Kevin Guiavarch, pionnier français du djihadisme, condamné à 14 ans de réclusion en appel

Le personnel judiciaire s’évertue à empiler des nuances qui demanderaient à être étayées

Kevin Guiavarch,  pionnier français du djihadisme
Guiavarch, 30 ans, et Salma O., 41 ans, ont été parmi les premiers Français à rejoindre la Syrie au début de l’année 2013 avant même la naissance officielle de l’organisation Etat islamique (EI).

Converti à l’âge de 14 ans, ce Français est recruteur du groupe Etat islamique, inscrit sur la liste noire des djihadistes les plus dangereux de l’ONU. Kevin Guiavarch, avait rejoint la Syrie fin 2012. Il avait écrit aux autorités françaises disant qu’il voulait rentrer en France, puis avait quitté en juin 2016 la Syrie avec ses quatre femmes françaises et leurs six enfants, avant d’être interpellé en Turquie où il était incarcéré dans l’attente d’un procès.

Deux de ses femmes, Salma O., 43 ans, première épouse, et Parveen L., 35 ans, expulsées de Turquie, ont été mises en examen à Paris pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».

La plus âgée, qui a quitté la France en même temps que Kevin Guiavarch et a eu avec lui deux enfants en Syrie, âgés de 9 et 12 ans, a été placée en détention provisoire. L’autre, qui avait rejoint le djihadiste en 2014 et a eu également un enfant, a été laissée libre, sous contrôle judiciaire.Ses deux autres femmes, âgées de 31 ans, devaient être « remises aux autorités françaises avec leurs trois enfants », a indiqué l’une des sources.

Fin juin 2012, Kevin Guiavarch avait rejoint les rangs du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, avant d’intégrer l’EI.

« Je suis parti en Syrie pour aider la population », soutient Kevin Guiavarch. Mais aucune trace n’a été trouvée de son travail humanitaire. Il explique avoir pris ses distances avec l’EI dès le début 2014, mais reconnaît en même temps qu’il le dissimulait à ses proches de peur d’être pris pour « un espion ». Dans un commentaire, publié sur son compte en juin 2014, il affirme: « On aime tuer les méchants. On sourit quand on tue les kouffars (mécréants, connotation péjorative)« . « Dans la dissimulation de votre éloignement de l’EI, vous en rajoutez beaucoup« , ironise le président David Hill.

Le 23 septembre 2014, l’ONU l’avait placé, en même temps qu’Emilie König, autre figure de premier plan de la mouvance djihadiste française, sur sa liste noire des combattants les plus dangereux, faisant ainsi l’objet de sanctions internationales et d’interdictions de voyager.

Il est aussi soupçonné d’avoir « mis en place un circuit de financement de l’organisation djihadiste », a relevé une source proche du dossier.

Son parcours comporte de nombreuses zones d’ombre. « Pourquoi a-t-il pris contact avec la France? Quelles sont ses motivations réelles? S’agit-il véritablement d’un repenti comme il le prétend? », s’est interrogé la source proche du dossier.

« Une fois qu’il sera jugé en Turquie, nous espérons qu’il sera remis aux autorités françaises à qui il pourrait livrer des informations précieuses sur l’organigramme et le financement de l’organisation », a-t-elle souligné.

Le Parquet demande 18 ans de réclusion, la Cour lui en accorde 14

La Cour d’assises spéciale de Paris jugeant en appel s’est une nouvelle fois montrée plus clémente que le Parquet en confirmant vendredi le jugement de première instance qui condamnait à 14 ans de réclusion, assortie d’une période de sûreté des deux-tiers, le « repenti » Kevin Guiavarch, pionnier français du djihadisme.

Son épouse Salma O., qui comparaissait libre, a été condamnée à 6 ans d’emprisonnement, également comme en première instance, qu’elle pourra accomplir à domicile sous bracelet électronique en raison de ses « efforts de réinsertion« .

Sa peine est assortie d’une mesure de suivi socio-judiciaire de 5 ans.

Ces peines, confirmées par la Cour d’appel, étaient jugées insuffisantes par le Parquet national antiterroriste (Pnat) qui avait fait appel pour revoir leur durée.

Lors de ses réquisitions vendredi, l’avocat général avait requis 18 ans de réclusion avec une période de sûreté des deux tiers contre Kevin Guiavarch (comme lors du procès en première instance) et 12 ans de réclusion contre son épouse (contre 14 ans lors du procès de première instance) avec un suivi socio-judiciaire de cinq ans.

« La culpabilité des accusés n’est plus en débat aujourd’hui », avait souligné l’avocat général, indiquant qu’elle est établie.

Ce Français de 21 ans au moment de son départ au djihad faisait du « chantage affectif » à ses parents pour financer ses activités terroristes, rapporte « Le Parisien ».  Il avait mis en place un système de financement de ses activités en Syrie, en faisant notamment du « chantage affectif » à sa mère, rapporte Le Parisien , vendredi 24 octobre 2014. Axelle (prénom d’emprunt), alors âgée de 44 ans, est une mère fragile et dépassée qui n’ose pas dire non à son fils unique. Au coeur de cette relation, un circuit de financement présumé d’Al-Qaïda en Syrie, auquel la sous- direction antiterroriste (SDAT) est parvenue à mettre fin. Au total, trois personnes ont été arrêtées par les policiers dans cette affaire. Parmi elles, Axelle et son concubin Samir, un chanteur de trente ans connu sous le nom de Cheb Angelo, tous deux mis en examen pour « financement d’une entreprise terroriste » et laissés libre sous contrôle judiciaire. Les enquêteurs constatent qu’Axelle recevait « du monde entier » des contributions destinées à Kevin, jusqu’à « 2 000 euros par mois ». La mère les transférait ensuite, via un service de transfert de fonds, « toujours en Turquie », explique-t-elle. Elle confie aussi avoir acheté « trois tenues militaires sur Leboncoin.fr », qu’une femme est ensuite venue chercher à son domicile. Axelle assure qu’elle n’était pas consciente de financer les activités terroristes de son fils. Les enquêteurs de la sous-direction antiterroriste (SDAT) ont découvert ce circuit de financement présumé d’Al-Qaïda en Syrie après le départ pour le djihad, avorté, d’une mineure venue de Troyes (Aube). Ils ont cherché à identifier les soutiens de l’adolescente, finalement récupérée en Allemagne. La mère et son compagnon ont été mis en examen pour « financement d’une entreprise terroriste ».

« La société a besoin de temps » pour « faire confiance » aux accusés, a raconté l’avocat général avant de considérer que les deux accusés ne faisaient pas partie des « soldats d’élite » de l’organisation Etat islamique [entre soldats d’élite et brancardier, il y a de la marge…] et n’avaient pas participé à des exactions imputées à l’organisation djihadiste, a-t-il péremptoirement asséné. Aucune zone d’ombre dans l’activité du ‘blacklistéé de l’ONU, selon l’avocat général. En somme, des sous-fifres…

Kevin Guiavarch n’est « ni un fanatique, ni un illuminé », a reconnu l’avocat général mais, a-t-il insisté, « c’est la peine qui marque la gravité des faits commis ».

« Il ne faut pas minimiser » le rôle de Salma O., a-t-il également souligné tout en saluant les « liens » qu’elle a su renouer avec ses enfants (nés pendant le séjour du couple en Syrie) et sa « reprise d’activité » professionnelle. « Redonnez-moi la chance que vous m’aviez donnée en me permettant de reprendre un travail et mon métier de mère », avait demandé Salma 0. à la cour avant qu’elle ne se retire pour délibérer. En rendant son verdict, la Cour d’assises spéciale d’appel a salué les effort de Salma O. pour se réinsérer socialement.

Kevin Guiavarch, 30 ans, et Salma O., 41 ans, ont été parmi les premiers Français à rejoindre la Syrie au début de l’année 2013 avant même la naissance officielle de l’organisation Etat islamique (EI).

Ayant fait allégeance à l’EI en juin 2013, Kevin Guiavarch a soutenu qu’il a été seulement « brancardier » ou « infirmier », n’admettant avoir participé qu’à des surveillances de check-point, alors même qu’il postait sur Facebook des photos de lui (et de Salma) en treillis et en armes, bandeau des martyrs sur le front.

Sur zone, il avait fait venir de France trois jeunes femmes, parfois avec leurs enfants, pour les épouser. « La polygamie permise par l’islam » a été l’une des raisons de son engagement, a-t-il raconté.

Il avait quitté la Syrie avec sa famille élargie et leurs six enfants en juin 2016. Arrêté en Turquie puis remis aux autorités françaises, il est incarcéré depuis 2017.

Pour l’avocat général, décidément très compréhensif, le départ de Syrie n’était « pas une prise de conscience de ce qu’était » l’EI mais relevait, selon lui, de « l’opportunisme », alors que l’organisation subissait des revers sur le terrain.

En rendant son verdict, la présidente de la Cour d’assises spéciale d’appel, Emmanuelle Bessone a rappelé que Kevin Guiavarch avait « combattu sur zone mais pas tout le temps« . « La durée (de présence) sur zone ne correspond pas à votre engagement » aux côtés de l’EI, a-t-elle affirmé. Cette Cour est composée d’un président et de quatre assesseurs en première instance mais six en appel, tous magistrats : pas de jury populaire…

Autant d’assertions des magistrats supposent qu’ils ont des informations dont nous ne disposons pas ou qu’ils sont animés par leur subjectivité.