particulier aux policiers, eu égard à la qualité de ses fonctionnaires de police, mais pour des délits de droit commun et non pas par rapport à des délits spécifiques ». Du point de vue constitutionnel, Anne-Charlène Bezzina estime que cela pose « la question de l’égalité devant la loi », garantie par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui figure dans la constitution de la Ve République.

Sur le fond, elle estime que « l’état actuel de notre droit est suffisant ». « Quand on parle de l’usage de l’arme et de la question du positionnement de l’agent au moment de s’en servir, cela relève des circonstances du délit et tous les juges sont déjà obligés de se prononcer en fonction des circonstances », expose Anne-Charlène Bezzina. Le font-ils dans les faits ou cèdent-ils à la pression médiatique et politique traversée par l’émotion ?

De plus, elle précise que pour individualiser les peines, les juges consultent des organismes comme l’IGPN qui « connaissent bien l’exercice de la profession de policier ».

Nécessaire actualisation du droit protégeant les policiers

Lorsqu’elle a pris connaissance de la proposition des syndicats de policiers sur les magistrats, Cécile Mamelin, vice-président de l’Union syndicale des magistrats (USM) qui se revendique apolitique, mais marquée à gauche, n’en est pas revenue : « J’ai l’impression de vivre dans un cauchemar démocratique ». Elle dénonce le « procès en illégitimité » qui est fait aux magistrats : « Nous ne sommes pas dans des sphères dorées, on a fait des stages (!!) à l’école de la magistrature et on échange (!!) régulièrement avec des policiers ». Et on suit les séries policières !

La vice-présidente du premier syndicat de la profession estime aussi que « les forces de l’ordre sont particulièrement protégées. » Ainsi, « les textes de lois sur les violences commises sur des policiers prévoient déjà des peines aggravées. Ils ont une protection par le droit de par leur qualité de policier », développe Cécile Mamelin. La question est de savoir si cette protection reste théorique. Le sujet est précisément « les peines aggravées » contre ceux dont le métier violent est de protéger la population des violences de la racaille et des voyous.

Dans le cadre de leur mission – à la différence des juges qui n’ont de comptes à rendre à personne en cas de faute – les policiers ont aussi des circonstances aggravantes ou atténuantes s’ils sont jugés. « Les sanctions sont parfois plus dures, car il y a la prise en compte des moyens utilisés dans le cadre de ses fonctions. Mais ça peut aussi aller dans l’autre sens et alléger la sanction », rappelle Anne-Charlène Bezzina. Peut-on attendre de policiers insultés ou frappés qu’ils répondent avec des fleurs et frap. « Ils veulent une protection, mais viennent contester les peines aggravées dans l’autre sens », s’agace la syndicaliste Cécile Mamelin.

Si les gendarmes dépendent d’une juridiction spéciale, c’est parce qu’ils sont militaires contrairement aux policiers. « Ils n’ont pas la même hiérarchie et ne sont pas appelés sur les mêmes opérations », détaille Anne-Charlène Bezzina, professeure de droit public. « On pourrait créer une juridiction spécialisée pour la police, mais il faut se demander pourquoi », insiste-t-elle, rappelant que dans le cas des policiers de la brigade anticriminalité (BAC) de Marseille, l’agent placé en détention est mis en examen pour « violence en réunion », un délit de droit commun. « En réunion », mais seul placé en détention: cohérent ?

L’Assemblée nationale saisit la justice pour un possible «parjure» de magistrate

Catherine Champrenault, procureure générale de Paris, n’est pas tirée d’affaire

L’Assemblée nationale va saisir la justice pour possible «parjure» de Catherine Champrenault, procureure générale de Paris, qui avait assuré devant une commission ne pas avoir été informée d’une enquête en lien avec l’affaire des «fadettes», d’après plusieurs députés.

Le bureau de l’Assemblée, sa plus haute instance collégiale, a décidé cette saisine ce mercredi à l’unanimité. Catherine Champrenault avait déclaré sous serment en juillet 2020 que le Parquet général n’avait pas été «informé» de l’enquête du Parquet national financier (PNF) ayant conduit à éplucher les factures téléphoniques détaillées («fadettes») de nombreux ténors du barreau et de leurs collaborateurs.

La révélation en juin de cette enquête menée par le PNF pendant près de six ans avait provoqué un tollé jusqu’au garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, dont des fadettes avaient elles aussi été examinées quand il était avocat. «Cette enquête n’a jamais fait l’objet d’un suivi par le parquet général, qui n’en était pas informé, en dehors d’une demande de jonction qui a été communiquée. Nous n’avons jamais eu d’informations sur le contenu de cette enquête ou sur les modalités d’investigation», avait-elle déclaré.

Or, un magistrat du PNF, Patrice Amar, avait écrit à Catherine Champrenault début 2019, accusant sa patronne d’alors, Éliane Houlette, d’avoir indirectement permis à Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog de se savoir sur écoutes en 2014, selon un courrier révélé par Le Point fin février. Il évoquait à cette occasion une «enquête sur une violation du secret professionnel». Patrice Amar, vice-procureur du PNF, était chargé du suivi du dossier de Nicolas Sarkozy ainsi que de l’enquête pour identifier l’éventuelle taupe ayant prévenu l’ancien président et Me Thierry Herzog en février 2014.

«Informée de cette enquête et de nombreux détails»

«Contrairement à ce qu’elle a déclaré lors de son audition, Mme Champrenault était donc bien informée de cette enquête et des nombreux détails portés à sa connaissance par M. Amar, dont une note d’analyse», ont écrit Ugo Bernalicis (LFI), président de la commission d’enquête sur l’indépendance de la justice, et Olivier Marleix (LR), vice-président, au président de l’Assemblée Richard Ferrand (LREM), dans un courrier consulté par l’AFP. Ces députés lui demandaient de saisir le bureau de l’Assemblée de ce témoignage, «potentiellement constitutif d’un délit de parjure».

Avant la fin des travaux de sa commission, Ugo Bernalicis avait saisi directement en septembre dernier le procureur de Paris, accusant sept hauts responsables – procureurs, préfet, directeur de la police nationale – de «faux témoignages» et «parjures» devant les parlementaires. Catherine Champrenault était déjà visée pour d’autres déclarations. Mais l’enquête ouverte contre le préfet de police de Paris Didier Lallement et quatre hauts magistrats dont la procureure générale a été classée sans suite par le parquet de Nanterre début avril.

Le faux témoignage est passible de cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende mais les condamnations pour faux témoignages sont extrêmement rares, la jurisprudence exigeant de démontrer une intention caractérisée de tromper les parlementaires.