Retraites : Macron dégainera-t-il l’article 47.1 pour imposer sa réforme ?

Quelles sont les spécificités de cet article jamais utilisé depuis 1958 ?

Après le 49.3, le 47.1 ? Pour faire avaler sa très contestée réforme des retraites, qui a mobilisé 1,12 millions de mécontents dans Paris, jeudi 19 janvier, Macron pourrait avoir recours à cet article de la Constitution, peu connu parce que jamais utilisé depuis 1958. Mais pourquoi le gouvernement envisage-t-il ce nouveau subterfuge ?

Dix. C’est le nombre de fois que la première ministre Elisabeth Borne, la femme à tout faire de l’Elysée à Matignon, a bafoué le Parlement en déclenchant l’article 49.3 de la Constitution depuis juin 2022, pour faire passer en force le projet de loi de finances 2023, sans le vote des députés de l’Assemblée nationale. Cette « arme constitutionnelle » pourrait de nouveau être utilisée pour faire passer le projet de loi, très contesté, sur la réforme des retraites, et contre lequel l’intersyndicale se mobilise ce jeudi. Mais, pour changer du très cabossé 49.3, l’exécutif pourrait utiliser un autre article beaucoup moins connu de la Constitution de la Ve: le 47.1.

Un passage à la hussarde: violences constitutionnelles faites à Marianne

Jamais utilisé sous la Ve République, l’article 47.1 n’est utilisable que dans le cadre des « projets de loi de financement de la sécurité sociale« , peut-on lire dans la Constitution. Or, la réforme des retraites coche cette case, car le gouvernement a décidé de l’intégrer dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS). Ce n’est pas un hasard…

Concrètement, le 47.1 permettrait au gouvernement d’accélérer la procédure d’examen du texte par l’Assemblée nationale pour la faire passer au Sénat. « Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours », est-il écrit dans la Constitution. Au total, le Parlement a un délai de 50 jours pour se prononcer, sans quoi « les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance ».

Dans les faits, cela permettrait au gouvernement de sauter les préliminaires en coupant court aux ébats débats à la Chambre, alors qu’ils s’annoncent déjà agités. Dès lors, ce serait un « quicky » des sénateurs entre deux portes, une lettre à la poste, eux-aussi dans un temps imparti (15 minutes jours, douche comprise.

Faire voter le texte aux sénateurs, un subterfuge pour l’exécutif

Un avantage non négligeable pour l’exécutif car le Sénat, majoritairement composé d’élus Les Républicains, semble être en faveur d’un report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Lors de ses vœux aux sénateurs, le président LR du Sénat, Gérard Larcher, n’a d’ailleurs pas caché qu’il juge la réforme des retraites « nécessaire », contrairement au COR, même si elle « [suscitera] des mobilisations sociales et des débats passionnés ». Avant d’ajouter que la réforme envisagée n’est « pas très éloignée de ce que propose avec constance et dans un esprit de dialogue la majorité sénatoriale depuis quatre années ». Tant pis si Macron trouvait « hypocrite » de décaler l’âge légal de départ à la retraite, il y a seulement 3 ans

Et si le Sénat ne parvient pas à se mettre d’accord, l’article 47.1 permet au gouvernement de demander au Parlement de faire passer le texte par ordonnance. 

Si l’exécutif décide d’utiliser le 47.1, le compte à rebours pourrait être lancé dès le 30 janvier prochain, jour où les députés commenceront à examiner le texte sur la réforme des retraites en commission. Quant aux débats à l’Assemblée nationale, qui s’annoncent déjà houleux, ils débuteront le 6 février prochain.

Dixième 49.3 pour Macron : le Parlement bloqué par un grand gel macronien

Borne aura-t-elle la peau de la démocratie ?

Coup de froid sur la démocratie française. Comme lors de la première lecture, la cheffe du gouvernement a déclenché l’article 49.3, une neuvième fois, le 11 décembre, pour faire adopter la partie « recettes » du budget 2023. « L’autoritarisme du gouvernement n’a pas de limite pour imposer leur politique de maltraitance sociale et écologique. Nous déposons une nouvelle motion pour censurer ce gouvernement », a ainsi expliqué dans la foulée Mathilde Panot, patronne du groupe LFI à l’Assemblée. 

La première ministre Elisabeth Borne a déclenché pour la huitième fois l’article 49.3 pour faire adopter – déjà sans vote, donc en force – la partie « recettes » du projet de budget de l’Etat pour 2023, en nouvelle lecture.

Pour Elisabeth Borne, un dixième et dernier 49.3. Et un dernier 49.3 pour la route. Pour la dixième fois depuis le début des discussions budgétaires, Elisabeth Borne est montée ce jeudi après-midi à la tribune de l’Assemblée nationale pour annoncer qu’elle engageait la responsabilité de son gouvernement, cette fois sur l’examen définitif du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Le budget est donc réputé adopté, à moins que l’Assemblée ne vote une motion de censure pour faire tomber l’équipe Borne. Une option impossible tant que les députés Les Républicains (LR) refusent de mêler leurs voix à celles de la NUPES et du Rassemblement national.

L’article 49.3 de la Constitution donne la possibilité au premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, d’engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote :

  • d’un projet de loi de finances ;
  • d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale ;
  • d’un autre projet ou une proposition de loi en débat à l’Assemblée nationale.

Depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, hors projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, l’article 49.3 ne peut être utilisé que sur un seul texte au cours d’une même session parlementaire . Avant cette révision de la Constitution (nouvelle fenêtre), le gouvernement pouvait y avoir recours aussi souvent qu’il le voulait et sur n’importe quel texte.

Actualité, à ce jour, du 49.3

Sous la XVIe législature, la Première ministre Elisabeth Borne a eu recours au 49.3 à dix occasions (au 15.12.2022) :

  • le 19 octobre 2022 pour la première partie du projet de loi de finances (première lecture) ;
  • le 20 octobre pour la troisième partie du PLFSS (première lecture) ;
  • le 27 octobre pour la quatrième partie du PLFSS et l’ensemble du texte (première lecture) ;
  • le 2 novembre pour la seconde partie du PLF et l’ensemble du texte (première lecture) ;
  • le 21 novembre pour la troisième partie du PLFSS (nouvelle lecture) ;
  • le 25 novembre pour la quatrième partie du PLFSS et l’ensemble du texte (nouvelle lecture) ;
  • le 30 novembre pour l’ensemble du PLFSS (lecture définitive) ;
  • le 9 décembre pour la première partie du PLF (nouvelle lecture) ;
  • le 11 décembre pour la seconde partie du PLF et l’ensemble du texte (nouvelle lecture) ;
  • le 15 décembre pour l’ensemble du PLF (lecture définitive).

Quand a été utilisé l’article 49.3 ?

GOUVERNEMENTS D’EDOUARD PHILIPPE

Edouard Philippe a eu recours au 49.3 une seule fois, dans le but de faire passer la réforme des retraites… Qui a finalement été repoussée avant d’être complètement mise de côté. Avant cela, son gouvernement avait procédé plutôt par ordonnances

SNCF, loi Pacte, projet de loi santé… Il n’avait en effet pas hésité à réformer par ordonnances depuis son arrivée aux responsabilités, il y a deux ans.

A telle enseigne qu’en juillet 2017, Emmanuel Macron inaugurait son quinquennat par un projet de loi uniquement composé d’ordonnances pour réformer le code du travail.

 GOUVERNEMENTS DE MANUEL VALLS (31 MARS 2014 – 6 DÉCEMBRE 2016)

En tant que Premier ministre, Manuel Valls a eu recours à six reprises à l’article 49.3. Il l’avait utilisé pour faire adopter la loi Macron sur la croissance (les 17 février, 16 juin et 9 juillet 2015). Puis trois autres fois pour le projet de loi El Khomri sur la réforme du Code du Travail en 2016. 

Son successeur, Bernard Cazeneuve (6 décembre 2016 – 15 mai 2017), n’y a, lui, pas eu recours.

 GOUVERNEMENT DE DOMINIQUE DE VILLEPIN (MAI 2005 – 15 MAI 2007)

Le 9 février 2006, Dominique de Villepin utilise le 49.3 pour faire passer le projet de loi pour l’égalité des chances qui inclut le très contesté contrat première embauche (CPE). Le projet de loi sera adopté, mais la mobilisation massive de la rue finira par signer la mort du CPE, qui sera abrogé.

 GOUVERNEMENT DE JEAN-PIERRE RAFFARIN (MAI 2002-MAI 2005)

Jean-Pierre Raffarin s’est saisi deux fois de l’article 49.3. Alors que la gauche et l’UDF ont déposé quelque 13.000 amendements sur sa réforme des modes de scrutin régional et européen, il décide une première fois le 15 février 2003 d’engager la responsabilité de son gouvernement.

Une motion de censure déposée par l’opposition de gauche est rejetée. Le 27 juillet 2004, M. Raffarin utilise à nouveau le 49.3 pour le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales qui favorise la décentralisation. Une motion de censure déposée par la gauche est rejetée.

 GOUVERNEMENTS D’ALAIN JUPPÉ (MAI 1995-JUIN 1997)

Le Premier ministre de Jacques Chirac a recours à deux reprises à l’article 49.3 : en décembre 1995 pour faire passer le projet de loi l’autorisant à légiférer par ordonnances pour réformer la protection sociale, puis en juin 1996 pour faire adopter le projet de loi sur le statut de France Télécom, avant la fin de la session parlementaire. Dans les deux cas, l’opposition réplique en déposant une motion de censure.

 GOUVERNEMENT D’EDOUARD BALLADUR (MARS 1993-MAI 1995)

Disposant d’une majorité écrasante à l’Assemblée nationale, Edouard Balladur n’utilise l’article 49.3 qu’une seule fois. Il engage la responsabilité de son gouvernement pour couper court à «l’obstruction parlementaire» menée selon lui par l’opposition, qui a déposé quelque 3.800 amendements contre le projet de loi sur les privatisations d’entreprises publiques. Une motion de censure de l’opposition est rejetée.

 GOUVERNEMENT DE PIERRE BEREGOVOY (AVRIL 1992-MARS 1993)

L’article 49.3 est utilisé trois fois par le Premier ministre. Malgré une opposition très offensive à l’approche des élections, le gouvernement échappe sans difficulté à deux motions de censure et limite ses recours à l’article 49.3 à trois textes dont celui sur la maîtrise des dépenses de santé, le fonds de solidarité vieillesse et le budget 1993.

 GOUVERNEMENT D’EDITH CRESSON (MAI 1991-AVRIL 1992)

Le Premier ministre fait usage à huit reprises de l’article 49.3, pour faire passer en force quatre projets de loi dont le budget 1992. L’opposition déposera au total quatre motions de censure, dont deux concerneront le 49.3.

 GOUVERNEMENTS DE MICHEL ROCARD (MAI 1988-MAI 1991) 

Faute de majorité absolue au Parlement, le Premier ministre engage à 28 reprises la responsabilité de son gouvernement en ayant recours à l’article 49.3.

L’opposition réplique en déposant cinq motions de censure, qui seront à chaque fois rejetées. Quinze textes sont adoptés grâce au 49.3, notamment la loi créant le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la réforme du statut de la Régie Renault et la loi de programmation militaire 1990-1993.

Coup de froid sur l’économie française. Refroidissement. D’un mot, le titre de la dernière note de l’Insee résume l’ambiance de la conjoncture économique française. Explosion du coût de l’énergie sur fond de démantèlement de notre secteur nucléaire pour gagner le soutien électoral des écologistes, inflation, baisse de pouvoir d’achat et de la consommation des ménages… Ce n’est pas encore la récession, mais c’est une sérieuse décélération. Dès le dernier trimestre 2022, la croissance du PIB devrait reculer de 0,2 %, selon l’Insee, qui a revu à la baisse sa prévision (de 0 % précédemment). Sur toute l’année, le PIB aurait donc progressé de seulement 2,5 %. Les mois prochains ne devraient pas marquer de franche amélioration : +0,1 % de croissance attendu au premier trimestre et +0,3 % au deuxième. Ce qui porterait l’acquis de croissance, c’est-à-dire le taux pour l’année si l’activité restait figée au second semestre, à seulement 0,4 %.

Au-delà de la dépression économique, on dit qu’un pays est entré en phase de récession lorsque l’économie recule sur deux trimestres consécutifs, principalement sur la base du produit intérieur brut (PIB). Pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), une récession est une période d’au moins deux ans pendant laquelle l’écart de production cumulé atteint au moins 2 % du produit intérieur brut (PIB) et la production devient inférieure d’au moins 1 % à la production potentielle durant une année au moins.

Le site Slate envisage la mort d’un candidat du second tour de la présidentielle

Hypothèse réaliste, malveillante ou incitative ?

Gerard Larcher

La mort d’un président en poste, on le sait, entraîne un remplacement par le président du Sénat jusqu’à l’organisation d’une nouvelle élection. Donc, si Emmanuel Macron (mi-chèvre PS, mi-chou LR) décédait maintenant, c’est Gérard Larcher (LR) qui deviendrait président de la République par intérim. Certes, ce n’est pas nous qui l’avons élu directement, puisque ce sont les sénateurs et sénatrices, eux-mêmes élus, au suffrage universel indirect, pour neuf ans, par un collège de « grands électeurs », des élus territoriaux, mais sa fonction originelle est autre. Il est déjà arrivé qu’un président meure en fonction: Sadi Carnot, Félix Faure, Paul Doumer et même Georges Pompidou ne sont pas allés au bout de leurs mandats respectifs.

Faut-il reprendre le processus d’élection depuis le début? 

Mais si des décès de candidats à la présidentielle sont survenus, cela s’est toujours produit après leur défaite. L’Histoire ne nous fournit donc pas de précédent, et certainement pas sous la Ve République. Que se passerait-il si l’un des deux candidats qualifiés venait à mourir avant le scrutin du second tour de la présidentielle ?

La Constitution  de la Ve République a tout prévu, et plus particulièrement dans l’article 7 qui stipule: «En cas de décès ou d’empêchement de l’un des deux candidats les plus favorisés au premier tour avant les retraits éventuels, le Conseil constitutionnel déclare qu’il doit être procédé de nouveau à l’ensemble des opérations électorales; il en est de même en cas de décès ou d’empêchement de l’un des deux candidats restés en présence en vue du second tour.»

Il en est ainsi depuis la révision constitutionnelle du 18 juin 1976, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing.

«Si l’on reprend à partir de l’organisation du scrutin et non à partir du décret de convocation des électeurs, alors on reprend automatiquement à “douze moins un”, soit onze candidats: ça fausserait donc l’élection.»

La première question qui se pose est la suivante: qu’entendons-nous par «l’ensemble des opérations électorales»? Julien Boudon, professeur de droit public à l’université Paris-Saclay et auteur de Manuel de droit constitutionnel – La Ve République, explique qu’il existe deux interprétations différentes de cette expression. La première, plutôt pratique et administrative, renverrait, pour les uns, au contenu de la circulaire sur le déroulement des opérations électorales lors des élections au suffrage universel direct émise par le ministre de l’Intérieur le 16 janvier 2020.

Selon le professeur, «on se cantonne aux aspects pratiques et matériels: les panneaux d’affichages, les couleurs, etc. On comprend alors “les opérations” dans un sens restrictif: le vote au premier tour.» 

Mais il ajoute: «Ce n’est pas cette interprétation que je défends, car la seconde est plus politique, mais aussi plus logique. En effet, si l’un des deux candidats meurt, il est impensable de ne pas tout reprendre depuis le début.» C’est un sentiment personnel qui demande à être fondé constitutionnellement.

Cette seconde interprétation voudrait que l’on reprenne les opérations à partir de la publication du décret de convocation des électeurs –qui a traditionnellement lieu environ deux mois avant le premier tour soit, dans le cas de l’élection 2022, le 26 janvier. Ainsi, tout serait à refaire, y compris les candidatures. «Dans la première interprétation, en gardant l’exemple de 2022, si l’on reprend à partir de l’organisation du scrutin et non à partir du décret de convocation des électeurs, alors on reprend automatiquement à “douze moins un”, soit onze candidats: ça fausserait donc l’élection», fait valoir Julien Boudon.

Le temps est toujours compté

Une seconde réflexion doit être menée, concernant la question du délai. Selon l’article 7 de notre Constitution, «l’élection du nouveau président a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du président en exercice». Or, si on reprend l’exemple de l’élection 2022 et la seconde interprétation, il s’est écoulé deux mois et demi entre le 26 janvier (date de l’émission du décret de convocation des électeurs) et le 10 avril (premier tour de l’élection). L’émission d’un second décret le 23 avril conduirait à la mi-mai.

La notion d’empêchement «est elle aussi une zone grise».

On peut donc aisément supposer que trente-cinq jours seraient insuffisants pour reprendre tout le processus depuis le début et, que cette durée désavantagerait les petits candidats, notamment pour l’obtention des 500 signatures. On pourrait donc de nouveau se retrouver avec les mêmes onze candidats que dans la première interprétation: ce serait sans grand risque pour eux d’obtenir les parrainages une seconde fois dans un délai aussi court que pour les potentiels nouveaux candidats. Ce délai est donc de fait «contraignant», selon Julien Boudon.

L’interprétation énoncée par le professeur de droit est confirmée par le Conseil constitutionnel, qui indique la date du 13 avril: «Si le décès intervenait entre les deux tours, c’est-à-dire dans le calendrier de 2022, entre les 11 et 23 avril, les “opérations électorales” sont reprises dès le début, ce qui comprend implicitement la procédure d’établissement des candidatures.»

Le décès n’est pas égal à «l’empêchement»

Pour Julien Boudon, la notion d’empêchement «est elle aussi une zone grise». Lorsqu’on parle de «vacance» du pouvoir présidentiel, on inclut les possibilités d’un décès, d’une démission ou d’une destitution du président. En revanche, «l’empêchement» signifie juste que le président ou le candidat est hors d’état, physique ou mental, d’assumer ses fonctions, le cas typique étant celui d’un coma, par exemple.

Mais alors, dans ce cas, «on ne peut pas invalider facilement le vœu du peuple qui lui a donné ses pouvoirs, et c’est pour cette raison qu’on fait la distinction entre l’empêchement “temporaire” et l’empêchement “définitif”». Le premier cas entraîne un intérim, mais pas de nouvelle élection et c’est encore le président du Sénat, deuxième personnage de l’Etat, qui présiderait; le second cas, un intérim du président du Sénat mais une nouvelle élection.

Macron: président et candidat

On sait maintenant ce qui arrive si le président décède et ce qui arrive si un candidat passe l’arme à gauche. Or, Macron combine actuellement ces deux caractéristiques, président en fin de mandat et candidat à sa propre succession. Après réflexion, le juriste affirme que «les deux cas de figure ne sont pas inconciliables: on peut appliquer à la fois les deux dispositions prévues».

D’un côté, la présidence serait assurée en intérim par le président du Sénat, second dans l’ordre constitutionnel, et de l’autre, «le Conseil constitutionnel s’auto-saisirait comme en 1969, avec de Gaulle, et en 1974, à la mort de Pompidou, pour enregistrer lui-même la vacance». On reprendrait alors du début le fameux «ensemble» indéfini, ou plutôt défini «implicitement», des opérations de l’élection.

L’article 7 est «l’un des plus complexes de la Constitution».

Si ce n’était pas déjà suffisamment sujet à controverse parmi les contitutionnalistes, un autre problème est posé par le mot «scrutin» utilisé dans l’article: «En cas de vacance ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par le Conseil constitutionnel, le scrutin pour l’élection du nouveau président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil constitutionnel, vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus, après l’ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère définitif de l’empêchement.»

Dans un régime comme celui des Etats-Unis, l’élection ne se fonde que sur un seul tour. En France, en revanche, si le président n’est pas élu à la majorité absolue au premier tour, on en organise un second. Mais alors, quel tour désigne le «scrutin»? De fait, «la pratique institutionnelle veut que le “scrutin” évoqué indique bien le premier tour», explique Julien Boudon. Si vous avez du mal à suivre, rassurez-vous: le professeur précise également que l’article 7 est «l’un des plus complexes de la Constitution».

Le juriste conclut: «Cette question de la mort d’un candidat dans l’entre-deux-tours ne se pose en réalité que dans un régime organisé comme celui de la Ve République française, ou des régimes qui s’en inspirent comme ceux de certains pays africains francophones.» Ce dont on peut être sûr, c’est qu’il y a bien un personnage central dans la majorité des cas de figure, et c’est le président du Sénat.