Les Français dénoncent l’abus de la procédure
Conscients que leur vote est dévalorisé â chaque court-circuitage du vote de leurs représentants à l’Assemblée, ils ne s’habituent pas au recours à l’article 49.3, pour la 12e fois depuis que Borne est à Matignon. Si Macron n’a pas réussi à s’assurer une majorité absolue, c’est que ni sa personne ni sa politique ne trouve l’adhésion d’un électeur sur deux. Parce qu’elle est soutenue seulement par une majorité relative à l’Assemblée nationale, la première ministre Borne adopte la facilité en dégainant le 49.3
Pour faire adopter un texte sans vote par l’Assemblée nationale, le Premier ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement en activant l’article 49.3 de la Constitution. Le projet de loi est alors considéré comme adopté si une motion de censure contre le Gouvernement n’est pas votée par l’Assemblée nationale. À l’inverse, si une motion de censure est votée, le Gouvernement est renversé et le texte rejeté.
L’article 49.3 de la Constitution donne la possibilité au Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, d’engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote :
- d’un projet de loi de finances ;
- d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale ;
- d’un autre projet ou une proposition de loi en débat à l’Assemblée nationale.
Mais l’exécutif n’est pas fair-play. Ainsi tente-t-il de faire passer en force par le 49.3 des articles que la Constitution n’autorise pas par ce biais. Le Conseil constitutionnel a dû par exemple retoquer sept articles du code des douanes, estimant qu’ils n’ont pas leur place dans une loi de Finances et sont donc des «cavaliers». Parmi les dispositions rejetées, celle qui habilitait le gouvernement à modifier par ordonnance l’un des piliers du code des douanes , à savoir l’article 60 sur le droit de visite. En vigueur depuis 1948, cet article donne une très grande latitude aux douaniers pour mener des fouilles.
Le passage en force de textes sans débat ni vote des députés esr jugé, par plus de deux tiers des Français « non démocratique », selon un sondage publié ce mardi. Quelque 70 % des Français condamnent le procédé, si conditionnel soit-il, tandis que seuls les sympathisants des groupes politiques du camp présidentiel estiment au contraire majoritairement (64 %) qu’il s’agit d’une procédure « démocratique », selon l’étude Toluna Harris Interactive.
La première ministre, Elisabeth Borne, a activé le 49.3 à de multiples reprises, dont la dernière fois fin septembre pour faire adopter en nouvelle lecture le projet de loi de programmation financière 2023-2027. Faute de majorité absolue, elle s’apprête à y avoir recours plusieurs fois pour les textes budgétaires de l’automne, s’exposant à chaque fois en riposte à de nouvelles motions de censure, après en avoir surmonté dix-huit depuis le début de la législature.
49.3 partout, démocratie nulle part ?
Moins de la moitié des Français (45 %) considèrent que l’utilisation du 49.3 sur les textes budgétaires est justifiée, selon l’étude. Le pourcentage est plus élevé pour d’autres textes, comme le projet de loi en cours d’examen sur le numérique (55 %) ou les projets de loi attendus sur la fin de vie (49 %) ou l’immigration (48 %).
Toujours favorables (62 %) à la situation de majorité relative à l’Assemblée nationale, quoique moins qu’il y a un an (71 % en octobre 2022), les Français sont 59 % à estimer que l’Assemblée nationale représente bien les différentes forces politiques qui existent en France. Mais seulement 44 % à considérer qu’elle représente bien la société française. Interrogés sur l’« attitude » des groupes d’opposition de gauche radicale, seulement 38 % estiment qu’elle est « constructive ».
Dissoudre l’Assemblée, une alternative de moins en moins souhaitée
Moins d’un tiers des Français se déclare satisfait de l’activité des différents groupes, tandis que celle du Rassemblement national atteint même 39% de satisfaction. Les députés Insoumis sont ceux qui enregistrent le taux le plus bas, avec 22 % de satisfaits. Par ailleurs, environ un Français sur deux (51 %) considère que le président de la République doit dissoudre l’Assemblée nationale (contre 55 % en avril, à la faveur du remaniement ministériel).
Le sondage Toluna Harris Interactive, réalisé en ligne du 19 au 22 septembre sur un échantillon de 1.095 personnes représentatif des Français majeurs selon la méthode des quotas, s’inscrit dans un baromètre trimestriel sur la manière dont les Français suivent l’actualité parlementaire.