L’ancienne députée est accusée de harcèlement moral par d’ex-assistants parlementaires : esclavage et racisme ?
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La procureure de la République a requis, jeudi 1er juin, un an d’emprisonnement avec sursis, cinq ans d’inéligibilité et 10 000 euros d’amende à l’encontre de l’ex-députée LREM Laetitia Avia pour harcèlement moral sur sept ex-assistants parlementaires. L’ancienne députée, redevenue avocate depuis sa défaite aux législatives de 2022, a plaidé la relaxe en fustigeant des accusations « contestées et décontextualisées ». Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 5 juillet.
Reprenant les témoignages des sept plaignants qui ont travaillé pour Laetitia Avia entre 2017 et 2020, la représentante du ministère public a estimé qu’ils traduisaient bien « l’excès » et la « répétition » qui caractérisent le harcèlement moral. Née en Seine-Saint-Denis dans une famille originaire du Togo, l’élue est soupçonnée d’avoir « dénigré » et « humilié » ses collaborateurs, d’avoir instauré un « climat de peur » et exigé une disponibilité « 24h sur 24 », ainsi que demandé des tâches indues liées à sa vie personnelle. Des faits qui s’apparente à de l’esclavagisme et qui, selon le Parquet, ont eu des répercussions sur la « santé physique et psychologique » de ses assistants.
Les récits qui se sont enchaînés mardi jusque tard dans la soirée et ce mercredi sont pourtant marqués par de nombreuses similitudes. Tous décrivent à la barre les accès de colère de la députée et ses remarques acerbes ou déplacées. A l’instar d’Aurélie qui a travaillé près d’un an et demi avec elle. Elle assure avoir subi des moqueries sur ses cheveux blancs – Laetitia Avia lui prendra même un rendez-vous chez le coiffeur – ou avoir été affublée du surnom « poubelle de table » par la députée. « C’est pas de l’humour, jamais, surtout quand c’est répété un nombre incalculable de fois dans des repas d’équipe », insiste-t-elle à la barre.
Patrick, diplômé d’une école de commerce, spécialisée dans la diplomatie, estime, quant à lui, être peu à peu devenu « le collaborateur-poubelle », celui à qui on donnait « les tâches qu’on n’attribuait à personne » : aller à la pharmacie, s’assurer qu’il y ait du coca zéro dans le frigo. Comme beaucoup, il raconte le « flicage sur Telegram ». « Il y avait un flot de messages, c’était très compliqué de travailler et tous les soirs, on se couchait avec la peur de rater un message qui pouvait tomber vers 23 heures, minuit 30. » Le jeune homme d’origine asiatique assure avoir également été surnommé le « Chinois ». Dans un enregistrement audio fait à l’insu de la députée et diffusée pendant l’audience, on entend ainsi Laetitia Avia déplorer que « malgré ses origines, Patrick n’est pas vraiment bon sur les sujets informatiques. »
Agathe cite quant à elle, par exemple, ce jour où l’ancienne porte-parole du parti du président, militante de la première heure, a lâché devant des députés « je vous présente mes esclaves » en parlant d’elle et d’un collègue. Ou cette fois où elle lui a demandé d’aller chercher des clés dans son panier de linge sale.
Parlant d’« auto-suggestions », l’avocat de Laetitia Avia, Me Basile Ader, avocat de Radio France et de la Fédération de la presse, a affirmé que les plaignants se seraient « auto-confortés » et « raconté leur petite histoire a posteriori ». Parlant de « grands mensonges » et « d’évolutions » de la part des plaignants, il a évoqué une « immense déloyauté », plaidant la relaxe au risque d’une « énorme injustice ».
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Laetitia Avia évoque des liens de complicité forts, mais reconnaît en même temps : oui, elle envoyait des messages tard le soir. « C’est la vie politique qui veut cela, moi je travaillais tout le temps », assure-t-elle. Sur le reste des témoignages, en revanche, l’ex-député se montre inflexible, discréditant pendant près de 2h30 les récits de ses accusateurs. Le surnom « poubelle de table » ou la référence à ses « esclaves » ? « Je n’ai jamais dit cela. » Les propos sur les cheveux blancs ? Laetitia Avia ne reconnaît que quelques remarques sur l’allure « débraillée » de son ancienne collaboratrice. Quid du groupe « Biiitch Talking » créé par ses soins pour se féliciter du départ de Patrick ? « Une gaminerie », reconnaît-elle. Mais immédiatement l’ancienne politique ne peut s’empêcher d’ajouter que ses anciens collaborateurs « passaient leurs journées » à critiquer leur collègue.
« Je ris beaucoup, je chante dans le bureau » Seule ?
Sans jamais accorder de crédit à la douleur décrite par ses accusateurs, elle dépeint, au contraire, une atmosphère de travail sereine. « Je ris beaucoup, je chante dans le bureau, je n’impose pas un climat de terreur. » Si elle se dit « rigoureuse » reconnaissant volontiers attendre la même chose de son équipe, l’avocate affirme ne jamais viser « les personnes », « seulement le travail ».
Que pense-t-elle, a posteriori, de tous ces messages que s’envoyait son équipe témoignant de leur crainte qu’elle ne se mette en colère, l’interroge la présidente. « Parfois, ils se montent des choses dans leur tête, il y a un effet de groupe », répond-elle, comme son avocat. Sur leur banc, ces derniers ne peuvent s’empêcher de pousser des soupirs à chaque dénégation de leur ancienne cheffe. Le procès, qui a pris du retard, doit reprendre le 1er juin.